Monographie de Thiat
(Haute Vienne - 87)

établie par Messieurs Bastien et Mathieu,
instituteurs à Thiat, juste avant 1914

 

 

extrait du tome 2 de "la Haute Vienne Secrète" de J.F. Julien, édité par Le Populaire du Centre

 

Avant 1789, le territoire de la commune de Thiat faisait partie des seigneuries de La Côte-au-Chapt et de La Peyrière. Les ruines des châteaux de ces seigneuries se trouvent sur la rive gauche de la Brame, dans la commune de Darnac et dans celle d'Oradour-Saint-Genest.

 

la Tour de la Côte-au-Chapt

 

Jusqu'en 1861, Thiat ne forma qu'une seule commune avec Darnac. Le décret impérial du 28 août 1861 fit de Thiat le chef-lieu d'une administration communale distincte.

 


http://www.viamichelin.fr

 

Le bourg de Thiat ne date que du milieu du XIVe siècle. Au VIIe siècle avait été fondé par Saint Léger, évêque d'Autun et ministre de Childéric II, le bourg de Saint-Léger qui a disparu. Pendant la Guerre de Cent Ans, en 1356, les Anglais, qui avaient attaqué la ville fortifiée du Dorat où ils échouèrent, se dirigèrent vers le Nord et détruisirent de fond en comble le bourg de Saint-Léger. Les habitants transportèrent leurs demeures sur le versant de la Brame et fondèrent Thiat.

Le bourg de Saint-Léger était habité, comme le fut par la suite celui de Thiat, par de nombreux industriels : forgerons, verriers, tanneurs et potiers.

 

 

On retrouve dans les bois du Ratier, situés non loin du bourg de Thiat, les restes d'une ancienne verrerie. De même, sur la rive droite de la Brame, près de l'ancien moulin de Chez Joyeux, il existe, provenant d'anciennes forges, un amas de plusieurs milliers de mètres cubes de scories.

 

 Canton du Dorat - le Pont des Tanneries, près de Thiat

 

Il ne reste plus aucun vestige des anciennes tanneries établies sur la Brame, dans le voisinage de la route actuelle de Thiat à Darnac.

La commune de Thiat est limitée au nord par le département de la Vienne d'où elle en est séparée par le ruisseau de Montagne, à l'est le ruisseau de la Glayolle la sépare de la commune d'Oradour-Saint-Genest. La Brame coule au sud entre la commune de Thiat et celle de Darnac. Sur la rive gauche de la Brame se trouve une étendue de trois à quatre hectares comprenant le moulin de La Forge et ses dépendances qui font aussi partie de la commune de Thiat. A l'ouest, la Gartempe sert de frontière naturelle sur une longueur de près de deux kilomètres. Elle sépare la commune de Thiat de celle de Bussière-Poitevine et de celle de Saint-Rémy.

La commune de Thiat, d'une superficie de 1135 hectares, est une des plus petites du canton du Dorat. Sa population était de 690 habitants en 1911. C'est la deuxième commune du canton par rapport à la densité de sa population. Son chef-lieu est à 1°21'53'' de longitude ouest et à 46°16'' de latitude nord.

Elle comprend deux régions distinctes. Au sud de la rive droite de la Brame se trouvent des coteaux escarpés s'étendant sur une longueur d'environ six kilomètres et sur une largeur ne dépassant pas trois cents mètres. Ces coteaux sont couverts de pacages et de taillis. Le point le plus élevé est un mamelon en forme de ballon dit le Chatillon qui est à une altitude de 222 mètres.

La plus grande partie du territoire forme une plaine légèrement inclinée vers le nord-ouest.

 

 

Les eaux de ruissellement se déversent toutes dans la Gartempe, soit directement, soit par ses affluents la Brame et le ruisseau de Montagne. Ce dernier ruisseau, qui prend sa source près de la station de Thiat-Oradour, est alimenté par deux petits étangs, situés mi-partie sur la commune de Thiat et sur celle de Lathus.

La Brame reçoit aussi sur sa rive droite quelques petits ruisseaux, dont les plus importants sont ceux de la Glayolle et des Quenouillères. Ce dernier coule à deux cents mètres environ à l'est du bourg de Thiat.

La Brame est assez rapide, surtout dans la dernière partie de son cours. A six cents mètres en amont de son confluent, elle présente la magnifique cascade du Saut-de-Bram avec son puits et ses rochers originaux qui font l'admiration des touristes.

 

le Saut-de-Bram, près de Thiat

 

La commune de Thiat est moins froide et moins humide que le centre et le sud du département ; cette variation de climat est due à une altitude moins élevée et à des vallées moins profondes. Les vents dominants sont ceux du sud-ouest et de l'ouest. Les brouillards y sont peu fréquents.

Le terrain est siliceux et silico-argileux. Il convient très bien à la culture des céréales et à celle de plantes sarclées. Les vallées sont couvertes de prairies naturelles de première qualité. Au nord de la commune se trouvent les bois du Ratier qui ont une superficie de près de soixante-dix hectares.

Il y a cinquante ans, la moitié du territoire environ était couverte de bruyères ; n'étaient cultivés que les coteaux de la Brame. La vigne y occupait un rang important. Aujourd'hui, la vigne n'existe plus ; tous les terrains sont à peu près cultivés, à l'exception des communaux appartenant à la section du bourg. Il y a là vingt-deux à vingt-trois hectares de bruyères et d'ajoncs improductifs.

La propriété est très morcelée et se trouve entre les mains de petits propriétaires qui cultivent eux-mêmes. On ne compte que quatre propriétés confiées à des métayers dont la superficie dépasse vingt-cinq hectares.

La cause de ce morcellement peut être attribuée à la vente, sous la première République, des biens confisqués aux seigneuries de la Côte-au-Chapt ou de la Peyrière. Comme conséquence, il est rare que, dans les familles de petits cultivateurs, plusieurs enfants se fixent au sol natal. Beaucoup émigrent et s'établissent le plus souvent à Paris et dans la Vienne ou la Charente Inférieure.

 

ruines de la Peyrière, aujourd'hui la Perrière

 

Dans les environs de Thiat se trouve une terre argileuse employée dans l'industrie de la poterie. Cette industrie, à laquelle Thiat doit sa célébrité, était florissante encore il y a quarante ou cinquante ans. Quinze à vingt familles étaient occupées à la fabrication des cuviers, des ponnes ou jattes et des pots. Tous ces fabricants trouvaient une vente facile de leurs produits. De nos jours encore, ces jattes sont recherchées par les ménagères qui les préfèrent pour la conservation du lait à celles ayant une autre provenance.

 

 Femmes de potiers (!!), à Thiat

 

Aujourd'hui, l'industrie de la poterie est à peu près abandonnée ; il n'y a plus qu'une seule famille qui fabrique irrégulièrement, et avec un outillage primitif, les jattes et les cuviers.

Les tuileries avaient occupé jadis une certaine place dans l'activité industrielle du pays : chaque tuilier possédait simultanément un four à brique et un four à chaux. La proximité des carrières du Poitou permettait de se procurer à des prix avantageux la pierre calcaire. On ne trouve plus qu'une seule tuilerie qui ne fabrique que la tuile courbe et la brique.

 

le Saut- de la Brame, près de Thiat

 

Sur les coteaux qui longent le cours de la Brame, et surtout dans le dernier kilomètre de son cours, on trouve des roches superbes, granit fin et de taille facile. Elles sont si abondantes qu'on n'a exploité jusqu'à présent que celles qui se trouvaient à fleur de terre. Une douzaine d'ouvriers s'emploient annuellement à la taille de cette pierre qui est exportée dans les localités avoisinantes et même dans les grandes villes.

Sur tout le cours de la Brame, et particulièrement dans l'écluse du moulin de Bram, on extrait par centaines de mètres cubes un sable fin de première qualité.

Les deux rivières qui arrosent la commune de Thiat faisaient mouvoir autrefois une douzaine de moulins à farine. Leur nombre est réduit de moitié et leur activité décroît de jour en jour parce qu'aucun ne s'est modernisé.

Il y avait aussi trois pressoirs où l'on fabriquait l'huile de colza. Ces usines mues par la force hydraulique ont à peu près disparu ; il n'en reste plus qu'une seule.

Le commerce local comprend surtout l'exportation des moutons abattus. Au chef-lieu de la commune, on compte huit tueries, et les bouchers expéditeurs, appartenant tous à la même famille, envoient annuellement à Paris quarante à cinquante mille moutons.

Le commerce des viandes se fait à Thiat depuis très longtemps, mais avant l'établissement de la ligne de chemin de fer de Poitiers à Saint-Sulpice-Laurière, on ne faisait pas d'exportation. Quelques bouchers achetaient des brebis de qualité inférieure qu'ils revendaient au détail à vil prix.

La population agglomérée du bourg de Thiat compte quatre cents habitants. Avant que Thiat soit érigée en commune, la plupart étaient miséreux : des familles nombreuses habitaient de petites maisons à un étage, basses et sombres, d'une seule pièce. Dans quelques-unes s'entassaient bêtes et gens.

 

 Thiat - Rue principale

 

Il n'était pas rare de voir des femmes et des enfants, par troupes, aller quêter de village en village dans les communes voisines. Les femmes portaient des jattes grossières qu'elles échangeaient contre leur contenu de châtaignes ou de pommes de terre.

Depuis cinquante ans, la population a fait des progrès considérables : les vieilles maisons ont fait place à de coquettes demeures et on ne reconnaît plus rien de l'ancien Thiat. Les habitants sont actifs et commerçants, tout en menant une vie paisible et sobre. Ils sont calmes et simples dans leurs goûts. Leurs habitudes sont généralement moins rustiques que celles des habitants du sud du département. Les gens sont sans préjugés : on ne croit ni aux sorciers, ni aux revenants. Il n'y a point de rebouteux.

 

le temple de Thiat

 

La population de Thiat appartient à deux cultes : le culte catholique et le culte protestant. Les catholiques représentent les trois quarts de la population totale. Les uns et les autres ont une église et pratiquent d'une façon suivie les diverses cérémonies de leurs cultes. Malgré cette différence de religion, tous en général vivent en parfaite intelligence.

Le protestantisme a fait son apparition à Thiat en 1844. Aussitôt l'autorité diocésaine fit créer une succursale.

 

l'église de Thiat

 

Catholiques et protestants avaient chacun leurs écoles : les unes dirigées par le curé et des religieuses, les autres par des membres de la société évangélique. Au début, ces écoles étaient libres. Une école communale de garçons fut créée en 1862 ; elle n'était fréquentée que par les catholiques. L'école protestante de garçons, fondée en 1845, devint aussi école communale en 1878. Ces deux écoles fusionnèrent en 1897. A cette date fut créée une école communale de filles. Il existe encore aujourd'hui une école libre de filles, installée dans les locaux de l'ancien couvent.

Ces écoles ont été fréquentées avec assiduité. Plusieurs enfants de Thiat se sont fait des situations aussi honorables que lucratives : ingénieur des Manufactures de l'Etat sorti de Polytechnique, professeur de lycée, licencié es lettres, avocat, docteur en théologie, ministres de la religion protestante, médecin-vétérinaire, ingénieur agronome, professeur d'horticulture, instituteurs, institutrices, employés des postes et télégraphes, employés des chemins de fer, industriels et commerçants. Tous sans exception reviennent régulièrement passer une partie de leurs vacances à Thiat et y reprennent la vie simple des habitants du pays.

 

 

Le français est parlé d'une manière assez correcte, même par les personnes âgées, mais avec l'accent poitevin. On parle couramment un patois ou plutôt un jargon dans lequel on fait élision de la plupart des syllabes muettes. Cette élision se fait aussi sentir en parlant le français.

Les Thiachons ont des dispositions naturelles pour le chant et, cependant, cet art n'a guère son application que dans les cérémonies religieuses de l'un et l'autre culte. La danse est peu en honneur. On chante et l'on danse à l'occasion d'un mariage. Il n'y a de bals publics que le jour de la fête locale qui a lieu le deuxième dimanche du mois de septembre.

 

 

 

 

Thiat a une société de tir (SAG) des plus anciennes du département. Sa fondation remonte à 1878. Elle compte aujourd'hui cinquante membres actifs.

En 1862, il n'y avait pas un mètre de route sur toute l'étendue de la commune, et pas un pont sur la Brame et sur la Gartempe. On raconte qu'au moment des grandes crues, lorsque la Brame était débordée, les habitants de Thiat gardaient leurs morts pendant plusieurs jours avant de pouvoir les transporter et les inhumer dans le cimetière de Darnac.

Aujourd'hui, il y a deux ponts établis sur la Brame et un sur la Gartempe. Thiat est desservi par deux chemins de Grande Communication qui se coupent à l'intérieur du bourg et dont la longueur est de 10 kilomètres 650. En outre, les différents hameaux sont desservis par trois chemins vicinaux ordinaires d'une longueur totale de 3 kilomètres 870. Un quatrième chemin vicinal ordinaire est à la veille d'être mis en exécution.

La ligne de chemin de fer de Poitiers à Saint-Sulpice6Laurière, ouverte à l'exploitation le 25 décembre 1867, passe sur les confins de la commune de Thiat, et sur un parcours de quinze mètres seulement, près de la station de Thiat-Oradour. Cette station se trouve entièrement sur le territoire de la commune d'Oradour-Saint-Genest ; elle est distante de quatre kilomètres du bourg de Thiat.

Le mouvement de cette gare porte surtout à l'expédition sur les viandes de Thiat et sur les céréales, blés et avoines, provenant des différentes communes de la région : Lussac-les-Eglises, Verneuil-Moutiers, Tersannes, Azat-le-Ris, Oradour-Saint-Genest, Darnac et Thiat. Le montant du trafic atteint aujourd'hui près de cent mille francs. Cette gare reçoit les vins et les engrais commerciaux pour toute la région.

Thiat possède son bureau de poste depuis 1883. Vingt ans après furent installés le télégraphe et le téléphone. Les habitants du bourg reçoivent leurs correspondances deux fois par jour. Le bureau de poste fait un chiffre d'affaires important par suite du nombre de commerçants.

Si la population du chef-lieu de la commune a fait des progrès considérables depuis moins de cinquante ans, celle des hameaux est restée plus stationnaire.

Dans la plupart des hameaux, on ne rencontre que des agriculteurs. Les principales cultures du pays sont les céréales et les plantes sarclées. L'élevage et l'engraissement y sont largement pratiqués.

Comme il a été dit d'autre part, le morcellement de la propriété a été la cause de l'émigration et du dépeuplement des hameaux :

 

 Canton du Dorat - Fabrique de cidre à la Côte-au-Chapt, près de Thiat

 

 

la Gartempe au pont du Mas-Sugeon, près de Thiat

 

Les autres hameaux par ordre d'importance sont :

 

Il reste encore à nommer les moulins et anciens moulins établis sur la Brame. Ce sont, en remontant le cours de la rivière :

 

Thiat - Bords de la Brame - Le Pétrot

 

 

Thiat - le moulin de Guinay

 

 

Thiat - le moulin de Chez Joyeux

 

 

On peut dire sans chauvinisme que la commune de Thiat est une de celles qui ont fait les progrès les plus sensibles depuis le jour où elle eut administration communale distincte. En cinquante ans, elle a contribué à la construction de trois ponts, de 14 kilomètres 520 de routes ; elle a également contribué à l'achat et à la construction d'une école de garçons et d'une école de filles. Elle a acquis un cimetière qui a été récemment entouré de murs. Elle s'est imposé des sacrifices considérables pour son bureau de poste, son télégraphe et son téléphone.

Malgré ces dépenses excessives et le peu de ressources dont elle disposait, son budget communal est peu grevé.

Il reste encore plusieurs améliorations qui sont impatiemment attendues ; mais avant peu Thiat aura ses foires. Peut-être aussi sera-t-il éclairé à l'électricité et sera-t-il desservi par une ligne de tramways départementaux…

 


 

Sources et liens :

la municipalité de Thiat et son maire, Jean-Pierre Roy, qui, contacté en avril 2004, a recherché pour nous cette monographie.

 

Thiat, un petit coin du Limousin
Vous y découvrirez, entre autres choses, des dizaines de cartes postales anciennes de Thiat et de sites pittoresques alentour !
http://royjp.chez.tiscali.fr/General/index_explorer.html

 

Pays de Basse Marche, Porte du Haut-Limousin
http://www.paysdebassemarche.com/thiat.htm

 

 

 

Septembre 2007 : Xavier Tingry, de St Léger Magnazeix (Haute Vienne), est allé visiter Thiat et "le bourg de Saint-Léger". Voici ses annotations et ses clichés :

Thiat (87320) : village fleuri - 1 église et 1 temple - alt. 210 m - 300 habitants env - mairie : 05 55 68 43 87

 

 

 

 

 

 le temple et l'église de Thiat

 

hors du bourg, vestiges de la chapelle Saint-Léger : 1 croix - 1 sarcophage moussu - 1 mur d'enceinte envahi de mauvaises herbes - quelques amoncellements de grosses pierres au pied des arbres dans un pâturage environnant - accès par une sente vers les vestiges et une pâture privée

 

vestiges de la chapelle (Xavier - photo de droite - n'en fait pas partie !)

 

 

 vestiges du village

Merci, Xavier !

 


 

Et voici un article de la revue Limoges illustré (publication bi-mensuelle, artistique, scientifique et littéraire)

en date du 15 novembre 1903 :

 

 


 

Vous trouverez là un bel article du Populaire du Centre concernant Thiat, en date du 9 avril 2023.

 

 

Merci de fermer l'agrandissement.

 

 

 

https://www.stleger.info