Saint Léger - Fête le 2 octobre - 3 octobre 

par Denis Grivot
La Légende Dorée d'Autun
Lescuyer - Lyon
1974

 

C'est vers 615 que Léger naquit dans une famille qui habitait les bords du Rhin ; il était cousin de sainte Odile. Il fut confié à l'école du roi Clotaire avec d'autres enfants de familles importantes. A la fin de son adolescence, il rejoignit son oncle Diddon, évêque de Poitiers, qui l'ordonna prêtre ; il devint abbé de Saint-Maixent ; attiré à la cour, il devint conseiller de la reine Bathilde, qui vers 663 le fit nommer évêque d'Autun ; rien n'allait plus à Autun, après la mort de l'évêque Ferréol, vers 660 : deux personnages se disputaient le siège épiscopal ; les mérites ne comptant guère pour la revendication du poste, chacun prenait ses partisans où il pouvait ; on se fit la guerre : l'un des prétendants fut tué et l'autre s'enfuit ; dans les évêchés voisins, la situation était identique ; à cette époque, les gens qui avaient du caractère se faisaient évêques, brigands ou moines ; il arrivait qu'il y ait quelques mélanges et la situation n'était pas facile à rétablir.

En arrivant à Autun, Léger commença par consolider les remparts de la ville, non pas les remparts de la grande ville romaine depuis longtemps abandonnés, mais ceux du castrum, ceux qui entouraient sa cathédrale Saint-Nazaire : la partie méridionale de la tour dite de Saint-Léger, à l'Evêché, doit probablement dater de cette époque. Cela fait, il restaura et embellit la cathédrale, avec des marbres et toutes sortes de décorations. Il institua également une aide pour les pauvres : cette institution fut très durable et conserva longtemps le nom d'aumône de Saint-Léger.

 

enluminure représentant le saint Léger - bréviaire à l'usage de Paris, daté d'aux environs de 1414

 

Léger devait se trouver à l'étroit dans le cadre d'Autun qui ne suffisait pas à son activité ; il avait conservé des relations à la "Cour" où régnait en fait Ebroïn. Il est certain que les deux caractères de Léger et d'Ebroïn devaient être assez semblables ; les biographes se sont trop plu à noircir Ebroïn qui n'avait pas besoin de cette attention et à blanchir Léger qui faisait la politique de son époque. La reine Bathilde fut mise à l'ombre ; Ebroïn proposa alors son protégé Thierry et Léger le sien, Childéric, fils de Bathilde ; ce dernier l'emporta ; Ebroïn n'avait plus qu'à disparaître ; on l'envoya au monastère de Luxeuil où il prit l'habit monastique ; personne ne signale qu'il vivait plus mal qu'un autre ; l'entente entre Childéric et Léger fut de courte durée ; tout faillit se terminer tragiquement le jour de Pâques 673 à Autun. Léger était revenu dans sa ville épiscopale pour la Semaine Sainte ; il avait invité le roi et toutes sortes d'autres personnalités dont un certain Hector, ami de Léger. Quelques esprits rapides, dont un reclus, Marcolin, arrivèrent aisément à persuader Childéric que Léger et Hector conspiraient contre lui. En plus de ces complications, une sombre histoire d'héritage opposait Hector à sa femme défendue par saint Prix, évêque de Clermont, qui dut venir à Autun et réussit à confondre Hector et du même coup Léger.

Pour Pâques, l'évêque de Clermont refusa de dire la messe à la cathédrale, et resta à Saint-Symphorien auprès du roi qui, pour se consoler, but un peu plus que de coutume et décida au milieu de la nuit de Pâques de monter à la cathédrale pour arrêter Léger ; ébloui par la lumière et les ornements, il n'osa s'en prendre à l'évêque qui comprit cependant que sa situation devenait intenable ; il décida de fuir avec Hector ; on les rattrapa et Léger fut conduit à Luxeuil, où il retrouva Ebroïn, le moine Ebroïn. On se réconcilia, mais l'abbé de Luxeuil, homme prudent, plaça les deux ennemis réconciliés dans des cellules assez éloignées l'une de l'autre. Childéric restait seul maître de la situation : on l'assassina ; Ebroïn et Léger, moines de par la volonté de Childéric, ne manifestèrent pas l'envie de continuer l'expérience monacale ; ils quittèrent le monastère, à quelques jours de distance ; sur la route d'Autun, ils étaient redevenus ennemis.

Léger fit une entrée triomphale à Autun, suivi à quelques jours de distance d'Ebroïn, qui encercla la ville ; Léger, voyant qu'il ne pouvait plus rien, décida de s'offrir au vainqueur qui était accompagné de l'évêque de Chalon, Diddo ; il espérait peut-être la pitié de son confrère ; il n'en fut rien ; on le conduisit sur la montagne, on lui creva les yeux, et on l'envoya en Champagne où il fut jugé avec son frère Guérin : ledit Guérin fut exécuté ; quant à Léger, on le fit marcher sur du verre, on lui coupa la langue et on le confia à un garde sûr ; plus tard, il fut dégradé par quelques-uns de ses pairs et décapité.

Son prestige avait grandi au cours de ses humiliations ; il devint très vite populaire dans la France entière, en Allemagne et en Suisse ; la ville de Lucerne porte son nom, en souvenir du monastère Saint-Leodigar dépendant de Murback ; la légende de sa vie est représentée à l'intérieur du pont de bois de Lucerne.

 

Lucerne (Suisse) - le pont de bois de la Chapelle ou Kappelbrücke, au début du XXe siècle

 

Les historiens sont en général assez sévères pour saint Léger ; il est probable qu'il avait un besoin aigu de commander et un art consommé d'embrouiller les situations ; il faut reconnaître que l'époque se prêtait à ces jeux d'influence. Il n'en reste pas moins que les contemporains de Léger admiraient en lui le goût du risque, l'esprit d'à propos et le sens des responsabilités qui le mena au martyre.

Quand on sème à la Saint-Léger
On aura du blé léger.

A Laizy, on raconte une légende relative à saint Léger ; après avoir désigné l'emplacement de l'église de Saint-Léger-sous-Beuvray, saint Léger et saint Julien se donnèrent rendez-vous pour le lendemain ; le lieu où ils se rencontreraient serait choisi pour y bâtir l'église de Laizy ; la rencontre eut lieu à la Planchotte, à 500 mètres du bourg de Laizy ; l'emplacement ne plut pas du tout à Léger qui mit son veto ; ils allèrent plus loin et s'arrêtèrent sur le Buchenat, montagne qui sépare Saint-Léger de Laizy ; on peut voir encore les deux roches taillées en forme de siège sur lesquelles nos deux voyageurs se reposèrent et qui portent le nom de selles de Saint-Léger et de Saint-Julien ; après avoir conversé saintement, ils descendirent et s'arrêtèrent au hameau de Méley ; Léger dit alors à son compagnon : "Jette ton manteau,là où il tombera, ton église bâtiras.", ce qui fut fait.

 

Autun (Saône et Loire) - vue prise de Couhard

 

A Autun, on vénérait particulièrement saint Léger ; la fontaine du faubourg de Breuil s'appelait fontaine Saint-Léger ; celle de Couhard, sur le côté droit de la rue montant de Saint-Pancrace, s'appelait également fontaine Saint-Léger ; d'après la légende, c'est à cet endroit que saint Léger eut les yeux crevés ; dans la petite niche de la fontaine se trouvait autrefois une statuette de l'évêque ; on y venait en pèlerinage le 2 octobre ; on y demandait la guérison des affections de la vue ; c'est à cette fontaine que venaient les prêtres pour faire de l'eau bénite ; la fontaine a malheureusement été détruite en 1974 ; la confrérie de Saint-Léger établie à Couhard subsista même pendant la Terreur.

A Saint-Pantaléon, il existait une chapelle Saint-Léger sur le chemin d'Autun à Nolay ; cette chapelle était déjà en ruines au milieu du XVIIIe siècle ; on voyait également une chapelle Saint-Léger à Curgy au lieu-dit Chapelle-Saint-Léger ; cet oratoire dépendait de Saint-Denis-de-Péon. A Charnay-les-Mâcon, l'église Saint-Léger, au hameau du même nom, était paroissiale ; elle était bâtie à côté d'une source et fut démolie au XIXe siècle. Longtemps après la disparition de l'église, les femmes du pays et des environs vinrent gratter la pierre qui avait été l'entrée de l'église pour mêler la poussière aux aliments des enfants atteints du carreau. A Chapaize, non loin du lavoir, se trouve la source Saint-Léger auprès de laquelle était érigée une chapelle ; on y venait en pèlerinage le 2 octobre. A Bissey-sous-Cruchaud, on voyait dans le jardin de la cure une fontaine couverte dite de Saint-Léger ; on y venait de loin pour y puiser de l'eau qui guérissait du goître ; pour empêcher les abus, le curé avait fait établir un mur, mais les fidèles de la fontaine passaient par-dessus le mur ; depuis, la fontaine a été entièrement bouchée. La fontaine Saint-Léger du village de Saint-Léger-du-Bois se trouvait à côté de l'église ; les femmes venaient y laver les chemises des enfants malades afin de les guérir des coliques ; elles emportaient de l'eau qu'elles faisaient boire aux malades.

A Bourbon-Lancy, au faubourg Saint-Léger, se trouvait une paroisse avec une église qui fut détruite en 1803 ; la place Saint-Léger s'appelle aujourd'hui place d'Aligre ; il reste encore un puits Saint-Léger. A Viry-en-Charollais, il existait une chapelle Saint-Léger ; il ne reste que le nom de la rue, rue de la Chapelle.

 

enluminure représentant le martyre de saint Léger
bréviaire à l'usage de Langres (cathédrale Saint-Mammès) - elle date d'après 1481

 

A Saint-Yan s'élevait également une chapelle Saint-Léger, ainsi qu'à Chigy, hameau de Saint-André-Ie-Désert. A Paray-le-Monial, il existait une paroisse Saint-Léger. A Navilly, l'ancienne église était sous le vocable de Saint-Léger ; elle a été détruite en 1778, on n'en a conservé que la chapelle actuelle qui se trouve dans le cimetière et le lieu-dit appelé Saint-Léger. On signale une fontaine Saint-Léger à Verzé, aux sources du Talenchant ; l'écart s'appelle Saint-Léger ; à Château, enfin, il existe un hameau Saint-Léger et à Loché un bois et un château Saint-Léger.

Saint-Léger est le patron de l'église de Couhard, hameau d'Autun, de Saint-Léger-du-Bois, Saint- Léger-les-Paray, Saint-Léger-sous-Beuvray, Saint-Léger-sur-Dheune, Saint-Léger-sous-la-Bussière, Terrans ; il l'était autrefois de Cussy-en-Morvan.

Lieux où l'on trouve saint Léger : Autun, cathédrale, saint Léger se livre à Ebroïn, tableau de L. Lair, 1822 ; musée Rolin, bois doré, XVIIIe siècle ; Couhard, église, bois, XVIIe siècle ; statuette de procession, bois, XIXe siècle ; façade de l'église, pierre, XVIe siècle ; niche dans le village, saint Léger ; Saint-Léger-sur-Dheune, église, bois, XVIIe siècle ; vitrail de Bertrand, XXe siècle ; Saint-Jean-de-Trézy, église, bois, XVIIe siècle ; Saint-Léger-du-Bois, église, saint Léger assis, bois, XVIe siècle.

Denis Grivot

 

 

 "Vie de Saint Léger, Evêque d'Autin"
par un moine de St Symphorien d'Autun qui vécut auprès du saint
La Vie de Saint Léger, évêque d'Autun
vers 980 - manuscrit de la bibliothèque de Clermont-Ferrand
 "Saint Léger - La Légende Dorée"
de Jacques de Voragine, nouvellement traduite en français - 1261-1266
 "De St Léger, évêque et martyr", par le R.P. Simon Martin
Les Nouvelles Fleurs des Vies des Saints - 1654
 "Saint Léger - 2 octobre"
Les Vies des Saints - 1724
 "Histoire de saint Léger, évêque d'Autun et martyr"
par le R.P. Dom Pitra - 1846
 "Saint Léger - son martyre - sa première sépulture à Lucheux"
par l'abbé Théodose Lefèvre - 1884
 "saint Léger, évêque d'Autun, martyr"
Imprimeur E. Petithenry, Paris - vers 1900
 "Vie de Saint Léger"
par le R.P. Camerlinck, de l'Ordre des Frères Prêcheurs - 1906
 "Léger, d'Autun"
par
Dom H. Leclercq - 1929
"Eléments pour une étude sur la diffusion du culte de Saint Léger"
parue dans "la revue du Bas Poitou" tome IV - 1971
 "Saint Léger - fête le 2 octobre - 3 octobre"
La Légende Dorée d'Autun, par Denis Grivot - 1974
"Saint Léger", par Denis Grivot,
Maître de Chapelle Honoraire de la Cathédrale d'Autun
 La prédication sur Saint Léger faite à l'église protestante
de St Légier la Chiésaz (Suisse) - 1997
 
 "Saint Léger, évêque d'Autun et martyr"
2 homélies du Père Alexandre, St Léger sous Beuvray - 1998 et 2003
 "Saint Léger, porte-parole des élites bourguignonnes"
tiré du Journal de la Bourgogne - 2002
 "le bon et la brute" ou "Léger contre Ebroïn"
sur le très joli site "Auxonne, capitale du Val de Saône" - 2009

 

 

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