ugène PERRUSSOT

ébuts dans la carrière d'instituteur (août 1885 - octobre 1888)

par Michel Guironnet - octobre 2005

 

ourriers à "Monsieur l'Inspecteur d'Académie en résidence à Mâcon" (1)

Le 23 août 1885, le jeune Perrussot (il n'a que quinze ans et demi) sollicite :
"... J'ai l'honneur de vous exposer qu'ayant obtenu mon brevet de capacité à la deuxième session de l'année courante, et me trouvant dans une situation bien pénible, je désirerais pouvoir obtenir une place d'instituteur adjoint à la rentrée prochaine. J'ai perdu mon père à Toulon en 1884 pendant l'épidémie cholérique et ma mère est décédée en mai 1885, tuée par le chagrin.
Je reste ainsi chez un oncle à Saint Jean de Trézy (canton de Couches les Mines) commune voisine de Saint Léger sur Dheune, avec un jeune frère de 13 ans et une petite sœur de 8 ans, sans autre ressource que l'hospitalité de nos parents.
Ces tristes circonstances me font prendre la liberté de me recommander tout particulièrement à votre bienveillance.
Je serais bien aise de pouvoir être placé soit à Saint Jean de Trézy où l'on doit créer un poste d'adjoint, soit aux environs, afin de ne pas trop me séparer des chers petits êtres qui ont bien besoin de mon affection et de mes soins.
Daignez agréer, Monsieur l'Inspecteur d'Académie, l'hommage de mon profond respect.
Votre serviteur dévoué
Eugène Perrussot
"

 

l'église de St Jean de Trézy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

l'église de St Jean de Trézy à nouveau

 

En post-scriptum, il précise : "Notre père André Perrussot était pompier de la Marine à Toulon et est mort, en service commandé, du choléra, et sur le point d'avoir sa retraite. Il avait 298 mois 2 jours de services à l'Etat ; 58 jours le séparaient donc de sa retraite. En considération du service de notre pauvre père, je vous prierais, Monsieur l'Inspecteur, d'avoir égard à ma position tout exceptionnelle."

Le 1er septembre, Eugène remplit une "demande d'emploi dans l'enseignement primaire".
Il précise qu'il est célibataire. Il complète ainsi les rubriques du formulaire :

"Brevet de capacité : simple - date de la concession : 21 juillet 1885 - lieu de l'obtention : Mâcon"
"Résidence de l'intéressé depuis l'âge de quinze ans :

  • à Toulon (Var) élève
  • à Saint Léger sur Dheune : élève"

Aux questions "Pourriez vous enseigner la musique, la gymnastique, les exercices militaires ?" Eugène Perrussot répond "oui".
"Infirmités physiques : néant - Taille exacte : 1 m 58"

 

l'école de filles de St Jean de Trézy

 

 

 

e brevet de capacité

 

http://www.inrp.fr/musee/

 

Dans le "Dictionnaire de Pédagogie et d'Instruction primaire" publié en 1887 sous la direction de Ferdinand Buisson, à l'article "Brevet de Capacité" on lit ceci :
"C'est le nom donné en France au diplôme qui confère le droit d'exercer la profession d'instituteur ou d'institutrice primaire."
"…Tout aspirant au brevet de capacité est tenu de se faire inscrire au bureau de l'inspection d'académie un mois avant l'ouverture de la session…" Il y a deux sessions par an.
"…L'examen se divise en épreuves écrites et en épreuves orales ; il ne peut porter que sur les matières qui sont l'objet de l'enseignement dans les écoles normales primaires…"

 

 

 

Sa demande est accompagnée d'une note du maire de Saint Léger sur Dheune du 1er septembre, expliquant la difficile situation d'Eugène et appuyant sa démarche.

Le service de l'Instruction publique chargé d'examiner son dossier collecte des informations :
"Renseignements sur M. Perrussot, en résidence à Saint Léger sur Dheune qui demande un emploi dans l'enseignement"
"…Ecoles qu'il a fréquentées jusqu'au moment où il a obtenu son brevet : écoles publiques de Toulon, de Saint Jean de Trézy, de Saint Léger sur Dheune"
"…Ses antécédents, sa moralité, sa conduite : bonne conduite, garçon bien élevé et sérieux pour son âge. Son extérieur et sa santé : est sans infirmité et jouit d'une bonne santé."
"…Situation de sa famille (honorabilité, profession) : le jeune Perrussot est l'aîné de 3 orphelins ; son père est mort du choléra à Toulon en 1884, sa mère est morte cette année. Il reste à la charge d'un oncle peu aisé, avec son petit frère et sa jeune sœur. Cette situation est très digne d'intérêt. La famille est honorable. L'oncle est cultivateur."
"Son aptitude présumée à l'enseignement : réussit bien comme moniteur, est vigilant, laborieux, et donne beaucoup à espérer qu'il fera un bon instituteur."
"Chalon le 9 sept. 1885 - l'Inspecteur primaire Pautrey"

 

 

 

Malheureusement, Eugène Perrussot est encore trop jeune (il n'a pas 16 ans) pour être nommé à un poste, même en faisant jouer les dérogations.

Monsieur Moine, le vieil instituteur de Saint Jean de Trézy, adresse un courrier personnel à l'Inspecteur primaire le 24 novembre 1885 :
"…J'ai l'honneur de vous informer que depuis longtemps je suis atteint de douleurs rhumatismales et cette maladie a tellement augmenté depuis quelques jours que, seul, je ne puis faire ma classe.
En conséquence, je vous prierais, Monsieur l'Inspecteur, de vouloir bien m'autoriser à employer comme aide le jeune Perrussot Eugène, âgé de 17 ans, domicilié à St Jean de Trézy, ayant obtenu son brevet à la session de juillet dernier, ou, si vous aimez mieux, m'envoyer un suppléant.
Si l'habitation que je fais faire était prête, je demanderais à être mis à la retraite de suite, mais cette habitation ne sera terminée que dans le mois de mars prochain…
"

Un certificat médical est joint à sa lettre pour bien attester de ses infirmités.

 

 

 

 

L'Inspecteur primaire transmet la demande à l'Inspecteur d'Académie :
" …M. Moine, qui a encore un an de service à faire pour avoir droit à une pension de retraite, est dans l'impossibilité de pouvoir continuer seul dans ses fonctions.
Je vous prie en conséquence, Monsieur l'Inspecteur d'Académie, de vouloir bien accorder à M. Moine l'autorisation qu'il sollicite.
M. Perrussot, qui est l'un de ses anciens élèves, est un jeune homme convenable et digne d'intérêt…
"

L'Inspecteur d'Académie répond d'Autun le 26 novembre 1885 :
N'ayant pas encore 17 ans et "par commisération de sa situation", Eugène est désigné "comme auxiliaire chez M. Moine, malade".
"Il n'est pas possible de le proposer immédiatement pour un emploi réglementaire. Je le ferais dès qu'il approchera de ses 18 ans."

 

une ferme, à St Jean de Trézy

 

De Saint Jean de Trézy, le 19 janvier 1886, Eugène Perrussot s'adresse à nouveau à "Monsieur l'Inspecteur d'Académie de Saône et Loire". Il lui écrit sur du papier bordé de noir, comme lorsque l'on annonce un décès ou répond à des condoléances !
Ce courrier ressemble beaucoup à celui qu'il lui a adressé cinq mois plus tôt.
Il rappelle le décès de son père "frappé en service commandé par l'épidémie cholérique qui a sévi avec tant d'intensité en 1884 dans le port de Toulon", celui de sa mère "tuée par le chagrin".
Il évoque sa triste situation : "nous sommes restés trois orphelins en bas âge et à la charge d'un parent, oncle par alliance." Cet oncle, Jean Dutroncy, n'est "qu'un pauvre vigneron, qui n'a que ses bras pour vivre et qui se trouve alors dans l'incapacité de pourvoir à tous nos frais."
Eugène explique encore : "Je suis l'aîné des trois orphelins et j'ai obtenu en juillet dernier mon brevet élémentaire de capacité."
"Etant dans une situation déplorable, sur le point de manquer de pain, car notre oncle déjà vieux peut tomber malade d'un moment à l'autre, sans ressources, car notre père ne nous a laissé aucun droit à la retraite quoique cinquante huit jours l'en séparaient, et les faibles secours accordés par la ville de Toulon ayant été totalement absorbés durant la longue maladie de notre pauvre et regrettée mère…"
Il sollicite à nouveau un poste d'instituteur adjoint en Saône et Loire afin d'être "tout près de ces pauvres chers petits êtres, mon frère et ma sœur, à peine âgés de huit ans…"

En post-scriptum à sa demande :
"Ci-joint une pièce de Monsieur le Maire de St Jean de Trézy pour constater la position de Monsieur Dutroncy, tuteur des orphelins Perrussot".
Sur une feuille annexe :"Le maire du village de Saint Jean de Trézy certifie que Dutroncy Jean, tuteur des orphelins Perrussot, est sans moyens d'existence. Le conseil municipal de la dite commune prie M. l'Inspecteur d'Académie d'accorder au jeune Perrussot un poste d'instituteur adjoint afin de décharger son oncle et tuteur qui a fort à faire pour pourvoir aux besoins des orphelins. C'est un bon sujet qui a servi dans ma commune à l'école pendant la maladie de M. Moine, instituteur décédé, et qui se trouve, par ce décès, sans emploi.
18 janvier 1886. Perricaud
"

 

la mairie de St Jean de Trézy (1950)

 

Sur le courrier même, cette note laconique de l'Inspecteur : "Répondre que je placerai M. Perrussot aussitôt que possible. C'est-à-dire dès qu'il approchera de 18 ans" et cette précision : "fait le 21 janvier 1886".

 

 

 

 

 

nstituteur adjoint à Saint Vallier

Tout arrive à qui sait attendre ! Mi-avril 1886, Eugène Perrussot est nommé instituteur adjoint à Saint Vallier, dans le canton de Montceau les Mines, en Saône et Loire.

 

Saint Vallier se situe dans la cible bleue.

 

Le 25 avril, Eugène remercie l'inspecteur d'académie pour sa nomination et lui dit que, le 3 mai, il sera rendu dans la commune désignée. A cet effet, il le prie "de lui envoyer un billet demi tarif de Saint Léger sur Dheune à Saint Vallier".

Le procès verbal d'installation du nouvel instituteur est daté du 3 mai 1886.
Enfin, Eugène Perrussot est en poste ! Son traitement fixe est de 700 francs.
Le directeur de l'école primaire de garçons s'appelle Morain.

Le 4 juillet 1886, Eugène est inspecté.
Grâce au rapport d'inspection, nous apprenons qu'il a fait ses études "à l'école Rouvière, Toulon (Var)" Elle existe toujours à Toulon.
Paul Guillaume Rouvière lègue toute sa fortune à la ville de Toulon par testament du 11 mars 1878 pour créer une "Ecole supérieure laïque de garçons".
La municipalité choisit pour l'édifier le coin de la rue Truguet et de l'actuel boulevard de Strasbourg. Commencée en 1880, elle est inaugurée le 11 mai 1882.
Eugène Perrussot y a donc étudié entre 1882 et 1885.

Appréciations de l'inspecteur primaire sur l'instituteur adjoint de Saint Vallier :
"Capacité : très bonnes - Zèle : il y en a - Exactitude : bonne - Moralité : très bonne
Tenue : très bonne - Infirmités physiques : aucune - Caractère : bon
Relations avec le Directeur de l'école : bonnes et suivies
Relations avec les familles : bonnes mais restreintes
Sa manière d'être avec les enfants qui lui sont confiés : s'en occupe sérieusement
Considération dont il jouit : bonne
" (juillet 1886)

 

St Jean de Trézy

 

Le 18 janvier 1887, nouvelle inspection. Les avis sont plus sévères :
"La classe est elle préparée : oui - La classe est elle bonne, médiocre ou mauvaise : très médiocre
Qualités principales de l'adjoint : assez instruit, actif - Défauts principaux de l'adjoint : ne sait pas faire la classe
Peut il être chargé de la direction d'une école : non
Quelle est l'opinion du directeur de l'école sur ce fonctionnaire : passable
"
"Note générale de l'Inspecteur primaire : M. Perrussot fait assez bien une leçon mais ne voit que deux ou trois élèves dans la division à laquelle il s'adresse ; il ne sait pas occuper simultanément tous ses élèves, aussi dans sa classe y a-t-il beaucoup de désordre. C'est un maître à former et il y a de l'étoffe ; actuellement il est médiocre."

Mi janvier 1888, l'Inspecteur conclue son inspection par ces mots : "Maître assez capable, mais ayant peu d'aptitudes ; ne s'élève pas au dessus du médiocre".
Il note qu'Eugène est "doux, calme" mais "manque de coup d'œil".
"M. Perrussot manque d'activité. Pendant une leçon, il ne voit pas ses élèves et ne sait pas à propos réveiller leur attention par un mot ; aussi, tout en s'occupant consciencieusement, il obtient peu de résultats. Enfin, l'ordre et la discipline ne sont pas toujours satisfaisants dans la classe. C'est toujours un maître médiocre.
Montceau (les Mines) le 22 janvier 1888
".

 

St Jean de Trézy

 

A la fin de l'année précédente, Eugène Perrussot a écrit à l'Inspecteur d'académie à Mâcon :
"Saint Vallier, le 18 décembre 1887
J'ai l'honneur de vous exposer que Madame Morain désirant rentrer dans l'enseignement et faire la classe dans l'école dirigée par Monsieur Morain, son mari, [école] où je suis placé en qualité d'instituteur adjoint, je me vois obligé de venir vous demander mon changement…
"

Eugène rappelle sa situation, son père mort à Toulon "ne nous laissant aucun droit sur sa pension", sa mère morte l'année suivante, les orphelins à la charge de son oncle.
"…En conséquence, je viens vous prier de vouloir bien m'accorder un poste où je ne sois pas obligé de recourir sans cesse à mon oncle qui n'est pas trop riche, qui est déjà vieux, et qui a lui-même une nombreuse famille.
Dans le cas où une place d'instituteur adjoint deviendrait vacante à Montceau les Mines, je serais très heureux d'y être nommé.
D'ailleurs, je serais à proximité de ma famille qui habite Saint Jean de Trézy, ensuite le Directeur de l'école de Montceau les Mines, Monsieur Gautheron, est mon ancien instituteur. C'est lui qui m'a préparé et présenté au Brevet de Capacité, et je tiendrais à être placé sous sa direction.
Enfin, si toutefois Montceau les Mines n'allait pas se trouver vacant, je vous prierais, Monsieur l'Inspecteur d'académie, de ne pas trop m'éloigner de ma famille et de me placer soit à Couches les Mines, soit à Saint Léger ou à Saint Bérain sur Dheune, soit dans toute autre commune avoisinant Saint Jean de Trézy…
"

Sa demande obtient un avis favorable. Elle est transmise le 27 décembre 1887 avec cette appréciation "M. Perrussot est un maître très ordinaire, il ne peut être placé dans une classe nombreuse."

 

Saint Vallier - 1903

 

Le 19 janvier 1888, il est nommé instituteur stagiaire à Toulon sur Arroux, en remplacement de Monsieur Chachuat.

Le 23 janvier Louis Conquis, maire de la commune, signe le procès verbal d'installation du nouvel instituteur de Toulon sur Arroux. Il précise que "M. Perrussot Eugène Henri Jean Baptiste" est né le 24 janvier 1869 "à Toulon sur Mer (Var)".

Le lendemain, Eugène Perrussot fêtera ses 19 ans.

 

Toulon sur Arroux se situe dans la cible bleue.

 

Le 10 mars 1888, Eugène Perrussot écrit à " Monsieur l'inspecteur d'académie en résidence à Mâcon :
"Monsieur l'inspecteur d'académie,
Désirant beaucoup me rapprocher de Saint Jean de Trézy où habitent mes parents, je viens vous prier, Monsieur l'inspecteur d'académie, de vouloir bien m'accorder un poste d'instituteur adjoint plus à proximité de ma famille.
Le poste de Montceau les Mines devant être vacant, je vous serais bien reconnaissant d'avoir la bonté de me l'accorder.
Je suis, avec respect, Monsieur l'inspecteur d'académie, votre très humble et très dévoué serviteur.
E. Perrussot, instituteur adjoint à Toulon sur Arroux
"

Il n'est en poste ici que depuis janvier et pourtant il aimerait bien changer !

 

Toulon sur Arroux

 

Sa demande est appuyée par Philippe, maire de Saint Vallier.
Le 14 mars, il écrit lui aussi à l'inspecteur d'académie :
"J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint une demande de changement que sollicite l'instituteur adjoint Perrussot, actuellement à Toulon sur Arroux.
Ce jeune adjoint, ayant été pour ainsi dire contraint de quitter le poste de Saint Vallier pour céder sa place à Mme Morain, mérite un poste équivalant Saint Vallier.
Je n'ai eu connaissance de ce changement et de la nomination de Mme Morain qu'après la décision de Monsieur l'inspecteur d'académie. Or il était trop tard pour donner un avis quelconque sur les antécédents de ce jeune homme, lequel est digne d'intérêt.
Orphelin de père et de mère, ayant des intérêts à Saint Jean de Trézy, le poste de Toulon n'est réellement pas un poste à sa convenance.
De plus, il est très intelligent et a rempli ses devoirs professionnels à Saint Vallier avec un grand dévouement. J'ai été très peiné de son départ et surtout de n'en avoir été averti qu'après décision.
Je viens en conséquence, Monsieur l'inspecteur d'académie, vous prier de bien vouloir lui accorder le poste qu'il sollicite à Montceau les Mines.
En même temps, si Monsieur Morain sollicitait le poste vacant de l'instituteur parti de Montceau, je vous serais gré de le lui accorder.
Veuillez agréer…
Philippe
"

Ce courrier est communiqué dès le lendemain "pour avis" par l'inspecteur d'académie de Mâcon à "Monsieur l'inspecteur primaire de Montceau".
Sa réponse est du 20 mars : "Avis sur une demande de changement formulée par Mr Perrussot, inst. adj. à Toulon et appuyée par Mr le Maire de St Vallier"
"J'ai l'honneur de vous informer que Mr Perrussot, soit en me transmettant sa demande de changement, soit au moment de l'inspection de sa classe, ne m'a jamais laissé soupçonner qu'en faisant cette démarche il cédait à une pression exercée contre lui. Probablement qu'il n'aurait même jamais songé à invoquer ce motif si, à son départ de St Vallier, il avait été placé à proximité de St Jean de Trézy.
Ce maître ne saurait réussir à Montceau les Mines ; il n'a pas l'activité et le coup d'œil nécessaire pour diriger les élèves de Montceau les Mines. A mon avis, la seule faveur qui puisse lui être accordée, c'est d'être appelé, à l'occasion, dans un petit poste aux environs de St Jean de Trézy…
"

 

 

Le maire de Saint Vallier souhaite voir Mr Morain nommé à Montceau les Mines.
L'inspecteur primaire est d'un avis contraire :
"Les deux instituteurs que j'ai connus à Montceau sont tombés parce qu'ils manquaient de caractère et de jugement ; et ce sont précisément les qualités qui manquent à Mr Morain. Cet instituteur, eût-il les titres nécessaires, ne saurait convenir pour Montceau les Mines."

Eugène Perrussot, ne voyant rien venir, renouvelle sa demande de changement le 18 août 1888 dans des termes presque identiques.

Sur sa lettre est portée cette annotation de l'inspecteur primaire :
"Mr Perrussot est un maître très ordinaire ; il n'a pas réussi à Toulon et a perdu toute autorité sur les élèves. Son changement est nécessaire. Montceau, le 14 7bre (septembre) 1888."

Il reçoit sa nomination comme instituteur stagiaire à Saint Emiland, en remplacement de Mr Flocarel, à compter du 30 octobre prochain.

Louis Dessey, maire de Saint Emiland, signe avec lui le procès verbal de son installation le 2 novembre 1888, à l'école laïque de garçons. Il n'a pas encore 20 ans.

Eugène Perrussot va rester 12 ans dans ce village. En octobre 1891, Sylvie Jacquard, jeune institutrice de 23 ans, est nommé à l'école de filles…
Mais, patience ! Ce sera pour un prochain épisode.
 

(1) Ce document, comme tous les suivants, est tiré du dossier d'instituteur d'Eugène Perrussot aux archives départementales de Saône et Loire à Mâcon (3 T 596). 

 

 

a formation des maîtres d'école

 

Le maître d'école du début du XIXe siècle sait lire et écrire, cela suffit pour enseigner. Depuis 1816, une obligation s'impose à tout futur maître du primaire, celle de posséder un brevet de capacité obtenu après le succès à un examen.
A cette époque, l'examen du brevet de capacité pour le 3e degré n'est qu'une vérification de compétences minimales (lire, écrire et compter), qui ne garantissent en rien un enseignement de qualité. Les autres degrés (incluant orthographe, grammaire et arithmétique) exigent un peu plus de connaissances.
Cette obligation du brevet de capacité est étendue aux institutrices laïques en 1819 et aux membres des congrégations enseignantes masculines en 1831.

La préoccupation de la formation des maîtres dans des écoles spécialisées date de la Révolution (école normale à Paris créée en 1794). La première véritablement ouverte le fut à Strasbourg en 1810. La loi Guizot du 28 juin 1833 impose une Ecole normale par département (article 11).

Guizot reconduit le principe du brevet de capacité (article 25) à deux degrés (élémentaire et supérieur). Il homogénéise les programmes, qui sont répartis sur deux ans.
La loi met en place les commissions d'instruction primaire : les examens seront désormais publics, exigeant des connaissances solides.
Le brevet de capacité devient un examen reconnu. Les candidats et candidates sont de plus en plus nombreux à le préparer, à l'école normale ou dans d'autres établissements. Ils ambitionnent de conquérir le seul diplôme qui ouvre aux carrières de l'enseignement primaire et certifie un ensemble de savoirs. Sa possession, obtenue après la réussite à des épreuves de plus en plus difficiles, participe ainsi à la construction du nouveau corps des instituteurs primaires.

 

François Guizot (1787-1874)

 

Le maître doit dominer les disciplines qu'il enseigne. Ainsi lecture, écriture, arithmétique et géométrie, c'est-à-dire le vieux fonds de base de l'enseignement primaire, sont les principales matières qu'il apprend. Souvent secrétaire de mairie, l'instituteur doit aussi savoir rédiger actes d'état civil et procès-verbaux, être tout initié aux diverses méthodes de l'enseignement.
Ces "nouveaux" maîtres, encadrés par l'Inspection Primaire et l'Inspection Académique, créées par Guizot, ont désormais un minimum d'outils intellectuels que ne possédaient pas toujours leurs prédécesseurs.
Efficace, la formation reçue ne doit cependant pas être confondue avec celle des futurs "hussards noirs" de la République, auxquels on ne songe pas à limiter l'accès aux connaissances comme on peut encore le faire en 1836.

La loi du 15 mars 1850, dite Loi Falloux, supprime l'exigence du brevet pour les instituteurs adjoints et les institutrices adjointes. Elle institue pour les autres enseignants un système d'équivalences qui bénéficie essentiellement à l'enseignement congréganiste. Ces équivalences sont au nombre de cinq :
1° Un certificat de stage délivré par le conseil départemental aux personnes qui justifient avoir enseigné pendant trois ans au moins dans les écoles autorisées à recevoir des stagiaires
2° Le diplôme de bachelier
3° Un certificat d'admission dans les écoles spéciales de l'État
4° Le titre de ministre d'un des cultes reconnus par l'État
5° Pour les institutrices appartenant à des congrégations religieuses, les lettres d'obédience délivrées par la supérieure.

 

Frédéric-Alfred de Falloux (1811-1886)

 

Les premiers instituteurs sont issus du peuple (fils d'agriculteurs, d'ouvriers et d'artisans). La bourgeoisie, qu'elle soit commerçante ou diplômée (médecins, avocats), hésite à encourager ses enfants dans un choix ne leur assurant que de bien médiocres conditions matérielles. La loi Guizot assurait un minimum annuel fixe de 200 francs, augmenté d'une rétribution mensuelle au taux réglé par le Conseil municipal. Le minimum fut augmenté sous le Second Empire, et le salaire moyen de l'instituteur fit d'incontestables progrès (700 francs en 1870).

Les républicains, qui accèdent au pouvoir après 1875, attachent une grande importance à la réorganisation de l'enseignement primaire. Les républicains critiquent surtout la dispense de brevet pour les adjoints et les lettres d'obédience pour les institutrices congréganistes qu'ils jugent à l'origine de la faiblesse de l'enseignement dispensé, notamment aux filles.
Un projet rétablissant l'exigence du brevet d'aptitude pour tous les enseignants du primaire est présenté en 1879, délibéré en mars et mai 1880 et adopté par la chambre des députés le 11 juin 1881. Cette loi de 1881 est due aux efforts de Jules Ferry.

 

Jules Ferry (1832-1893) - un militant de la République

 

L'article premier de cette loi est clair : "Nul ne peut exercer les fonctions d'instituteur ou d'institutrice titulaire, d'instituteur adjoint chargé d'une classe ou d'institutrice adjointe chargée d'une classe, dans une école publique ou libre, sans être pourvu du brevet de capacité pour l'enseignement primaire."
Toutes les équivalences admises par le paragraphe 2 de l'article 25 de la loi du 15 mars 1850 sont abolies.
L'article 3 précise : "Les personnes occupant, sans les brevets et certificats sus énoncés, les fonctions énumérées aux articles précédents devront, dans le laps de temps d'un an à partir de la promulgation de la loi, se présenter devant les commissions d'examen instituées pour décerner lesdits brevets et certificats. Celles qui auront échoué auront le droit de se présenter de nouveau aux sessions ordinaires ou extraordinaires tenues dans le cours des années suivantes, jusqu'à la rentrée des classes d'octobre 1884."

La société de la fin du XIXe siècle nécessite l'existence de classes intermédiaires : pour les tâches d'enseignement d'abord (à l'école élémentaire) et pour assumer les rôles de cadres inférieurs et moyens (employés de bureau, contremaîtres, agents d'administration). Il faut une filière scolaire spécifique qui s'adresse aux "meilleurs élèves" de l'enseignement primaire et ajoute des savoirs et savoir-faire à leur bagage minimum initial : ainsi naît l'enseignement primaire supérieur, réglementé en 1886 par les lois Goblet.

 

classe de filles - école d'Hellemmes (Nord)

 

Les Écoles primaires supérieures n'existant que dans les villes d'une certaine importance, des cours complémentaires furent annexés aux écoles primaires des petites villes et des gros bourgs. Ceux-ci menaient au Brevet élémentaire qui permettait d'accéder aux carrières de base de l'administration de l'État (ou des entreprises) ainsi qu'à l'Ecole Normale d'Instituteurs.
Le Brevet supérieur nécessite 3 années d'études supplémentaires et conduit aux carrières "moyennes" de ces administrations.
Là encore, les meilleurs élèves peuvent accéder aux Écoles Normales primaires supérieures (St Cloud pour les garçons, Fontenay aux Roses pour les filles) et prétendre ainsi aux postes de professeurs dans les Écoles primaires supérieures.

Au XIXe siècle et dans les premières années du XXe, cet enseignement primaire supérieur ouvre incontestablement des possibilités de promotion sociale à des "enfants du peuple". C'est le cas de presque tous les instituteurs d'avant guerre.
Peu d'enfants des milieux d'ouvriers accèdent à l'enseignement primaire supérieur. Ce sont les instituteurs qui remarquent parmi leurs élèves, ceux qu'ils estiment "doués" pour poursuivre des études. Ensuite, il faut convaincre les familles d'envoyer leur fils au cours complémentaire du bourg, ce qui occasionne des frais de pension, le plus souvent, et prive l'exploitation familiale d'un travailleur.
Les familles d'ouvriers agricoles n'ont que très rarement les moyens de faire face à ces frais. Très jeunes, leurs enfants sont placés comme "domestiques" dans des fermes ou chez des patrons du bourg ou de la ville. Quant aux familles ouvrières, citadines le plus souvent, elles sont plutôt réticentes vis-à-vis des études prolongées.

 

 

nfance à Toulon et arrivée en Saône et Loire (1869-1885)
remières années dans la carrière d'instituteur (1885-1888)
nstituteur à Saint Emiland (1888-1901)
nstituteur à Marmagne (1901-1902)
nstituteur à Saint Léger avant la guerre de 14-18 (1902-1914)
oilu au front (1914-1919)
ernières années à Saint Léger puis à Saint Clément lès Mâcon, retraite et décès à Flacé
(1919-1930)

 

Michel Guironnet - octobre 2005

 

 

etour à l'accueil
 

 

 

 

 

https://www.stleger.info