Etienne SARRAZIN
du 21e Bataillon de Chasseurs à Pied

 

"Chacun de nous a encore présent à l'esprit sa belle stature, le vrai portrait du laboureur de France, sain et fort. Au régiment, c'est un intrépide soldat. Il appartient à un bataillon de chasseurs à pied, les "diables bleus" comme on les appelle. Il participe à l'offensive de nos troupes en Lorraine où il fait bravement son devoir, et il est tué presqu'au début de la campagne, le 22 août 1914 à Badonvillers, en pleine jeunesse, faisant à la Patrie le sacrifice de sa vie." (extrait du discours d'Eugène Perrussot)

Etienne, né le 4 octobre 1892 à Dompierre les Ormes, fils de Benoît Sarrazin et Marie Antoinette Junion (1), est Mort pour la France le 24 août 1914 (et non le 22) à Badonvillers (Meurthe et Moselle) "par suite d'un coup de feu reçu au combat". Il avait à peine 22 ans.

(1) Un autre de leur fils, Claude, est alors mobilisé au 127e RI.

Cet acte est rédigé le 13 octobre 1914 à Barlieu dans le Pas de Calais… Le décès d'Etienne Sarrazin a eu lieu deux mois plus tôt dans les Vosges !
L'acte est transcrit plus d'un an et demi après à Saint Léger !

Le JMO (Journal de Marche et Opérations) du 21eme BCP nous fournit peu d'explications :

"23 août 1914 :
09h30 : Le Bataillon reçoit de la Brigade l'ordre de se porter au Haut de Planches. La 1re compagnie est envoyée à Croix Bodin, la 3e compagnie au Haut de la Borne. Le gros du Bataillon se rend au Haut des Planches.
13h00 : Le Bataillon reçoit de la Brigade l'ordre de redescendre sur la Chapelotte.
16h00 : Ordre est donné au Bataillon de faire une contre-attaque sur Badonviller en liaison avec le 20e Bataillon de Chasseurs à Pied.
L'attaque doit avoir lieu au signal donné par la canonnade.
La canonnade n'a pas lieu, le 20e Bataillon de Chasseurs à Pied se replie sur Pierre Percée. Le 21e Bataillon de Chasseurs à Pied va bivouaquer à Pierre Percée. La 2e compagnie laissée à la Chapelotte en est chassée par l'ennemi.
Rien à signaler dans la nuit du 23 au 24 août.

24 août 1914 :
Le Bataillon se porte à Vierge Clarisse pour se relier à la Brigade.
A 7h00, le Bataillon reçoit l'ordre de se porter à la Chapelotte puis à Badonviller, sauf pour la 1re compagnie qui devra tenir Pierre Percée.
A 9h00, le Bataillon attaque le bois à l'Est de Badonviller après avoir surpris des fractions ennemies. Le Bataillon se trouve complètement entouré et obligé de se retirer par la Petite Nablotte sur Croix Lamarre.
12h00 : Ordre lui est donné par la Brigade de se porter par Croix Lamarre à Thiaville.
16h00 : Ordre est donné au Bataillon se porter à Saint-Benoît puis à Larifontaine où il bivouaque.
23h00 : Ordre est donné au Bataillon de se rendre à La Haute Neuveville.

Pertes :
8 tués (2 Caporaux - 6 Chasseurs)
59 blessés (1 Lieutenant 1 Sous-lieutenant 1 Sergent -2 Caporaux - 54 Chasseurs)
55 disparus (1 Sergent 5 Caporaux - 49 Chasseurs)"

L'historique du régiment nous en apprend beaucoup plus sur les circonstances du décès :

"Les Vosges

Dès le 29 juillet, le bataillon, troupe de couverture, quitte sa garnison de Raon-l'Étape et prend à Celles le dispositif de couverture couvrant contre une attaque brusquée la vallée de la Plaine…

Le 13 août, le bataillon reçoit l'ordre tant attendu de se porter en avant.

Le 14 août, la 25e brigade monte à l'assaut du Mont Donon dont le massif, dernier contrefort des Vosges, couvre la vallée de Schirmeck, celle de St Quirin et domine toute la plaine de Lorraine. Les Allemands, surpris par la violence de l'attaque, débouchant soudain du bois sur la plateforme du Donon, s'enfuient, abandonnant tout leur matériel dont une automobile d'un général en tournée d'inspection.
Le bataillon, profitant de son premier avantage, pousse des reconnaissances hardies de tous côtés, parcourant en tous sens les grandes forêts qui descendent du Donon sur les vallées voisines, et les débarrasse des patrouilles allemandes qui se hasardent à proximité.

Le 17 août, une section de la 3e compagnie, en reconnaissance dans la vallée de la Sarre, surprend une reconnaissance de uhlans et la fait entièrement prisonnière ; malheureusement, un chasseur est tué, le premier de la campagne, le caporal Barzaud, frappé mortellement en entraînant son escouade à l'assaut de la maison forestière où s'étaient réfugiés les uhlans.

Le 20 août, dès le matin, on aperçoit dans la plaine de grands rassemblements de troupes ; leur éloignement ne permet pas de les disperser. Puis c'est le canon qui entre en scène. Toute la journée, l'artillerie de gros calibre fait tomber sur le sommet et sur les pentes ouest du Donon une pluie de projectiles. Le bruit des éclatements, se répercutant aux échos de la montagne, est formidable, mais cette canonnade n'a pas de grands effets matériels, quelques blessés sont les seules pertes occasionnées. A la nuit, les masses d'infanterie aperçues dans la journée se mettent en marche et, à la faveur de l'obscurité, arrivent au contact avec les éléments du bataillon. Les Allemands veulent profiter de la nuit pour emporter la position, mais les chasseurs sont là et, malgré une charge que rend plus impressionnante le son des clairons allemands, l'ennemi parvient à peine à faire reculer quelques postes avancés.

Le lendemain, au lever du jour, un ordre arrive : il faut rejeter l'ennemi des pentes du Donon où il s'est installé la nuit. Les compagnies de réserve du bataillon, renforcées par le 57e bataillon de chasseurs à pied, se forment en colonnes d'assaut, sous bois, entre la route et le col du Donon, et montent en trois groupes sur le col et sur le Fallenberg. Ils attaquent le sommet et descendent déjà du côté allemand.
Mais, durant la nuit, l'ennemi a travaillé : une tranchée continue à contre-pente, défendue par un réseau de fil de fer, arrête l'élan de nos chasseurs qui sont fauchés par la mitraille allemande. Quelques-uns traversent le réseau et arrivent à la tranchée ; pendant quelques instants, on aperçoit encore le fanion de la 5e compagnie au-dessus du parapet de la tranchée. Mais devant le nombre, ils ne peuvent pousser plus loin et succombent devant les renforts qui arrivent sans cesse.

Les pertes du bataillon sont énormes : tous les agents de liaison du commandant sont tués ou blessés, l'adjudant du bataillon est tué. L'ordonnance du commandant est blessé de quatre balles. Les chasseurs ne peuvent se maintenir sur la hauteur battue par les mitrailleuses allemandes ; le col du Donon étant tourné vers la vallée de la Sarre, le commandant donne l'ordre de se replier sur la plate-forme du Donon, par le Grand Donon, seul passage resté libre.

La section de mitrailleuses se dévoue pour protéger la retraite et, pendant quelle se fait exterminer, le bataillon se replie sans être inquiété. Le lieutenant Madon, commandant les mitrailleurs, blessé grièvement et laissé pour mort, parvient en se traînant à rejoindre les lignes.
En raison de la retraite générale de l'Armée, le bataillon se replie lentement par la vallée de la Plaine, en ordre, de position en position, n'attaquant l'ennemi que lorsque celui-ci se montre trop entreprenant.

C'est au cours d'une de ces petites opérations offensives que le 24 août, près de Badonvillers, le bataillon montre ce dont il est encore capable, malgré les terribles pertes du Donon. Lancé à travers bois à la poursuite d'un détachement allemand qu'il avait forcé à battre en retraite, le bataillon avança trop et bientôt se trouva entouré d'ennemis de tous côtés. Le commandant groupa autour de lui tous ses chasseurs et, au cours d'une charge à la baïonnette irrésistible (la plus belle que le corps ait jamais exécutée), un passage fut frayé à travers les troupes allemandes étonnées de tant de vaillance.

Le 25 août, à La Neuveville, le bataillon est chargé de la défense des ponts de Chatelles et du chemin de fer. Toutes les attaques allemandes sont repoussées. Mais ce qu'ils n'ont pu faire par une attaque de front ,les Allemands, grâce à leur nombre, l'obtiennent par une attaque après avoir tourné la ligne de la Meurthe en passant la rivière au pont de Thiaville. Le 21e est obligé à la retraite et ne quitte le terrain qu'après avoir assuré le repli de l'artillerie d'appui, à la suite d'un combat de rues des plus acharnés."

 

 

 

 

 

 

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