Claude-Marie VINCENT et Joanny VOUILLON
soldats au 134e Régiment d'Infanterie

 

Sabotier à Saint Léger, Claude-Marie Vincent est né au village le 30 août 1889. Il est le fils de François Vincent et d'Antoinette Braillon.

Boulanger à Saint Léger, Joanny Vouillon est né le 23 juillet 1890 à Matour. Son père se prénomme Jean-Marie. Sa mère est née Joséphine Dailly.

Ces deux célibataires sont mobilisés dès août 1914, ils rejoignent le 134e Régiment d'Infanterie à la caserne Duhesme de Mâcon.

En 1914, le 134e fait partie de la 15e division d'infanterie (Dijon) commandée par le Général Bajolle. (1)

(1) 29e brigade, général Grandjean ; 56e RI (Chalon sur Saône), colonel Hallouin ; 134e RI (Mâcon), colonel Perrin ; 30e brigade, général Piarron de Mondésir ; 10e RI (Auxonne), colonel de Brunck

 

 

Extrait de l'historique du 134e Régiment d'Infanterie :

"Sous les ordres du colonel Perrin, le régiment, dont la mobilisation s'est effectuée dans un ordre parfait et au milieu d'un enthousiasme remarquable, embarque à Mâcon dans la soirée du 5 août 1914. Tous sentent que l'heure est venue où va se jouer la destinée de la France et c'est avec l'élan et la foi patriotique la plus ardente qu'au départ des trains les emmenant vers la frontière, ceux qui vont se battre chantent la Marseillaise.

Le débarquement à lieu le lendemain dans la région de Châtel-Nomexy (Vosges), zone de concentration du 8e corps d'armée. La période du 6 au 19 août est marquée par une série de marches rendues très pénibles par la chaleur et la difficulté du ravitaillement. C'est l'époque de l'offensive de l'armée Dubail en Lorraine, on marche sur Sarrebourg, l'ennemi recule, l'enthousiasme grandit, la frontière est franchie le 17 dans l'après-midi.

Combat de Saint-Jean-de-Bassel - 20 août 1914

Le 19 août, le régiment s'installe au bivouac dans la soirée sur la rive gauche du canal de la Marne au Rhin, près du village de Hesse. A 21h, il est alerté et, précédé du 56e régiment d'infanterie, il se porte sur Langatte par une nuit très noire. La marche est excessivement pénible, on arrive à Langatte au petit jour. L'ennemi est très fortement organisé sur la ligne Dolving-Gosselming-Saint-Jean-de-Bassel.

Le 56e s'engage sur Gosselming. Une terrible fusillade éclate. Les trois bataillons du 134e se déploient à la lisière nord du Gabel Wald. Le 1er bataillon (commandant Cottin) progressant dans la Gabel Wald malgré une fusillade intense, attaque Saint-Jean-de-Bassel qu'il ne peut enlever. Le 3e bataillon (commandant Bernard) le renforce ; le 2e bataillon (commandant Porteret), à droite, se porte dans le bois du Commandeur. Nos hommes sont admirables de courage et d'allant ; mais les mitrailleuses ennemies dissimulées le long des lisières rendent impossible toute avance. L'artillerie allemande fait rage. Les deux régiments de la Brigade malgré leurs héroïques efforts ne peuvent se rendre maîtres de la ligne de défenses bétonnées, organisées depuis longtemps et devant laquelle l'ennemi nous a attirés.

Les Allemands, voyant notre arrêt, veulent passer à l'offensive, mais le régiment offre une défense acharnée. Cependant, ordre est donné de se replier par échelons sur Langatte, Kerprich-aux-Bois et Ibigny.

Le baptême du feu que le régiment vient de recevoir et qui lui coûte 10 officiers, dont le capitaine Pemot blessé et 400 hommes, commence la longue et glorieuse série des durs et héroïques combats que le 134e va livrer pendant la grande guerre.

Le régiment suit le mouvement de retraite générale qui doit amener le 8e corps (armée Dubail) sur ses positions de couverture à l'ouest de la Mortagne.

Combat de Rozelieures - 25 août 1914

Dans la journée du 24 août, le 134e met en état de défense les bois de Beau-Chenot de Venezey, au nord de Dainas-au-Bois. On commence à creuser des tranchées. L'ennemi est signalé sur la Mortagne.

A 15h, le régiment est alerté. Il se porte sur Saint-Bouingt et Essey-la-Côte où il bivouaque. L'ordre arrive d'enlever Rozelieures occupé par l'ennemi.

Au petit jour, le régiment qui forme l'aile gauche du 8e corps d'armée se déploie et se porte résolument à l'attaque. Les bataillons franchissent rapidement l'immense prairie qui domine le village entouré de vergers touffus où sont nichées les mitrailleuses ennemies, qui crépitent sans arrêt. L'Euron, ruisseau profond et marécageux, qui coule au pied du village, est atteint. La traversée en est très dure, le feu de l'ennemi s'intensifie, mais l'entrain de nos hommes est merveilleux, les officiers, les gradés, les soldats donnent des exemples du courage le plus téméraire, et c'est la baïonnette haute que le 134e aborde le village.

 

 

L'ennemi résiste ; des combats corps à corps s'engagent partout : dans les rues, les maisons, les vergers. Le soldat Muet, de la 3e compagnie, se trouvant aux prises avec six Allemands, réussit à les abattre tous. De tels exemples décuplent le courage et l'énergie des assaillants et l'ennemi recule sur la partie nord du plateau ou s'élève Rozelieures. Mais nous sommes à l'extrême gauche de l'armée Dubail et la liaison avec l'armée voisine est des plus précaires ; l'intervalle augmente de plus en plus. Les Allemands se rendent compte de la situation délicate du régiment qui a sa gauche complètement découverte, déclenchant brusquement une contre-attaque forte de deux bataillons sur la lisière ouest de Rozelieures. Le 134e, engagé complètement dans le village, le défend avec acharnement, et pertes sévères arrête la progression de l'ennemi. Des groupes allemands qui commencent à s'infiltrer dans la vallée de l'Euron sont tenus en respect par nos tirailleurs. Il est 8 heures. A ce moment le chef d'état-major de la 15e D.I. arrive en auto et donne l'ordre au régiment de se reporter sur Saint-Bouingt, pour échapper à la manoeuvre enveloppante de l'ennemi. Le mouvement s'effectue en ordre, malgré un tir effroyable de l'artillerie ennemie mais avec de grosses pertes. Les bataillons sont établis sur le plateau à l'est de Saint-Rémy.

 

 

Le combat de Rozelieures, une des plus belles et plus glorieuses pages de l'histoire du 134e, lui coûte 15 officiers et 1300 hommes, dont la plupart reposent près du village, dans cette terre de Lorraine pour laquelle ils sont tombés. Leur suprême sacrifice ne sera jamais oublié. L'histoire approfondie du combat de Rozelieures saura bientôt, nous n'en doutons pas, faire rendre au 134e la part glorieuse et capitale qu'il a jouée dans cet importante affaire, en soutenant seul, sur ce point essentiel du champ de bataille, depuis le 24 août au soir jusqu'au 25, à neuf heures, la poussée des masses allemandes vers la Trouée de Charmes.

Nous qui avons suivi nos héroïques soldats au cours de tout leur effort pendant ces journées inoubliables, nous leur donnons ici même le témoignage ému de notre gratitude et de notre admiration.

 

 

Combats sur la Mortagne - Magnières, 30 et 31 août 1914

Le 28 (août 1914) le régiment reprend le contact avec l'ennemi qui s'est replié au nord de la Mortagne et il occupe des positions à l'est du village de Mattexey.
Le 30 août, le 1er bataillon pousse une reconnaissance sur le village de Magnières, mais il se heurte à des défenses accessoires et ne peut franchir la Mortagne. Le 31 août, dans la soirée, le régiment reçoit l'ordre d'attaquer Magnières.

L'action de notre artillerie incomplète et difficile appuie mal cette attaque menée par les 1er et 2e bataillons qui ne peuvent franchir le pont balayé par les mitrailleuses ennemies. C'est la que tombe le capitaine Dallemagne, commandant de la 6e compagnie. Sa compagnie est arrêtée à une centaine de mètres du pont. Tout homme qui essaie de passer est tué.

 

 

Le capitaine Dallemagne se porte carrément en avant et se poste debout à l'entrée du pont. Les hommes enflammés par ce bel exemple veulent rejoindre leur chef, quelques éléments réussissent à prendre position sur le pont. Mais tout débouché est impossible. Le capitaine reste toujours debout : "Couchez vous lui crient ses hommes. Quelques instants après, au moment ou il allume une cigarette, une rafale de balles tue ce héros, 5 officiers et 250 hommes sont tombés."

Extrait de l'historique du 134e Régiment d'Infanterie (2)

(2) Le souvenir du 134e est encore vivace à Mâcon. La bataille de Rozelieures est, en particulier, commémorée chaque année. Le Journal de Saône et Loire a consacré plusieurs articles sur ce sujet. La Société d'Etudes Mâconnaises a publié en 2005 un cahier spécial "Le régiment du Mâconnais en 1914 dans la bataille de Lorraine" par Georges Berthoud et Albert Krivopissko.

 

 


 

Tué le 25 août 1914 en Lorraine à Rozelieures (Meurthe et Moselle), Joanny Vouillon venait d'avoir 24 ans. Son compagnon d'armes Claude Marie Vincent disparaît six jours plus tard à Magnières (Meurthe et Moselle) le lendemain de son 25e anniversaire. 

 

 

 

 

Pour qu'un soldat soit déclaré mort, il fallait que, de l'attaque, reviennent deux témoins pour l'attester, faute de quoi il était déclaré disparu, le doute qu'il soit prisonnier subsistant jusqu'à la fin de la guerre.
Après l'Armistice, la famille du disparu réunit témoignages et documents. A l'issue de cette enquête, un jugement rendu par le Tribunal civil de Mâcon permet au Poilu dont le corps n'a pas été retrouvé d'être déclaré "Mort pour la France".

Le 2 juillet 1920, dans les registres d'état civil de Saint Léger, Jean Delaye, adjoint au maire, confirme avoir "intégralement transcrit le jugement …qui tiendra lieu d'acte de décès du Sieur Vincent Claude-Marie…"
Six mois plus tard, le 23 janvier 1921, Jean-Marie Descombes, maire de la commune, dans les mêmes termes, inscrit sur les registres de Saint Léger que "le présent jugement tiendra lieu d'acte de décès au sieur Vouillon Joanny…"

 


 

A visiter concernant la Bataille de Rozelieures :

On peut lire aussi :

  • La contribution du 134e à la première victoire française, Rozelieures" par Georges Berthoud. - pages 161 à 174. Annales de l'Académie de Mâcon, 4e série, t. 6, 1994
  • "La Victoire Oubliée : Gerbéviller - Rozelieures Août Sept 1914" par le Dr Creusat, préface du Colonel de Castelnau (Lunéville 1986)

 

 

 

 

 

 

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