Au
début du siècle, l'if de Saint Ursin était
vigoureux mais, on observait un début de
décrépitude. Petit à petit, année
après année, il s'est garni de bois mort.
La tempête de 1990 et la taille
musclée imposée par la nature lui ont, en quelque
sorte, redonné vigueur. Il a refait de nombreuses pousses. Il
nous est apparu nécessaire pour des raisons de
sécurité et aussi pour le revigorer de lui enlever tout
son bois mort.
Une entreprise spécialisée s'est vue confier ce
travail. Un produit cicatrisant a été appliqué
sur ses coupes et déjà, il affiche une meilleure
santé.
Nous étions très loin
de penser qu'il pouvait avoir autant de bois mort. La quantité
de branchages qui gisait au pied était impressionnante. Alors
que tout allait être brûlé, une personne de
Granville s'est manifestée. "Je suis passionnée par
la sculpture, l'if est un bois que j'aime travailler, qu'allez-vous
faire de votre bois mort ? Il m'intéresse !".
Cette dame a naturellement
été invitée à prendre les morceaux qui
lui plaisaient. Faire de ces bouts de bois mal foutus des statuettes
et des sujets décoratifs, c'est tout un art et il ne nous
déplaît pas de voir notre if "se
réincarner".
a
légende celte
|
La tempête de 1990 n'a pas
seulement atteint l'if dans son ampleur. Elle a fait
disparaître la cavité qui se trouvait devant le portail
de l'église. Elle pouvait abriter au moins 5 à 6
personnes et avait un usage particulier.
Suivant, sans doute, une
légende inspirée d'une antique croyance celte, il
arrivait que des pèlerins, venus invoquer Saint Ursin pour
leur enfants, l'utilisaient avant de quitter l'église.
Après s'être assurés qu'ils ne se trouvaient pas
sous un regard, ils faisaient entrer leur enfant à
l'intérieur, espérant à n'en pas douter obtenir
un bienfait.
ui
était présent à aint
rsin
lors de la
plantation de l'if vers l'an 1000 de notre
ère
?
|
Le seigneur des lieux a-t-il
jeté la première pelle de terre, le Père
Abbé de l'Abbaye de la Lucerne a-t-il béni ce jeune
arbre en lui souhaitant longue vie, tous les fermiers et gueux
ont-ils dansé autour de cet arbre de vie toujours vert ? Nul
ne le saura jamais. Et en l'an 3000 que restera-t-il des
écrits de la cérémonie du 24 mars de l'an 2000 ?
Ce ne sera pas faute de parrains, le
Président du Conseil Général de la Manche, le
Conseiller général du Canton de la Haye Pesnel, un
sénateur, un député, des maires du Canton, la
population de Saint Ursin presque au complet, le directeur du Service
des Cultures du Muséum national d'Histoire Naturelle, le maire
de Saint Ursin, Monsieur Lerbourg.
C'est à lui que revient l'initiative de cette
cérémonie symbolique de transmission grâce
à la bouture effectuée en 1995 par M. Raynaud,
chargé de la multiplication à l'Arboretum National de
Chèvreloup. Le service des Cultures et l'association ARBRES
avaient souhaité pour l'an 2000 pouvoir disposer des plants
issus de ces grands ancêtres.
C'est ainsi que les ifs de Estry, la Haye de Routôt,
Offranville, Pommerit, Saint Ursin et le châtaignier de Saint
Philbert de Grandlieu furent multipliés en 1995 et rendus en
2000 à leur territoire d'origine.
Y. M Allain - Directeur
du service des Cultures - Vice-Président d'ARBRES
iscours
de ichel
erbourg,
maire
délégué de Saint Ursin
lors de la cérémonie de plantation d'un if
issu des cultures du Muséum d'Histoire Naturelle
le vendredi 24 Mars 2000 à Saint Ursin
|
"Dans les petites communes, nous
n'avons pas l'habitude des grands discours ; nous manquons
d'entraînement : les grandes cérémonies sont
rares.
Cherchant ce que j'allais bien pouvoir dire, je suis allé
faire le tour de notre if légendaire. C'est alors que j'ai
entendu une voix étrange :
- Tu cherches quelque chose
?
- C'est bizarre, je croyais être seul. Je rêve !
La voix a repris :
- Prends des notes ! Tu ne
m'entendras pas souvent !
- Cette fois, il n'y a pas de doute, c'est bien l'if qui me parle.
C'est inespéré, j'attends cet événement
depuis tellement longtemps, je vais te poser mes questions : nous ne
savons pas grand chose sur ta jeunesse, tu peux m'en parler ?
- Ma jeunesse, c'est tellement loin ; j'ai vu tant de misères,
de pillages, d'épidémies, que je préfère
ne pas en parler...
Par contre, j'ai beaucoup aimé
le 19e siècle, c'est à cette époque que la
commune a pris corps : c'est la construction de la maison
d'école avec une pièce pour la mairie, du
presbytère et de nombreuses maisons (un tiers des maisons
d'aujourd'hui sont de ce temps là).
C'était la belle époque ! J'étais là dans
toute ma splendeur.
Ensuite, les choses se sont
gâtées avec la grande guerre. Voir toutes ces familles
venir à l'église le cur brisé, ça
me faisait mal. Je n'avais pas eu le temps d'oublier que les
hostilités ont repris. Les bombes m'ont fait trembler. Sept
années sans revoir des petits jeunes qui venaient à la
messe tous les dimanches, c'est long
très
long...
La paix est enfin revenue, mais avec
la modernisation, les jeunes sont partis travailler en ville. J'ai vu
de moins en moins de gens venir à la messe. Le père
curé s'en est allé et il n'a pas été
remplacé. Ne pas voir de messe le dimanche, ça me
manque
Et voilà que vous vous
êtes associés ! Je ne sais pas ce qui vous a
poussés ; moi, je n'ai rien compris ; j'ai cru que
c'était la fin : ma sève n'avait plus la force de
monter. Je suis devenu vulnérable et en février 90,
dans un combat avec Eole, j'ai mis un genou à terre et perdu
un tiers de ma tête. Mois qui pensais n'intéresser
personne, vous voir tous atterrés, ça m'a fait un choc.
Je me suis ressaisi.
Vous m'avez ensuite enlevé tout mon vieux bois : je ne vous
croyais pas autant intentionnés. Du coup, j'ai repris
goût à la vie.
Je n'ai pas le temps de m'ennuyer. Je
vois de plus en plus de pélerins venir à
l'église et de temps en temps le Père Lécureuil
fait vibrer les murs.
Au printemps, c'est le va-et-vient des vans de tout le grand Ouest et
de Navarre vers le haras, et à l'automne, je n'arrive plus
à compter les gros tracteurs les jours d'ensilage.
Je n'ai jamais vu la commune aussi
vivante. En plus, tu te rends compte, j'intéresse le
Muséum d'Histoire Naturelle : mes petits qui sont
plantés à l'Arboretum National de Chèvreloup, au
Jardin des Plantes de Paris, à la Maison du Département
et celui qui va être planté tout près, tu peux me
croire, je vais leur donner le bon exemple et leur apprendre à
user le temps.
Tu vois, je n'ai jamais eu autant d'honneurs.
En fin de compte, votre association
de communes, ce n'est pas si mal que ça. Au diable la modestie
! Dis qu'elle est exemplaire ! Saint Ursin ne va pas
disparaître de sitôt. Je m'en occupe, c'est reparti pour
mille ans !
De temps en temps, je donnerai une branche à Mme Campelli et
à M. Plessis, j'aime ce qu'ils font. Savoir qu'après ma
mort, j'aurai une autre vie, ça me rassure.
Allez bon vent !
A l'an trois mille !
".
'if
de l'église labellisé "arbre
remarquable"
Ouest
France - 06 avril 2001
|
Agé d'au moins un
millénaire, l'if de l'église a rassemblé jeudi
martin, une bonne centaine de riverains et quelques
personnalités du département. Une
cérémonie était organisée en l'honneur de
l'arbre millénaire. Il se voit attribuer le label "Arbre
Remarquable de France" par l'association ARBRES.
"Ce label lui donne
désormais une dimension nationale", s'est
félicité le maire délégué de
Saint-Ursin, Michel Lerbourg, jeudi matin, après avoir
dévoilé la nouvelle plaque installée au pied de
l'if millénaire de l'église.
Le spécimen a reçu le
label "Arbre Remarquable de France" de l'association ARBRES (Arbre
Remarquable Bilan Recherches Etude et Sauvegarde) basée
à Paris.
"Il a résisté
à la tempête de février 1990 même s'il a
perdu trois mètres de circonférence à cette
occasion pour revenir à 9.65 m", a rappelé le
maire. Entretenu régulièrement par la commune (et par
le maire lui-même !), il a acquis ses lettres de noblesses sur
le plan national.
Le président de l'association,
Georges Feterman, a également souligné l'importance de
posséder un tel patrimoine culturel et naturel : "Nous
estimons entre sept et huit le nombre d'ifs millénaires en
France. Traditionnellement, les ifs ont été
plantés sur des lieux de culte. Ces arbres doivent être
inventoriés et protégés. C'est la raison pour
laquelle nous sommes heureux de le labelliser."
L'arbre femelle, qui n'est pas
prêt de disparaître, a déjà fait des petits
grâce à l'association. Plusieurs boutures ont
été réalisées. L'une d'elle a
été plantée à Saint-Ursin. Dans un
millénaire, l'if du village aura toujours sa place.
u
poison dans les veines
|
Symbole paradoxal de vie et de mort,
l'if est reconnu depuis le fond des âges d'une très
grande toxicité. Les Romains tiraient de son feuillage une
substance pour enduire la pointe des flèches et rendre les
blessures extrêmement graves. Cette substance provoque une
contracture prolongée des muscles qui peut aller
jusqu'à la mort.
César rapporte dans ses
"Commentaires" qu'après leur défaite, deux rois gaulois
se suicidèrent avec un poison à base d'if.
Les gens mal intentionnés tenaient aussi des sorcières
une recette, la fameuse soupe à l'if : un mélange de
mie de pain et de rameaux broyés employés pour se
débarrasser des poules, un peu envahissantes, des
voisins...
es
textes et les photos de cette page proviennent d'un site
qui fait la part belle à l'if et aux ifs,
mais pas seulement !
Vous y apprendrez tout sur St Ursin et sa vie,
l'origine de la commune, son église
romane.
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