rand-père h'ti d'esprit

 

réambule

Il y a quelques années, j'avais vingt ans. Je vivais loin de la France dans des régions à coloration allemande. Pour égayer mes week-ends, je montais parfois sur les planches avec une bande de copains pour interpréter des sketches ou lire tout simplement des textes accompagnés d'un piano ou d'un accordéon. Nous apportions aux enfants de notre communauté quelques réjouissances publiques aux senteurs de France et plus particulièrement de ma "Chti mi" natale. Nous partagions des instants de vie aux plaisirs limpides mouillés de larmes de tendresse pour l'amour d'une seule et même famille : celle du cœur. A la Saint Nicolas, à Noël, lors d'un Lotto, d'un Bingo, aux anniversaires et que sais-je encore…

Aujourd'hui, avec quelques ridules de plus, je dirais pour ma part que je ne peux effacer de ma mémoire le décor de ces récréations lointaines. Les rires des enfants. Le geste tendre d'une maman. La fierté d'un père attendri… Alors, j'aimerais vous inviter à retrouver ces instants passés, ces ambiances oubliées où un simple texte savait nous ravir et quelques mots nous séduire.

Avec "Grand-père ch'ti d'esprit", je voudrais rendre hommage à tous les grands-pères et tout particulièrement à celui qui m'a fait voyagé tant de fois dans mes rêves. En maintes occasions je me suis rapproché de lui par la pensée car je n'ai jamais eu la chance de le rencontrer.

 

Jean-François Grégoire 1883 / 1943

 

Qui n'a pas un jour désiré relier les maillons d'une vie brisée ? Qui ne s'est pas retourné sur son passé pour rechercher une tendresse volée ? Qui n'a pas souhaité s'accrocher à une main pour se laisser guider ? Qui n'a pas voulu marcher dans les pas d'un grand-père tant aimé ?

Vous savez, celui qui caresse le vent pour cueillir les fleurs du silence aux senteurs de sérénité. Celui qui sème dans les cœurs en peine des graines d'amour et de félicité. Celui qui raconte des histoires merveilleusement merveilleuses et qui tient dans sa main, fragilisée par les ans, les images jaunies de l'ancien temps.

Fermez les yeux et souvenez-vous ! La cueillette des champignons. Les pêches miraculeuses au scion. Les poules d'eau et les canards glissant sur un étang. Les ducasses et les barbes à papa. Les défilés des géants du nord. Le chahut d'un carnaval. Les flonflons des guinguettes. Les bocks de bière. Les cafougnettes…
Les mineurs du fond du trou. Les corons silicosés. Les coups de grisou. Les boyaux rouges. Les gueules noires. La salle des pendus. L'amour en partage. L'union suspendue… Oui, tant de récits pour écouter ce qu'était la vie. Nos racines.

Mais un grand-père c'est aussi celui qui sèche vos larmes en disant :
- Chut ! Je leur parlerai. Fonce pour ne pas regretter. T'inquiète… Je leur parlerai… Va… Va découvrir le monde…

Alors, moi qui n'ai pas eu cette chance, laissez-moi l'espace d'un instant me l'inventer et me l'imaginer tel que j'aurais voulu qu'il soit. Il est présent dans mon cœur, il est là et je l'entends. De là-haut, je sais qu'il me protège encore et toujours et bien souvent, quand je scrute l'immensité d'un ciel poudré de pépites argentées, une étoile bien plus scintillante que les autres me fait des clins d'œil de complicité.

Aussi et allez donc savoir pourquoi, des messages poudrés d'amour soufflés par les vents caressants, viennent de temps en temps adoucir mes pensées du moment. Ces paroles susurrées dans les collines de mon enfance m'apportent un été sans fin dans le jardin de mon cœur en errance. Ils me disent : " L'humilité, l'écoute, le partage et les bras ouverts sont bien souvent des signes de convivialité." Dans ces instants de connivence et dans la fragrance éthérée de ma parcelle d'amour, j'intercepte des secrets venus d'ailleurs et je me dis : Grand-père c'est toi ? Grand-père c'est toi ! Grand-père…

Aujourd'hui avec quelques ridules de plus, je sais que nos chers aînés à la chevelure blanche sont des traits d'union entre la vie et l'autre monde. S'ils voyagent parfois dans les nuages, c'est pour mieux percevoir les chants édulcorés de nos Dieux. La sagesse leur est soufflée par l'aquilon ou le borée qui modèlent les terres du Nord. Mais si un jour il vous semble les deviner, là-haut sur la colline, près des bleuets échappés d'un champ de blé, sachez qu'ils sèment dans les airs des graines d'amour sur des hymnes à la paix. Nos chers aînés aimés restent éternels dans nos mémoires et nous emmènent encore et toujours dans les jardins secrets des délices de l'imaginaire pour apaiser nos angoisses et nos colères passagères.

Les mots que je ne peux exprimer pour les remercier de tant de prévenances représentent pour moi les fleurs du silence qui embellissent sans ornement la complicité des hommes…

Un jour, peut-être, le ciel sera mon ami. De là-haut, je poserai sur les ailes du vent des pétales de sagesse aux mille senteurs de paix. Sur la colline de mon enfance au large tapis de marguerites, j'effeuillerai la misère des cœurs en galère et fleurirai d'amour des bouquets et des bouquets de vies.

Relais d'un jour, relais d'une vie, pour s'entendre dire un jour aussi : "Grand-père c'est toi ? Grand-père c'est toi ! Grand-père…"

Jean-François Grégoire

 

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