es journées d'août 1914
à St Léger en Gaume

 

 

Vous trouverez ici la chronique "Saint Léger à l'aube de la Grande Guerre" publiée en 2014 par le Cercle de Recherche et d’Histoire de Saint-Léger. Les pages, de 1 à 32, sont numérotées. Le poids du fichier .pdf est de 16 Mo.

 

Les textes et croquis ci-dessous ont été extraits de deux fascicules, de 16 pages chacun, publiés en 1919 par l’Imprimerie Nationale L. Opdebeek, éditeur à Borgerhout/Anvers, et intitulés "LES JOURNÉES D’AOÛT 1914 DANS LE LUXEMBOURG BELGE" par L.C.M. d’Ars.
Une publication presque conforme du même auteur intitulée "La Journée d’Août dans le Luxembourg" avait déjà été diffusée en France dès 1915 (Imprimerie A. Riguelle, Paris) sans signature pour un évident motif de sécurité de l’auteur. Ce livret de 78 pages constituait donc bien une impression clandestine destinée à dénoncer à tous les Belges les atrocités commises essentiellement sur la population civile par les soldats allemands en août 1914 en province de Luxembourg belge.
Le texte proposé ici, fidèle à la seconde publication, diffère légèrement de l’édition originale.

Vous trouverez l'intégralité du texte de L.C.M. d’Ars là

 

 

"Saint-Léger se trouve à 6 kilomètres au Nord de Mussy-la-Ville. Les premières troupes traversèrent la localité vers le 18 août et s’y firent déjà remarquer par leur brutalité et leurs obscénités.

Le 23 et le 24 furent pour les habitants des journées d’épreuve, de larmes et d’épouvante.

Dès le matin du 23, cinq hommes étaient pris, traînés hors du village, liés aux arbres qui bordent la route, lardés de coups de baïonnette et enfin fusillés.

 

 

Après ce glorieux fait d’armes, le régiment (probablement le 121e) se dirigea sur Ethe, remplacé presqu’aussitôt par de nouvelles troupes.
Celles-ci, pas plus que les précédentes, n’eurent à se plaindre de la population qui donna tout ce qu’elle put, au point de n’avoir plus la moindre nourriture pour elle-même, car les Prussiens avaient exigé qu’on leur apportât ce qui restait de vivres, et en particulier pain et farine.

Ils devaient même perquisitionner plus tard : la découverte de la moindre quantité de farine entraînait pour son détenteur la peine de mort.

Dans la journée, les soldats tuèrent un homme qui ramenait des blessés.

Vers 7 heures du soir, grand branle-bas. Les soldats pénètrent dans les habitations, en expulsent brutalement les occupants et les rassemblent sur la place de l’église. Un traîne-sabre arrive en se dodelinant, monte les escaliers de l’église et en un mauvais français harangue la foule. "Ah ! hurle-t-il, vous avez bien reçu vos amis, les Français, eh bien, il me faut cinquante hommes pour les fusiller." Des cris, des larmes, des gémissements lui répondent. Fier d’avoir produit tant d’effet, l’officier recommence ses menaces, fait enfermer tous les hommes dans l’église, annonce que les exécutions vont commencer et qu’au surplus la localité sera incendiée. Effectivement, dans le bas du village, sept maisons brûlent déjà et, dans l’obscurité, ces lueurs sont d’autant plus sinistres qu’elles préludent à la grande catastrophe qu’on croit imminente. Les heures s’écoulent, angoissantes. Dans cette atmosphère affolante, où les nerfs sont trop tendus, des femmes s’évanouissent ; d’autres, les yeux hagards, implorent de l’envahisseur la grâce d’un mari ou d’un fils, tandis que de toutes parts éclatent les sanglots convulsifs des enfants. Au bout d’un certain temps, femmes et enfants sont remis en liberté, mais combien de femmes restent là en groupe, toute la nuit sur la rue. Car qu’y a-t-il chez elles ? Elles connaissent assez les Teutons déjà que pour ne pas se risquer à rentrer seules au logis ! Quand l’aube vint, elles se décidèrent à regagner leurs habitations : elles les trouvèrent complètement pillées. On s’expliqua alors le motif des manoeuvres boches.

Vers neuf heures, les hommes quittèrent l’église et parmi eux, vingt-cinq furent choisis pour être exécutés. Ils étaient tous pères de famille. C’est alors que le vicaire de Saint-Léger eut un mouvement généreux : "Moi, dit-il, je m’offre pour un de ceux-là et je demande aux jeunes de m’imiter." Sans hésiter, vingt-quatre jeunes gens s’avancèrent et se joignirent au vicaire.

 

 

Mais les Boches doivent partir : les nouvelles victimes vont marcher devant les troupes qui se dirigent sur Ethe. Derrière ce bouclier de civils qui les garantira contre les surprises de l’ennemi tout proche, comme le révèle le bruit de la bataille, les valeureux Germains s’avanceront plus à l’aise. Mais comme il leur est possible, tout en assurant leur sécurité personnelle, de satisfaire leur férocité, ils détachent cinq prisonniers et les fusillent. Les brutes s’approchent alors des cadavres, considèrent avec un rire bestial les trous béants des balles, échangent de grossières plaisanteries et ne s’arrachent qu’à regret à ce spectacle qui semble les divertir follement. Pourtant, ils se remettent en route, toujours précédés des captifs, mais on avance si lentement que pour parcourir les sept kilomètres de Saint-Léger à Ethe, il faudra sept heures, sept longues heures de mortelle attente, au cours desquelles les vingt prisonniers prient, s’encouragent et demandent qu’on en finisse au plus tôt avec eux. Mais les bandits ricanent en les observant ; ils voudraient prolonger le plus longtemps possible ce martyre dont ils se délectent. Si les condamnés prient, l’officier se moque d’eux ; s’ils cessent un instant : "Priez, dit-il, vous allez mourir." On les insulte, on leur crache au visage ; aux haltes, on leur défend de s’asseoir, sinon sur les rails du vicinal, qui longe la chaussée. Ils souffrent de la soif et comme l’un d’eux a emporté une bouteille de vin et qu’il se prépare à se rafraîchir, un soldat intervient et brise la bouteille.

Les bourreaux voudraient sans doute provoquer une révolte, qui justifierait d’autres sévices, mais ces braves qui ont volontiers fait le sacrifice de leur vie restent aussi stoïques devant l’outrage, que devant l’imminence de leur fin.

Ils arrivent pourtant à Ethe vers 3 heures de l’après-midi et là, pendant deux heures, exposés à la mitraille, ils voient des scènes d’une horreur indicible. Des deux côtés de la rue, les maisons flambent sous un jet continu de pétards et de disques incendiaires. Des bestiaux affolés s’échappent des étables, s’arrêtent un instant, puis foncent droit devant eux avec des meuglements sinistres.

À leur tour, des hommes, des femmes, des enfants, le visage noirci, sortent des caves toutes remplies de fumée. On capture les hommes que l’on marque sur le dos d’une large croix à la craie violette : c’est leur condamnation à mort.

 

 

Puis ce sont des soldats titubants, tenant en main des bouteilles d’eau-de-vie, dont ils s’emplissent. Le goulot aux lèvres, ils boivent, avec une béatitude de brutes, et satisfaits, saturés d’alcool, ils s’en vont plus loin pour suivre la série de leurs viols ou de leurs meurtres...

Enfin, à cinq heures, supposant probablement que leurs victimes avaient assez souffert, les Boches les relâchèrent et les courageux gars de Saint-Léger purent rentrer chez eux.

Tout ceci se passait le 24. Les criminels appartiennent, croit-on, aux 121e et 50e. Plusieurs viols, un pillage complet, l’incendie de sept maisons, l’assassinat de onze hommes, tel est, pour Saint-Léger, le bilan de ces inoubliables journées d’août."

Source et lien

 

"Le Journal" - 30 juin 1917

 


 

Le texte qui suit s'intitule "Les crimes de guerre en Belgique, 1914" et est signé Daniel Habran.
Il provient du site
http://grande-guerre.org :

 

"En Belgique dans les premiers jours de la guerre, les femmes n’ont pas été épargnées par la barbarie allemande. Maisons brûlées et civils fusillés ont bien souvent accompagné la marche victorieuse qui a suivi les batailles du 22 août 1914. Le texte ci-dessous est un passage du témoignage de Léonie Capon, qui a vu son mari se faire fusiller et leur maison incendiée par les envahisseurs.

Madame Capon raconte : "Ma plus grande souffrance, en tournant la tête du côté de ma maison en feu, je pensais à mes six enfants restés dans la cave qui n’était pas voûtée. Je me suis mise à genoux devant les officiers allemands pour qu’ils me laissent aller chercher mes enfants. Ils m’ont chassée et j’ai recommencé quatre fois. Toujours ils m’ont chassée ! J’ai fini par retrouver madame Marchal qui parlait allemand ; je lui ai dit qu’elle explique ma situation et que mes enfants étaient dans la cave et qu’ils allaient brûler. Alors deux soldats, revolver au poing, m’ont conduit dans la grand-rue où j’habitais pour aller chercher mes enfants. Le feu était plein les greniers, mais comme le bas ne brûlait pas encore, j’ai traversé les écuries et j’ai cherché partout pour trouver mes enfants. Le plus vieux, qui avait onze ans, avait vu mettre le feu et il avait remonté les plus jeunes de la cave, il les avait conduits au jardin, dessous un prunier. La grand-mère qui était encore dans la maison a dû sortir à coups de crosse de fusil, ne comprenant pas ce que voulaient ces deux sauvages. Je lui dis : « Grand-mère vous êtes prisonnière avec moi ». J’ai dû la prendre par le bras pour sortir par le jardin, car dans la rue on ne pouvait plus passer. J’ai retrouvé tous mes enfants sous le prunier, couchés par terre, car les Allemands tiraient sur ces innocents. J’ai pris tous mes enfants et je suis descendue le jardin jusqu’à la rivière. J’ai suivi la rivière et je suis arrivée près des autres prisonnières qui attendaient mon retour avec angoisse. Par bonheur, mon fils aîné avait eu soin de prendre une cruche de lait. Les pauvres femmes sont venues près de moi pour en donner à leurs petits. Des soldats qui passaient devant le jardin nous ont mises en joue pour nous fusiller. Je vois encore toutes ces femmes se jeter par terre, moi, avec mes enfants, je suis restée toute droite en disant : « Vous êtes des lâches, achevez votre oeuvre jusqu’au bout ». Un autre officier est arrivé près de nous et il nous a dit en français : « Nous avons brûlé vos maisons, nous avons fusillé vos mari, vous n’avez plus rien sur terre, nous allons vous fusiller ». Nous étions toutes remplies d’angoisses et d’horreur. La dame qui parlait bien allemand a demandé de nous laisser la vie, que nous trouverions bien de quoi nous nourrir. Cette fois nous étions encore remises à une heure. Ils ont ainsi prolongé notre agonie pendant trois ou quatre heures. Ne pensant plus nous fusiller, ils ont dit qu’ils allaient nous conduire à Berlin. Nous avons été martyrisées tout l’après-midi, et à 8 heures du soir, ils nous ont chassées vers Saint-Léger et Arlon comme des prisonniers. Alors commence pour moi un long calvaire….Me voilà donc toute seule au monde, avec mes six pauvres petits enfants. J’avais tout perdu : mon pauvre mari, mon père, mes deux beaux-frères, ma maison, mes bêtes, mon ménage, tout cela s’est envolé à la fois ! Et je reste avec la misère, la misère noire."
Léonie Capon, Ethe, Belgique

Son mari, Alphonse Hustin, né à Ethe le 25 avril 1876, a été fusillé le 23 août 1914 avec 15 autres villageois, lors d’une des fusillades collectives qui ont fait 282 victimes dans la population de Ethe. 256 maisons du village ont été incendiées pendant ces événements.

Ce témoignage provient des archives du musée de Latour (Belgique) où une salle est réservée en hommage aux victimes d’actes de barbarie envers la population civile de la région. Les civils n’ont pas été les seuls à subir ces actes. A Ethe, 70 soldats français désarmés ont été fauchés à bout portant. A Gomery, village voisin, 114 blessés français sortis de force de leur ambulance, qui était pourtant protégée par la Croix Rouge, ont été fusillés. Une maison protégé par le drapeau de la Croix Rouge a été incendiée, les médecins, les infirmiers ont été assassinés, les blessés ne pouvant se mouvoir ont été brûlés vifs. Triste réalité.

La vérité sur ces faits ayant été établie après guerre, la Belgique n’entretient aucune haine, mais elle n’oubliera jamais."

 

"La Lanterne" - 19 novembre 1918 

 

une journée tragique : le 5 septembre 1944

 

  

 

 

 

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