Saint Léger aux Bois
à travers ses monuments et ses rues

par Marc-Antoine BREKIESZ

 

Village situé entre l'Oise et la forêt de Laigue, à la limite des anciens diocèses de Noyon et de Soissons, dépendant de nos jours de l'arrondissement de Compiègne, Saint-Léger-aux-Bois a d'autant moins de spécificité architecturale que, situé en zone de front pendant la Première Guerre mondiale, ayant été fortement bombardé en 1918, ses maisons, comme en maintes autres communes du Noyonnais ou du Ressontois, offrent plus le visage et le style de la reconstruction des années 1920, avec prédominance de la brique contemporaine qui s'ajoute au calcaire et à la tuile, matériaux locaux.
Saint-Léger possède néanmoins, outre la forêt de Laigue, un édifice remarquable, classé monument historique juste à la veille du conflit (1), qui en a souffert et en porte encore les stigmates, mais a bénéficié d'une belle restauration et d'embellissements: son église Saint-Jean-Baptiste, ancien prieuré à l'origine du village, qui est un des rares édifices religieux de pur style roman conservé dans l'Oise.

 

l'ancien prieuré - l'église Saint-Jean-Baptiste

C'est l'édifice autour duquel s'est formé le village, dont l'origine remonte à la fondation d'un prieuré par les bénédictins de la Sauve-Majeure, abbaye fondée par saint Gérard en Gironde, grâce à la donation d'un morceau de son domaine par le Roi de France Philippe 1er, arrière petit-fils d'Hugues Capet, en 1083.
Le souverain ayant accordé aux moines les dîmes, l'autel, une vigne, le plein exercice de la justice et l'usage de la forêt sur toute l'étendue du territoire, un prieuré y fut établi. En raison de la découverte d'une source en forêt de Laigue, il fut dédié à Saint-Léger, dont le culte était alors en pleine expansion, comme guérisseur des aveugles grâce à l'eau des sources.

A partir de la fin du XIe siècle, l'abbé de Sauve-Sauveur fit construire des bâtiments et une église en pierre d'appareil de pur style roman. En 1108, Philippe 1er, conseillé par son fils, le futur roi Louis VI le Gros, permit aux moines le défrichement de la forêt, ce qui fut à l'origine de l'implantation de la communauté villageoise. En 1190, le Pape Célestin III conforta le prieuré-abbaye dans toutes ses possessions. Son expansion et les aléas de l'histoire allaient l'amener à changer plusieurs fois de main.
En 1590, il passa d'abord sous la dépendance des moines de l'ordre de Grandmont établis au Francport. Puis, en 1624, Louis XIII en fit don à son aumônier Michel de l'Arche, comme prieuré simple.
Tandis que la forêt de Laigue était incluse avec celle de Retz dans l'apanage d'Orléans institué par Louis XIV en mars 1661, en faveur de son frère Philippe, le prieuré de Saint-Léger revenait à Mgr de Fitz-James, évêque de Soissons. Par son décret de janvier 1749, il en réunit les biens à ceux du séminaire diocésain, mais établit en contrepartie pour la communauté villageoise une cure et un vicariat à sa collation, dédiant la nouvelle paroisse en la nef de l'église à Saint-Jean-Baptiste, le choeur de l'édifice restant consacré à Saint-Léger et au prieuré, qui conserva jusqu'à la Révolution ses droits de basse et moyenne justice seigneuriale.

 

l'église Saint-Jean-Baptiste

 

L'actuelle église Saint-Jean-Baptiste a été construite à partir de 1083, jusqu'au premier tiers du XIIe siècle, dans un style roman homogène. C'est un des monuments les plus représentatifs de cette architecture dans le bassin supérieur de l'Oise, d'autant qu'il est un des rares à n'avoir pas subi de modification profonde au fil des agrandissements et restaurations.
La nef a été en effet replafonnée au XVIe siècle, la charpente du clocher reconstruite en 1636, les collatéraux en partie refaits en 1602 et 1789 (2). Après les dégâts de la Première Guerre mondiale, dont on peut encore voir extérieurement la trace par des éclats d'obus et de balles, mais qui n'avaient pas touché le gros oeuvre, la façade et le clocher ont été refaits, Plus récemment, des travaux de réfection des toitures, de traitement contre l'humidité ont été réalisés, de nouveaux vitraux installés, grâce à l'action de l'Association des Amis de l'église, qui a su trouver les financements nécessaires.

 

fenêtre romane de la façade de l'église de Saint-Léger-aux-Bois à la fin XIXe

 

La sobre façade occidentale a conservé son allure d'origine, surtout dans la partie centrale encadrée par deux contreforts plats, où l'archivolte du portail central en plein cintre (repris au XVIIIe siècle), se prolonge par un bandeau horizontal décoré de billettes. Il est surmonté par une large fenêtre, dont l'arcade ornée de rayons est dessinée par un gros boudin, s'appuyant sur des colonnettes trapues. Un bandeau identique à celui du portail traverse la façade en passant au dessus de la fenêtre.
Le chevet est remarquable par la compartimentation des masses juxtaposées typiques du roman, avec l'abside et les absidioles arrondies en cul de four, la travée droite du choeur plus élevée, et le "transept bas", situé au même niveau que l'abside centrale. Les corniches sont sobrement décorées par de discrètes ondulations, et l'ensemble de la construction étayé par de simples contreforts plats.
A l'intérieur, les cinq travées du vaisseau central de la nef, couverte d'un plafond et éclairée par une série de baies vitrées en plein cintre au dessus du seul latéral gauche, communiquent avec les deux bas-côtés par de grandes arcades en plein cintre reposant sur des piles rectangulaires sans chapiteaux ni tailloirs. La nef s'ouvre par un grand arc sur le "transept bas" donnant sur le choeur, terminé par les trois hémicycles de l'abside et des deux absidioles, qui prolongent chacun des vaisseaux de la nef.
Le clocher en charpente (reconstruit au XVlIe siècle), surmonté d'une flèche coiffée d'une croix et d'un coq, contient les cloches installées en 1860-1862 sous l'égide du curé de Saint-Léger LE BEAURAIN, et de son confrère GILLES, doyen de Ribécourt, remplaçant les quatre cloches bénies en juillet 1769 par le curé DIDELET (3), et descendues sous la Révolution.

 

l'église romane de St Léger aux Bois - carte signée M. Féron

 

Le mobilier de l'église comporte plusieurs oeuvres d'art intéressantes : des fonts baptismaux, avec cuve octogonale sur un socle de même forme ; plusieurs statues en bois polychrome, du XVIe au XVIIIe siècle (une Vierge à l'enfant et un Saint Sébastien du XVle, un Saint évêque, et un Christ en croix) ; un chemin de croix en fonte datant du XIXe siècle, qui mériterait une bonne restauration ; enfin une belle série originale et homogène de vitraux du peintre verrier Jean GRUBER.
Ils représentent : sur la façade au-dessus de la tribune, Saint Michel terrassant le dragon et plus bas l'agneau pascal ; dans le choeur, Saint-Jean l'évangéliste au pied de la croix ; à droite, la décollation de Saint-Jean Baptiste.

 

 

L'église était autrefois entourée par le cimetière, qui était fermé par des haies vives, et dont l'emplacement est rappelé par un calvaire. A proximité se trouvaient deux moulins appartenant au prieuré, qui servaient à l'exploitation du chanvre et au travail du bois de la forêt.

 

 

la forêt de Laigue

Elle constitue véritablement l'âme du village, dont elle occupe près de 80 % de la surface, et son premier atout naturel, étant une des plus belles du département et de la région.
Restée jusqu'à Henri IV, pour sa plus grande partie, indivise entre les détenteurs du fief d'Offémont et le domaine royal, rachetée par le roi, elle fut donnée en apanage par lettres patentes du 10 mars 1661, à Philippe, duc d'Orléans, frère de Louis XIV, restant dans sa descendance jusqu'à la Révolution.
Forte de 7000 arpents, elle était alors exploitée en taillis, pour le bois de chauffage et comme réserve de chasse princière, placée sous l'autorité d'une maîtrise particulière des Eaux-et-Forêts, qui avait son siège à Compiègne.
Devenue forêt domaniale depuis 1791, gérée par l'ONF, sa superficie actuelle est de 3827 hectares (4). A l'écart des grandes voies de communication, avec ses sols argileux et humides, comportant davantage de taillis que de futaies, elle a conservé un caractère naturel et sauvage plus marqué que celle de Compiègne.

 

 

Dans cette forêt, on peut trouver deux intéressantes maisons forestières (lieux d'habitation des anciens gardes forestiers) : celle de Montmacq et celle du Puits d'Orléans, qui marquaient pendant l'Occupation l'entrée du dépôt de munitions.
Placée en un carrefour stratégique de la forêt, cette dernière tire son nom du legs de 1661 en faveur de Philippe, duc d'Orléans. L'ancienne construction à un étage du XIXe siècle a été totalement ravagée par un bombardement lors de la Seconde Guerre mondiale, avant d'être reconstruite telle qu'on la voit aujourd'hui.

 

 

La forêt offrant de nombreuses ressources végétales et animales, Saint-Léger-aux-Bois a donc été, depuis toujours et en tous temps, un grand rendez-vous de chasse...
Depuis l'époque des rois mérovingiens qui aimaient venir chasser sur les terres encore vierges qu'était alors Saint-Léger, jusqu'aux scènes de chasse à courre du milieu du siècle dernier, il n'y a qu'un pas... et il n'y avait alors qu'un lieu de rendez-vous... la place du Quennezil pour le départ... mais aussi pour l'arrivée et le réconfort dans son ancien restaurant !

 

 

 

les rues de Saint-Léger

Après les légitimes fiertés locales, invitons-nous à visiter le village, rue par rue... Et commençons par. . .

 

 

la rue des Usages

Autrefois appelée place du Calvaire, elle constituait la place centrale du village, sur laquelle certaines fêtes villageoises avaient lieu. On constate encore aujourd'hui la présence ancienne de cette place, puisqu'une série de maisons est légèrement en retrait de la route principale. En revanche, les nouvelles maisons et constructions plus récentes sont à proximité de la route.

 

la place du Calvaire

 

la rue de Noyon

Cette rue est une partie de ce que les Saint-Giotains avaient coutume d'appeler la "Grande Rue". Cette voie, qui est devenue la route départementale 165, compte une des plus grandes bâtisses du village ; longtemps appelée la villa du Gué, en raison de la hauteur qu'elle offrait pour observer les environs de Ribécourt l Cette bâtisse, visible sur toutes les photos anciennes, l'est encore aujourd'hui. (7, rue de Noyon)

 

la villa du Gué

 

la rue de Compiègne

Cette partie de la "Grande Rue" a été relativement épargnée pendant la Première Guerre mondiale, bien que le front se situât sur Bailly. Elle a joué un rôle très important dans la Seconde guerre mondiale, puisqu'elle permettait l'accès au dépôt de munitions.
Cette rue possédait le bureau de poste, qui avait aussi une fonction de café (aujourd'hui devenu maison d'habitation, au n° 10 de la rue), ainsi que le Chalet Gabriel, la plus grosse bâtisse du village, en style néogothique typique de la fin du XIXe siècle. Elle a été un poste d'observation fort intéressant pour l'armée allemande (au second étage de cette construction, on voit jusqu'à Ribécourt). Aussi les occupants avaient investi cette grande maison pour stocker toute la partie administrative de l'armée locale.

 

Grande Rue de Saint-Léger-aux-Bois et Chalet Gabriel

 

Grande Rue, après la reconstruction d'après la Première Guerre

 

la rue et la place du Quennezil

Véritable lieu de rendez-vous du village, compte tenu de sa situation et de ses attraits (plus grand commerce du village, bar, départs de chasse à courre…), cette place s'est longtemps appelée place de la République, jusqu'à ce que le patrimoine et la langue picarde en aient raison.
En effet, cette place est (re)devenue place du "Quennezil", en raison de sa proximité à la forêt et des chants (" quenne " en patois picard) des oiseaux (" zil ", toujours en patois).
Cette place a donc toujours été un point névralgique du village, puisque la grande bâtisse (le n° 4) de la place a été un hôtel, puis tour à tour une épicerie, une mercerie, un restaurant, un débit de tabac, une charcuterie, une salle de bal et même une écurie dans les années 1950, avant de devenir une discothèque (années 1965 à 1980) puis un piano-bar, et enfin redevenir simple maison d'habitation.
Cette place a aussi longtemps été celle de la fête patronale.

 

la place du Quennezil

 

la rue des Étangs

Autrefois appelée rue de la Fabrique - le nom provenant de la fabrique de balles et de jouets d'enfants BERNARD - ou encore rue d'Enfer (origine inconnue), cette voie a finalement pris le nom de rue des Étangs, puisqu'elle mène directement aux sept étangs situés en bordure de l'Oise, qui offrent un cadre naturel extraordinaire.
Cette rue, durant la Seconde Guerre mondiale, a abrité notamment la GESTAPO et l'atelier mécanique de l'armée allemande.
La GESTAPO était logée dans une maison ancienne, devenue une boucherie par la suite (n° 6 de la rue) et l'atelier mécanique était situé dans la maison que l'on voit en construction sur une carte postale d'époque, achevée en 1910, portant aujourd'hui le n° 5 de la rue.

 

la rue d'Enfer au début du XXe siècle

 

la rue du Moulin

Autrefois rue du Château, en raison de son accès aux "Croisettes", une des immenses constructions du village qui se situent au croisement de plusieurs routes de forêt et du village, assimilée par les riverains au château local (ancienne faisanderie), elle est devenue la rue du Moulin, en raison de la présence de deux moulins, situés à proximité de l'église, qui servaient à la culture du chanvre, mais dont aucune trace n'a jamais été retrouvée.

 

la rue du Moulin

 

la rue du Marais

La rue du Marais tient son nom des anciens marais qui se situaient au niveau de l'actuel centre équestre. D'ailleurs, lors de pluies et averses abondantes ou répétées, on peut observer encore certains endroits marécageux.

 

le Hameau de Flandre

Le Hameau de Flandre était autrefois un "pâté" de maisons littéralement indépendant du village. Sur de nombreux plans anciens, on remarque bien distinctement Saint-Léger et La Flandre. Aujourd'hui, il y est totalement relié par de nouvelles constructions et le hameau isolé fait désormais partie intégrante des rues du village.

 

carte ayant voyagé en 1910

 

les autres rues

Il existe cinq autres rues : de l'Église, du Père Licourt, des Demoiselles, du Tour de Ville et le square Maurice Lancel.

La rue des Demoiselles tire son nom de libellules. En effet, non loin de cette rue, on peut retrouver l'Oise et quelques étangs alentour, avec la présence de grosses libellules appelées demoiselles.

 

la rue des Demoiselles

 

Le square Maurice Lancel a été inauguré en 1994, en mémoire d'un Résistant saint-giotain. Né le 31 juillet 1909 à Servais (Aisne), membre du Parti Communiste et du premier groupe de l'OS d'André DUMONTOIS dans le Noyonnais, il fut arrêté le 6 octobre 1941 par la police de Vichy, déporté, déclaré mort à Gusen (Autriche) le 8 avril 1945.

L'origine du nom de la rue du Père Licourt reste inconnue.

La rue du Tour de Ville, qui a vu le jour dans les années 1960 fut ainsi nommée car elle faisait la jonction entre la rue du Quennezil et celle des Demoiselles, elle concluait le tour du village.

 

la rue du Tour de Ville

 

notes

(1) Par l'arrêté du 15 janvier 1914 du Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, "La Gazette de l'Oise" 25 janvier 1914. Date de protection, par arrêté du 30 décembre 1913, N° notice PA00114864
(2) Louis GRAVES, "Description du canton de Ribécourt, 1839, notice sur Saint-Léger-aux-Bois", rééd. Res Universalis, 1991 - Philippe BONNET-LABORDERIE, "Guide Castermann, Oise" 1997, Tournai, notice sur l'église de Saint-Léger-aux-Bois, p. 259
(3) A.D. Oise, registre paroissial de Saint-Léger-aux-Bois, juillet 1769
(4) Notice ONF, carte IGN 1/250000 des forêts de Compiègne et de Laigue, 1984. François CALLAIS, "A la découverte des forêts de Compiègne. Laigue et Ourscamp-Carlepont", Société historique de Compiègne. 1998

 

   
de Saint-Léger-aux-Bois à La Chanvrière (1789-1799)
Saint-Léger-aux-Bois dans la Première Guerre mondiale
la Grande Guerre, vue par Maurice Bonnart
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Merci de fermer l'agrandissement sinon.

 

 

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