La famille VALENTIN au Hameau de La Garde et aux Lévriers
à St Léger sous la Bussière, entre 1804 et 1830
  
 

 

"L'gre et les conscrits" (1)
ou la conscription en Mâconnais
sous le Premier Empire (1807)

 

 

"Un évènement vient bouleverser la vie des campagnes en 1798 : la conscription…
C'est de la conscription…qu'est née, après 1809, la légende de l'Ogre.
Un ogre qui, tel le Minotaure de l'Antiquité, réclame son contingent de jeunes hommes à dévorer..."

Le tirage au sort est pratiqué en application de la loi du 8 fructidor an XIII (26 août 1803) : le chiffre global des conscrits est fixé par la loi, la répartition est faite par commune.
Chaque maire dresse la liste des individus concernés (garçons de 20 ans).
Une liste générale est établie pour chaque canton, affichée dans tous les villages, où un registre est ouvert pour les réclamations.

La date du tirage au sort est fixée huit jours à l'avance, par voie d'affiche.
Il a lieu au chef lieu de canton (en l'occurrence Tramayes pour le village de St Léger sous la Bussière) en présence des conscrits, des maires, de l'officier de gendarmerie et de l'officier du recrutement.

"Il est jeté dans une urne autant de bulletins qu'il y a de noms sur la liste générale vérifiée ; ces bulletins portent un numéro différent, en commençant par le numéro 1.
Chaque conscrit, suivant l'ordre dans lequel il figure sur la liste, est appelé à tirer un bulletin…
Le nom de chaque conscrit, ses prénoms, son domicile, celui de ses parents, sa profession sont inscrits vis à vis du numéro obtenu…
Plus le chiffre est élevé, plus le conscrit a des chances de demeurer civil.
Un n°1 voue immanquablement au départ ; celui qui dépasse la centaine autorise l'espoir de rester au village…"

Suit l'épreuve de la mesure à la toise (minimum 1mètre 60) et celle des "infirmités" qui pourraient rendre inaptes les conscrits.
Les jeunes militaires sont alors incorporés pour cinq ans... au moins.

Rappelons que la conscription, dès l'origine, ne frappait que les garçons célibataires.
Le mariage est même, pour certains, une façon d'éviter la conscription grâce à de faux certificats !


Chez les VALENTIN, trois garçons vont être "conscrits" :

Jean-Benoît, l'aîné, a 20 ans en 1798.
A la fin du Directoire, il est "insoumis".
Il se marie en 1811.

Jean-Marie a 20 ans en 1801.
Il est réformé en 1803 pour défaut de taille.
Il se marie en 1808.
Les deux frères sont inscrits dans le département du Rhône, habitant alors à Propières en Haut Beaujolais.

Jean-Pierre a 20 ans en 1806, c'est de lui dont il s'agit ici.

Jean-Antoine, le dernier garçon, a 20 ans en 1818… 17 ans en 1815 à la chute de l'Empire et la suppression de l'Armée impériale.
Il ne semble pas qu'il soit "conscrit" mais nous perdons sa trace après cette date…
Serait il enrôlé comme "Marie-Louise" (nom donné aux très jeunes conscrits des classes 1814 et 1815 appelés sous les drapeaux dès 1813 sous la signature de l'impératrice régente) dans les dernières guerres impériales ?

Pour le département de Saône et Loire, c'est donc sur le canton de Tramayes qu'il faut orienter nos recherches (2) :

Pour l'an XI (1802-1803) le tirage a lieu le 8 décembre 1803.
Evidemment on ne relève aucun VALENTIN…
Jean-Marie est déjà réformé depuis juillet dans le Rhône !

Sont recrutés pour "l'armée active" ou "le dépôt" des jeunes de Saint Léger, le domestique Claude DESROCHES (né le 5 août 1782) par exemple.

Pour l'an XII (1803-1804) toujours pas de VALENTIN.
Sont "conscrits" à St Léger, entre autres, "Joseph BERTOUX, né le 2 avril 1783, laboureur…Jean Marie DUSSAUGE, né le 20 novembre 1782, laboureur… Pierre LAROCHETTE, né le 1er juin 1783, domestique" (ces familles deviendront alliées aux VALENTIN).

Pour l'an XIV (1805) et pour 1806, pas de VALENTIN.
Logiquement, Jean-Pierre, né en 1786 à Propières, devrait être inscrit cette année là !
Il ne l'est pas non plus dans le Rhône…Bizarre ?

Le contingent du canton est de "onze hommes pour l'armée active, six hommes pour la réserve"…
Pour St Léger, on relève les noms de quelques conscrits :

  • Jean BRAILLON, né le 2 décembre 1785 à St Léger, laboureur
  • Jean CORNIER, né le 17 décembre 1785, "taillandier" (maréchal) : "il demande à être au dépôt, attendu que son frère a tiré le n°12 le même jour. Il faut observer que ce particulier, né le 21 mai 1784, ne s'est pas présenté l'an 14 parce que son extrait de baptême était sous le nom de DUBOIS, qu'il s'est présenté volontairement à la mairie, qui a reconnu et rectifié l'erreur d'après des renseignements…"
  • Claude DESROCHES, né le 28 mai 1786, maréchal : "Au dépôt, a un frère conscrit de l'an 13 en activité"
  • Pierre DUSSAUGE, domestique, né le 30 avril 1786
  • François FAILLANT, domestique lui aussi, né à Matour, "incapable pour défaut de taille" (1m 49)

Enfin, c'est dans le recrutement pour 1807 que nous retrouvons Jean-Pierre VALENTIN.
Il est le dernier de la "liste définitive, par ordre alphabétique, du canton de Tramayes" :
"n° 78 - VALANTIN Jean-Pierre.
11 7bre 1786 (sa date de naissance en septembre)
1m 625. Propriétaire. Né à Propières. Résidence personnelle : St Léger.
Noms et prénoms des père et mère : Claude et Claudine CORJET (en fait, il s'agit de CORGIER)
Domicile des père et mère : St Léger " (R10 archives de Saône et Loire)

Dans la case "observations" il est précisé : "A été admis au tirage quoiqu'il soit de l'année dernière".

La désignation des conscrits pour le canton de Tramayes (13 hommes pour l'active et 4 pour la réserve) a lieu le 12 janvier 1807.
Est il possible que notre ancêtre n'ait pu être recensé en 1806 car il était alors "en transit" entre le Rhône et la Saône et Loire ?
Ou bien, venant d'arriver après "les opérations de tirage" de 1806, il soit d'office "admis au tirage" pour 1807 ?

Il semble bien que l'installation des VALENTIN à St Léger sous la Bussière date de début 1804…
Mais les documents "militaires" laissent un blanc de 3 ans et demi, entre deux conseils de recrutement : celui de Jean-Marie à Propières, le 11 juillet 1803, et celui de son frère Jean-Pierre, à St Léger, le 12 janvier 1807.

Toujours est il que Jean-Pierre mesure 1m 625.
Il est incorporable après le tirage au sort alors que son frère (1m 558) est réformé d'office pour quelques centimètres de moins !

Sur 78 conscrits recensés, Jean-Pierre VALENTIN tire le n°9.
Il a donc de fortes chances de partir à l'armée d'active.

Il demande "à être visité (par l'officier de santé) pour mal de jambes".

En regard, sur le registre, on note "Réformé".
Comme ses deux frères aînés, Jean-Pierre ne partira pas à l'armée ni à la guerre.


Jean TULARD, dans "La vie quotidienne des Français sous Napoléon" écrit :

"Seule solution possible pour échapper au service si l'on a tiré un mauvais numéro et satisfait aux conditions physiques exigées : le remplacement"

Pendant 5 jours après les opérations de tirage au sort, le conscrit peut substituer le nom d'un réserviste au sien.

Le remplacement est limité aux conscrits d'un même canton et de la même classe.

"Un acte notarié est généralement passé entre les parties…
Il faut faire vite pour trouver un remplaçant.
Mais, au pire, on peut se faire remplacer après avoir été incorporé…"

Après 1810, on a de grandes difficultés à trouver des candidats remplaçants, et les prix montent devant la prolongation des hostilités.

"Le remplacement introduisait une autre injustice, celle de l'argent.
Seuls les riches pouvaient se faire remplacer…
On mesure le désespoir des familles en de pareilles circonstances."

Michel Guironnet
février 2001

(1) Nous empruntons ce titre au chapitre XII de " La vie quotidienne des français sous Napoléon " de Jean TULARD, ouvrage où nous avons puisé l'essentiel des informations concernant la conscription

(2) Listes nominatives des conscrits aux archives de Saône et Loire à Mâcon : R1 (an 8 à an 12) R2 (an 12 et an 13) R4 (an 14) R7 (1806) pour l'arrondissement de Mâcon

 

01

Petite histoire de St Léger sous la Bussière

02

Les Valentin s'installent à St Léger

03

Marraine et conscrit Valentin

04

Mariages des enfants Valentin à St Léger

05

"L'Ogre et les conscrits" (1807) 

06

Achat du domaine de La Garde à St Léger (1808)

07

Revenus des paysans et valeur de l'argent

08

Les "dernières volontés" des époux Valentin

09

Partage de propriété à La Garde (juin 1809)

10

Claude Valentin, "illétéré, de ce enquis"

11

Le mariage de Jean-Benoît (1811)

12

Histoire d'un contrat de mariage "double" (1812)

13

Le prix de la terre (1817)

14

La mort du père Claude Valentin (1821)

15

La descendance est assurée (1821/1826)

16

Les malheurs de Jean-Benoît Valentin

17

La mort de Claudine, la grand-mère (1828)

18

La mort de Jean-Benoît Valentin (1830)

19

Inventaire au domicile de Jean-Benoît Valentin

20

Vente des biens délaissés par Jean-Benoît Valentin

 

vers St Léger sous la Bussière

 

 

 

 

 

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