a peste de 1721 à St Léger de Peyre

la dernière peste d'ccident

 

 

1720 : la peste à Marseille

Le 20 juin 1720, à Marseille, une femme s’effondre dans la rue, une pustule noire au coin de la lèvre. Cette mort annonce le retour du plus grand fléau du Moyen Age : la peste. La maladie trouve un terrain très favorable dans cette ville surpeuplée à l’hygiène déplorable. Ces tristes conditions sanitaires vont faire exploser l'épidémie.
Pour la dernière fois, la peste va frapper massivement l’Europe.

Le 25 mai 1720, un bateau arrive dans le port de Marseille, chargé de balles de coton en provenance de Syrie. Au Proche-Orient, la peste est endémique et des marins sont déjà morts à bord : les marchandises sont infestées de puces qui transmettent le bacille de la peste.

Bien que Marseille ait connu sa dernière épidémie de peste en 1650, les échevins, pour ne pas perdre la cargaison pendant une quarantaine stricte et pour la vendre au plus vite, placent l'équipage en quarantaine douce dans un dispensaire. Mais les intendants de la Santé sont achetés par les milieux marchands, la marchandise est déchargée et les marins se promènent librement dans la ville. Les puces suivent.

Le 20 juin, une lavandière de 58 ans meurt après quelques jours d'agonie, un charbon sur les lèvres. Le 28 juin, dans le même quartier, meurt à son tour un tailleur de 45 ans. Deux jours plus tard, c'est au tour de sa femme. Enfin, deux médecins se rendent au chevet d'un enfant de 13 ans, et là, tout de suite, ils comprennent : la peste bubonique ! Il faut aller vite : la piqûre de la puce provoque un empoisonnement du sang qui aboutit à une septicémie. Il ne faut que quelques heures à trois jours maximum pour que le malade décède.

Les plus riches s’enfuient et vont s’installer dans leur résidence à la campagne. Les chanoines de Saint Victor se barricadent dans leur monastère et sont épargnés par la peste.

Le fléau déferle sur toute la ville pour atteindre près de 1000 morts chaque jour fin août, alors qu'on en comptait quotidiennement seulement 70 en juillet. On ne ramasse même plus les cadavres qui pourrissent dans les rues en pleine chaleur.

Quand on se décide à boucler Marseille, début septembre, il est déjà trop tard : le bacille s'est répandu dans l'intérieur des terres et il faudra encore deux années de lutte pour éradiquer la peste du Languedoc et de la Provence. On tente de s'en protéger en construisant le Mur de la peste dans les Monts de Vaucluse. En vain.

La peste va sévir dans la ville jusqu'à fin octobre et faire environ 40 000 victimes à Marseille, soit près d'un tiers de la population. La ville connaîtra une rechute en août 1722, qui ne fera cette fois que 260 morts.
A l'intérieur des terres, on compte environ 50 000 victimes en Provence et 50 000 autres dans le Gévaudan.

 

la peste à Marseille en 1720 - peinture du 18e s.
http://www.dinosoria.com/peste_marseille.htm

 

1721 : la peste dans le Gévaudan

Venue de Marseille, la peste gagna vite toute la Provence, où elle tua un tiers de la population ; elle se répandit aussi en Languedoc, Rouergue, Vivarais et Gévaudan. Un gigantesque cordon sanitaire coupait les régions pestiférées du reste du pays.
2000 postes encerclaient le Gévaudan, éloignés l’un de l’autre d’à peine deux portées de fusil. Ce fléau paralysa le pays pendant 2 ans : les pouvoirs publics devaient nourrir la population besogneuse.
Pour Marvejols, il existe un document exceptionnel : le journal tenu pendant ces deux années par le bourgeois Etienne Veyron. 
En voici un extrait :

allégorie de la Peste - peinture du XVe s.

"Tout commença il y a deux ans, en septembre 1720, à une foire de Saint Laurent d’Olt, par la faute de cet habitant de Corréjac et de ce galérien évadé qui avait fui Marseille infectée de la terrible maladie de contagion. Les deux hommes se rencontrèrent, allèrent boire ensemble et le forçat vendit au paysan quelques hardes.
Le paysan rapporta chez lui ces hardes pestiférées, prit le mal et le communiqua à ses voisins : et tous ceux du village ou presque moururent. On brûla toutes leurs maisons, ce village calciné fait compassion à voir.
Le lendemain de son retour, le paysan était allé à la Canourgue pour ses affaires. Il y retrouva ses connaissances et leur communiqua sa maladie. Médecins, chirurgiens et apothicaires eurent beau secourir ces malheureux Canourgais, le mal les réduisit à un petit nombre.
On envoya, des gens de guerre aux environs, pour monter la garde nuit et jour. On mit des barrières pour empêcher le mal de se propager (...)
(...) Trois compagnies de fantassins arrivèrent ici le 14 juin 1721, pour aider à la garde. Il nous fallut les loger, nous les bourgeois. Mais le 29 juillet, on les envoya camper sous la tente, à la métairie de Rouby ou vers Saint-Léger ou près du village de Berlières. Ils entourèrent Marvejols de barrières et les habitants ne purent achever leurs récoltes. La peste, bientôt, saisit les villages les plus proches (...)"

Des 25 paroisses visitées par l’épidémie, voici les plus touchées :

à droite, médecin en 1656 avec son masque caractéristique de l'époque de la peste
Le long bec renfermait des épices pour atténuer l'odeur des cadavres.

 

1721 : la peste à St Léger de Peyre

Sur la peste à St Léger, les notes manuscrites d’un habitant sont assez suggestives pour qu’on s’y arrête. :
"Le plus difficile était de trouver des corbeaux pour porter les cadavres (sic) à la fosse. Les autorités désignent Pierre Léger et Jean Balles, qui résistèrent merveilleusement pendant deux mois. Puis ils forcèrent Gareton jeune, qui ne vécut qu’environ 15 jours. Heureusement après lui il y eut des convalescents, qui n’étaient plus "susceptibles"… Pour servir à l’infirmerie, on contraignait des filles et des femmes de mauvaise vie."
"Ô spectacle affreux ! Enfants retirés de la mamelle de leurs mères mortes… Les charrettes pleines de cadavres de l’un et l’autre sexe, entassés l’un sur l’autre, conduits à la fosse souvent pour y expirer… et quelques-uns même en ressortir… et qui demandent faiblement de l’air à celui qui se mettait en devoir de les enterrer."

"habit des médecins et autres personnes qui visitent les pestiférés
Il est de marroquin de levant, le masque a les yeux de cristal et un long nez rempli de parfums."

Au village du Valadou, un homme fit lui-même sa fosse, "voulant se mettre à couvert d’être mangé par les chiens". Quelques jours après, attaqué, il s’y conduisit avec une cruche d’eau, s’y coucha et mourut dans quelques heures.

Vers la fin de l’épidémie, à St Léger, ordre fut donné de remettre avant 3 jours dans un magasin général toutes les étoffes de laine, sous peine de mort. Cent livres de récompense étaient promises aux dénonciateurs. Un habitant, Jean Mazodier, avait 32 pièces de cadis [bure grossière marron - NDLR] et ne les remit pas : naïf ou trop malin, il croyait qu’on n’appliquerait pas l’ordonnance.
Dénoncé par un voisin, jugé à son insu, condamné, il ne passa qu’une nuit en prison. On le prépara à la mort, on le promena dans le bourg "avec une pancarte de sa sentence devant et derrière", tandis qu’un sergent publiait à tous les carrefours : "Cet homme va mourir pour voir caché ses marchandises".
Il marcha au supplice d’un pied ferme, avec une résolution extraordinaire. Un détachement de Mignons le fusilla et le lendemain, au pré de la Gravière, on brûla ses cadis.

 

 

 

 

 

 

saint Roch montrant sa plaie à la jambe
Selon la légende, il a été lui-même pestiféré.
On l'a traditionnellement invoqué pour se protéger de la mort noire et des épidémies ultérieures de peste.

Quand fut rendue la liberté de circuler, le 13 septembre 1722, on fêta cette délivrance par une grande procession. Les bourgeois armés se rendirent en bon ordre, en chantant le Te Deum, à la terrasse près du pont, du côté de Lescure. Pénitents et membres du Conseil de Santé portaient des cierges : ils allumèrent de leurs flammes un bûcher préparé pour un grand feu de joie.

 

La peste de 1721 : le prêtre raconte :

"Etats de tous ceux qui sont morts dans le bourg de Saint Léger et dans les autres villages de ma paroisse qui ont été attaqué de ce terrible fléau de la peste et qui ont été enterrés dans les jardins dans des champs et dans des prés tandis que le père abandonnait son enfant, l’enfant le père, le mari la femme et la femme le mari et que nous avons vu les parents perdre leurs parents comme l’enfant le père et le père l’enfant sans en paraître touché de douleur et ou nous avons vu les corps dans le village de Valadou rester les huit jours sans que personne voulut les inhumer toute une famille ayant péri sur le causse qui est du coté de Lempers et aux Gratons traîner les cadavres avec des crochets et des perches dans la fosse comme aussi pour ne pas les avoir mis assez profondément de cadavres dévorés par les chiens et plusieurs autres choses qui font frémir de penser seulement …
(entre les deux pages la liste des morts)
Avant que la maladie contagieuse y fut il y avait au Valadou 160 habitants avec les domestiques. Il y est mort 107 personnes. Il y a 30 convalescents. Et 23 qui n’ont pas été attaqué."

Dieulofes prêtre

Source et lien : http://pagesperso-orange.fr/j.marchal/anecdotes/quot48.html

 

Journal du curé Mingaud :

"Le mois d’avril 1721, la peste attaqua la Canourgue, où elle fit un grand ravage, ensuite Marvejols, St. Léger, plusieurs paroisses du haut Gévaudan, et Mende fut pareillement attaquée le 10e septembre 1721.
On forma une ligne, le long de la rivière du Tarn, vers le commencement de septembre ou fin août de la même année. On tira les troupes des Cévennes et on forma une autre ligne, près d’Anduze. Depuis ce temps là, il y a une fourmilière de prédicants, qui tiennent leurs assemblées en plein jour, presque toutes les églises de la campagne sont désertes, celle de St. Etienne a encore environ 360 nouveaux convertis qui ont communié à la Pâques dernière 1722. Le village de Cabanemagre ne paraît plus à l’église. La plupart de l’Espinassous en font de même, aussi bien que ceux de Serres, quelques trentaines de personnes de ce bourg ont discontinué de venir à l’église et par conséquent vont aux assemblées. Deus misere altuis. Notre Mende est encore en quarantaine ce 31 mai 1722."

Source et lien : http://www.camisards.net/Mingaud.htm

 

Source et lien :
Nous vous conseillons vivement de lire l'intégralité de ce passionnant document, extrait de "Ce tant rude Gévaudan" de Félix Buffière.

 

en complément, trouvé sur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6565293z/f80





  

 

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