Il s'agit d'un fragment de "A la force de l'eau : les différentes utilisations de l'énergie hydraulique en Lozère", de Yves Pourcher, in "LA REVUE D'ETHNOGRAPHIE MERIDIONALE FOLKLORE" TOME XL - 50e Année N° 1 du printemps 1987 :

(…) C'est que l'activité textile, complémentaire de l'agriculture, a été particulièrement prospère dans l'ancien comté du Gévaudan.

A Mende, mais surtout à Marvejols, St-Léger-de-Peyre, La Canourgue, les quelques commissionnaires qui collectaient les pièces tissées dans les campagnes pour les exporter hors du département avaient acheté de nombreux moulins. Ces habiles intermédiaires entre les agriculteurs et les négociants de Montpellier, Marseille, Lyon, s'étaient d'ailleurs progressivement enrichis. Sur les routes du commerce, beaucoup, tels Mendras, Talansier, Giscard avaient rejoint au XVIe siècle, mais avec toute la terre de Peyre, nobles et paysans confondus, le parti de la Réforme.

Seule la révocation de l'Edit de Nantes les avait contraints, souvent avec de nombreuses réticences, à revenir au catholicisme. C'est ainsi que le 22 février 1685, Etienne Mendras épouse dans la religion réformée Marie Chauchadis. Mais en 1696, lors du mariage de Antoine Sévène et de Jeanne de Giscard, fille de feu Barthélémi Giscard, marchand de Marvejols, les mariés doivent promettre de vivre dans la religion catholique.

En 1744 encore, avant d'épouser Jeanne Razon, François Talansier, chapelier de son état, doit abjurer la religion protestante et promettre de vivre et mourir dans la religion catholique, apostolique et romaine. Avant lui, son père Simon Talansier avait dû, au moment de son mariage avec Rose d'Aldin en 1695, "renouveler ses abjurations, ayant esté aux pays estrangers" (registres paroissiaux de Marvejols).

 

Louis XVI (23 août 1754 à Versailles - 21 janvier 1793 à Paris)

 

Enfin en 1790, plus d'un siècle après la Révocation, le curé de St-Léger-de-Peyre note dans ses registres un acte de décès inattendu et surprenant. C'est certainement celui du dernier protestant de la paroisse, bien sûr négociant en textiles de son état. Ainsi certains ont-ils résisté, fidèles à leur foi, aux contraintes et aux multiples répressions. Ce refus d'abjuration était peut-être moins périlleux dans le monde du commerce que dans un milieu paysan. Mais en 1790, le défunt semble bien isolé dans sa communauté :

"Aujourd'hui, dixième octobre mil sept cent quatre vingt dix, par devant nous curé de la paroisse de St-Léger soussigné, ont comparu Sieur Jean Daudé négociant et Sieur Pierre Moulin maître foulon, habitants dudit Saint-Léger, plus proches parents de feu Sieur Pierre Planchon négociant dudit St-Léger, qui ont dit et déclaré que le dit Sieur Planchon décéda le jour d'hier à deux heures après-midi, que comme il était de la religion protestante et que la sépulture ecclésiastique ne pouvait pas lui être accordée en conséquence de l'édit du mois de novembre 1787 (1), se trouvant les plus proches parents dudit feu Sieur Planchon, ledit Sieur Daudé étant son petit-fils et ledit Sieur Moulin son neveu à la mode de Bretagne par alliance, ils se sont présentés ce jourd'hui devant le juge de la juridiction pour faire la déclaration du décès dudit Sieur Planchon et requérir la présence dudit Sieur Juge à l'inhumation du cadavre dudit Sieur Planchon dans le lieu où sa famille a accoutumé de la faire, n'y ayant point de cimetière particulier pour cet effet, attendu que c'est la seule famille de notre paroisse qui soit dans ce cas, et que pour mieux constater encore le décès dudit Sieur Planchon, ils se présentent par devant nous pour nous en faire la déclaration et nous ont requis de l'insérer dans le présent registre des sépultures de la paroisse pour en délivrer des extraits ainsi qu'il appartiendra, et ont signé avec nous dit curé." (archives départementales de la Lozère)

(1) L’édit de Versailles est un édit de tolérance signé par Louis XVI le 7 novembre 1787 qui permit aux personnes non catholiques de bénéficier de l'état civil sans devoir se convertir au catholicisme.

 

l'édit de tolérance de Versailles, signé par Louis XVI en 1787

 

 

la peste à St Léger de Peyre
1754 - 1766 : une anecdote à rebondissement

 

 

 

 

 

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