Village limousin cherche âmes pour survivre

Européens bienvenus

 

 

Il s'agit là du titre d'un article du site http://www.rue89.com daté du 30 avril 2011.
Vous trouverez ci-dessous l'article en question, dont toutes les photos de la page sont extraites.
Plus bas, la réaction à chaud de Josiane Demousseau, maire de St Léger Magnazeix.
Plus bas encore, celle de Xavier Tingry, conseiller municipal, notre correspondant dans la commune.

 

 

L'arrivée d'un médecin roumain à Saint-Léger-Magnazeix redonne un peu d'espoir à un village menacé de disparition.

Mardi à l'aube, le docteur Constantin Stroescu a abrégé ses vacances pour parcourir en voiture les 2 500 kilomètres qui séparent sa ville natale Constanza (Roumanie) de Saint-Léger-Magnazeix, village fantôme de Haute-Vienne où il s'est installé en août 2009.
Malgré l'annonce de ses congés placardée aux quatre coins du bourg de 500 habitants, le téléphone de son cabinet n'a jamais cessé de sonner, l'obligeant à anticiper son retour.
Après quatre décennies sans docteur, l'arrivée inespérée de cet ancien médecin colonel a réveillé ce bourg que l'on disait mort et qui avait fini par accepter son déclin. « Aujourd'hui on ne parle plus que de Saint-Léger-Magnazeix dans le canton », s'étonne Michel, cultivateur à la retraite, habitant de la commune voisine de Saint-Hilaire-la-Treille.

 

 

« L'après-midi, le bourg semble suspendu »

 

Mais c'est surtout le silence qui se montre pesant. Accoudée à son balcon, Jeanne, 76 ans, ne supporte plus cette ambiance et « meur[t] » d'ennui : « Le matin, on croise parfois du monde qui va acheter son pain. Mais l'après-midi, la vie s'arrête. »

 

 

Le temps semble suspendu. Bien sûr, il y a de la vie à Saint-Léger-Magnazeix, mais elle semble se dérober au regard des étrangers. Les maisons austères, de plain-pied, aux volets clos, laissent à peine échapper quelques bruits de télévision.
La distance nourrit le sentiment de solitude. « Nous devons faire 15 kilomètres [jusqu'à Magnac-Laval, ndlr] pour faire nos courses ou nos démarches administratives (sécurité sociale, mutuelle) » explique Claudette, jeune retraitée. Si la plupart des services se trouvent dans un rayon de 20 kilomètres, « pour tout achat qui sort de l'ordinaire, il faut se rendre à Limoges, à 60 kilomètres ».

 

 

Internet permet de rompre l'isolement, pour ceux qui pratiquent. David, jeune enseignant en maternelle, communique par Skype avec ses amis. Mais il regrette de devoir « faire soixante kilomètres pour faire du sport ».
Dans une région désertée par les jeunes médecins, « c'est une vraie fierté pour Saint-Léger-Magnazeix d'avoir réussi à faire venir un docteur » se félicite Marie-José, habitante de la commune et institutrice dans une ville voisine.
A plusieurs reprises, les hôpitaux environnants dont le CHU de Limoges ont tenté de débaucher le docteur Stroescu. « Nous avons même reçu des propositions venant de Poitou-Charentes, mais nous ne souhaitons pas partir », confie sa femme Manuela. Un pacte lie le docteur roumain à Josiane Demousseau, la maire de Saint-Léger, qui s'est démenée pour organiser son arrivée.

 

 

Aujourd'hui, faire venir un médecin dans une zone rurale aussi isolée, c'est un peu essayer de recruter Lionel Messi, l'attaquant vedette de Barcelone, pour jouer au Football Club de Bourg-Péronnas.
Elue en mars 2008, Josiane Demousseau (divers droite) a fait jouer son réseau pour recruter un médecin en Roumanie, puisqu'elle n'en trouvait pas en France. « Comme beaucoup d'intellectuels de son pays, il parlait très bien le français », raconte la maire qui lui a fourni logement et cabinet.

 

Revitaliser la commune, un challenge impossible ?

 

L'ancienne directrice d'usine s'est installée à Saint-Léger-Magnazeix pour s'occuper de sa mère malade. Elle était première adjointe d'une ville de 8 000 habitants (Brioude) en Haute-Loire : « Là-bas, j'avais tous les services sous la main (…) C'est certain qu'ici pour acquérir ne serait-ce que des vêtements, c'est plus difficile. »

 

 

Une fois installée dans sa mairie – un ancien château – elle se lance dans un « vaste plan de revitalisation de la commune ». Dans ce village où la nature sembait avoir repris le dessus sur les tentatives de modernisation, ce n'était pas gagné.
Jeanne confie : « L'été ça va encore, nous pouvons jardiner ou nous retrouver au sein des associations, mais à partir de l'hiver, les routes deviennent impraticables et l'isolement est total. Le village tombe en hibernation. »

 

Jusqu'à 2 000 habitants et une trentaine de commerces

 

Saint-Léger, c'est 5 500 hectares, 53 hameaux, et au début du XXe siècle, une population de presque 2 000 habitants. Certains n'ont pas oublié cet « âge d'or ». Jean, ancien forgeron, 86 ans et autant passés au village, fait le compte avec tristesse : « Il y a cinquante ans, il y avait une trentaine de commerces ici. »
L'index pointé vers la fenêtre, il énumère les différentes boutiques qui se disputaient le chaland : les bistrots, coiffeurs, menuisiers, vêtements… Ne subsiste qu'un demi-bistrot.

 

 

 

Après avoir sauvé la Poste en la transformant en agence postale communale, Josiane Demousseau a dû faire face à la menace de suppression d'une classe de l'école du bourg. « Nous devrions pouvoir la conserver grâce au regroupement communal », rassure-t-elle cependant.
Après le transfert réussi du medecin roumain, la mairie s'est lancée dans une opération séduction d'un cuisinier. « La mairie a construit le bâtiment. Dans deux ans, nous reprendrons à notre compte ce crédit », explique Brigitte, hôtesse trilingue, l'épouse du restaurateur, qui devrait bientôt embaucher deux personnes.
Les habitants n'en reviennent toujours pas. Ça marche. Le secret ? 60% de la clientèle est anglo-saxonne.

 

« Les Anglais adorent s'installer en Limousin »

 

Depuis une dizaine d'années, les Anglais repeuplent le Limousin. Ils ont racheté à bas prix des vieilles masures, qu'ils ont retapées avec goût – ce qui leur a attiré la reconnaissance puis la sympathie des autochtones. Aujourd'hui, un tiers de la population de Saint-Léger-Magnazeix est anglaise. « Le bourg n'aurait pas survécu sans eux », reconnaît Josiane Demousseau.
Première anglaise à s'être installée à Saint-Léger en 2003, Shelly tente d'expliquer l'engouement de ses compatriotes : « Ils adorent le Limousin parce que c'est vert et accessible économiquement. ». Et puis « nous sommes moins taxés qu'en Angleterre ».

 

 

Mais depuis la crise financière qui a fortement touché le Royaume-Uni, beaucoup ont rebroussé chemin. Face à cette nouvelle menace, la mairie de Saint-Léger a (encore) tout fait pour retenir les siens.
Un corps de ferme a été réaménagé en bibliothèque franco-anglaise, deux Anglais ont été nommés conseillers municipaux. Désormais lors des réunions publiques, les discours de la maire sont même traduits. « Il ne nous manque pas grand chose pour que le bourg redémarre à nouveau », soupire la maire, qui veut y croire.

 

 

 

David Doucet
photos
Audrey Cerdan

 

 

 

"Pas besoin de vous dire que je me suis mise fort en colère quand j'ai vu tout le travail que mon Conseil Municipal et moi même avons fait pendant ces trois ans mis par terre d'un seul coup.
Se permettre de nous comparer à Oradour sur Glane, un peu de dignité et de respect pour ce village martyr ! J'ai averti le journaliste, il a enlevé Oradour sur Glane.
J'ai fait un démenti sur une radio locale RMJ, car beaucoup d'habitants du canton m'appelaient. 
Je pense que maintenant, il faut laisser dormir et oublier."

le maire, Josiane Demousseau - mai 2011

 

 

 

 AINT EGER MAGNAZEI 

 

"Saint Léger somnole mais d'un oeil : oui nous sommes à la campagne, oui cinq cents habitants, c'est peu – oui les commerces et artisans ont fermé depuis des années, oui il y a des logements vacants, mais tous les Saint Léginauds ne sont pas derrière leurs rideaux à guetter le boulanger, le facteur ou les clients du tavernier !

 

 

Si des volets clos ne s'ouvrent que pendant la belle saison, il y a toute l'année des points vitaux dans le bourg : la population s'éparpille dans le village vers le Cabinet du Docteur, vers la Poste Communale, vers la Mairie, vers la Salle des Fêtes, vers le Restaurant qui ne désemplit pas, chez le coiffeur, vers la jardinerie en saison, quitte à boire un thé chaud en hiver, chez le grossiste en vin, boisson et graines pour animaux, vers tous les petits artisans dispersés dans les villages (listés dans le bulletin municipal).

 

 

 

Bien sûr la population vieillit mais des individualités ou des associations d'aide à la personne visitent les anciens, le taxi-car remplace les transports en commun de jadis, l'école a deux classes : les enseignants et élus se mobilisent pour les conserver, le carnaval des petits animent le rues, les mini-cars assurent le transport entre villages et collège du canton : il y a donc des jeunes.

 

 

La Municipalité et la dizaine d'associations font feu de tout bois pour animer la Commune : marché de Noël, l'orgue de barbarie, marchés d'été et du terroir, expositions ciblées, animations et activités sportives (vélo – gymnastique) - occupations ludiques et cérébrales (belote : 72 équipes au dernier concours – scrabble : entrainement le Mardi en Mairie) – sorties musicales (théâtre de Limoges – mandragore – musicorde – banda – chorale – cors de chasse – les gueules sèches – la fanfare de Schleithal) – repas des anciens, des chasseurs, le repas italien avec ses 120 convives, le bal masqué, les ostensions, les baptêmes de quad, la journée du Patrimoine à l'église ou au prieuré des Bronzeaux, le bal du 14 juillet, le repas des anciens élèves, le feu de la Saint Jean et son omelette traditionnelle, toutes ces Fêtes regroupant les Saint Léginauds autour d'un verre ou d'un mijot.

 

 

Les kilomètres de chemins municipaux permettent aux randonneurs de redécouvrir leur patrimoine, par exemple avec la réhabilitation de la « Procession de la lieue » et ses 70 pélerins, les sorties à l'observatoire ornithologique de l'étang de Murat, les balades contées, la découverte des libellules.
Que dire de la bibliothèque franco-anglaise et ses kilomètres de rayons bien garnis, et la maison des jeunes.

 

 

Le prieuré des Bronzeaux a lui aussi attiré plus de 800 visiteurs en 2010 grâce à du sang neuf, sans oublier l'intégration des familles anglaises qui suivent des cours franco-anglais assidûment.

Alors oui, il se passe toujours quelque chose à Saint Léger Magnazeix.

Le rédacteur, Xavier Tingry - juin 2011

 

 

 

 

 

https://www.stleger.info