Mondement

Historique du 77e RI (anonyme, Berger-Levrault, sans date)

 

(...) Nous arrivons à cette journée du 9 septembre, où le régiment allait cueillir ses premiers lauriers à l'attaque fameuse du château de Mondement.

Mondement ! Ce seul nom suffirait à immortaliser le 77e, car c'est un des épisodes les plus célèbres et les plus glorieux de la bataille de la Marne.

Nos hommes ont passé la nuit et les premières heures du jour, le 9 septembre, en réserve dans le bois de Mondement, à la disposition du général Humbert.

 

 

Georges Blond "La Marne" - Presses de la Cité 1962

 

 

le 6 septembre 1914

 

La troupe se prépare à faire honneur au ravitaillement qui vient d'arriver après plusieurs journées de cruelles privations, lorsqu'à 9 heures du matin, les feux étant à peine allumés, le général Éon, commandant la brigade, donne l'ordre de prendre les armes et de se porter en avant. Il faut boucler les sacs en toute hâte et renverser les marmites.

Le 1er bataillon prit la direction du village d'Allemant. La chaleur était accablante et les hommes fatigués. Après deux heures de marche environ, une nouvelle arrivait, apportée par un officier de cavalerie. Elle parut tout d'abord invraisemblable, parce que tellement imprévue, l'ennemi battait en retraite sur tout le front et il fallait se hâter de le poursuivre !

En un instant la fatigue est oubliée, et c'est avec un magnifique entrain et dans le plus grand ordre que le régiment gravit les pentes abruptes du village d'Allemant. Sous le fracas de quelques obus qui éclataient aux abords, il défila, superbe d'allure, devant le colonel Lestoquoi.

Puis, toujours sans être bien renseigné sur la mission qui lui incombait, il continue sa marche en avant vers le château de Mondement.

La canonnade faisait rage de part et d'autre.

 

 

le château de Mondement, de nos jours

 

Arrivé à la lisière du bois, face à la cour d'honneur, on aperçoit nettement les bâtiments du château d'où partait une fusillade nourrie. Le commandant de Merlis donne l'ordre à la 3e compagnie d'occuper la lisière, à cheval sur la grande allée conduisant à Mondement ; les autres unités restent dans le bois à proximité ; le 2e bataillon à droite, le 3e en réserve.

Au premier rang, le colonel LestoquoiI cherche à se rendre compte de la situation qui devient difficile, car le feu des mitrailleuses ennemies balaie les abords du bois. Le lieutenant Marchand, commandant la section de mitrailleuses du 3e bataillon, installée pour battre les murs du parc et les fenêtres du château, venait d'être grièvement blessé. C'est alors que, vers 14 heures, sans que l'on sache au juste qui lui en a donné l'ordre, un clairon sonne la charge. " Allons, mes enfants ! ", s'écrie le colonel. Le 1er bataillon tout entier, baïonnette au canon, s'élance au pas de charge sur le château et ses dépendances à gauche de la grande allée.

Sans attendre le choc, une partie des défenseurs détalent après avoir jeté leurs armes. On les apercevait à 150 mètres, descendant à toute allure la grande rue du village, poursuivis par nos balles qui tuèrent bon nombre d'entre eux. A ce moment, quelques zouaves et tirailleurs, commandés par un officier, se joignent au 1er bataillon.

L'affaire était loin d'être terminée, car le château restait toujours occupé, et ceux de ses défenseurs qui n'avaient pas été entraînés dans cette panique semblaient bien décidés à une énergique résistance.

La fusillade ennemie devenait très meurtrière; c'est là que tomba le lieutenant Floquet de la 4e compagnie ; puis, au 2e bataillon, son héroïque commandant, le chef de bataillon de Beaufort qui, debout, en képi rouge et en gants blancs, électrisait ses hommes par son allure si crâne.

Un certain flottement se produisit alors dans les rangs du 77e, qui se trouva ramené avec pertes à son point de départ.

Néanmoins, l'on gardait l'impression bien nette que l'ennemi n'était pas en forces, et il ne fallait pas désespérer de le chasser de son repaire. Seulement, pour venir à bout de sa résistance, pour lutter efficacement et sans trop de pertes contre les défenseurs qui tiraient à coup sûr derrière les murs crénelés et le fenêtres du château, l'intervention de l'artillerie était indispensable.

Un officier de cavalerie, arrivé en liaison près du colonel, s'offrit à aller prévenir une batterie, et bientôt une pièce de 75 ouvrit à bout portant le feu sur le château, dont une partie s'écroula dans les flammes ; et une sonnerie allemande se fit entendre, qui semblait être celle de la retraite. En attendant le signal de la reprise de l'attaque, la 1re compagnie fut chargée de chercher la liaison avec le 2e bataillon, à droite.

Comme le 1er, il s'était heurté, l'après-midi, à l'obstacle infranchissable des murs crénelés et avait dû se replier avec des pertes sérieuses.

Enfin, à la tombée de la nuit, le bataillon de Merlis s'élançait de nouveau et enlevait le château de haute lutte, après avoir tué ses derniers occupants. Des patrouilles fouillèrent aussitôt les bâtiments et le parc ; puis, sous la pluie qui commençait à tomber et à la lueur de l'incendie, le 77e campa dans le village et autour du château.

Le général Éon et le colonel LestoquoiI s'installèrent dans celui-ci ; les meubles étaient brisés, les tableaux crevés.

Un repas, destiné sans doute à un état-major allemand, était tout préparé dans la salle à manger quand nos officiers y pénétrèrent.

 

 

 

L'Etat-Major allemand occupa le château les 6 et 7 septembre 1914 et en fut délogé par l'artillerie française pendant qu'il buvait le champagne. Au 1er plan, quelques-unes des bouteilles vidées par les Allemands.
Ce château marque la limite de l'invasion : l'ennemi n'avança pas au-delà.

 

La fusillade et la canonnade s'étaient éteintes peu à peu, on n'entendait plus dans le silence de la nuit que les cris des blessés français et boches que les brancardiers et les hommes de bonne volonté étaient occupés à relever. Le lendemain, on découvrait une quantité énorme de cadavres dans les maisons, la rue principale et surtout au bas du village. Quelques Allemands qui s'étaient réfugiés dans les caves furent faits prisonniers ; l'on recueillit bon nombre d'équipements, de sacs garnis de linge neuf, de vivres, ainsi que des mitrailleuses.

Les morts reçurent une sépulture dans le cimetière de Mondement, et, dans la matinée du 10, la poursuite de l'ennemi commença. Le régiment passe par La Fère-Champenoise où, dans la soirée, le général Foch venait s'installer avec son état-major.

Quelques jours plus tard, le 77e était cité à l'ordre de la VIe armée dans les termes suivants : "Le 9 septembre 1914, envoyé à un moment critique pour reprendre le château et le village de Mondement, les a enlevés à l'ennemi par un assaut brillamment mené dont le résultat heureux a eu une influence des plus importantes sur le succès de la journée".

 

 

 

 

 

Ces 3 photos ont été prises dans le cimetière de Mondement en mars 2012. Merci, Michel !