Lorsquils sont venus
chercher les Juifs, je me suis tu : je nétais pas
juif.
Lorsquils sont venus chercher les communistes, je me suis tu :
je nétais pas communiste.
Lorsquils sont venus chercher les syndicalistes, je me suis tu
: je nétais pas syndicaliste.
Lorsquils sont venus me chercher, il ny avait plus
personne pour protester.
Ce texte du pasteur Niemöller, théologien allemand déporté dans les camps, est le rappel permanent que la première lâcheté est dans le silence. Et, au-delà de la lâcheté, que le silence est un encouragement accordé, tacitement, aux équarrisseurs des libertés !
Photo 22 décembre 1999 / Y. Bonvarlet Témoignage recueilli en mai 1995 à Tournai
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"Je suis née le 12 octobre 1923 en Ukraine. Nous étions sept à la maison. Nous ne manquions de rien, mais nous navions pas le superflu que les jeunes ont maintenant ! Mon père travaillait mais ma mère était femme au foyer.
Comme jétais
atteinte de malaria, je nai pas fait de longues études.
Je nai plus continué celles-ci quand je suis partie
à Kiev chez mon frère.
Là-bas, tous les jeunes ont été
arrêtés par les Allemands. Nous avons été
transportés dans des wagons à bestiaux où nous
étions dans limpossibilité de nous asseoir
tellement nous étions serrés. Nous étions
surveillés par des Boches munis de mitraillettes, prêts
à tirer lorsque quelquun avait lintention de
séchapper. Et si nous devions aller aux toilettes, nous
devions le faire devant ces hommes ! Pour nous, les jeunes filles,
cétait très humiliant !
Quant à mes règles, elles se sont arrêtées
lors de mon arrestation.
Nous avons fait une escale
à Breslau (Wroclaw Pologne) où nous avons
dû nous déshabiller aux yeux de tous et nous avons
été conduites à la douche ; pendant ce temps,
les Allemands passaient parmi nous avec leurs mitraillettes.
La nuit daprès, nous sommes remontés dans les
convois qui nous ont emmenés à Mortrewtg. Tous les
jeunes prisonniers venant de Russie et dUkraine y
étaient rassemblés.
Les Allemands nous ont séparés et répartis dans différents endroits où nous avions de nombreuses corvées.
Je me souviens que je
faisais la cuisine pour eux et quun jour, ayant mis trop de
petits pois dans la soupe, ceux-ci gonflèrent et cela devint
de la ratatouille. Cette nourriture leur déplut et ils me
grondèrent. Je leur répondis que, nétant
pas cuisinière, je ne savais pas que ceux-ci gonfleraient.
Ensuite, une Allemande est venue nous chercher pour aller à
Nuremberg, et par chance, jai retrouvé des amies
décole. Jen étais heureuse, car cela fait
toujours plaisir de rencontrer des gens que lon connaît,
surtout en ce temps-là ! Nous étions
douze.
Parmi nous se trouvait le directeur de lécole. Celui-ci, malgré linterdiction, nous emmena au restaurant où nous pûmes manger à notre faim.
Après, jai
travaillé dans un hôtel où jétais
serveuse. Cela ne dura pas longtemps, car je fus encore
arrêtée et emmenée dans un camp où
étaient regroupées toutes sortes de prisonniers.
Comme nourriture, nous mangions du rutabaga (nourriture pour
bétail) ; malgré son odeur et son goût
désagréables, nous étions bien obligées
de le manger car cétait notre seule nourriture
!
Le matin, pour se distraire, les Allemands nous faisaient sortir des baraques et frappaient sur les derrières. On devait faire demi-tour et là, les premières sorties devenaient les dernières à rentrer et ils les frappaient à leur tour. Grâce à ma vivacité, je me glissais au milieu du rang pour ne pas être frappée.
Le jour, nous devions
tourner en rond dans un rang serré où il nous
était impossible de plier les genoux, cétait
très dur ! Le soir, je remontais le moral de mes compatriotes
en faisant des singeries.
Je me souviens également dun jour où un
général allemand était venu pour compter le
nombre de personnes présentes. Alors que je me mouchais, il
mappela et menvoya dans la baraque de correction.
Là, je dus me déshabiller et appuyer les mains sur un
bas tabouret pour mettre mon postérieur en lair. Il
enleva ma culotte, prit un fouet en cuir et commença à
me fouetter. Ne me plaignant pas, il frappa de plus belle, car pour
eux, ne pas se plaindre équivalait à une provocation
!
Voyant que je tenais bon, il me renvoya dans ma baraque. Là,
mes amies me mirent des compresses deau froide pour
atténuer mes douleurs. Après être restée
quelque temps dans ce camp, jai été
emmenée dans un endroit où mon patron moffrit une
chambre comme logis. Un jour quil me donna congé pour me
reposer et ranger ma chambre, japerçus par la
fenêtre des prisonniers de guerre et, curieuse de
connaître leur nationalité, je leur criai : «
Bonjour, camarades ! »
Peu de temps après, un homme parmi ceux-ci maida à faire la correspondance entre les résistants et les prisonniers de guerre. Je mentendais à merveille avec lui, javais confiance en lui. Après, il mécrivit des poèmes et dès la fin de la guerre, il devint mon mari !
Nous avons décidé de nous enfuir et de nous rejoindre plus tard. Jai été reprise par les Allemands et reconduite à mon lieu de travail. Lui a réussi à se réfugier dans une maison près du bois. Il y resta caché une semaine dans le grenier. Il fut arrêté et conduit dans un camp disciplinaire pour sa peine. Il senfuit de nouveau et se réfugia chez moi en me suppliant de le cacher.
Un jour que nous étions bombardés, nous décidâmes de nous enfuir le plus loin possible.
Après une quarantaine
de kilomètres, se cachant pour se reposer, nous vîmes
des drapeaux blancs dun côté, et de lautre
des Allemands fusillant un groupe de jeunes prisonniers.
Une heure après, nous étions libres, regardant autour
de nous le désastre de la guerre et tous ces cadavres, heureux
dêtre libres et malheureux de voir tant de
morts.
Nous partîmes ensuite vivre en Belgique en 1945 "
tiré de http://users.skynet.be/pierre.bachy/Shoah.html