Passé
à sa demande, le 6 octobre 1914, dans un régiment
actif, le 89e R.I.
Du 6 octobre 1914 au 1er mars 1915
Pendant cette période de cinq mois, en
fait, il sera malade trois mois !
Il précise dans sa notice : "la durée du séjour
au front, dans une unité combattante : du 1er août 1914
jusqu'à la démobilisation (du) 9 janvier 1919 ; sauf
une interruption du 1er Xbre (décembre) 1914 jusqu'au 1er mars
1915, décomptée comme séjour au front, pour
cause de maladie contractée au front."
Composition de la 10e Division
d'Infanterie :
- 31e RI
- 46e RI
- 76e RI
- 89e
RI
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Le 15 septembre 1914, le Général
Gouraud est nommé à la tête de la 10e Division
d'Infanterie. Elle est composée des 31e, 46e, 76e et 89e
Régiments d'Infanterie.
Depuis le 29 septembre, cette Division est en Argonne, dans le
secteur de Vauquois Boureuilles, La Haute Chevauchée et
Bolante.
L'Argonne !
Pour les vétérans, quel
long cortège de souffrances, de gloire aussi,
évoque ce seul nom !
Le pays est tourmenté, coupé de ravins
profonds, hérissé de forêts propices aux
embuscades ; pendant des mois, il subit la pluie, le froid
et, par-dessus tout, l'odieuse boue, gluante et tenace qui
enveloppe le soldat d'une froide gaine et fait de chaque
relève une ascension au calvaire. La division est
commandée par le général
Gouraud.
Contre elle, les meilleures troupes du Kronprinz,
servies par un matériel puissant et
perfectionné, multiplient les assauts et s'acharnent
à réaliser l'encerclement de Verdun.
(Extraits de l'historique du 31e RI, voisin au front
du 89e)
"Longue
d'environ 60 kilomètres, sur une largeur moyenne de
12, la grande forêt d'Argonne se composait de
magnifiques arbres séculaires, chênes et
hêtres surtout, sous la haute futaie desquels
s'abritaient un taillis touffu de pousses plus jeunes, et,
en certains endroits, un fourré très
épais et presque impénétrable.
Le sol de cette forêt est d'une humidité
caractéristique ; les sources y jaillissent partout,
jusqu'au sommet des crêtes, et le terrain d'une argile
épaisse retient prisonnières, sans aucune
issue, les eaux qui ruissellent de toutes parts ; aussi le
moindre trou se change-t-il en puits de boue, la moindre
dépression en marécage.
La plus petite piste, où le sol est tant soit peu
frayé, devient vite une ornière gluante.
Verdun - monument et ossuaire de La
Haute-Chevauchée (Argonne), dominant la
forêt
Pour que les sentiers forestiers ne
soient pas impraticables, il faudra les "parqueter" d'une
couche de rondins ; quant aux tranchées, il faudra
sans cesse vider l'eau qui s'y accumule.
La vallée de la Biesme coupe la forêt à
peu près du sud au nord ; mais, à droite et
à gauche de cette dépression, s'ouvrent des
ravins à pente raide, aux berges escarpées,
créant de nouvelles difficultés aux
combattants et nécessitant, à travers les
obstacles, des tranchées en zigzag, au tracé
particulièrement capricieux et
compliqué."
Source : "La grande guerre
vécue, racontée, illustrée par les
Combattants" - Aristide Quillet - 1922
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Le 6 octobre 1914, Eugène Perrussot
est affecté, à sa demande, au 89e RI.
Le 13 octobre, ce régiment quitte tôt le matin la
Cote Farimont (où il est relevé par le 31e) et se rend
à Courcelles, en réserve du Corps d'Armée, pour
y cantonner et remplacer le 46e.
Les 2e et 3e Bataillons sont à Courcelles, le 1er à
Aubreville.
Le 15 octobre, le 1er Bataillon se rend
à Clermont en Argonne.
Le 19 octobre, "à 23 heures ½", les 2e et 3e Bataillons
quittent leur cantonnement de Courcelles "pour se rendre à
Neuvilly où ils relèvent le 46e et occupent les
tranchées."
Le 1er Bataillon, lui, se rend à Aubreville pour
cantonner.
Cette situation reste inchangée du 20 au
23 octobre 1914. Eugène rejoint son régiment au
front le 23 octobre :
Extrait
du Journal des marches et des opérations du
régiment (JMO) : rédigé au
jour le jour, ce précieux document se
présente sous la forme de plusieurs cahiers
manuscrits qui décrivent, parfois dans le
détail, les marches et les opérations
du régiment. Selon Yves Buffetaut (p. 93) :
"Même si votre ancêtre nest pas
nommé, le JMO demeure le document le plus
important pour comprendre la vie qui a
été la sienne au front."
Les JMO sont consultables au Service Historique de
lArmée de Terre SHAT
: répertoire numérique sous
série 26 N, tome 2. Depuis novembre 2008,
ils sont consultables sur le site Mémoire
des Hommes.
On lit ici, sur celui du 89e
Régiment d'Infanterie (le régiment
d'Eugène Perrussot), à la date du
vendredi 23 octobre 1914 :
"Le
Régiment reçoit un détachement
comprennant 1 Capitaine (Capitaine Frid) 2
Lieutenants (Lieutenant Seguin, Lieutenant
Pérussot) S/L Mayer* et 303 hommes de
troupe."
* probablement le Sous
Lieutenant Mayer que l'on retrouve cité
à la 12e Compagnie dans l'organigramme du
JMO à la date du 24 octobre.
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L'historique du 89e Régiment
d'Infanterie est peu loquace sur cette période :
Vauquois - La
Haute-Chevauchée Secteur de l'Aire, de Boureuilles
à Vauquois
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"La guerre se transforme, le Boche se terre ;
il faut faire le siège de ses positions ; il faut en faire
d'analogues devant lui et lui interdire de les forcer.
Le 89e est affecté au secteur de l'Argonne qu'il organise peu
à peu méthodiquement, malgré les
difficultés du terrain, les souffrances causées par les
intempéries.
L'ennemi, dès le début de janvier (1915), reprend
l'offensive et cherche à couper Verdun du reste de la
France."
Heureusement, l'étude
détaillée du Journal de Marche et Opérations
(JMO) du 89e nous permet d'évoquer les journées
passées au front par "notre Poilu Eugène". Les passages
extraits du JMO sont ceux reproduits ci-dessous en
bleu, à défaut d'autres
précisions. Ce serait fabuleux de pouvoir croiser ces
informations avec ses "carnets de guerre", carnets détenus par
l'un de ses descendants directs.
A partir de fin octobre 1914, Eugène est
Lieutenant à la 10e Compagnie du 3e Bataillon du 89e
RI, adjoint direct du Capitaine Bethouart.
Depuis le 13 octobre,
"Le Régiment est
reformé à 3 bataillons de 4 compagnies
chacun".
Chaque Bataillon (1 000 hommes environ) comprend 4 Compagnies
numérotées 1 à 4 pour le 1er Bataillon, 5
à 8 pour le 2e Bataillon, 9 à 12 pour le 3e
Bataillon.
"Mercredi 28 octobre :
situation inchangée pour les 2e & 3e Bataillons. Le 1er
Bataillon reçoit l'ordre d'attaquer Boureuilles lorsque
l'attaque sur Vauquois aura produit son effet. Il s'installe sur la
croupe, 600 m Sud de Boureuilles et se met en liaison à
l'Ouest avec la 9eme Division qui opère sur la rive gauche de
l'Aire.
Jeudi 29 octobre : le 1er
Bataillon ne peut progresser et reste sur ses positions de la
veille.
Vendredi 30 octobre : situation
inchangée pour les 2e & 3e Bataillons. Le soir, à
20 h, le Régiment reçoit un détachement venant
de Sens comprenant 5 officiers
et 293 hommes de
troupe.
Samedi 31 octobre, le 1er
Bataillon subit de 8 h à 10 h ½ un bombardement d'une
violence intense, il se retire vers le sud, à hauteur de la
croupe à l'ouest de Buzemont. Vers 15 heures, il reprend ses
emplacements du matin, sa 1re ligne est ainsi à 100 m de
Boureuilles.
Vers 18 heures, ordre de la Division de se retirer vers Neuvilly pour
aller cantonner à Aubreville.
Pour faciliter cette opération, 2 Compagnies sous le
commandement du Colonel, accompagné de médecins et de
brancardiers, se portent sur Boureuilles. Les morts et les
blessés sont transportés à Neuvilly, les morts y
sont inhumés, rien n'est laissé sur le terrain du
combat.
Les pertes du 1er Bataillon dans cette affaire
s'élèvent à 15 tués, 142 blessés,
28 disparus."
Au 1er novembre, le Capitaine Bethouart passe
à la 1re Compagnie, remplacé à la 10e Compagnie
par le Capitaine Nesius. Ce mouvement s'explique en partie par la
nomination du Capitaine Ausset comme Chef du 3e Bataillon.
Auparavant, il était Capitaine de la 1e Compagnie (1er
Bataillon).
"Lundi 3 novembre, le
Régiment quitte Neuvilly à 21 h en 3 colonnes et va
relever le 31e RI aux avants-postes, secteur des Allieux.
En raison du front à garder, les Bataillons sont tous en ligne
dans l'ordre suivant :
1er Bataillon : du Pont des Quatre enfants à La Hardonnerie
exclus (en liaison avec le 112e d'Infanterie, 15e Corps)
2e Bataillon : de La Hardonnerie inclus à La Cigalerie
inclus
3e Bataillon : de La Cigalerie exclus à La Maize inclus
(liaison avec le 46e)
Chaque compagnie à deux sections en 1e ligne et 2 sections
en soutien.
Le Poste de Commandement du Colonel est établi à l'est
de la Ferme des Allieux. Le Colonel a en réserve un bataillon
du 31e, et il dispose le cas échéant d'une batterie de
montagne, d'une batterie de 75. En outre des pièces de gros
calibre sont en batterie sur le chemin des Allieux au Rendez vous de
chasse
5 novembre : dans la nuit, vers
23 h 30, l'ennemi attaque au Pont des 4 enfants ; son élan est
arrêté par nos fils de fer et le feu de la 2e
Cie
7 novembre : l'ennemi attaque
sans succès vers 20 h 30
11 novembre : le
régiment quitte les Allieux vers 3 h du matin en 3 colonnes,
relevé par le 4e d'Infanterie.
Le 1er Bataillon va cantonner à Clermont en Argonne, le 2e va
cantonner à La Contrôlerie, le 3e Bataillon
(celui
d'Eugène) va
cantonner aux Islettes."
Secteur de Vauquois, à partir de mars
1915 - d'après le livre "Vauquois" de Ernest
Beauguitte
"17 novembre : Le
Régiment quitte le cantonnement des Islettes en 3 colonnes
pour relever le 31e aux avants-postes sur la Haute
Chevauchée.
Les Bataillons sont ainsi disposés :
Secteur de droite : 2e Bataillon tient la croupe 263 (en liaison avec
le 251e qui occupe le Bois des Mereliers).
Secteur de gauche : 3e Bataillon plus 2e & 3e Compagnies,
à cheval sur la Haute Chevauchée à 700
mètres Nord du Carrefour des Six Chemins.
2 compagnies du 1er Bataillon sont en réserve de brigade
à la Pierre Croisée où se trouve le poste de
commandement du Colonel.
On est au contact immédiat de l'ennemi, parfois 20 m, distance
moyenne de l'adversaire 80 à 100
mètres
"
Entre le 19 et le 24 novembre 1914, le JMO du
89e Régiment d'Infanterie note : "Rien
sur le front des 2e et 3e Bataillons
"
Le 25 novembre, "le
3e Bataillon et l'E.M (Etat Major) quittent la Pierre Croisée
à 5 heures ½ du matin pour aller cantonner aux Islettes.
La relève est faite par le 31e (Régiment
d'Infanterie)
"
Le
26 novembre 1914
: "Le
Lieutenant Perrussot (10e Compagnie) est
évacué sur
l'arrière."
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Evacué à l'arrière fin
novembre pour maladie, Eugène Perrussot se repose chez
lui, comme nous le prouve l'acte de décès de Jean Marie
Benoît Lacondemine.
Ce petit garçon, à peine âgé d'un an, fils
des cultivateurs Pierre Lacondemine et Anne Vermorel, "est
décédé au domicile de ses parents, en cette
commune, hameau de la Bussière
Le huit janvier mil neuf
cent quinze
(acte rédigé) sur la
déclaration de Eugène Perrussot, instituteur,
lieutenant au 89e régiment d'infanterie active, en
convalescence à Saint Léger sous la Bussière,
non parent, et de Pierre Lacondemine, cultivateur, âgé
de vingt sept ans, père de la défunte, domicilié
au lieu susdit
"
24
décembre 1914 : ordre de la Division d'être sur
ses gardes dans la nuit de Noël !
un article concernant
une jeune recrue de ce même régiment, entre
octobre et décembre 1914
Quatre mois en 1914
avec le soldat Kléber Pouleau : de sa caserne
d'infanterie à Sens à une fraternisation de
Noël en Argonne
Ces courriers à ses parents ["Monsieur et Madame
Pouleau-Delaborde, au Gué du Loir par Mazangé,
Loir et Cher", à côté de Lunay]
permettent de mieux saisir les sentiments d'une recrue de
vingt ans entre son arrivée à la caserne et
son départ vers la ligne de front.
Ses lettres de Sens et Saint Denis, terrain de manoeuvre
tout à côté de Sens, décrivent,
entre mi septembre et fin novembre 1914, de façon
très vivante, l'équipement des "bleus", les
exercices et revues militaires, l'attente du départ,
les bruits et rumeurs sur la destination à venir
(l'Argonne !), le peu d'infos "officielles" sur leurs
camarades déjà au front et leurs
"déboires" militaires.
Arrivé au front mi décembre, il décrit
alors dans ses lettres sa vie dans les tranchées.
Kléber raconte même un épisode de
"fraternisation" à Noël 1914, en première
ligne, dont il est le témoin direct !
Peut-être notre
ami Eugène a-t-il croisé Kléber
à Sens...
l'article de Michel est ici : http://www.histoire-genealogie.com/spip.php?article1569
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https://www.stleger.info