32e division d'infanterie de mars 1915 à janvier 1917

 

Composition :

  • 143e RI de août 1914 à novembre 1918 : c'est le régiment d'Eugène Perrussot
  • 15e RI de août 1914 à novembre 1918
  • 342e RI de juin 1915 à mai 1917
  • 53e RI de août 1914 à juin 1915
  • 80e RI de août 1914 à novembre 1918

 

6 mars - 26 août 1915 - Engagée par éléments, dans la 1re BATAILLE DE CHAMPAGNE, à l'est de Souain (combats au bois Sabot)
A partir du 23 mars, occupation d'un secteur vers la cote 196 et les abords ouest du Mesnil-lès-Hurlus
Le 3 avril, déplacement du front, à gauche, vers le bois Sabot et le nord du Mesnil-lès-Hurlus (guerre de mines) - Le 17 août, front réduit, à gauche, jusque vers Perthes-lès-Hurlus
26 août - 24 septembre 1915 - Retrait du front et repos vers Dampierre-le-Château
24 septembre - 18 octobre 1915 - Mouvement vers le front

A partir du 25 septembre, engagée dans la 2e BATAILLE DE CHAMPAGNE, à l'ouest de Massiges - du 25 au 30 septembre, attaques françaises sur le mont Têtu
Le 6 octobre, attaque française sur le bois Marteau et la ferme Chausson, puis occupation et organisation du terrain conquis entre la Main de Massiges et Maisons de Champagne
18 - 23 octobre 1915 - Retrait du front et repos vers la Croix-en-Champagne
23 octobre - 5 novembre 1915 - Mouvement vers le front et occupation d'un
secteur vers Tahure et la butte de Tahure - Le 28 octobre, extension du front, à gauche, jusque vers la route de Tahure à Somme-Py - Les 30 et 31 octobre, perte de la butte de Tahure

5 novembre 1915 - 08 janvier 1916 - Retrait du front vers Saint-Rémy-sur-Bussy ; repos
A partir du 28 novembre, transport par V.F. dans la région de Cumières ; repos

 

1916

8 - 25 janvier 1916 - Mouvement vers Ville-en-Tardenois : instruction au camp de Ville-en-Tardenois
25 janvier - 9 juillet 1916 - Mouvement vers le front et occupation d'un secteur
vers Venizel et Pernant, réduit à droite, le 14 mai, jusqu'à l'est de Soissons
9 juillet - 13 août 1916 - Retrait du front, transport par camions au nord-est de Château-Thierry, et, à partir du 12 juillet, transport par V.F. dans la région de Givry-en-Argonne
Repos vers Triaucourt, puis vers Vaubécourt
13 - 30 août 1916 -
Transport par camions à Verdun - occupation d'un secteur vers l'ouvrage de Thiaumont et le bois de Vaux-Chapitre - Les 23 et 29 août, attaques françaises - Le 26 août, attaque allemande
30 août - 16 septembre 1916 - Retrait du front : transport par camions dans la région de Triaucourt ; repos
16 septembre 1916 - 17 janvier 1917 - Transport par camions et occupation d'un
secteur entre le Four de Paris et la Haute Chevauchée, étendu à droite, le 16 décembre, jusqu'à l'Aire (guerre de mines)

 

1917

17 - 21 janvier 1917 - Retrait du front ; repos vers Triaucourt

 

1 - Souain-Perthes lès Hurlus

2 - Massiges

3 - Tahure

4 - Pernant à l'ouest, Venizel à l'est

5 - Verdun

6 - Vaux-Chapitre

7 - Avocourt

8 - Triaucourt en Argonne

 

 

Historique du 143e Régiment d'Infanterie

entre mars 1915 et janvier 1917

 

 

1915 - Bois Sabot

"Déposé par les camions automobiles à Ostreville et Marquey (Pas de Calais), le 143e se rend par étapes jusqu'à Montdidier et Gannes, où il est embarqué en chemin de fer le 20 février pour débarquer le lendemain à Epernay et Oiry.
Il reste en réserve jusqu'au 7 mars, date à laquelle la 64e Brigade attaque en Champagne une position particulièrement bien organisée, celle du Bois Sabot.

Cette position, du 9 au 15 mars, va être arrachée à un ennemi tenace qui dispute le terrain pied à pied, nous oppose ses meilleures troupes, et dont nous aurons raison que par le corps à corps.

Le 7 mars, une attaque doit être dirigée sur le Bois Sabot (1 800 m à l'est de Souain) et la région boisée plus à l'est, en direction du Trou Bricet.
Le 15e est chargé de l'attaque initiale, qui doit se déclencher à 10h après une violente préparation d'artillerie.

 

 

Le 143e est en réserve :

  • 3e Bataillon dans les tranchées du sud-ouest du Bois Carré
  • 1er et 2e Bataillons dans les tranchées de deuxième ligne, au sud du Bois Carré
  • La compagnie de mitrailleuses du régiment dans les tranchées du 17e Corps d'Armée, pour flanquer l'attaque.

Objectif d'attaque du 15e : corne sud-ouest du Bois Sabot, Bataillon de gauche face à l'ouest, Bataillon de droite face au sud
Le 2e bataillon du 143e, qui est placé en avant d'une batterie de 75, est violemment canonné et subit quelques pertes.
Dans l'après midi, le 15e réussit à prendre pied à la lisière sud du Bois Sabot, le 143e n'a pas à intervenir.

 

 

Le 8 mars, le Régiment relève le 15e.
Le 3e Bataillon s'installe dans la partie conquise du Bois Sabot et renforce la position.
Le 1er Bataillon, dans les tranchées longeant la route Souain-Perthes
Le 2e Bataillon à proximité du boyau conduisant aux premières lignes

Le 9 mars, le 143e reçoit l'ordre de continuer l'offensive, dans la direction Cote 170-Trou-Bricot.

Le terrain sur lequel va s'engager le combat est difficile, presque complètement dépouillé d'arbres, rempli d'excavations, de tranchées à moitié détruites.
Partout des vestiges de défenses accessoires qui entravent la marche.
Au sud du Bois Sabot et devant nos tranchées de premières lignes, un thalweg de 150 mètres de large offre un précieux champ de tir pour l'adversaire.
Au sud de ces tranchées de premières lignes, terrain boisé mais déchiqueté par l'explosion des projectiles et présentant de nombreux boyaux battus très facilement par l'artillerie ennemie.

Effectifs engagés de part et d'autre :
143e : 2 bataillons en première ligne (3e et 1er)
Ennemi : d'après les affirmations des prisonniers faits le 8 mars, 3 régiments défendent ce secteur.
Phases des opérations : à 7h, déclenchement de l'attaque du 143e menée par les 3e et 1er bataillons.
Objectif du 1er bataillon : de l'extrémité sud du Bois à la partie nord du Talon
Objectif du 3e bataillon : de ce dernier point à la lisière nord du bois

L'attaque a lieu exactement à 7h, mais les compagnies ne progressent que lentement, car elles sont, dès leur départ, très vivement prises à partie par un feu intense d'artillerie lourde et de mitrailleuses.
Dès 9h 45, toute progression est impossible.
Les pertes sont énormes ; les renforts envoyés par le Colonel (1 compagnie à chaque bataillon) ne peuvent arriver à l'emplacement qui leur a été assigné.
Seule la section du Lieutenant LOTA, de la 8e Compagnie, parvient à l'intérieur du Bois Sabot.
Le Colonel donne l'ordre de s'accrocher au terrain et de l'organiser : chaque bataillon a gagné 100 mètres ; deux violentes contre-attaques menées avec des effectifs importants par l'ennemi sont enrayées.

 

 

Le 10 mars, à 7h, après une préparation d'artillerie d'une demi-heure, les 5e et 7e Compagnies attaquent dans un élan admirable le talon du bois et les tranchées au nord ; elles sont clouées sur place par des feux croisés de mitrailleuses.
A 10h 30, précédée par un tir d'écrasement qui dure à peine 10 minutes, l'attaque reprend.
Le 2e Bataillon se précipite résolument en avant.
Son attaque, menée avec acharnement, permet aux fractions de gauche de réaliser des progrès sensibles dans le bois et aux fractions de droite d'occuper la lisière est du Talon.
Cette opération de détail a donc été couronnée de succès. Le résultat cherché était acquis.

Après la relève, dans la nuit, par le 15e RI, le Régiment va cantonner à Suippes, où il arrive vers 10h.
Une section et demie de la 8e Compagnie n'a pas été relevée par le 15e et conserve son emplacement à la lisière est du talon du Bois Sabot. Elle n'est pas ravitaillée ni en vivres ni en munitions.
Elle tient et ne rentre au cantonnement de Suippes que le 11 à 23h.

 

 

Le 13 au soir, le 143e relève le 15e sur les emplacements que nous occupions le 10 au soir.
L'attaque doit reprendre le 15, mais un travail préalable s'impose afin de permettre aux troupes de se placer face à l'objectif, tout en évitant des mouvements de conversion sous le feu de l'ennemi.

La journée du 14 est employée à la création d'une base de départ : à la pioche comme à la baïonnette, le fantassin montre les mêmes qualités d'endurance et le travail est exécuté en sape, sous une avalanche de grenades, avec une farouche résolution.

Le 15 mars, à 4h 30, l'attaque se déclenche par surprise et le premier bond est exécuté si rapidement que les mitrailleuses ennemies n'ont pas le temps d'ouvrir le feu.
Mais bientôt commence la lutte dans les boyaux, le corps à corps sauvage ; la baïonnette et le fusil répondent seuls à la grenade et au pistolet automatique des Allemands.
On se dispute à coups de poings les affûts de mitrailleuses.
C'est en combattant pied à pied, en payant chèrement chaque mètre de terrain, que les hommes de tête arrivent à la tranchée.

Mais les éléments de gauche ne peuvent progresser sur le glacis ; des projecteurs se dévoilent, une contre-attaque se dessine.
Pas de grenades à notre disposition, sauf des pétards improvisés, simples boîtes de conserves, avec mise à feu des plus primitives.
Il est impossible de tenir sans risquer d'être anéanti.
En moins d'une demi-heure, nos pertes se montent à une centaine de tués et de blessés.
Le mordant et l'entrain des hommes n'en sont pas moins diminués, et le même jour, à 16h 30, l'attaque menée par les 3e et 5e Compagnies reprend de plus belle après une courte préparation d'artillerie.
C'est de nouveau la lutte à coups de baïonnette, à coups de crosse et d'outils. On ne fait pas de quartier. Il est 18 heures.
Un blockhaus seul offre encore quelque résistance ; attaqué à la pioche, il est emporté ; plusieurs occupants essayant de s'enfuir sont abattus. Deux contre-attaques ne peuvent nous déloger.

Le 16, au petit jour, deux nouvelles contre-attaques sont encore brisées : ce sont les dernières réactions de l'infanterie ennemie. Le résultat cherché est atteint.
Nous étions maîtres d'une position importante, permettant le développement d'une offensive ultérieure.
Cette position avait été arrachée à la Garde Prussienne. Cette lutte farouche avait coûté au Régiment 9 officiers, 29 sous-officiers, 425 soldats morts au Champ d'Honneur.

A l'issue de ces combats, le Général de Division commandant la 60e Division écrivait au Général commandant la 32e Division : "Je suis heureux de vous adresser l'expression, non seulement de toute ma satisfaction, mais de mon admiration pour cette Brigade qui, depuis 8 jours, lutte sans trêve ni répit avec une énergie inlassable. Vous avez le droit d'être fier de commander à de pareilles troupes."

 

1915 - Le Trapèze - Mesnil les Hurlus

Après un court repos, le Régiment entre en secteur non loin de Bois Sabot.
Mais une période de stabilisation relative est plus pénible et à peine moins meurtrière que les périodes d'offensive.
On est à quelques mètres du Boche, les grenades, crapouillots, les torpilles démolissent les tranchées et les rares abris que l'on édifie à grand'peine pendant que la sournoise lutte de mines bat son plein.
Dans les boyaux pris d'enfilade, derrière le créneau insuffisamment protégé, nombre de soldats sont frappés par les balles. On se tue sans se voir.
Le sol est bouleversé et, par les claires nuits d'été, on croirait contempler un paysage lunaire.
Cette vision est rendue plus sinistre encore par le voisinage des cadavres, sommairement inhumés, et que les obus déterrent, projetant en débris sur les vivants la dépouille des morts.

Le cadre restreint de ce court récit ne nous permet pas de conter en détail les actes d'héroïsme quotidiens. Nous en retiendrons surtout le souvenir de la camaraderie qui unissait entre eux chefs et soldats.
Que d'hommes se sont fait tuer pour essayer de sauver un camarade enterré vivant par l'explosion d'une mine !
Combien d'autres ont trouvé la mort en s'élançant à l'assaut d'un "entonnoir", en plaçant des défenses accessoires ou même plus humblement en surveillant le Boche par un étroit créneau !

Le moral reste parfait et cependant on reste six jours en ligne et trois jours seulement au repos dans le bois où le seul abri existant est celui que l'homme se construit avec des mottes de terre et des branchages.
On commence à reparler d'offensive : nombre de régiments viennent construire des boyaux, des emplacements de batteries et enfin relever le 143e, le 25 août.
Mais le régiment ne s'éloigne pas beaucoup de ce champ de bataille qui porte le nom funèbre de Mesnil les Hurlus et où il laisse dans la craie champenoise 3 officiers, 19 sous-officiers et 297 caporaux et soldats.

Il va se préparer à la grande attaque de Champagne dans la région de Valmy, où le monument dressé à la mémoire des Volontaires de KELLERMANN et de DUMOURIEZ rappelle aux soldats de 1915 que, de même qu'en 1792, il y a des Prussiens en France qu'il faut ramener au-delà du Rhin.

Le 24 septembre, à Valmy, le Régiment rassemblé écoute la lecture de l'ordre du Généralissime annonçant la bataille qui va se déclencher le 25 septembre.
Déjà la préparation d'artillerie était commencée et son intensité faisait bien augurer du succès.

 

1915 - La Main de Massiges et le Mont Têtu

Le 25 septembre, sous le commandement du Lieutenant Colonel HENRY, au grondement de la formidable préparation d'artillerie promise, le Régiment silencieux, grave, résolu, s'engage dans les boyaux d'adduction et débouche à 9h30 sur les pentes sud du promontoire (cote 180) après une marche d'approche qui fut un modèle d'ordre et de discipline.

L'attaque, déclenchée depuis un quart d'heure à peine, bat son plein. Les prisonniers affluent vers l'arrière. Les blessés français, avidement interrogés par nos soldats, apportent de l'avant des impressions de victoire et les bataillons du 143e vibrent à ces récits, attendant l'heure de donner à leur tour.

 

 

Cependant le 20e CA qui attaque en direction de Rouvroy a approché les lisières de Maisons de Champagne ; le 1er CA Colonial qui attaque droit sur la Main de Massiges en a atteint les premiers contreforts.
Des résistances ennemies et la nécessité de les manoeuvrer ont amené entre ces deux corps une large et dangereuse brèche.
C'est alors que la 64e Brigade reçoit à 16h l'ordre d'attaquer le Mont Têtu (cote 198), de fermer le vide entre les deux Corps d'Armée primitivement en liaison et de ressouder les deux attaques.

Dans la nuit du 25 au 26, le Régiment quittant le promontoire, se rend par le village de Massiges à ses emplacements de départ (pentes nord et nord-est du promontoire), dans les tranchées françaises qui avaient servi de base de départ au 1er CAC.
Il y passe le reste de la nuit et une partie de la matinée sous un bombardement assez intense.

 

 

Le 26 septembre, le 15e, dès 6h 30, s'efforce de gagner le Mont Têtu. Il prend pied à mi-pente des hauteurs dominant le ravin de l'Etang.
Son avance est pénible ; le feu de mousqueterie et de mitrailleuses est intense.
A 11h, le 143e reçoit l'ordre d'attaquer à son tour. Il a comme objectifs le boyau de Molkte d'abord, le Mont Têtu ensuite.
L'idée d'ensemble de la manoeuvre est de prendre à revers par les pentes ouest ce Mont Têtu qu'on ne peut faire tomber de front.

La traversée du ravin du ruisseau de l'Etang s'effectue sous le feu intense de l'artillerie et des mitrailleuses ennemies.
Il y a dans nos lignes ni une hésitation ni un flottement malgré des pertes déjà sensibles.

Le 3e Bataillon suivi par le 2e atteint rapidement le pied des pentes de la Main de Massiges, contourne la croupe du Bois Valet, s'engage dans le ravin compris entre le Bois de l'Arc et le Bois de la Faux.
Le passage du Bois de l'Arc au Bois de la Faux effectué par la 10e Compagnie sous le feu terrible des mitrailleuses de la tranchée Molkte est superbe de rapidité et de précision.
Désormais la position ennemie est condamnée.

La 10e Compagnie progressant par le Bois de la Faux, les 11e et 12e par le Bois de l'Arc avec une rapidité foudroyante tombent à la baïonnette dans la tranchée ennemie à 15h 30.
L'ennemi surpris, désemparé se rend à la 10e et à la 11e Compagnies.
Plusieurs mitrailleuses, plus de 50 prisonniers valides tombent entre nos mains.
La tranchée ennemie est encombrée de cadavres et de blessés, et un Hauptmann blessé, couché à terre nous avoue que "devant nous, il n'y a plus rien, plus de réserves" ; il sentait passer le frisson de la défaite.

 

 

Le Boche est disloqué, débordé, et une de nos patrouilles surprend dans un poste de secours un médecin allemand faisant des pansements comme si les Français étaient loin encore, le ramène avec ses infirmiers et ses blessés.

La ligne de défense du Mont Têtu est brisée.
Laissant une fraction au nettoyage de la tranchée conquise, le 3e Bataillon, sans perdre un instant, pousse à la crête, son dernier objectif.
Le 2e bataillon rentre à son tour en ligne à la droite du 3e. Le sommet du Mont Têtu est rapidement atteint et dépassé par les éléments de droite du 2e Bataillon auquel se lie le bataillon de gauche du 15e.
Le Mont Têtu est à nous.
Le Régiment perdait dans ce combat 7 officiers, 231 hommes blessés, 49 tués.

La nuit est employée à l'organisation du terrain conquis et aux préparatifs d'attaque pour le lendemain.
Des patrouilles poussées en avant pour reconnaître les positions de l'ennemi signalent une grande activité chez les Boches.
On entend distinctement des trains et convois amenant des troupes fraîches et des munitions dans la plaine de Rouvroy. De l'artillerie arrive avec un grand bruit de ferraille.
L'ennemi, d'abord surpris par notre attaque impétueuse, profite du répit de la nuit pour se reformer, renforcer ses lignes, augmenter sa résistance.
La journée du lendemain promet d'être dure.

 

 

Le 27 au matin, le Régiment reçoit l'ordre de continuer l'attaque en direction générale de la Ferme Chausson.
Les 3 bataillons sont en ligne et doivent participer à l'opération. Le 3e Bataillon doit lier son mouvement avec le 20e CA qui, à gauche, attaque l'ouvrage de la Défaite avec pour objectif le Bois Marteau.
Le 2e Bataillon, au centre, a comme objectif l'intervalle compris entre le Bois Marteau et la Ferme Chausson.
Le 1er bataillon doit s'emparer de la ferme même et lier son mouvement avec le 1er CAC qui attaque à droite le Bois de la Chenille.
L'artillerie fait une courte mais violente préparation.

Le 143e, pour faire face à ses nouveaux objectifs, doit exécuter un changement de front vers le nord en pivotant sur sa gauche autour du Mont Têtu.
Mais à 14h, heure fixée pour le départ en avant, le Corps Colonial très en retrait ne peut avancer par suite de la présence de mitrailleuses ennemies installées dans le " Creux de l'Oreille " qui battent le col situé entre la "Verrue" et le Mont Têtu.
La droite du 1er Bataillon se trouve de ce fait très refusée.

Le bataillon occupe les deux côtés d'un angle droit dont la pointe est tournée vers l'ennemi.
Les ordres sont modifiés en conséquence par la 64e Brigade qui limite l'attaque aux lisières nord du Bois entre le Bois Marteau et le Bois Chausson, liée à droite à celle de la Division Coloniale qui commence à 14h et à gauche avec celle du 20e CA qui aura lieu à 16h.

Les 2e et 3e Bataillons attaquent.
Par suite de la situation du 1er bataillon, la ferme Chausson est délaissée pour le moment.
A 16h, les 2 bataillons dans un élan magnifique se précipitent en avant, la baïonnette haute. Mais le terrain est détrempé et glissant, la marche lente et pénible. Le glacis complètement découvert est balayé par les mitrailleuses.
La situation en flèche des bataillons livre les flancs à des tirs d'écharpe très meurtriers.Toute la manoeuvre se déroule sous un feu infernal.

Le 2e bataillon et la droite du 3e, décimés, sont obligés de s'arrêter, après avoir gagné cependant quelques centaines de mètres, engageant avec l'ennemi une fusillade énergique.
La gauche du 3e Bataillon et plus particulièrement la 9e Compagnie, plus heureuse, s'avance profondément.

Cette compagnie, dans une offensive endiablée, franchit deux éléments successifs de tranchées et prend pied dans un troisième, vers le boyau d'Ukelwurst, mettant en fuite des troupes fraîches arrivées de la veille, bien supérieures en nombre, et qui abandonnent leurs armes et leurs sacs.
Repoussant ensuite trois tentatives ennemies pour reprendre le terrain perdu, elle s'organise sur place, où, à la tombée de la nuit, elle est relevée par une compagnie du 15e RI.
La journée a été chaude.
On sent un ennemi ressaisi et décidé à offrir une résistance acharnée, résistance qui ira tous les jours en s'intensifiant.

Nos pertes étaient sévères : 8 officiers blessés, 66 sous officiers ou soldats tués, 216 blessés.
Au 2e Bataillon, 3 commandants de bataillon était successivement tombés.

Le Régiment reste sur les emplacements conquis si chèrement et il s'organise pendant la nuit.
L'artillerie ennemie presque silencieuse durant cette journée, réagit violemment au cours de la soirée et de la nuit par des rafales à gros obus fusants.
L'attaque doit reprendre le lendemain à 9 heures, menée par les 2e et 1er Bataillons, le 3e passant en réserve au bois des "Kamarades".
Le mouvement doit être lié à celui du Corps Colonial, dès que celui-ci sera arrivé à hauteur du Mont Têtu et dessinera son attaque sur le Bois de la Chenille.

Le 143e doit prendre pied dans le bois au sud de la ferme Chausson, l'objectif à atteindre.
Le 2e Bataillon réussit à marquer une progression vers l'objectif assigné dès le début de l'attaque, mais toute avance ultérieure lui est interdite par suite de la présence de mitrailleuses ennemies, placées les unes vers le sapin nord-est du Mont Têtu, les autres sur les Ouvrages de la Défaite.
Ces mitrailleuses prenant d'enfilade toutes nos fractions qui cherchaient à déboucher, rendent la progression impossible.

Une préparation d'artillerie dirigée sur les mitrailleuses signalées ne peut les détruire et une nouvelle tentative d'avance vers la Ferme est engagée.
Cette journée a coûté au Régiment 2 officiers et 37 hommes tués, 46 blessés.

L'ennemi paraît être en force et solidement installé, aidé par une puissante artillerie.
Le soir, un message de la Division ordonne aux différents éléments de la Division une mission défensive et, en conséquence, l'organisation immédiate du terrain enlevé aux Allemands.

Jusqu'au 5 octobre, les bataillons du 143e, tantôt en ligne, tantôt en réserve, travaillant à l'aménagement et à la défense du secteur, profitent de ce court répit pour se reformer.

 

 

Un dernier effort va être demandé le 6 octobre au régiment.
Il prend dans la nuit du 5 au 6 ses dispositifs d'assaut dans les tranchées du Mont Têtu : 1er et 2e bataillons et une compagnie du 3e sur trois vagues successives.
Les trois autres compagnies du 3e Bataillon forment la 4e vague.
Les objectifs sont la ferme Chausson et les ouvrages déjà puissants qui la défendent.
A 5h 50, les deux premières vagues sortent d'un seul bloc.
Malheureusement, la pente du terrain, assez accusée, interdit à l'artillerie de campagne d'effectuer des tirs efficaces. Le tir est toujours trop long.

L'ennemi placé à contre-pente n'est ni atteint, ni aveuglé par notre préparation. Seul un canon de 58 aurait pu bouleverser un élément de parallèle.
Les deux premières vagues, reçues par un feu terrible, doivent se coucher sous les balles ; des hommes sont frappés en franchissant le parapet.
Néanmoins une fraction réussit à progresser, franchissant la première ligne ennemie, au point où le 58 l'a bouleversée.

Elle peut atteindre d'un bond irrésistible les lisières sud du bois de Chausson.
Mais là, prise de dos et d'écharpe par les tirs des mitrailleuses ennemies, puis contre-attaquée de front par des réserves écrasantes en nombre, elle est clouée sur place ; elle tient jusqu'au corps à corps.
Seuls quelques blessés et quelques hommes indemnes regagnent nos lignes de départ, à la faveur de la nuit.
Les vagues suivantes dans l'impossibilité de donner l'assaut à leur tour s'organisent immédiatement dans leurs parallèles, mettant en batterie leurs mitrailleuses. Il est temps.

A 8h, l'ennemi massant ses troupes à l'abri des pentes de la ferme Chausson et des bois passe à la contre-attaque en formations massives.
Reçues par 3 pièces de la compagnie de mitrailleuses, mitraillées avec une précision remarquable, sous un tir de mousqueterie intense et bien ajusté, les colonnes ennemies, tourbillonnant, se disloquant, disparaissent dans leurs boyaux et parallèles de départ, laissant de nombreux cadavres sur le terrain.

Renouvelée vers 15h, une nouvelle contre-attaque est bloquée par nos tirs. L'ennemi ne réagit plus. Le Régiment perd ce jour-là 2 officiers et 36 hommes tués, 129 blessés, 150 disparus.
Ces 150 disparus sont des braves que leur élan a emporté aux lisières du Bois de la Chenille à travers les lignes ennemies.
Telles furent les glorieuses journées de Massiges et du Mont Têtu.

 

 

Le Général GROSSETI, commandant le 16e CA tint à exprimer toute sa satisfaction aux quelques officiers qui restaient à la suite des combats.
Il les réunit et leur dit : "Je suis très heureux de vous faire part des éloges qui m'ont été faits au sujet de votre Régiment. Je regrette de vous trouver aussi peu nombreux, mais cela prouve que chacun a fait son devoir et que les Chefs ont donné l'exemple.
J'espère que vous aurez une belle récompense, une citation à l'ordre de l'Armée, que d'ailleurs vous avez manquée de peu au Bois Sabot.
"

 

1915 - Tahure

Après un court repos, le Régiment passe quatre jours en ligne dans le secteur de Tahure et le 30, après la relève par le 80e et le 342e, il se trouve en réserve non loin de Perthes, au Bois du Paon et au Bois 4.

Le 30 octobre, vers 9h 30, tous les emplacements des différentes unités du Régiment subissent un bombardement extrêmement violent par obus de gros calibre et plus particulièrement par obus à gaz asphyxiants lacrymogènes.
Vers 12h, le Colonel reçoit l'ordre de se tenir prêt à toute éventualité.

Dans l'après midi, le Colonel suivi de la CHR se transporte à la Carrière où viennent le rejoindre un moment après les 1re et 12e Compagnies.
Le 3e Bataillon (4e, 9e, 10e et 11e Compagnies), à l'exception d'un peloton détaché comme soutien à la CM 64, reçoit mission de s'établir à la droite du 342e en recherchant à sa droite la liaison avec les éléments qui pourraient subsister du 80e RI qui vient d'être submergé par l'attaque allemande.
Lorsque le Commandant du Régiment arrive sur les lieux, il constate que cette liaison n'a pu être établie et fait prolonger à droite le 3e Bataillon par la compagnie disponible du 1er.

 

 

Le 31 octobre, au lever du jour, on s'aperçoit que l'ennemi s'est retranché pendant la nuit sur la crête du mouvement de terrain situé à l'est du village de Tahure.
La 1re Compagnie subit une attaque qui est repoussée ; seuls quelques éléments des tranchées de droite sont pris par les Allemands.
Les Poilus de la 2e, dans un élan sublime et spontané, se lancent en avant à la contre-attaque ; quelques-uns atteignent la tranchée allemande, mais y tombent en héros.

Le 2e Bataillon vient s'établir à droite du 1er, sur le mouvement de terrain au nord du village de Tahure ; il chasse les premières fractions ennemies qui avaient pénétré dans le village et établit la liaison avec le 238e RI à sa droite.
Les éléments de gauche prennent sous leur feu des renforts ennemis qui cherchent à s'infiltrer par le ravin 149.
Vers 15h, une contre-attaque allemande se produit sur le front occupé par le Régiment ; elle est complètement enrayée.
Aussi l'attaque déclenchée à 16h par le 96e permet non seulement de prendre la tranchée ennemie, mais encore de la dépasser : cette dernière est d'ailleurs occupée immédiatement par les 1er et 2e Bataillons du 143e.

Dans la soirée du 31, le Commandant du 3e Bataillon détache 2 de ses compagnies à la gauche du 96e afin d'établir la liaison avec le 342e.
Le 143e avait perdu dans cette affaire 80 tués et un grand nombre de blessés (dont 3 officiers) mais, malgré ses effectifs réduits, il avait contribué à l'échec complet d'une tentative ennemie organisée avec des moyens formidables et menée par 17 bataillons.

Après quelques cours passages en secteurs effectués isolément par les bataillons, le Régiment stationne, pendant le mois de novembre à Saint Rémy sur Bussy, puis le 29 il s'embarque à Saint Hilaire du Temple, pour aller prendre, dans la région d'Epernay, un repos bien gagné.
Il reçoit des renforts, les instruit au Camp de Romigny, puis va prendre le secteur de Soissons (Saint Vaast).
Ici la vie est facile ; les pertes sont légères et les installations confortables.
Deux points seulement, le saillant Saint Paul et la Distillerie sont dangereux à garder et subissent de fréquents et intenses bombardements.
Les nuits sont marquées par des actions fréquentes de patrouilles, quelques coups de main sont tentés. Le Régiment met à profit cette tranquillité relative pour travailler et s'instruire.

 

1916

Entre temps, le 12 février, il repousse une petite attaque locale sur la Distillerie en infligeant à l'ennemi des pertes sérieuses.
Cette situation coupée de repos, de marche et de déplacements divers dure jusqu'au 12 juillet, date à laquelle le Régiment s'embarque pour participer à son tour à la Bataille de Verdun.
Débarqué le 13 juillet à Givry en Argonne, il dispose d'un mois pour se préparer au combat.

 

1916 - Vaux-Chapitre

Le 12 août, en exécution d'un ordre de la 32e Division, il est enlevé à 12h en auto et débarque à Moulin Brûlé (1 500 m au nord de Nixeville).
Utilisant un chemin défilé à travers le Bois de la Ville, le Régiment se rend à Verdun où il cantonne.
A la nuit, le Colonel, les Chefs de Bataillons et les Commandants de Compagnies conduits par des guides vont reconnaître le sous-secteur de la Haie Renard (Bois de Vaux-Chapitre) occupé par le 65e RI.

La mission qui incombe au Régiment est une mission glorieuse ; le Général MANGIN réunissant le 12 dans son PC le Colonel, les Chefs de Bataillons et Commandants de Compagnies du 143e la définit ainsi : "Vous allez tenir, sans faiblir, un des points les plus délicats de tout le front, et je ne doute pas en outre, que vous réussissiez l'attaque que je vous demanderai d'exécuter."

 

 

Dans la nuit du 13 au 14, le 143e entre dans la bataille encadré par le 140e RI à droite et le 4e Zouaves à gauche : il a 2 bataillons en ligne (2e et 3e ) et le 1er bataillon en réserve.
La situation du Régiment est particulièrement délicate.
Il occupe au sud du Ravin des Fontaines, face à l'est, une face du saillant très prononcé et très étroit que nos premières lignes forment dans cette vallée encaissée.

La position jalonnée de trous d'obus est accrochée à la croupe de la Haie Renard, et l'ennemi le domine en tenant le sommet de la croupe, l'Ouvrage triangulaire et la tranchée de la Haie Renard.
Au nord du Ravin des Fontaines, l'ennemi auquel fait face le 4e Zouaves sur l'autre flanc du saillant, a des vues d'écharpe et de dos sur les positions du 143e et les tient sous le feu de ses mitrailleuses.

L'artillerie ennemie particulièrement puissante, disposant de nombreux observatoires dont les champs visuels se recoupent, interdit tout mouvement sur les pentes de la Haie Renard : les communications sont impossibles de jour entre les bataillons en ligne et le PC du Colonel, aux Carrières du Ravin des Fontaines.

D'ailleurs l'ennemi violemment attaqué du côté de Fleury semble redouter une action offensive sur la croupe de la Haie Renard et ses tirs d'artillerie ne cessent d'augmenter d'intensité pendant les journées des 14, 15, 16 et 17 août.

Dès que l'artillerie française entre en action, l'ennemi déclenche de puissants tirs de préparation par obus de gros calibres qui infligent des pertes sévères : 10 officiers et 386 hommes sont mis hors combat du 14 au 17 août.

La valeur offensive du régiment n'en est cependant pas diminuée ; profitant de la passivité de l'infanterie ennemie, les groupes de combat des 2e et 3e Bataillons progressent chaque nuit de trous d'obus en trous d'obus pour s'approcher de la crête et préparer ainsi l'attaque annoncée pour le 18.

Dans la nuit du 17 au 18 août, les compagnies de première ligne, dont les effectifs sont très réduits, sont reformées et le dispositif d'attaque est réalisé.

Le 18 août, le Régiment a pour mission de s'emparer de terrain conquis par les Allemands le 17 août au sud du Bois de Fumin.
Ses objectifs sont :
1) la tranchée allemande de la Haie Renard
2) le boyau Sundgau
3) la tranchée Viala.
Son action doit être appuyée à droite par la 5e Compagnie du 8e Tirailleurs, placée sous les ordres du Colonel commandant le 143e et qui doit attaquer l'Ouvrage Triangulaire.
Le 143e attaquera avec ses deux bataillons de tête (2e et 3e), le dernier bataillon serrant dès l'attaque dans la tranchée de départ.
Dans chaque bataillon, 4 vagues sont formées.

La préparation d'artillerie est doublée quelques minutes avant le départ par une violente concentration de tous les engins d'infanterie, sur les tranchées les plus rapprochées.
A 15h, alors que nos mitrailleuses tirent encore et que les obus VB éclatent, les vagues d'assaut entraînées par les quelques officiers qui restent bondissent de trous d'obus en trous d'obus dans un terrain bouleversé.
Les premières vagues ne rencontrent pas de résistance et progressent rapidement devant un ennemi qui paraît se dérober ; mais au moment où la 4e vague va déboucher, une concentration puissante d'artillerie de gros calibre s'abat sur nos premières lignes et les anciennes lignes ennemies ; la 4e vague et le 1er Bataillon sont cloués sur place.

A droite, la 7e Compagnie du 143e et la 5e Compagnie du 8e Tirailleurs s'emparent de l'Ouvrage Triangulaire et s'efforcent de nettoyer le boyau de l'Etang.
Au centre, les autres compagnies du 2e Bataillon ne peuvent atteindre la tranchée de la Haie Renard qui, placée à contre pente, a peu souffert de notre préparation d'artillerie.
La 5e Compagnie (gauche du bataillon) est fauchée par les mitrailleuses situées au nord de l'Ouvrage Triangulaire.
A gauche, les éléments du 3e Bataillon atteignent la tranchée de la Haie Renard où s'engage une série de combats individuels.

Mais l'ennemi qui a dû céder du terrain monte rapidement une contre-attaque ; vers 16h 30, des groupes descendent du Bois Fumin, d'autres débouchent par le ravin des Fontaines.
Violemment contre-attaqués, puis sous le feu des mitrailleuses qui tirent dans la direction de Retequebois, les éléments les plus avancés du 143e RI, qui ont progressé de 800 m environ dans la position allemande, sont obligés de se replier pied à pied devant l'ennemi qui ne peut cependant pas réoccuper son ancienne ligne.

Une seconde contre-attaque appuyée par un violent bombardement est lancée par l'ennemi vers 18h 30 ; ses unités regroupées dans la tranchée Viala attaquent en force la gauche du 3e bataillon mais sont arrêtés par nos grenadiers et par le feu de 2 sections de mitrailleuses ; un violent barrage de notre artillerie interdit à l'ennemi toute tentative nouvelle.

Le 143e reste maître en définitive de la plus grande partie du terrain si chèrement conquis dans l'après-midi.
L'effort déjà fourni par le 143e n'est cependant pas achevé ; malgré la faiblesse de ses effectifs et sa situation matérielle des plus précaires, le Régiment doit garder à tout prix pendant 4 jours encore le secteur qui lui est confié ; les 3 bataillons extrêmement réduits ne forment plus que 3 compagnies, les 3 compagnies de mitrailleuses n'en forment qu'une.

Du 18 au 22 août, le 143e repousse toutes les tentatives de l'ennemi et maintient intactes ses positions ; chaque nuit même des reconnaissances sont exécutées pour situer exactement l'ennemi et renseigner notre artillerie.

Dans la nuit du 22 au 23 enfin, le Régiment à bout de force est relevé.
Pendant ces huit jours de combats incessants, il a perdu 24 officiers et 940 hommes tués ou blessés.

Mais ce sacrifice n'a pas été vain : le 143e RI a affirmé une fois de plus les solides qualités qui lui avaient valu précédemment les succès de Rozelieures, du Bois Sabot et du Mont Têtu.
Embarqué en auto à Moulin Brûlé, le Régiment va cantonner à Charmontois-l'Abbé.
Il y prend son repos jusqu'au 2 septembre. Durant ce laps de temps, il reconstitue ses unités, grâce aux renforts qu'il reçoit.

 

1916 - L'Argonne - Cote 304 - Avocourt

Le 14 septembre, après étape intermédiaire aux Islettes, le Régiment va relever dans le sous-secteur Marchand le 407e RI et défendre les positions bien connues de la Fille Morte et des Courtes Chausses.

 

 

Une nouvelle période va s'ouvrir ; le Régiment va reprendre la guerre de tranchées dans laquelle il montrera qu'il a conservé intacte son expérience de la guerre des mines, qui a pris dans ce secteur une extension formidable.
De gigantesques entonnoirs sont créés pour des fourneaux de mines contenant jusqu'à 30 000 kg d'explosifs.
Mais, quoique pénible, ce secteur n'est pas celui qui convient à une troupe exercée et active.

 

"Ils n'étaient pas des néophytes du front, les hommes qui, après l'attaque imprévue du 21 février, venaient à Verdun.
Ils avaient connu toutes les misères, couru tous les dangers. Ils ne connaissaient plus la peur. Ils allaient indifférents, stoïques, inconscients, comme dans un rêve... Ils étaient accoutumés. Ils étaient les survivants des meurtriers combats de l'Argonne et de l'offensive manquée de Champagne.

 

 

Mais quand, à un détour de la route encaissée, dans la nuit profonde, ils purent voir plus loin que le talus, plus loin que la forêt, le spectacle indescriptible qui s'offrit les fit arrêter d'horreur. Ils étaient au centre d'une circonférence de feu, ininterrompue, circonférence d'astres éphémères où l'or se mêlait aux émeraudes et aux rubis, comme un collier précieux qui les eût enserrés.
Droit devant eux, c'était le Mort-Homme et la cote 304 ; à droite, les Hauts-de-Meuse ; à gauche, Avocourt et son réduit imprenable ; en arrière, les avancées de la Woëvre.

 

calvaire d'Esnes, cote 304 - Mort-Homme - Bois de Cumières

 

Inoubliable coup d’œil qu'une plume ne saurait rendre : il faudrait la palette riche d'un Goya ou d'un Vélasquez. C'est devant de tels tableaux que l'homme constate la vanité de son effort, l'impuissance de sa rage, le vide de son cerveau, le néant des sociétés, l'imbécillité des nations, le mensonge de la science, la vérité éternelle de l'art, la beauté des songes, la sagesse des poèmes d'amour..."

Source : "Le Mort Homme en 1916", raconté par André Joubert
http://chtimiste.com/batailles1418/combats/morthommet.htm

 

1917

Aussi, dès le 26 janvier, le 143e se retrouve au Camp des Clairs Chênes près de Rampont.
Il a comme mission de prendre des tranchées perdues sur la Cote 304 à la suite d'une violente attaque allemande.

Le 27, il va relever par un froid terrible le 80e RI qui occupe le quartier Broquart, la tranchée Vinatié et la tranchée Delhomme. La température est de - 25°. Le vin et la bière gèlent dans les récipients..."

 

 

 

 

 

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