les battages

 

 

Après le battage des céréales au fléau (19e siècle), ce fut le battage au lourd rouleau de granit. La récolte était disposée de façon à laisser apparaître tous les épis, sur l'aire de battage au sol en terre battue lissé à la bouse de bovin.

 

 

 

Puis vint la petite batteuse à égrainer, entraînée par un manège mécanique à engrenage multiplicateur, lui même entraîné par des bœufs ou des chevaux qui tournaient en rond.

 

 

 

Au fil des décennies du 20e siècle, les battages se modernisent. La vanneuse égraine, trie et ventile le grain, entraînée par un moteur à pétrole, plus souvent par la locomobile à vapeur, puis plus tard par la poulie du tracteur. Les grains, ensachés, sont stockés au grenier.

 

 

scène de battage des années 1930 à 1950

 

Le matériel allait de ferme en ferme, les battages duraient de trois à quatre semaines. L'entraide mobilisait trente hommes, les femmes faisaient la cuisine, les enfants apportaient la boisson sur l'aire de battage. La boisson était, au choix, vin (piquette du pays), eau fraîche, café froid ou fil en trois (eau + eau de vie + sucre). A la fin des battages, c'était la fête, les chansons, les histoires et la danse, c'était un excellent moyen de rencontres. C'est là encore que se nouaient les idylles et que se décidaient les mariages.

 

 

1944 - Gabriel Villeneuve, entrepreneur de battages, près de sa locomobile, ici à l'Eriboire

de gauche à droite : Georges Richard / Gabriel Villeneuve / Maurice Richard

Gabriel Villeneuve intervenait durant des semaines sur les communes de Saint Léger, Le May et Bégrolles :

"J'ai fait l'entreprise de battage de 1929 à 1956 avec la batteuse, le monte paille et la locomobile à vapeur ... Le battage du blé se faisait au mois d'août. Il fallait que le matériel soit en bon ordre de marche et prêt à partir pour le 1er août. Le travail était dur pour tous car il y avait la chaleur et la poussière. On nous apportait à boire toutes les demi-heures à trois quarts d'heure.
Pour les deux mécaniciens qui s'occupaient du matériel, c'était dur. Le matin, on se levait à 3 heures pour chauffer et monter en pression la loco pour être prêt à tourner le matin au petit jour. Les hommes avaient déjeuné avant qu'il fasse clair.
Avant d'avoir le tracteur, le matériel était tiré par des bœufs : quatre bœufs sur la loco, quatre bœufs sur la batteuse et un cheval sur le monte-paille. Le poids de la loco et de la batteuse était de 4 tonnes chacun. Il fallait être bien attelé, car les chemins de ferme étaient en très mauvais état. Ce n'est qu'à partir de 1946-47 que les chemins ont été mis en état et goudronnés.
Pendant la guerre 39-45, on chauffait la loco au bois et on n'avait pas de charbon, ou très peu et très mauvais. Le patron du matériel recevait un carnet de l'occupant, il fallait déclarer tous les quintaux de blé battus dans chaque ferme. Je m'arrangeais toujours pour en mettre de côté.
En 1944, dans une ferme, des avions anglais nous ont survolé une dizaine de tours, j'ai arrêté le matériel et tous les hommes se sont écartés. Les avions n'ont rien lancé, nous étions quitte pour la peur.
Le débit de la batteuse était de 30 quintaux de blé à l'heure. Le blé était monté dans les greniers de la ferme par une équipe de 4 jeunes d'une vingtaine d'années. Il y avait de la joie. Les jeunes filles du voisinage venaient aider à faire la cuisine et porter à boire. Les repas étaient presque des repas de noces."

Gabriel Villeneuve - juin 1988

 

 

vers 1950 - moment de pause à l'Echasserie

Gabriel Villeneuve / Maurice Tignon père, de l'Echasserie

"On aperçoit la balle qui sort de la batteuse et le tas de balle : il y avait encore une sortie pour le blé, une autre pour la paille, une autre encore pour la "menue-paille".
Chaque ferme déléguait une personne, et c'était ainsi une trentaine de bonhommes qui suivaient la machine et devaient "nourrir" la batteuse, de ferme en ferme. On travaillait dur.
C'était l'occasion pour les enfants d'inviter à la ferme pendant ces 2 jours de fête les cousins ou les cousines. On aménageait une grande pièce en chambre improvisée.
La maîtresse de maison avait à cœur de se distinguer dans les repas qui étaient de véritables festins et on dormait peu."

 

 

Gabriel Villeneuve et son chef d'œuvre : sa locomobile miniature

Gabriel consacra, nous l'avons dit, 1500 heures de sa retraite à faire entièrement de ses mains cette locomobile à vapeur (630 pièces) qu'il avait tant aimée. Une merveille !

 

 

 

Gabriel Villeneuve,
un retraité passionné par la locomobile de sa jeunesse

 

Les Cahiers des Mauges n°18 - novembre 2018

 

Gabriel Villeneuve est né en 1909 à Saint-Léger-sous-Cholet. Il a appris le métier de forgeron-serrurier, mais, dès l'âge de 18 ans, il abandonne chaque été son travail d'ouvrier forgeron pendant la période des moissons. D'abord conducteur, il devient propriétaire en achetant une locomobile de la Société Française de Vierzon pour 33 500 francs (120 000 francs de 1979). C'était une BROUHOT de 1922 de type courant. Elle faisait 10 chevaux-vapeur, ce qui représente 50 chevaux d'un moteur à essence. Gabriel l'entretenait avec soin. Pendant la période de service, il était en surveillance constante pour éviter les surpressions ou les baisses brutales de chauffe. À chaque fin de saison de battage, c'était dépoussiérage et graissage complet, nettoyage du fond de la chaudière pour la débarrasser de la couche de boue qui s'y accumulait (l'eau provenait souvent de mares vaseuses). Quand tout avait été bien essuyé avec des chiffons secs, il fallait huiler les engrenages et tout l'intérieur de la chaudière pour éviter la rouille.

Elle travailla de 1925 à 1948, périmée par la vulgarisation des machines à fuel mais toujours en parfait état de marche. Elle partit donc à la casse en 1948. Un récupérateur vendit sa tuyauterie de cuivre ; la chaudière s'en alla chez un blanchisseur.

En 1956, Gabriel cesse toute activité de battage mais continue à travailler dans l'atelier attenant à sa maison. Grâce à son savoir-faire de forgeron, il répare tout ce qui a trait à la ferraille, de la bicyclette aux petits moteurs de toutes sortes. Il prend sa retraite en 1974, mais il garde la nostalgie de sa machine... et prend contact avec un autre passionné de l'Ain.

 

 

Il entreprend alors la réalisation d'une bonne centaine de croquis respectant les proportions de la machine : chaque pièce a été mesurée grandeur nature puis reportée réduite au quart sur le papier. Il disait : "À l'époque, il n'y avait pas de maquette... j'ai travaillé au pif, environ au quart."

De 1977 à 1980, il travaille dans son atelier le cuivre, le bronze et l'acier. Il lui faut environ 1500 heures pour les 630 pièces usinées au tour ou à la main, sauf la petite robinetterie. Il disait : "Rien que la pompe à eau qui alimente la chaudière m'a demandé 80 heures" et les deux minuscules clapets ont été confectionnés à la lime. Un seul regret : n'avoir pu river la chaudière et la boîte de fumée comme elles l'étaient autrefois tout en cuivre. Elles sont simplement soudées. C'est moins beau mais le fonctionnement est le même. La voilà donc avec son corps de chauffe en tôle d'acier et sa robinetterie complète en cuivre, son frein en bois, sa boîte à fumée avec pare-feu intérieur pour éviter que la chaleur ne déforme la tôle et son foyer que l'on recharge par l'avant de petits morceaux de charbon ou de bois. Alimentée en eau, cette machine fonctionne "pour de vrai" au bois ou au charbon, au gaz éventuellement, en sifflant et en crachant ses jets de vapeur. Elle a même ses couleurs d'origine. Gabriel Villeneuve l'a fait chauffer plusieurs fois...

Telle qu'elle est, avec tous ses pistons et ses engrenages bien huilés, actionnés doucement à la main, c'est un merveilleux jouet bien conservé par son fils.

Marie-Juliette Tanguy

 

 

vers 1943-1944

de gauche à droite : André Godier, du vieux bourg / Auguste David / Raymond Pavageau / Maurice Rochais

 

 

1942, à l'Eriboire : transport des sacs de blé vers le grenier

René Boudault / Georges Cailleau / Joseph Boudault / Etienne Lemaître

 

 

1942, à l'Eriboire toujours : la pause !

debout : Georges Cailleau / Marie-Josèphe David / Eugène Audusseau / André Godier / Thérèse Richard / Etienne Lemaître
assis : René Boudault / Toinette Richard / Gustave Lucas / Hubert Lefort / Joseph Boudault / Paul Barré

 

 

la moissonneuse-batteuse (ici, en 2003, chez Marcel Babonneau, au Chêne Blanc)

Arrivée dans notre région dans les années 1960, elle a réduit le temps des travaux par 10, ainsi que la pénibilité. Le grain récolté est transporté en vrac, stocké à la ferme ou chez le négociant, ou livré directement à la coopérative agricole.

 

 

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