le camp de prisonniers marocains

par Guy Friadt - décembre 2023

 

Les occupants allemands implantent un grand camp de munitions dépendant de l'armée de l'air allemande "Luftwaffe" au sud du village, ce qui interdit la route du Puits d'Orléans, la route de Montmacq et le chemin des Plainards. Le long des voies d'accès sont creusés de nombreux merlots qui abritent séparément des explosifs.

 

style de baraquement

 

Ces explosifs arrivent par train à la gare de Ribécourt puis sont transportés en camions dans le dépôt de la forêt de Laigue à Saint-Léger-aux-Bois. A l'occasion d'un convoi, un jeune du village, Jean-Claude LEGUEBELLE, sera victime d'un accident lors d'une manœuvre d'un camion, il décèdera, au grand désespoir du conducteur accablé.

Dans le camp travaillent des prisonniers principalement nord-africains, issus de régiments de soldats marocains, qui y sont enfermés au cœur du village, auxquels viendront s'ajouter plus tard des travailleurs requis pour le S.T.O. (service du travail obligatoire). Ces derniers seront logés chez les habitants de la commune.
Ainsi Raymonde PROTIN (dont le mari soldat est prisonnier en Allemagne), domiciliée près du camp de prisonniers, hébergera un jeune homme requis, Marcel FAGE,
le fils des épiciers du GOULET-TURPIN (entreprise française de commerce aujourd'hui disparue) de Rantigny.

 

photo prise lors d'une visite des parents de Marcel FAGE (1920-2011), pantalon clair au 1er plan, chez sa logeuse

 

 

 

Le camp de prisonniers marocains, qui s'étend jusqu'à la place de la Liberté, actuelle salle des sports, se compose de 3 longs bâtiments :
2 sont perpendiculaires à la route des Etangs ; l'entrée est face au n°3 (la charcuterie de M. Gaston CLÉMENT), entre la grange de M. NARDIN et la maison de briques et de pierres de l'ancienne fabrique de balle à jouer BERNARD.
Le 3e bâtiment est orienté perpendiculairement à la Grande Rue, face à la mairie (en bas à droite sur le plan ci-dessous).

 

 

 

 

Arlette PROTIN dans son jardin - au fond, à gauche, le camp de prisonniers avec entrée sur la rue des Etangs..

 

Il a pu y avoir jusqu'à 600 prisonniers, arrivés de Ribécourt par le pont suspendu de l'exploitation de glaise SAMAIN, à côté des étangs. Ce sont eux qui ont édifié leur camp, clôturé de barbelés.

Les prisonniers sortent tous les jours du camp, au centre du village, sous bonne garde des soldats allemands, pour remonter la Grande Rue vers le sud jusqu'au dépôt de munitions, dont l'entrée principale barre la route du Puits d'Orléans à l'orée de la forêt de Laigue.

Leur détention se fait apparemment dans des conditions assez humaines, mais ils manquent souvent d'eau. Les militaires allemands qui gardent le camp sont pour la plupart des vétérans, certains ayant pu connaître le premier conflit mondial. Aussi n'ont-ils pas d'attitudes fanatiques.
La Kommandantur occupe le bâtiment principal de l'ancienne fabrique de balles à jouer, rue des Etangs, à proximité du camp. Les soldats allemands sont nombreux à être logés dans le bâtiment en face. Certains qui logent chez l'habitant arborent néanmoins des portraits d'Adolphe HITLER.

Il y eut cependant beaucoup d'évasions ou de tentatives mais, du second étage du "Chalet Gabriel", les Allemands pouvaient voir très loin, et s'évader n'était pas chose facile.
Un prisonnier, n'ayant pas pu s'évader, aurait trouvé refuge et serait resté caché dans le clocher de l'église plus d'un an, nourri par le sonneur du village. Il communiquait par courrier avec sa famille car le sonneur, à l'instar de nombreux habitants de la commune, envoyait les lettres (notamment celles que les prisonniers jetaient en boule dans les propriétés) aux familles des prisonniers restées en Afrique du Nord.

De ce camp, il ne reste aujourd'hui aucune trace, mais de nombreux souvenirs.

Cette main d'œuvre qui travaillait à la construction et au transport du dépôt de munitions paiera un lourd tribut à l'occasion de plusieurs accidents et bombardements alliés.

Dans ces enclos, édifiés tant par une main-d'œuvre locale que par certains prisonniers de guerre, des dizaines, des centaines de tonnes d'obus, de mines, de cartouches, de grenades, de bombes et de détonateurs furent stockées pendant toute la durée de l'occupation et gardées en grande partie... par des Russes prisonniers.

Deux bombardements alliés, sur le camp de munitions, l'un sur le secteurs des Plainards, l'autre sur le Puits d'Orléans, feront de nombreux morts parmi les soldats allemands et les prisonniers et requis au STO.

Le 7 mars 1944, une escadrille alliée, sans doute avertie par la Résistance (réseau Hunter Nord), vint jeter quelques bombes et plaquettes incendiaires sur la forêt, comptant sur la chance pour faire exploser de proche en proche les dépôts. Mais les levées de terre bien espacées jouèrent leur rôle et il n'y eut finalement que peu de résultats.

Par contre, de nombreux prisonniers soviétiques et indigènes coloniaux qui y travaillaient sous la contrainte, ainsi que des civils français, furent victimes de 2 bombardements.
Le Maire monsieur DEMONT sera réquisitionné, ainsi que des villageois, pour aller relever plusieurs dizaines de morts en forêt de Laigue, autour du carrefour du Puits d'Orléans.

Les jeunes prisonniers marocains sont intégrés au sein du village, comme les autres habitants qui subissent l'occupation allemande. Certains tissent des liens avec les villageois.
Jacqueline DEMONT, âgée de 20 ans, épousera en 1946, à Clichy, Ben Ali LAYABI, un ex-prisonnier du camp de Saint-Léger.

 

 

Jacqueline DEMONT

 

Ben Ali LAYABI

 

 

annexes

Un camp de prisonniers de guerre et de travail, employés au dépôt de munitions, fut établi par les Allemands à St-Léger-aux-Bois.


Les Frontstalags sont des camps ouverts par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale mais implantés à l'extérieur du Reich. Ils étaient situés essentiellement en France et en Pologne.

Ils étaient destinés aux soldats prisonniers issus des colonies françaises. On en dénombre, en avril 1941, 22 sur le territoire occupé qui recueillent environ 69 000 "indigènes" : près de 50 000 Nord-Africains, 16 000 Sénégalais, les autres se répartissant selon les engagements (Malgaches, Antillais, Indochinois, etc.)

Par le jeu combiné des libérations effectuées pour des raisons diverses (accords politiques, maladies, inaptitude au travail), et en raison des décès et de quelques évasions, le chiffre des prisonniers passe à 44 000 en mars 1942 et à 37 000 en mai 1943. Ces libérations ne concernent cependant ni les anciens combattants de 14-18 ni les pères de famille nombreuse.

La vie dans les camps n'est pas facile. Les prisonniers sont affectés à des détachements de travail dans les charbonnages, l'agriculture, les forêts et le bâtiment. Certains sont même utilisés dans les usines d'armement. Un certain nombre est frappé par la tuberculose. Malgré l'aide de la population locale et des organisations de secours, la faim n'est pas comblée et le froid est mal combattu. La solidarité des habitants permet également la réussite des évasions qui auraient été vouées à l'échec car les évadés sont trop facilement reconnaissables. Cette complicité oriente de nombreux évadés vers les réseaux de la Résistance.  

Les gardiens de ces camps sont des sentinelles allemandes, souvent anciens combattants de 14-18, et relativement cléments à l'égard des prisonniers. A partir de janvier 1943, devant les besoins du front de l'Est, la Wehrmacht mobilise tous ses moyens et le gouvernement français répond favorablement à la demande allemande de faire assurer la garde dans certains frontstalags par des officiers français. Ce transfert crée une situation inédite et suscite des interrogations puisque les anciens officiers français des troupes indigènes deviennent subitement leurs geôliers. Ceci accroîtra la démoralisation des prisonniers ainsi que le sentiment d'avoir été trahis au nom d'une raison d'État...

Impatients de rejoindre leur terre et leur famille, ils vivent dans des conditions sanitaires difficiles, souvent mal nourris et mal habillés. Ils connaîtront des fortunes diverses lors de leur retour au pays constatant amèrement qu'ils ont été oubliés et trahis. En France, les traces commémoratives sont quasiment absentes, mis à part quelques tombes éparpillées et le plus souvent anonymes.

Source : https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/index.php/fr/les-frontstalags  


Ci-dessous 2 résistants passés par le camp de St-Léger :

René PITON, Résistant du réseau Manipule (par Jean-Yves Bonnard)

René Piton devient agent de renseignement après sa rencontre avec Albert Bénicy en février 1943. Aidé d'André Boucher, de Chevincourt, il livre des renseignements sur le camp de munitions de Saint-Léger-aux-Bois, le camp d'aviation d'Asny-Beuvraignes (Somme), les emplacements des états-majors de l'Air et du Transport...

 

Paul PLONQUET, alias Larret, FFI massacré (par Jean-Yves Bonnard)

 

 

Né le 6 février 1925 à Giraumont (Oise), Paul Plonquet s'engagea dans la marine nationale à Toulon jusqu'à l'invasion de la zone libre et le sabordage de la flotte française le 27 novembre 1942. Mis en congé en décembre 1942 et revenu dans son village, il travailla comme journalier à la Société française d'alimentation avant d'être employé au Centre de Ravitaillement et de Triage des Prisonniers de Guerre (CRTPG) de Compiègne. Requis pour travailler à Soissons puis à Saint-Léger-aux-Bois, il se réfugia en culture dans sa commune natale chez le cultivateur Albert Debry.
A la mi-août 1944, à Giraumont, il fut recruté dans la Résistance par Hugues Leroy avec son camarade Albert Lagny. Il devint par la suite l'agent de liaison d'Hugues Leroy. Le 27 août 1944, l'état-major FFI de l'Oise ayant mis en action les groupes actifs, le groupe n°1 des FFI de Compiègne créa un maquis de 21 hommes dans les ruines du château de Rimberlieu, entre Villers-sur-Coudun et Giraumont. Le 28 août 1944, vers 6h du matin, les FFI placés sous la direction du lieutenant Leroy-Sainte-Marie furent attaqués par un détachement allemand. Quinze d'entre eux parvinrent à s'échapper. Les 6 autres, Jacques de Préval, Pierre Forest, Albert Lagny, Roger Lescot, Irénée Marié et Paul Plonquet furent encerclés et capturés par les Allemands qui s'emparèrent d'armes et de munitions. Considérés comme des terroristes, les six FFI furent torturés, exécutés sur place et enterrés dans deux fosses qui ne furent dégagées que deux jours plus tard, peu après la Libération par les Américains.
Le corps de Paul Plonquet repose dans le cimetière de sa commune. Reconnu Mort pour la France, une rue de Giraumont porte son nom.
Un frère de Paul Plonquet s'est engagé en 1942 en Algérie dans les Forces Françaises Libres. Il participa à la libération du territoire métropolitain au sein de la l'armée française reconstituée.
Un monument dit "de Rimberlieu" rendant hommage aux six FFI martyrs fut érigé grâce à la générosité des habitants de Giraumont, Villers-sur-Coudun et Coudun à l'entrée de la propriété du château. Il fut inauguré le 10 décembre 1944.

 

Si vous avez des documents ou des anecdotes sur ce camp de prisonniers écrivez-nous à assostleger@orange.fr. Nous partagerons ici vos éléments.

 

  

   

 

 

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