APOLEON A RIENNE LE CHATEAU
(1779 - 1784)

   

 

"Il a laissé la France plus petite qu'il ne l'avait trouvée, soit. Mais une nation ne se définit pas ainsi. Pour la France il devait exister... Ne marchandons pas la grandeur."

De Gaulle, cité par André Malraux,
"Les Chênes qu'on abat"

 


 

(...) Il n’avait pas encore dix ans, l’enfant qui entrait, le 15 mai 1779, dans le parloir de l’École Royale Militaire de Brienne, puisqu’il était né le 15 août 1769 à Ajaccio, de Charles Marie Bonaparte et de Letizia Ramolino.

Il se tenait les mains dans le dos, très droit, le visage maigre au menton en galoche, figé, le corps malingre, serré dans un vêtement bleu foncé, les cheveux châtains coupés très court, le regard gris.

Il semblait insensible, indifférent presque, à la grande salle froide dans laquelle il se trouvait, attendant que le principal de l’école, le père Lelue, qui appartenait à l'ordre des Minimes, dont l'école dépendait, le reçoive.

L’enfant savait pourtant qu’il resterait dans cette école plusieurs années sans pouvoir la quitter même un seul jour, et qu’il serait ainsi seul dans ce pays dont il venait seulement d’apprendre les rudiments de la langue. (...)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonaparte à Brienne
gravure de Job
Ph. D.R.

 


 

(…) Le père Lelue s'efforce de répéter ce nom si curieux : "Napoleone de Buonaparte, c'est cela ?"
L'enfant se tait. Il sent le regard qui l'examine. Il se sait petit, avec des épaules larges. Il rentre ses lèvres, jusqu'à les faire disparaître pour que son visage, où l'on voit d'abord le grand front et les veux vifs, n'exprime rien. Mais il sait aussi qu'on s'étonne, ici, dans ce pays de grisaille, cette France où on l'a laissé, de son teint olivâtre.
Au collège d'Autun, on s'est moqué de cette peau jaune. Il n'a pas compris exactement le sens des questions, mais il a deviné l'ironie, le sarcasme. Avec quoi a-t-il été nourri, pour être si jaune ? De lait de chèvre et d'huile ?
Dans ce pays de crème et de beurre, que connaît-on de la saveur onctueuse de l'olive, des fromages qui sèchent sur la pierre ? (…)

 (...) Le père Lelue énonce les articles du règlement de l'école : "ployer le caractère, étouffer l'orgueil". Durant les six années d'études à l'école, pas de congé. Il faudra "s'habiller soi-même, tenir ses effets en ordre et se passer de toute espèce de service domestique. Jusqu'à douze ans, les cheveux coupés ras. Au-delà de cet âge, les laisser croître et les arranger en queue et non en bourse, et les poudrer seulement les dimanches et fêtes."
Mais l'enfant n'a pas dix ans. Cheveux ras, donc. (…)

 

Napoléon à Brienne
photo Archives Magellan

"Bonaparte rêvait de mers et de navires. D'autres nobles corses servaient les bâtiments de Sa Majesté. Pourquoi pas lui ? Il pourrait revoir le ciel méditerranéen, croiser des côtes de Provence à la Corse."

 

(…) La cellule où il va dormir a moins de 2 mètres carrés. Elle ne dispose pour tout ameublement que d'un lit de sangle, d'un pot à eau et d'une cuvette. Le père Lelue, resté sur le seuil, explique que, selon le règlement, "même dans la saison la plus rigoureuse, l'élève n'aura droit qu'à une seule couverture, à moins qu'il ne soit de constitution délicate."
Napoléon affronte le regard du principal.
Le père Lelue montre la sonnette placée à côté du lit. Les cellules sont en effet fermées au verrou de l'extérieur. En cas de besoin, l'élève doit appeler un domestique qui veille dans le corridor.
L'enfant écoute, refoule cette envie de hurler, de s'enfuir.
Chez lui, dans sa maison, on l'appelait Rabulione, celui qui touche à tout, qui se mêle de tout.
Ici, le règlement et la discipline l'enchaînent. L'élève doit quitter sa cellule dès qu'il est levé et ne rentrer que pour dormir. Il passe sa journée en salle d'étude ou à façonner son corps. Il faut que "les élèves cultivent les jeux et surtout ceux qui sont propres à augmenter la force et l'agilité". (…)

(...) "Les écoliers changent de linge deux fois par semaine", ajoute ie principal. L’entant le suit à nouveau dans le corridor. Il entre après lui dans le réfectoire. C’est là que la centaine d’élèves qu’accueille l’école va se réunir par grandes tables, sous des voûtées austères, en présence des maîtres. Pain, eau et fruits à déjeuner et à goûter. Viande aux deux repas.
L’enfant s'assied au milieu des autres. On le regarde. On chuchote. D’où vient-il ? Quel nom ? Napoleone ? Quelqu’un s’esclaffe, rit. "Paille-au-Nez !"
Voilà ce qu’ils ont entendu.
Je les hais. (...)

 

Napoléon à Brienne, ordonnateur d'un jeu
photo Archives Magellan

"Il est devenu aigre, puissant. Il ordonne plutôt qu'il se plie.
Il juge, il condamne."

 

(...) Il est l’étranger.
Ses maîtres de géographie ne disent-ils pas, malgré la conquête française, que la Corse est une dépendance de l’Italie, un pays étranger donc ?
Napoléon l’accepte, le revendique. Il méprise et s’isole. Il se bat quand on réussit à percer son armure, à le surprendre.
On lui tend des pièges. On pousse vers lui un nouvel élève arrivé à l’école en juin 1782. On a incité ce Balathier de Bragelonne, fils du commandant de Bastia, à se présenter à Napoleone "Paille-au-Nez" comme génois. Napoléon l’interpelle aussitôt en italien : "Sei di questa maledetta nazione ?", "Es-tu de cette nation maudite ?" L’autre fait oui. Aussitôt Napoléon se précipite, saisit Balathier aux cheveux, et il faut séparer les combattants.
Napoléon s’éloigne, patriote corse de douze ans. (...)

(...) Etranger ? Peut-être. Soumis, jamais.
Il confie à Bourrienne, l'un des rares élèves avec lesquels il parle : "J'espère rendre un jour la Corse à la liberté ! Que sait-on ? Le destin d'un empire tient souvent à un homme." (...)

 

 Pour lire la suite...
"NAPOLEON Le Chant du Départ", Tome 1, de Max Gallo
Editions Magellan

 

 
statue de l'élève Bonaparte
au-dessus du portail d'entrée
de l'Ancienne Ecole Militaire
de Brienne-le-Château
Oeuvre de Louis Rochet
statue de l'élève Bonaparte
sur la place de l'Hôtel de Ville
de Brienne-le-Château
Oeuvre de Louis Rochet
exécutée en 1855

Napoléon, écolier de Brienne

"Pour ma pensée, Brienne est ma patrie.
C'est là que j'ai ressenti mes premières impressions de l'homme."

(Napoléon)

 

Napoléon 1e à l'Ecole Militaire de Brienne (1779-1784)
Musée Napoléonien Camille George - Brienne

 

Brienne-le-Château (Aube)
Enfance de Napoléon 1er - d'après Horace Vernet

 

Napoléon nouveau à l'Ecole de Brienne
"Fier, hautain, taciturne, il s'isolait volontiers de ses camarades
à son entrée à l'Ecole" (1779) - d'après le tableau de Réalier Dumas

 

Napoléon visite les environs du château de Brienne (4 août 1804)
musée de Versailles

 

statue de l'élève Bonaparte lorsqu'il était élève
à l'Ecole Militaire de Brienne - Oeuvre de Louis Rochet (1859)

 

le chateau de Brienne

 

Association de Sauvegarde du Patrimoine Briennois
http://aspb.pagesperso-orange.fr

 

Pour en savoir plus :

http://ameliefr.club.fr/Brienne-2001.html

Vous y découvrirez le premier Salon Napoléon qui s'est tenu à Brienne-le-Château les 19 et 20 mai 2001, ainsi que d'intéressants liens vers le site de la ville de Brienne.

Voir aussi :

 

Napoléon de passage à St Léger sur Dheune en 1805

 

 

 

 

https://www.stleger.info