Marcelline, veuve de guerre

 

Marcelline Marie Mélina Bousseau naît le 23 décembre 1887 à la Bruffière (Vendée), hameau du Petit Cléon. Ses parents, Constant Bousseau et Jeanne Bossard, se sont mariés le 24 novembre 1868, également à La Bruffière.

 

 

On trouve sa trace sur les recensements de La Bruffière : en 1896, Marcelline a 8 ans. En 1901, elle n'est plus chez ses parents : elle a 14 ans et doit être "placée" comme servante ou fille de ferme...
En 1903, le 22 août, son père meurt à 63 ans, à La Bruffière. On retrouve sa veuve, Jeanne Bossard, au Petit Cléon, en 1906.
En 1911, le 13 février, Marcelline épouse Auguste Jaud à La Bruffière.

Marcelline a 27 ans quand son mari meurt en Belgique, le 12 novembre 1914. Les jumelles sont nées le 22 novembre 1911, elles ont 3 ans à peine, et Marcelline est enceinte d'une petite Marie-Josèphe qui va naître le 20 mars 1915.
Quand la terrible nouvelle va-t-elle leur parvenir ?

 

Pour voir les actes de naissance de Marcelline et de ses filles, cliquez ici

 

Relisons à nouveau le témoignage de Baptiste Chupin :

 

(...) "Et Marie, leur mère, faisait des "journées" pour subvenir aux besoins de la maison. François et Joseph, les deux plus jeunes, riaient en disant : "On les aura, ces sales Boches !"
Seul le fils aîné, Auguste, récemment marié à Marcelline Bousseau, pleurait.
II savait qu'on allait leur mettre un fusil dans les mains et les expédier en renfort à l'autre bout de la France ! (...)
Marie partit à St Germain et continua à faire des "journées".
C'est là qu'on lui apprit la mort au Champ d'Honneur, d'Auguste son fils aîné, le 12 novembre 1914, peu de temps après sa mobilisation.
Quand le maire, Victor Grégoire, vint la prévenir à son travail, en février 1915, du décès de ses deux autres fils, elle poussa un grand cri, en disant : "Non !"
Certains se rappellent encore de Marcelline, celle qu'on appelait la "Mère Jaud".
Elle allait pliée en deux, se cachant presque, pour se réfugier dans le souvenir des jours heureux."

 

On en sait peu sur cette pauvre Marcelline, "pliée en deux" à 27 ans, d'après Baptiste.
Le registre matricule d'Auguste
nous apprend qu'un avis de décès officieux a été reçu [par qui ?] le 5 novembre 1915, soit un an après sa disparition, que l'avis de décès date du 16 novembre 1915 et qu'un secours de 150 francs a été payé à Madame Veuve Jaud à Montigné sur Moine le 16 janvier 1916.
A cette date, sans doute vit-elle toujours à Montigné. La petite famille va le quitter pour St Léger sous Cholet, où un commerce de tabac va être concédé à Marcelline, veuve de guerre.

 

 

 

 

veuves et orphelins
de la première guerre mondiale

 

 

Avec la mort de plus d'un million de soldats français, la Première Guerre mondiale plonge près de 600 000 veuves de guerre et 1 000 000 d'orphelins dans la détresse. Les conditions difficiles dans lesquelles vivent nombre de veuves de Poilus, qui ne peuvent plus subvenir correctement à l'éducation de leurs enfants, incitent l'État à prendre des mesures pour leur assurer les ressources nécessaires.

 

veuves de guerre à l’Ecole Militaire

 

5,5 millions de blessés, plus d'un million d'invalides et 1 400 000 soldats morts pour la France, soit 10 % de la population active masculine et 1/5 des hommes de moins de 50 ans : la Première Guerre mondiale représente une véritable hécatombe pour la population française. Près de 600 000 veuves de guerre et un million d'orphelins sont plongés dans la plus grande détresse physique et morale (...)
Tout comme après la guerre de 1870, la France reconnaît naturellement le sacrifice consenti par toutes les mères et toutes les épouses et leur rend largement hommage à travers l'édification de monuments aux morts. Souvent associée à l'énumération nominative des morts, cette vision de la femme terrassée par la douleur est déclinée selon deux thèmes : la souffrance résignée et la révolte. Les femmes sont soit représentées comme des héroïnes, pleurant celui qui a donné sa vie pour la Patrie et soutenues par leurs enfants, soit comme des combattantes qui brandissent le glaive pour abattre le fléau - la guerre - qui leur a pris ceux qu'elles aimaient.

 

les orphelins de la colonie de Dampierre-sur-Salon en promenade

 

L'émotion provoquée par le sacrifice consenti par les veuves des Poilus, et surtout par la constatation que la plupart de ces femmes vivent dans des conditions difficiles qui ne leur permettent pas d'éduquer correctement leurs enfants, incite l'État à prendre des mesures pour leur assurer des ressources indispensables en leur attribuant des emplois réservés dans la fonction publique et en leur allouant des pensions. Des lois sont alors votées qui accordent des aides financières à l'ensemble de ces femmes. C'est ainsi que la loi du 31 mars 1919 reconnaît aux militaires blessés et à leurs ayants droit le droit d'obtention d'une pension. Celle du 24 juin 1919 étend ce droit aux victimes civiles de la guerre et à leurs ayants droit. Une femme est considérée comme veuve de guerre et donc autorisée à faire valoir les droits afférents à ce titre si elle est l'épouse d'un militaire mort en service ou mort des suites de blessures ou de maladies contractées pendant le service. Le 20 janvier 1920, le ministère des pensions, des primes et allocations de guerre est créé pour appliquer cette législation ; le premier ministre en est André Maginot.

 

1919 - mouvement de culture physique par les orphelins de guerre de l'orphelinat Hériat

 

La société française s'inquiète également du sort des enfants des soldats morts en service. Des associations destinées à aider les orphelins de guerre se créent à la fin du XIXe s. Alors que la Première Guerre mondiale est à son paroxysme, l'État prend des mesures pour subvenir aux besoins financiers et à l'éducation de ces enfants.
La loi du 27 juillet 1917 crée le statut de pupille de la Nation. Par son article 1, "La France adopte les orphelins dont le père, la mère ou le soutien de famille a péri, au cours de la guerre de 1914, victime militaire ou civile de l'ennemi". Un enfant, adopté par l'État à la suite d'un jugement du tribunal de grande instance demandé soit par le tuteur légal de l'enfant, soit par l'État lui-même, devient pupille de la Nation. De cette loi découle la création d'un office national des pupilles de la Nation dont la mission est de contribuer à l'éducation et à la formation de ces enfants. Dépendant d'abord du ministère de l'instruction publique, cet organisme est finalement intégré à l'office national des anciens combattants (ONAC), lui-même créé en 1916 sous le nom d'office national des mutilés et réformés de la guerre. Dans le même temps, des écoles militaires accueillent en leur sein, en plus ou moins grand nombre, des pupilles de la Nation, tandis que d'autres sont créées spécifiquement pour eux, soit par l'ONAC, soit par les armées elles-mêmes (...)

http://www.cheminsdememoire.gouv.fr

 

 

 

point de vue...

 

les veuves de guerre : les bonnes et les mauvaises…

"Elle [l'administration française] m'a permis, d'autre part, pendant quelques mois d'être en rapport constant avec un effectif imposant de veuves de guerre… Je puis donc affirmer que je crois les connaître. C'est pourquoi je les ai classées en deux catégories bien distinctes : celles qui oublient et celles qui n'oublient pas !...
Hélas ! tout le monde le sait aujourd'hui, la première catégorie est de beaucoup la plus importante...
Je revois en cet instant, les braves poilus qui ne manquaient jamais, même au feu, d'envoyer à leurs compagnes la lettre journalière où se répétait si souvent la recommandation suprême : "Si je tombe, pense à moi !"
Ils sont tombés, ces braves ; leurs compagnes se sont remariées et, parmi elles, il y en a dont la pensée, jamais, ne s'envole vers la pauvre croix de bois perdue au milieu des lignes sanglantes du Front… Elles ont bien autre chose à faire ! Cheveux courts, jupes courtes, cigarettes, cannes, redingotes, chapeaux cloches et perception régulière de la pension du mort, tout cela leur semble suffisant pour occuper leurs petites âmes, sans parler du reste !...
Par contre, il y a des veuves aux cœurs élevés et qui, malgré une seconde union nécessitée par les exigences même de la vie actuelle, conservent pieusement en elles le souvenir du héros. Celles-là seulement qui portent sincèrement leur deuil jusqu'au plus profond de leur âme sont vraiment veuves et, si je m'appelais le Droit, c'est à celles-là seulement que je servirais une pension !...

P.J. Mézières - La voix des Morts - Eugène Figuière - 1926 - pp 117-118

 

la véritable veuve…

"La véritable veuve est celle qui aime son mari et dont l'attachement subsiste jusqu'au moment où le trépas, de nouveau, vient l'unir au repos du héros. C'est pour de semblables femmes que le soldat tombe vaillamment et qu'il meurt content, sachant qu'elles ne l'oublieront pas."

P.J. Mézières - La voix des Morts - Eugène Figuière - 1926 - p 123

http://www.crid1418.org

 

 

 

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