LE GÉNÉRAL THARREAU (1767-1812)

gouverneur des citadelles de Strasbourg, Khel et Vieux-Brisach en l'an 8

 

 

Personnage peu connu car ayant fait sa carrière loin de notre région, il a laissé le souvenir d'un officier aux convictions marquées, soucieux des conditions de vie de ses soldats.

Jean Victor Tharreau est né le 15 janvier 1767 à Bégrolles, paroisse du May, fils de Pierre Alexis Tharreau, dit des Germonières, négociant à Bégrolles. Engagé comme volontaire en 1792, élu Adjudant Major du 2e Bataillon de Maine et Loire, et parti en septembre pour la frontière du Nord. Général de Brigade en 1794 et Chef d'Etat Major à l'Armée des Ardennes, il est affecté sur se demande à l'armée du Rhin et nommé le 22 Brumaire an 8 au poste de commandant en chef-gouverneur de la ville et citadelle de Strasbourg, des citadelles de Khel et de Vieux Brisach.

Ce texte est écrit d'après son registre de correspondance commencé le 10 Ventôse an 7 (29 février 1799) et se terminant le 28 Frimaire an 8 (19 décembre 1799), donc une courte période de sa carrière militaire.

Ayant refusé de voter le Consulat et l'Empire, il fut de ce fait mis à l'écart de l'armée de 1802 à 1809. Il a trouvé la mort à la bataille de la Moskova le 7 septembre 1812, C'est grâce aux nombreuses démarches de sa veuve que son nom fut inscrit sur l'Arc de Triomphe à Paris (660 personnalités y ont leur nom - le sien apparaît sur la 11° colonne). A Versailles, on peut également voir son buste avec ces simples mots : Général Tharreau, né au May. Une caserne de Cholet a porté son nom.

 

 

 

 

 

Madame Tharreau est inhumée dans le cimetière d'Orvault (Loire Atlantique) avec le coeur de son mari.

 

la tombe du général, à Orvault

 

 

La vie dans les citadelles

 

En cette fin d'année 1799 (Frimaire an 8), l'hiver est particulièrement rigoureux en Alsace. L'armée du Rhin fait face aux armées coalisées prussiennes et autrichiennes fortes de 6 000 hommes (régiments du Wurtemberg-Infanterie, régiments de cavalerie du Kaiser, etc). voir ci-dessous l'état descriptif des troupes de l'ennemi

Des espions renseignent l'ennemi, des déserteurs renseignent les généraux français contre paiement mais l'argent manque, comme manquent les troupes aguerries, remplacées par de jeunes conscrits peu habitués au froid, peu entraînés, mal armés et mal nourris. Dans son ordre du jour, le commandant en chef stimule et encourage ses jeunes conscrits nouvellement affectés.

Les citadelles de Strasbourg et de Khel sont en mauvais état et ne résisteraient pas à un assaut de l'ennemi. Le fleuve et les canaux sont gelés, d'où une garde doublée et une veille renforcée, l'ennemi pouvant profiter de la glace pour traverser et attaquer Strasbourg.

 

plan de la citadelle de Strasbourg (avant 1800)

 

C'est dans ces conditions que le général Collaud, gouverneur de la citadelle, cède ses fonctions au général Jean Victor Tharreau nommé Général-Gouverneur et commandant supérieur de la citadelle de Strasbourg et de celles de Khel et Vieux Brisach (Il sera cité dans le texte sous son titre de Gouverneur). Dès sa prise de fonction, il fixe son quartier général à la Rubertsau, n° 29, village situé à la périphérie nord-est de Strasbourg, dans une propriété lui appartenant et où viendra le rejoindre son épouse Anne Marguerite Charlotte. La Rubertsau était renommée pour son calme et la fertilité de ses jardins en raison du limon laissé par les fréquentes inondations du Rhin. Tout proche, le fort Saint Louis, construit par Vauban, faisait partie des défenses de la ville.

Dès le 22 Brumaire, malgré la crue, le Gouverneur inspecte les ouvrages de défense de Khel, les plus exposés en cas d'attaque et ne peut que déplorer leur état. Toutefois, il est parfaitement à l'aise dans son nouveau commandement car il connaît parfaitement les lieux, ayant participé au siège de cette tête de pont en l'an 4. Rapidement et comme il l'a toujours fait dans ses autres commandements, il s'efforce de rendre moins difficile la tâche de ses soldats. Il veille à leurs conditions de vie, aux approvisionnements en vivres (viandes, pain, eaux de vie), en bois de chauffage, en fourrage, en habillement et recommande à ses officiers d'éviter les fatigues inutiles aux troupes en opération. Il dénonce et fait poursuivre les commissaires aux vivres qui détournent les subsistances à leur profit.

 

 

Mesures de sécurité et de défense

 

Dès sa prise de commandement, le Gouverneur vérifie les mesures devant assurer la sécurité de la place et en décide de nouvelles, applicables immédiatement. Les portes de la citadelle resteront fermées, sauf celle des pêcheurs, qui ne sera fermée qu'à onze heures du soir. Exceptionnellement, elle sera ouverte ponctuellement pour laisser entrer des officiers de l'état-major munis d'un laisser-passer portant le sceau du Gouverneur. Seuls les généraux Beauregard et Bonnamy ont libre passage. Le 16 Frimaire, le gouverneur doit prendre des mesures encore plus restrictives. Apprenant que de nombreux officiers de la division de Khel quittent leur poste pour venir coucher à Strasbourg et y logent sans autorisation, il ordonne de les faire arrêter pour être conduits à son quartier général. De plus, la porte des pêcheurs sera fermée à 9 heures du soir.

 

La Villa Schmidt a été bâtie sur des fondations de la batterie sud de la forteresse de Khel, en Allemagne

 

Les ouvrages en avant de Khel nécessitent d'importants travaux de réfection. Des réparations sont urgentes dans les axes de communication, la redoute étoilée est particulièrement exposée. La caponnière qui doit couvrir et faciliter les manœuvres de l'artillerie n'est pas achevée. 2 000 travailleurs civils des départements voisins sont convoqués pour y travailler. Seuls 500 se sont présentés, le département de la Meurthe ayant nettement refusé de répondre à cette convocation. Le 4 Frimaire, le Gouverneur s'adresse aux administrateurs du Bas-Rhin pour leur rappeler qu'ils doivent fournir des hommes pour achever les travaux de la tête de pont de Khel. Devant ce qui semble être de la mauvaise volonté, il leur demande à nouveau de tenir les engagements qu'ils avaient pris lors de leurs délibérations. 40 hommes sur les 100 demandés à ce département se sont présentés, fournissant 600 journées de travail alors que 1 500 journées sont nécessaires. Les voitures qui devaient être fournies par les cantons pour être employées aux mêmes travaux ne sont pas arrivées. Les administrateurs sont mis en demeure d'appliquer les arrêtés qu'ils ont pris afin de faire cesser la pénurie de moyens et les maux que supportent les soldats.

La situation au Vieux Brisach est encore plus difficile : deux escadrons du 6e Dragons se fondent littéralement dans la boue, 120 chevaux peinent à assurer le service, les hommes manquent de tout et la relève ne vient pas. Les eaux basses des bras du fleuve doivent permettre l'établissement d'un pont sur pilotis où existe déjà un pont de bateaux, ce qui doit faciliter le passage et les transports d'une rive à l'autre. En effet la navigation est gênée par les glaces dérivantes, les embarcations n'étant pas adaptées risquent de couler. Si le Rhin venait à charrier des glaces lui aussi, les approvisionnements et la sûreté du Vieux-Brisach ne seraient plus assurés. Le commandant de cette place n'a pas un seul cheval pour manœuvrer son artillerie afin de régler ses tirs en fonctions des besoins.

 

Vieux Brisach, ville allemande située sur le Rhin, vue depuis la France

 

La 2e compagnie du 8e régiment d'Artillerie vient cantonner à la Robertsau. Les charretiers, les chevaux de trait, les pièces et les caissons sont placés à la citadelle et gardés en permanence par 4 hommes et un brigadier. Les charretiers sont assimilés aux militaires, ils ont droit aux mêmes fournitures de casernement, aux distributions de vivres et au bois.

Les mouvements de l'ennemi sont connus du Gouverneur, il connaît le nom de tous leurs régiments et leurs officiers, grâce aux renseignements fournis par les espions qu'il a fait arrêter et aux déserteurs qui se présentent aux avant-postes français. Par mesure de sécurité préventive, il a fait défendre aux habitants du village de Soudheim toute communication avec Khel et surtout avec Strasbourg. Ce village successivement occupé par les troupes françaises et par l'ennemi, ce dernier peut y avoir établi des espions.

De nombreuses vivandières et blanchisseuses sont employées près des troupes qui utilisent leurs services. Le Gouverneur fait établir la liste nominative de ces employées : celles qui se rendent près des troupes de Khel devront désormais avoir une autorisation personnelle pour franchir le Rhin. On soupçonne que des personnes étrangères au service se glissent dans les détachements et trompent les postes de garde pour pénétrer dans la citadelle et renseigner l'ennemi.

De même le Gouverneur fait expulser les habitants de Khel qui y résident sous prétexte de cultiver leurs propriétés, alors que l'on est en plein hiver. Le bien du service exige qu'ils ne puissent s'approcher des avant-postes : il donne des ordres précis pour que les propriétés soient respectées. Ces ordres visent à débarrasser Khel de tant de gens qui, n'ayant aucun revenu, deviennent dangereuses par les intelligences qu'ils ont avec l'ennemi. Le Gouverneur est informé que l'officier de garde au pont de Khel ne fait pas son devoir correctement et laisse passer la Rhin à des citoyens non munis de passeport, malgré ses instructions.

 

 

Approvisionnements

 

Les approvisionnements et leur acheminement sont vitaux pour la garnison, surtout en saison d'hiver. Mais la pénurie est en tout et le Gouverneur doit intervenir chaque jour pour assurer le minimum à ses soldats. Il doit s'adresser aux commissaires ordonnateurs, responsables des marchés et des fournitures, mais aussi démunis face à la pénurie chronique.

 

le gouverneur Jean Victor Tharreau

 

L'eau-de-vie manque, elle doit être distribuée aux soldats montant la garde dehors, souvent les pieds dans l'eau suite au débordement des rivières. Les magasins de Metz et de Landau qui doivent fournir cet alcool ne répondent pas. Le 27 Brumaire, le Commissaire ordonnateur informe le Gouverneur que le bois de chauffage va manquer. Les courriers adressés au ministre de la guerre à ce sujet restent sans réponse. Les jours suivants, la situation reste inchangée malgré les demandes réitérées du général gouverneur qui ne manque pas de rappeler les graves conséquences qui vont en découler pour les jeunes conscrits, pas encore accoutumés aux privations et au froid. Pourtant des stocks importants de bois sont constitués pour l'approvisionnement de la citadelle en cas de siège, mais il est interdit d'y puiser sans autorisation du gouvernement.

Le 30 Brumaire, le Gouverneur informe le Commissaire ordonnateur, vu l'absence de réponse du ministre de la guerre et malgré l'interdiction énoncée par le gouvernement, qu'il a décidé de passer outre car les soldats ne peuvent se passer de bois (nécessaire au chauffage et à la cuisson des aliments) et ordonne la sortie de 500 cordes de bois prises sur les approvisionnements de siège. C'est la quantité de bois nécessaire pour assurer les besoins de la division pendant la première décade de Frimaire an 8 (soit 50 cordes par jour). Les réserves des magasins du siège sont évaluées à 4 000 cordes…

Le 10 Frimaire, les 500 cordes de bois sont brûlées, les fournitures de bois n'ont pas repris. Vu l'urgence et le froid, toujours sans réponse du ministre et du général en chef, le Gouverneur met à la disposition du Commissaire ordonnateur 400 nouvelles cordes de bois et 50 livres de chandelle, à prendre dans les magasins d'approvisionnement de la place, à charge de remplacement par les fournisseurs qui seront envoyés par le gouvernement. De plus, il indique dans une lettre au général en chef Lecourbe "dans une saison aussi rigoureuse, le bois est aussi nécessaire aux soldats que le pain."

 

 

Ses reproches vont également au Commissaire des guerres Bourgeois et portent sur l'absence de moyens de transport qui fait souffrir la troupe car les subsistances n'arrivent pas. Il demande que deux voitures soient laissées en permanence à chaque bataillon. Le 19 Frimaire, les fournitures de viande vont manquer pour les divisions de Khel et du Vieux-Brisach. Nouvel appel cette fois au Commissaire général pour des mesures promptes pour remédier à cette situation : "les troupes ne pouvant tenir avec de l'eau et une ration de pain."

Le 20 Frimaire, la situation est inchangée et le gouverneur autorise de nouveau la sortie de 900 cordes de bois, précisant cette fois que "le bois est aussi essentiel au soldat en cette saison que le pain et l'air". Puis une nouvelle fois, le 25 Frimaire, même opération pour 600 cordes de bois et 1 400 livres de chandelles. Le 28 Frimaire, avec l'accord du général en chef, le Gouverneur fait extraire 30 000 livres de viande salée des mêmes magasins du siège. Pour assurer la préservation et éviter les vols et le pillage de ces denrées, il fait placer des sentinelles devant les magasins et entrepôts.

Toutes ces démarches pour assurer les approvisionnements de ses soldats ont montré au Gouverneur qu'il ne peut guère se fait d'illusions sur l'aide que peuvent lui apporter les différentes administrations. Il sait ne pouvoir compter ni sur les administrations départementales, ni sur les promesses du ministre de la guerre. Il envisage donc, sur les recommandations du général en chef, d'avoir recours aux réquisitions militaires à compter du 1er Nivôse.

 

 

Les troupes françaises

 

La majorité des troupes est composée par les bataillons auxiliaires des volontaires provenant des départements nouvellement créés. Ils ont remplacé les troupes aguerries qui ont été déplacées vers les lieux sensibles face aux troupes ennemies. Le gouverneur ne peut que faire constater à ses généraux l'état des troupes mises à sa disposition et ce souci vient s'ajouter à ceux déjà décrits.

Le bataillon auxiliaire de la Seine vient de prendre position à Strasbourg, venant de Khel où il y rejoint le bataillon de la Marne. Le bataillon de la Haute Marne qui doit remplacer le bataillon de ligne de la 9e demi-brigade légère n'est qu'à moitié armé, ce qui le rend inutile pour le service. Ce bataillon, joint à celui de la Seine, compromettrait le salut du poste important qu'est la citadelle de Khel. Ces jeunes soldats ne savent pas tirer un coup de fusil et ne résisteraient pas à une attaque de quelques bataillons ennemis. Ils sont donc ramenés à Strasbourg. Le bataillon des Vosges n'a pas de fusils et les autres bataillons qui arrivent sont dans le même dénuement, parfois pis. Les quelques armes qui existent sont d'emprunt et de mauvaise qualité.

"Que faire avec des hommes sans fusil, non instruits, sans habitude de la guerre ?" demande le gouverneur au général Gudin. "Pas un seul officier, pas de vieux soldats… Que faire en cas d'attaque de l'ennemi qui, d'après les rumeurs, serait informé de cette situation ?" La question se pose aussi de savoir si des conscrits mal organisés, mal instruits, sans armes, sont bien à leur place dans un camp où le soldat a besoin de la cuirasse de toutes les épreuves engendrées par la fatigue et les privations pour résister aux rigueurs de la saison.

 

Le 18 Frimaire, l'état des troupes de la garnison de Strasbourg est le suivant :

 

infanterie de ligne française

 

Correspondances

Les liaisons télégraphiques et le courrier sont placés sous la responsabilité du citoyen Chappe, directeur du télégraphe à Strasbourg. Il remet chaque jour la correspondance au général Jordy, commandant de la place, chargé de le remettre au gouverneur. Un planton d'infanterie est placé en permanence à la poste aux lettres militaires. Le directeur Chappe est prévenu de cette disposition afin que le courrier et les dépêches soient apportés au Gouverneur dès leur arrivée. Le 26 Brumaire, le télégraphe informe le quartier général que l'armée de France est victorieuse, qu'elle s'est emparée de Modane, a pris 16 canons et fait 4 000 prisonniers.

 

Claude Chappe (1763 - 1805), ingénieur, inventeur du télégraphe optique qui porte son nom

 

 

Organisation du service

Prestation de serment : les autorités, les administrateurs militaires et tout ce qui compose la garnison de Strasbourg doivent se réunir le 30 Brumaire à midi pour prêter le serment voulu par la loi du 19 Brumaire. La division de Khel prêtera le même serment, les troupes qui ne pourraient être retirées de leurs positions prêteront isolément le serment : "Je jure fidélité à la République fondée sur les trois grandes bases de l'Egalité, de la Liberté et du système représentatif."

 

 

ORDRE DE LA DIVISION

"Les Bataillons auxiliaires sont prévenus qu'ils seront incessamment incorporés dans les demi-brigades de la Division.

Les Officiers et les Sous-Officiers suivront la destination de leurs corps respectifs et seront à la suite dans les demi-brigades auxquelles ils seront attachés.

Les Officiers et les Sous-Officiers que les mœurs et l'intelligence distingueront pourront être placés définitivement et même obtenir de l'avancement.

Jeunes conscrits, vous qui êtes appelés à la tâche honorable de défendre votre pays, vous trouverez dans les corps où vous allez entrer des amis et des frères. Vous allez faire partie de ces invincibles phalanges qui depuis le commencement de la guerre ont moissonné tant de lauriers ; que la confiance vous rapproche, que l'amitié vous unisse.

Et vous, vieux soldats de la Liberté, accueillez avec empressement vos jeunes camarades, donnez l'exemple de cette heureuse intrépidité que le succès a si souvent couronné, donnez-leur aussi l'exemple de la discipline qui fait la force des corps et des armées, une paix honorable en sera le prix."

Signé : le Général de Division

 

 

Les troupes ennemies

 

Contacts avec l'ennemi

Le 3 Frimaire, le comte de Marweld, général major au service de l'Autriche, sollicite l'autorisation de passage sur le territoire de la République pour des individus suisses désirant rentrer dans leur pays. Dans sa réponse courtoise, le Gouverneur refuse ce transit, en indiquant que le lieu de passage possible se trouve sur la ligne de l'armée d'Helvétie, tout en regrettant de ne pouvoir concourir, en cette circonstance, à ce qui semble être un acte d'humanité.

Le 25 Frimaire, le Gouverneur est informé que le major général Marweld propose un armistice. Craignant une ruse ou une manœuvre de l'ennemi, il enjoint à tous les généraux d'éviter tout contact de ce genre et en informe le général Baraguey d'Hilliers, qui commande l'aile gauche de l'armée.

 

Etat des troupes ennemies - voir (1) (2) (3)

Etat des troupes ennemies commandées par le Prince Archiduc Charles d'Autriche, établi d'après le rapport des déserteurs ayant rejoint les lignes françaises. Cet état varie chaque jour en fonction des renseignements qui parviennent à l'état-major qui est ainsi bien informé des mouvements et des effectifs qui font face aux armées françaises. Ces troupes sont évaluées ainsi :

Cavalerie : 3 000 hommes du régiment du Kaiser, des hussards de Blaukaistein, des dragons de Latour et les uhllans de Merkfelden ; une division de ces régiments est de service sur la ligne de front.

Infanterie : 3 000 hommes des régiments du Wurtemberg, des corps francs Croates-Esclavons et des Manteaux-Rouges.

 

 

 

(1) Aux avant-postes de gauche

Infanterie : La Légion de Varmsen Manteaux-Rouges, composée de deux bataillons de douze cents hommes chacun. Ce corps est cantonné dans un village en avant et à gauche d'Offenbourg, à une lieue de cette ville, il paraît que c'est Vichr. Cette légion détache 3 Compagnies pour faire le service des gardes avancées. Ces Compagnies sont relevées tous les quatre jours. Ce corps garde la route d'Offenbourg.

Cavalerie : Le régiment de Mersèle Hullans cantonné dans un village près de celui des Manteaux-Rouges, il paraît que c'est Vattersvech. Un escadron est détaché tous les quatre jours pour le service des postes.

 

(2) Aux avant-postes de droite

Infanterie : Les Esclavons (slaves de Croatie) dont le déserteur ne peut déterminer le nombre ni les cantonnements.

Cavalerie : Les Hussards du Kaizer gardent la route de Rastat. Le déserteur ne sait pas le nombre d'escadrons de service ni où ils cantonnent.

Le baron de Klavier, colonel des Manteaux-Rouges, commande les avant-postes.

 

(3) Ligne de bataille

Un bataillon de ligne est en garnison à Offenbourg. Toute l'infanterie est campée le long des montagnes. Le camp de quatre bataillons entre Velstet et Hoffhorst est levé. Les Hussards de Blankenstein sont partis. Les Dragons de Latour sont, d'après le rapport, à un endroit nommé Ottenau que le déserteur dit être à trois ou quatre lieues de Kehl, il est probable que ce soit la petite ville d'Oppe qui se trouve à peu près à cette distance. Ils ont avec eux des paysans armés. Les redoutes près de l'auberge sur la route d'Offenbourg sont armées.

Toute la cavalerie et l'infanterie ont marché sur Francfort et sur Mayence, il ne reste plus qu'un régiment d'Esclavons et un de Manteaux-Rouges, les Hussards de Blankeistein et les Dragons de Cobourg. Les paysans armés font le service. Le Général Mertell a établi son quartier à Oberkirk. Le Général Ginrgay, commandant les avant-postes, demeure à Offenbourg. Il n'y a plus le long des hauteurs que des dépôts de cavalerie et d'infanterie. Les Dragons du 13e Régiment ont relevé les Dragons de Cobourg qui sont partis.

Les Croates ont relevé les Esclavons, deux compagnies de paysans armés.

Les Hussards du Kaiser et les Hullands sont revenus, les Dragons du 13e Régiment ont relevé les Dragons de Cobourg qui sont partis. Les Hullands de Mankenflein passent demain la revue du Général Mervelt. Ce Général s'est établi de nouveau à Offenbourg. Il est arrivé quelques Dragons de ligne, entre autres les régiments de Clairfait et de Michel Wallis.

Les paysans sont armés, organisés et ont des officiers nommés entre eux. Dans tout le pays jusqu'à Rastatt et plus loin, au signal de trois coups de canon tirés de la tour de Gegenbach, tout doit prendre les armes.

Les Hullands et les Manteaux-Rouges aux avant-postes de gauche, sur la route de Murlen. Les Dragons de Latour sur la route d'Offenbourg. Les Blankenstein sur la route de Rastatt. Le Général Mervellt est à l'abbaye de Chultenberg, l'état-major des Hullands à Diglingen, l'état-major des Latour est à Offenbourg, celui des Manteaux rouges est à Meisenheim.

A Oberchauder Schouken, il y a deux régiments d'Esclavons. Il ne connaît de cavalerie en arrière que les Hussards du Kaiser.

 

 

Annexe

Voici la lettre du soldat Jollivet, du bataillon de Maine et Loire, fait prisonnier des Autrichiens, ayant regagné les lignes françaises et depuis emprisonné à Strasbourg, lettre adressée au général Tharreau, Gouverneur de Strasbourg :

 

"De la prison militaire de Strasbourg, le 9 Pluviôse an 8

Citoyen Général,

Je prends la liberté de m'adresser auprès de vous, comme ayant été fait prisonnier à la retraite de la ligne de Mayence, à la bataille de Wortme, il y a environ quatre ans, servant dans le premier bataillon de Maine et Loire comme grenadier postiche.

Me voyant prisonnier des Autrichiens et ayant été presque déshabillé tout nu, étant dans la plus grande des misères, je me suis décidé à prendre du service pour n'être pas si malheureux, dans l'espoir de rentrer en France aussitôt que j'y verrai possibilité.

Ainsi, Citoyen Général, jusqu'au 7 Brumaire dernier, aucun avant-poste ne m'ayant été confié que ce jour-là, je n'ai pu rentrer en France plus tôt. Je me suis donc rendu aux avant-postes de Kehl le 7 de Brumaire, de là on m'a envoyé à l'état-major à Strasbourg.

Citoyen Général, comme je doute si l'on vous en a rendu compte, je vous prie de prendre part à ma situation qui est des plus malheureuses, étant renfermé dans les prisons de Strasbourg depuis ce temps. Je me nomme Michel Jollivet, déserteur des Dragons de Latour.

Citoyen Général, je me repose sur votre humanité, vous obligerez un malheureux qui en attend réponse.

Votre subordonné : Jollivet

 

 

En guise de conclusion

Rentré de Russie à bride avalée, Napoléon organise la défense du territoire national pour sauver l'empire de son fils. Après ses victoires de Bautzen et Lutzen sur les Russes et les Prussiens, un armistice est signé le 4 juin 1813. Mais cet armistice est un piège qui laisse le temps à l'Autriche de se joindre aux autres coalisés.

Le 26 juin à Dresde, Napoléon recevait Metternich se présentant en arbitre, mais en réalité en futur belligérant. Napoléon pensait que son beau-père ne lui ferait pas la guerre. Visite capitale, duel historique, Napoléon questionne : "Apportez vous la guerre ou la paix ?" , puis il poursuit : "Vous voulez donc la guerre ? Et bien nous la ferons. J'ai détruit l'armée prussienne, j'ai battu les Russes, vous voulez votre tour, je vous donne rendez-vous à Vienne."

 

Napoléon et Metternich à Dresde, en 1813

 

Metternich reste muet, puis déclare paisiblement : "J'ai vu vos troupes, il n'y a que des enfants. Vous avez fait périr une génération, que ferez-vous quand ceux-ci auront disparu ?"

Après un moment de colère, Napoléon reconduit le ministre Metternich et lui dit en le quittant : "Vraiment, vous ne me ferez pas la guerre, n'est-ce pas ?" Metternich regarde l'Empereur avec hauteur, lui si obséquieux d'habitude, et laisse tomber : "Vous êtes perdu, Sire, je m'en doutais en venant ici, maintenant je le sais."

C'en était fini en effet. Sous les coups des armées coalisées, en dépit de l'héroïsme de ses soldats, Napoléon vaincu sera exilé à l'île d'Elbe... En attendant les cent jours et Sainte Hélène.

D'après "L'Aiglon", d'André Castelot

 


 

Yves Meignan, d'après le registre de correspondance original manuscrit du Général Tharreau, tenu pendant son temps de commandement comme gouverneur de la citadelle de Stasbourg - décembre 2018

 

 

 

le bourg (avant 1863)

la commune (depuis 1863)

la carte de Cassini - le cadastre

les moulins à vent

la métairie de la Croix

le chemin de la Vacherie

le manoir du Landreau

le dernier seigneur du Pontreau

les chemins de la mémoire

les voies de communication dans la commune

le chemin de fer d'intérêt local

la route n°11 de de Beaupréau à Cholet

a-t-on voulu punir Beaupréau ?

le général Tharreau

 

Merci de fermer l'agrandissement sinon.

 

 

 

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