Joseph THEILLERE

soldat au 20e Régiment d'Infanterie

 

"Est affecté au 20e régiment d'infanterie. D'après les seuls renseignements que la mairie a pu recueillir, il est décédé à Saint Sauveur, près d'Arras, le 10 octobre 1915."

La classe 1913 dont fait partie Joseph Theillère est appelée sous les drapeaux le 26 décembre 1913. Il est donc en train de faire son service militaire lorsque la mobilisation est décrétée.
Avec son régiment, à peine âgé de 21 ans, il participe "à la bataille des frontières" puis aux combats "de la course à la mer".

Le 20e RI, avec les 7e RI (de août 1914 à juillet 1915), 9e RI, 11e RI et le 207e RI (de juillet 1915 à mai 1917), fait partie de la 33e Division d'infanterie.
Celle-ci participe à toutes les grandes offensives décidées par l'Etat Major :

  • Du 5 au 11 août 1914 : transportée par voie ferrée dans la région de Suippes
  • Du 11 au 23 août 1914 : fait mouvement vers le nord-est vers Bertrix et Saint-Médard Engagée, le 22 août, dans la BATAILLE DES ARDENNES : combats vers Ochamps, la forêt de Luchy et Bertrix
  • Du 23 août au 6 septembre 1914 : se replie, par Bouillon, vers la Meuse, dans la région de Mouzon. A partir du 26 août, combats vers Autrecourt-et-Pourron, Pourron et Raucourt (BATAILLE DE LA MEUSE)
  • Du 6 au 13 septembre 1914 : engagée dans la 1re BATAILLE DE LA MARNE
    Du 6 au 11, BATAILLE DE VITRY : combats vers la ferme des Grandes Perthes
  • Du 13 septembre au 20 décembre 1914 : combats dans cette région puis occupation d'un secteur vers la ferme Beauséjour et Hurlus (guerre de mines)
  • Du 20 décembre 1914 au 3 avril 1915 : engagée dans la 1re BATAILLE DE CHAMPAGNE : combats répétés vers Hurlus et le Mesnil-lès-Hurlus
    A partir du 20 janvier 1915 : déplacement du front, entre le Mesnil-lès-Hurlus et le moulin de Perthes - le 13 janvier, et, du 16 février au 18 mars, violentes attaques françaises vers Perthes-lès-Hurlus
    A partir du 18 mars : occupation et organisation des positions conquises
  • Du 3 avril au 1er mai 1915 : retrait du front
  • Engagée, à partir du 9 mai 1915, dans la 2e BATAILLE D'ARTOIS puis, à partir du 25 septembre, dans la 3e BATAILLE D'ARTOIS

 

région d'Arras - abris en terre construits par nos artilleurs près du front

 

 

L'historique du 20e Régiment d'Infanterie nous raconte en détail cette période :

 

SECTEUR D'ARRAS-ACHICOURT-ST-SAUVEUR (21 mai-24 septembre 1915)

 

"Le 21 mai, le régiment relève au sud-est d'Arras dans le secteur Agny -Achicourt, le 25e régiment d'infanterie, du 10e corps d'armée. Ce secteur se divise en deux quartiers :

  • Quartier d'Achicourt, 2e bataillon
  • Quartier Ronville, 3e bataillon
  • Le 1er bataillon en réserve à Achicourt.

Le lieutenant-colonel Verley, nommé sous-chef d'état major du corps d'armée, est remplacé le 25 mai par le lieutenant-colonel Martinet. Le capitaine Montauriol prend le commandement du 1er bataillon.
Le 11 juin, sur la partie du chemin de Bucquoy parallèle à la voie ferrée, le colonel Martinet remet pour la première fois la Croix de Guerre aux braves qui se sont distingués en de précédents combats.
La disposition des unités se trouvant modifiée dans le front tenu par la 33e division d'infanterie, le régiment appuie vers la gauche et relève, le 12 juillet, le 11e dans les quartiers de Ronville, Saint-Sauveur, Blangy, où les deux régiments alternent par période de huit jours.
Le 20e va au repos à Arras, Dainville et Simencourt, puis ultérieurement, à Fosseux et Barly. Le bataillon stationné à Arras fournit des travailleurs. Les deux autres sont à l'instruction.

 

Arras - cuisine roulante allemande prise par notre cavalerie (1915)

 

OFFENSIVE D'ARTOIS (25 septembre 1915)

 

A partir du 14 septembre, le front défensif d'Arras se transforme en front offensif.
Sur la partie comprise entre la route de Bapaume et le chemin de Neuville Vitasse, deux parallèles sont creusées par le régiment 175 mètres en avant de notre ligne avancée. L'ennemi est inquiet des travaux dont il constate les progrès chaque matin.
Son artillerie réagit fortement. Malgré la gêne qui en résulte et les pertes éprouvées, les travailleurs, couverts par des patrouilles qui se glissent dans la nuit jusqu'aux lignes allemandes, font preuve d'entrain et de froide résolution.

La Xe Armée doit prendre l'offensive le 25 septembre pour enlever au commandement allemand la possibilité de retirer des troupes dans le secteur d'Artois et les amener sur le front de Champagne, où, le même jour, l'armée française déclenche une puissante attaque.
La zone de la division d'infanterie est comprise entre la briqueterie de Beaurains et les tranchées allemandes au sud de ce village.
Le 25 à 4 heures, le régiment réalise le dispositif suivant :

  • 2e bataillon face à Beaurains, à cheval sur la route de Bapaume (5e et 8e compagnies en première ligne, 7e et 6e compagnies en deuxième ligne)
  • 3e bataillon, à droite du précédent
  • 1er bataillon en réserve, à la disposition du commandant de la brigade.

L'action du régiment doit être liée au nord à celle du 11e (régiment d'infanterie) sur la briqueterie, au sud à celle du 9e régiment d'infanterie.

 

Beaurains - tombes allemandes dans les ruines d'habitation (1915)

 

Attaque de la 5e Compagnie

A 12h15, le fourneau de mine préparé par le génie fait explosion. C'est le signal de l'attaque.
Le commandant Vagnon, debout sur le parapet, au centre de son bataillon, canne à la main, pipe à la bouche, électrise ses hommes par sa calme attitude. Le peloton du sous-Iieutenant Rolland, en deux vagues, bondit d'un seul trait jusqu'à la première tranchée, en partie détruite par l'explosion, mais ne peut réaliser la liaison avec le 1le dont on n'aperçoit aucun élément.
Le peloton progresse en repoussant les Allemands à la grenade. A droite, le peloton de l'adjudant-chef Merlateau, conduit par le capitaine Phalip, atteint la première tranchée, puis la Maison Brûlée et se ressoude à l'autre fraction à 12h45.

Depuis un quart d'heure, des mitrailleuses ennemies sont entrées en action vers le talus qui limite les vergers de Beaurains. Elles balayent la tranchée conquise et tout le glacis qui s'étend en avant de cette tranchée. Le capitaine Phalip, blessé une première fois à la cuisse, maintient ses hommes sur place par son énergie et l'exemple qu'il donne; il est blessé une nouvelle fois et tombe pour ne plus se relever. L'adjudant-chef Merlateau est également blessé : son peloton souffre beaucoup.

 

Beaurains - le curé sur les ruines de l´église

 

Attaque de la 8e Compagnie

La 8e compagnie se porte à l'assaut immédiatement derrière la 5e compagnie, le capitaine Soubeyran en tête du peloton Chassaigne. La compagnie arrive sans trop de pertes jusqu'à hauteur de la Maison Brûlée, mais un feu violent de mitrailleuses fauche les premières vagues et cloue le restant de la compagnie sur place. Le capitaine Soubeyran est blessé.
Les sections de soutien se portent en rampant à hauteur de la première ligne jalonnée par plus de morts que de vivants, se relient aux unités voisines, entament avec l'ennemi un dur combat mais maîtrisent toutes ses contre-attaques.
Le commandant Vagnon, qui marchait en tête de la 8e compagnie, se porte à la barricade allemande de la route de Bapaume. Quelques instants après, ce chef aimé de tous y est tué.

 

Attaque de la 7e Compagnie

Traversant les réseaux aux brèches qu'avaient empruntées les éléments de tête, la 7e compagnie pénètre dans la première tranchée, y trouve encore 11 chasseurs saxons mais, à peine a-t-elle essayé de progresser au delà qu'elle est prise de flanc par deux mitrailleuses abritées dans une maison du village.
De tous les boyaux qui accèdent à cette tranchée débouchent des grenadiers ennemis qui refoulent les nôtres sans défense, la plupart des grenades ayant leurs allumeurs mouillés n'éclatant pas.
Le capitaine Fauveau, qui a pris le commandement du bataillon, et le sous-Iieutenant Mermet sont tués. Tous les cadres sont éprouvés et les éléments désorganisés de la 7e compagnie sont sous les ordres de l'aspirant Mirambeau.

 

entre Lens et Arras - abris en terre battue créés par nos artilleurs

 

La 6e compagnie, entraînée par son chef, le lieutenant Lagriffe, arrive d'un seul bond aux fils de fer ennemis qu'une déclivité de terrain masquait à la vue de nos observateurs et dont les brèches, que l'on croyait faites, étaient à peine amorcées.
Les assaillants doivent s'arrêter, mais cherchent aussitôt à s'infiltrer à travers le réseau. Trois nouvelles mitrailleuses se révèlent, causant de lourdes pertes. Les hommes se terrent dans les trous d'obus.
La 4e compagnie, aux ordres du capitaine Le Matelot, est alors dirigée en soutien des 5e et 8e avec mission d'assurer la liaison, qui fait toujours défaut, avec le 11e régiment, vers la gauche.

A 14h15, cette compagnie rejoint les fractions de la 8e, mais, n'ayant trouvé aucun élément du régiment voisin, son capitaine décide de renforcer le peloton Rolland, avancé très en flèche, qui lutte toujours désespérément contre les Allemands qui tentent de le déloger.
Le capitaine Le Matelot est tué. La position est intenable. Les éléments mélangés des deux unités refluent et se reportent à hauteur de la 8e compagnie. Soumis aux feux croisés des mitrailleuses qui fauchent impitoyablement, ces groupes dissociés repoussant cependant toutes les contre-attaques tiennent héroïquement dans cette situation terrible qui n'a qu'une issue : la mort, ou bien la captivité si leur énergie vient à faiblir.

Tant d'efforts vont rester vains, car les unités de droite et de gauche n'ayant pu progresser, le régiment reçoit l'ordre, en fin de journée, de revenir sur ses positions de départ. Le 2e bataillon a perdu son chef et tous ses commandants de compagnie.
Sur 12 officiers partis à l'attaque, 2 seulement reviennent (lieutenants Jacquemet et Begard), 6 autres ont été tués.
Au 3e bataillon, les sous-Iieutenants Sire et de Noé sont tombés ; 3 autres officiers blessés.
La nuit venue, tandis que tout ce qui reste du 2e bataillon et de la 4e compagnie est rassemblé au collège des Dominicains, à Arras, le 3e bataillon prend position dans les parallèles de départ qui deviennent notre première ligne.

 

OCCUPATION DU SECTEUR D'ARRAS RONVILLE-ST-SAUVEUR
(26 septembre 1915-1er mars 1916)

 

L'offensive générale est arrêtée. Ordre est donné d'organiser défensivement les nouvelles positions et, par suite d'une modification dans la répartition des unités de la 33e division d'infanterie, le régiment occupe, à partir du 27, le quartier de Ronville, du cimetière de Saint-Sauveur à la route de Saint-Quentin, avec :

  • 1 bataillon en première ligne
  • 1 bataillon en soutien aux Dominicains et rue de Bapaume et rue de Saint-Quentin
  • Le 3e au repos à Berneville."

 

Arras - église et faubourg St Sauveur

 

C'est pendant cette offensive que Joseph Theillère est "tué à l'ennemi" :

"L'an mil neuf cent quinze, le dix octobre, à quinze heures du soir, étant à Arras (Pas de Calais) Acte de décès de Theillères Joseph, soldat de 2e classe à la 11e compagnie du 20e régiment d'Infanterie ; N° Mle 5543 au dépôt du régiment d'Infanterie stationné à Châlons sur Saône ; N° Mle 136 au recrutement de Mâcon ; classe 1913, Mle au corps 9270 ; décédé à St Sauveur, près d'Arras (Pas de Calais) le dix octobre mil neuf cent quinze, à quatorze heures du soir ; fils de Benoît et de Philibert Marie, né à Germolles (Saône et Loire) le seize décembre mil huit cent quatre vingt treize.
Conformément à l'article 77 du Code civil, nous nous sommes transportés auprès de la personne décédée et assurés de la réalité du décès.
Dressé par nous, sous Lieutenant Milhau, officier chargé des détails au 20e régiment d'Infanterie, remplaçant l'officier de l'état civil ; sur la déclaration de Trize ? Jean, adjudant à la 11e Compagnie du 20e Régiment d'Infanterie ; et de Puniat Lucien, sergent à la 11e Compagnie du 20e Régiment d'Infanterie ; témoins qui ont signé avec nous après lecture…"

 

Arras - Faubourg St Sauveur - Route de Cambrai

 

L'acte est transcrit à Saint Léger le 17 décembre 1915 par Jean Vivier, adjoint au maire.
Joseph Theillère aurait eu, la veille, ses 22 ans.

 

le cimetière de La Targette (hameau de Neuville saint Vaast - 62) où repose Joseph Theillère
clichés de Daniel Lefèvre - Merci, Daniel !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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