"Est
affecté au 85e régiment d'infanterie. Il a
été tué dans un combat aux Eparges, le 20 mai
1916, montrant à tous l'exemple du courage et le mépris
du danger."
Mobilisé dès août 1914
à 26 ans, Pierre Lacondemine sert au 85e Régiment
d'Infanterie. Ce régiment fait partie de la 16e Division
d'Infanterie avec les 13e, 27e, 29e et 95e régiments
d'infanterie.
Les Eparges
Dans le département de la Meuse, dans
"les Hauts de Meuse", une série de crêtes
s'échelonnent du Nord au Sud : les Hures, le Montgirmont, la
crête des Eparges et Combres. Le Longeau coule dans la
vallée qu'elles dessinent avec les Hauts de Meuse. Sur le
Longeau, deux villages, Les Eparges à hauteur de la
crête du même nom, Saint-Rémy au Sud de la hauteur
de Combres.
La crête des Eparges a la forme d'un
croissant dont la corne Est est entaillée d'un ravin
boisé et humide aux pentes sévères. C'est le
ravin de la Fragaoulle dit "ravin de la Mort", tandis que la corne
Ouest domine la vallée du Longeau et le village.
"
Dès la formation du Saillant de
Saint-Mihiel en septembre 1914, les Français ont
cherché à réduire cette hernie. C'est ainsi que
des combats acharnés, d'abord de surface puis ensuite
essentiellement de mines, se déroulèrent aux Eparges,
crête constituant la frontière nord-ouest du
Saillant
.Les Français opèrent un assaut aux
Eparges le 17 février 1915. Cet assaut est
immédiatement suivi de contre-attaques allemandes qui
permettent à ces derniers de reprendre le terrain.
Les 9 et 10 avril 1915, un bataillon du 8e R.I.
s'empare de l'éperon Est des Eparges (Point X). Ce n'est pas
pour autant que les combats des Eparges soient terminés : le
24 avril 1915, Von Stranz lance avec succès une attaque des
Eparges à la Tranchée de Calonne.
A l'ouest du champ de bataille, le village
lui-même reste toujours aux mains des Français. Mais il
est situé sous le feu des Allemands et de leurs tireurs
d'élite. Il est peu à peu détruit par le
bombardement.
Quant à la crête elle-même,
elle est défoncée par les mines dont les entonnoirs
vont du point C au point X. Les combats continuent les mois qui
suivent, avec plus ou moins d'intensité. Ce n'est qu'en
septembre 1918 que le site des Eparges est libéré,
grâce à l'offensive de la 1re armée
américaine qui libère le Saillant. Le 14 septembre
1918, les Américains sont à Fresnes-en-Woëvre :
les Eparges ne sont plus aux mains des Allemands."
(1)
(1) d'après la page sur les
Eparges (55) sur le site http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/
"Les Eparges sont un secteur extrêmement
dur. On patauge jusqu'à mi-jambe dans la boue argileuse qui
happe et qui déchausse. Toutes les semaines, une explosion de
mines occasionne de pénibles pertes. La soupe va se chercher
à cinq kilomètres et la corvée, partie à
4 heures du soir, est à peine de retour à minuit,
marchant souvent sous de violents bombardements."
(2)
(2) Historique du 95e Régiment
d'Infanterie
Laissons la parole au rédacteur de
l'historique du 85e Régiment d'Infanterie :
"En mars (1916), le régiment se porte
à nouveau sur ces Hauts-de-Meuse qu'il avait tenus en
septembre 1914.
Devant lui, la plaine de Woëvre aux nombreux villages
détruits, taches blanches sur fond brun, s'étale
à perte de vue ; il voit Briey et les fumées noires des
hauts fourneaux; il voit les hauteurs de Mars-la-Tour et à
l'horizon les forts de Metz qui s'estompent dans le brouillard.
L'ennemi tient les villages de Manheulles et de Fresnes ; ses (obus
de) 210 s'écrasent sur Trésauvaux et Bonzée :
les maisons, chancelantes déjà, s'écroulent avec
fracas ; les rues sont coupées d'énormes trous que
l'eau remplit aussitôt. A la violence du bombardement s'ajoute
le mauvais temps et derrière les gabionnades dont les lignes
noires barrent la plaine, la vie est dure au petit poste.
Reformé à trois bataillons, le
régiment descend au repos à Sommedieue, pour remonter
dans la tranche des Eparges, où le 15 mai, par une nuit
affreusement noire, le 1er bataillon relève le 3e bataillon du
95e RI.
A cette époque, nous étions accrochés à
la croupe nord de Combres, dont l'ennemi nous disputait la
crête. Depuis avril 1915, les deux adversaires s'acharnaient
avec opiniâtreté sur cet étroit plateau dont les
obus de gros calibres et les torpilles aériennes avaient
abattu les arbres, détruit la végétation,
bouleversé le sol.
Puis une guerre de mines dure, patiente, inexorable était
née, parachevant toute dévastation et donnant au
terrain l'aspect de quelque paysage lunaire, nu et
désolé.
Aux Eparges - Dans le Ravin de la
Mort pendant une accalmie (octobre 1915)
De tranchée, il n'était plus
question ; les petits postes se collaient aux lèvres des
entonnoirs et là, malgré les détonations sourdes
des coups de mines, malgré les éclatements
déchirants des torpilles, les petits postes, isolés les
uns des autres péniblement ravitaillés au cours de la
nuit, montaient consciencieusement une garde dangereuse.
A son tour, le 1er bataillon du régiment, sous les ordres du
commandant Dubreuil, occupe cette terrible zone des entonnoirs.
L'artillerie ennemie bombarde consciencieusement le ravin de la Mort
et le Trottoir ; ce sont des tirs de harcèlement continuels.
Les journées sont dures et passent lentement.
Le 21, au contraire, une des plus belles
journées de mai s'écoule dans le calme complet ; il
semble que, d'un commun accord, les deux artilleries se taisent ; les
hommes des petits postes regardent évoluer les avions dans le
ciel bleu et même voient Chaput abattre un biplan à
croix noires. Puis le soir tombe, les petits postes se
relèvent. C'est le calme, le silence.
Tout à coup, inattendue, brutalement, à 1 heure 30, une
forte secousse ébranle les plus profonds abris,
accompagnée d'une détonation terrible ; l'ennemi vient
de faire sauter une mine à la droite du bataillon, près
de la section de l'adjudant Laurent, de la 1re compagnie. Un tir
d'obus et de torpilles, d'une violence extrême, s'abat alors
sur notre position. Mais les fusées rouges ont
été comprises de nos artilleurs et notre barrage se
déclenche, tandis que, dans la nuit épaisse, les
gradés rassemblent avec peine les survivants et, la grenade
à la main, s'apprêtent à repousser toute attaque.
Le bombardement diminuait d'intensité quand une
deuxième mine, plus importante que la première, explose
à 2 heures 15 au centre du bataillon, sous la 4e compagnie. A
nouveau l'ennemi concentre sur cette zone de la tranche des Eparges,
déjà fortement ébranlée, le tir de ses
minenwerfer et de son artillerie lourde ; à nouveau, les 75
établissent un barrage infranchissable. Cette fois-ci, les
pertes sont sévères, le bombardement encore plus
violent; cependant la 1re et la 4e compagnie réussissent
à occuper les lèvres nord des nouveaux entonnoirs. Le
bombardement se maintient jusqu'au jour, mais le soleil se
lève en Woëvre et le calme renaît.
Le 22, à la tombée de la nuit,
l'ennemi, nous croyant désorganisés, s'avance sur un
des nouveaux petits postes : deux fois il essaie de l'enlever, deux
fois il est repoussé à coups de fusil et à la
grenade. Pour se venger, il lance de nombreuses bombes au cours de la
nuit, rendant plus difficile encore la tâche pénible de
nos brancardiers ; malgré cela, ceux-ci réussissent
à ramener aux postes de secours tous nos blessés et
tous nos morts.
Cette journée du 22 nous coûtait, certes, des pertes
sensibles, mais grâce aux habiles dispositions prises par les
commandants de compagnie du 1er bataillon, grâce au courage et
à l'énergie des hommes, pas un pouce de terrain
n'était cédé à l'ennemi."
Pierre Lacondemine tombe au cours de ces
terribles combats.
A lire ces lignes, on comprend que l'on n'ait pas eu le temps
d'enregistrer les morts dans les registres.
Ce n'est possible que huit jours plus tard, lors d'une accalmie ou
d'une relève :
"L'an mil neuf cent seize, le vingt huit du
mois de mai, à dix heures, étant à Sommedieue,
Meuse (3)
Acte de décès de Lacondemine Pierre, soldat de 2e
classe à la 8e Compagnie du 85e Régiment d'Infanterie,
immatriculé sous le numéro mille trois cent quatre
vingt quatre, né le dix neuf février mil huit cent
quatre vingt huit à Montagny sur Grosne, canton de Matour
(Saône et Loire)
Mort pour la France au lieu dit ravin d'Hadimel, commune des
Eparges (Meuse) le vingt du mois de mai mil neuf cent seize,
à onze heures, par éclat d'obus sur le champ de
bataille ;
fils de Jean Benoît ? et de Triboullet Antoinette,
domiciliés à Montagny sur Grosne, canton de Matour,
département de Saône et Loire.
Dressé par nous, Charles Roubeau, Officier des détails
au 85e Régiment d'Infanterie, officier de l'Etat civil ; sur
la déclaration de Barboux Jean Baptiste, sergent au 85e
Régiment d'Infanterie, âgé de vingt six ans ; et
de Jacquet Antoine, soldat de 2e classe au 85e Régiment
d'Infanterie, âgé de vingt sept ans ; qui ont
signé avec nous après lecture faite.
Vu par nous Condaminas, Sous Intendant Militaire, pour la
légalisation de la signature de Monsieur Roubeau sus
qualifié.
L'acte de décès ci-dessus a été transcrit
le vingt juillet mil neuf cent seize, à une heure du soir, par
nous Vivier Jean, adjoint au Maire de Saint Léger sous la
Bussière. Vivier"
(3) Sommedieue est à 14 km
à l'ouest des Eparges.
la nécropole "Le
Trottoir"
Pierre Lacondemine mort à 28 ans repose
à la nécropole nationale "Le Trottoir" tombe
numéro 642.
Bizarrement, sur la fiche de sa sépulture, il est
indiqué "décédé le 26 avril 1916"
Au pied de la célèbre butte des Eparges, cette
nécropole du Trottoir se détache sur un fond de sapins
noirs. Elle comporte 2108 tombes parmi lesquelles figurent dix
stèles musulmanes. De plus, un ossuaire contient 852 corps.
Dans ce cimetière, créé pendant la guerre, ont
été regroupés les restes de soldats provenant
des cimetières du Bois et de Marquanterre.
Les clichés qui suivent sont de Daniel
Lefèvre - Merci, Daniel !
la nécropole "Le Trottoir"
aux Eparges
https://www.stleger.info