Sur
la plaque à l'église de Saint Léger à la
mémoire des Poilus, on note trois soldats du nom de Passot :
César, Jean, Joanny... et il n'y a aucune indication pour en
savoir plus. Seul César est marqué sur le monument aux
morts.
Heureusement, une visite au cimetière du
village nous permet de relever quelques indications sur une plaque :
"Ici repose César Passot, mort pour la France le 23
septembre 1916, à l'âge de 26 ans" - "A la
mémoire de Joanny Passot, mort pour la France le 19 mars 1917
à l'âge de 34 ans"
Si leurs noms sont réunis, c'est qu'ils sont de la même
famille.
Dans la tombe à côté reposent Jean-Claude Passot
(1858-1941) et Jeanne Condemine, épouse Passot (1860-1934) Ce
sont donc leurs parents.
César est bien celui cité dans le
discours d'Eugène Perrussot : "appartient au 47e
régiment d'artillerie. Il prend part à divers combats
et nous le voyons, à côté de sa pièce,
faire bravement son devoir. Dans un duel d'artillerie, il est
grièvement blessé, et c'est des suites de ses blessures
qu'il va mourir à l'hôpital Lariboisière,
à Paris, le 23 septembre 1916, offrant ses souffrances et sa
vie en sacrifice à la Patrie."
Grâce aux fiches du site Mémoire
des Hommes, nous retrouvons nos deux poilus :
César est né à Trades,
petit village à la frontière du Beaujolais et du
Maconnais, le 15 août 1890. Nous avons la confirmation de son
décès à l'hôpital Lariboisière des
"suites de blessures de guerre."
Son acte de décès est transcrit
le 6 octobre 1916 dans les registres de Saint Léger :
"Le vingt trois septembre mil neuf cent seize, neuf heures
quarante cinq du soir, César Passot, né à Trades
(Rhône) le quinze août mil huit cent quatre vingt dix,
soldat de 2e classe, 47e d'Artillerie, 5e B(atter)ie, Mat(ricule)
750, fils de Jean-Claude Passot et de Jeanne Condemine, époux
cultivateurs à Saint Léger (Saône et Loire),
célibataire, domicilié à Saint Léger sous
la Bussière(Saône et Loire), est
décédé rue Ambroise Paré, 2. Le dit
César Passot "Mort pour la France"
"
Cet acte est dressé par l'adjoint au
maire du 10e arrondissement de Paris le 25 septembre 1916 sur les
déclarations de Joseph Routy, 58 ans, et de Félix
Dufour, 49 ans, employés de l'hôpital
Lariboisière.
"Jean dit Joanny" est né à Saint
Point le 23 juin 1882. Nous apprenons qu'il est à la 18e
Compagnie du 227e Régiment d'Infanterie.
C'est bien le frère de César. Il est "tué
à l'ennemi" le 19 mars 1917 à Leskovets en
Serbie.
L'historique du 227e R.I raconte la Campagne
d'Orient :
"L'embarquement a lieu le 21 décembre
1916 et le voyage s'effectue agréablement en traversant
l'Italie. Des réceptions enthousiastes sont faites à
Livourne ainsi qu'à Rome
./
Le 7 janvier 1917, le
Régiment arrive à Tarente et s'embarque
immédiatement à bord du Duc d'Aumale et du
Chateaurenault à destination de Salonique.
Il débarque au port le 10 janvier et
va bivouaquer au camp de Zeitenlick. Il se concentre et se
prépare jusqu'au 23 janvier pour de futures
opérations.
/
Le 26 janvier, le 227e se met en route par voie de terre
pour l'Albanie, traversant les inondations du Vardar, bivouaquant
chaque jour dans la boue ou la neige.
Salonique 1916-1917 - Vers la Victoire
!
Les moyens de transport font défaut ;
les mulets, exténués de fatigue, crèvent en
route ; l'ascension des montagnes vers le lac d'Ostrovo, celle du col
de Pisoderi, au nord de Fiorina, à 1 500 mètres
d'altitude et en plein hiver, sont extrêmement
pénibles.
Les vivres manquent parfois, les sacs sont terriblement lourds, les
toiles de tente sont transformées en glaçons ;
cependant, le Régiment conserve sa gaîté et son
moral est aussi élevé qu'au départ.
Le spectacle de la traversée des plaines
de la Macédoine, des villes turques de Vodéna et de
Florina et de la belle vallée qui nous conduit jusqu'à
l'Albanie intéresse les hommes. Les costumes et les moeurs de
ces populations orientales les surprennent un peu, et les
déductions qu'ils en tirent leur font oublier la fatigue.
Le 14 février au soir, le
Régiment arrive à quelques kilomètres de la
ville de Koritza et, dès la nuit, les 4e et 5e bataillons se
préparent à l'attaque des positions du Tekké de
Melkchan (monastère albanais) occupées par les
Autrichiens, afin de dégager complètement la ville au
nord. Le départ du bivouac a lieu à 2 heures du
matin.
A 5 heures, les premiers éléments sont à hauteur
du village de Bouygarets, où le colonel installe son P.C.
Une halte de 1/4 d'heure suffit pour permettre le déchargement
des mulets et la répartition des outils entre les autres
unités, et, après avoir dépassé deux
petits cours d'eau, la colonne se dirige directement au pied des
pentes d'où doit partir l'attaque.
Pour se rendre à cet emplacement, le
terrain est très marécageux ; de larges bancs d'eau,
d'une profondeur de près d'un mètre, où les
hommes s'enlisent, doivent être successivement franchis. Les
mitrailleurs et les canonniers du peloton de 37, étant plus
lourdement chargés, éprouvent de grandes
difficultés.
(Le 15 février 1917)
/
A 8 h
20, le mouvement en avant est général sur toute la
ligne et continue sans interruption, au milieu des sonneries de
clairon et des cris de "En avant !", jusqu'à la prise des deux
crêtes constituant les premiers objectifs.
Notre artillerie continue un tir de destruction
sur le Tekké de Melkchan, qui est bientôt
complètement en notre possession, ainsi que les villages de
Melkchan et de Parodina.
Le 75 et le canon de 37 prennent alors à partie une
tranchée nouvelle découverte au sommet de la côte
nord de Soumlas. Des coups heureux mettent en fuite les occupants.
La 18e compagnie (c'est celle de Joanny) prend alors position sur
ce nouveau point, après avoir occupé le village de
Loumlas, et s'empare bientôt après du village de Biran
et de ses abords.
/
On ne saurait trop vanter la bravoure et la conduite de
tous ceux qui prirent part à cette attaque ; elles furent
au-dessus de tout éloge.
Les attaques continuent les jours suivants et
toutes les positions sont en notre pouvoir jusqu'à
Trésova, sur la rive droite du Devoli.
Le 23 février a lieu la relève
par des bataillons de tirailleurs algériens et le
Régiment va se reposer à Koritza d'abord, puis à
Biklista, pour se préparer à de nouvelles attaques.
L'offensive de la 76e D. I. entre les lacs Okrida et Presba faite
parallèlement à celle de Monastir entreprise par la 57e
D. I. commence le 11 mars 1917.
Malgré les énormes difficultés naturelles :
montagnes rocheuses très propices à la
défensive, ravins profonds et escarpés, neige
abondante, de très importants résultats sont obtenus.
L'ennemi défend avec acharnement les
positions de la tranchée Decades Grand et Petit
Couronné et de la tranchée Brune. Le 5e bataillon est
mis à la disposition du colonel commandant l'Infanterie
Divisionnaire pour l'attaque du Grand Couronné.
Le parcours à effectuer pour arriver à sa position de
départ est très pénible en raison des pentes
à gravir que recouvre une couche de verglas, Le bataillon ne
peut commencer son attaque qu'après la prise, par le 210e R.
I. d'un piton neigeux.
Cette petite opération est chaudement disputée par
l'ennemi et deux contre-attaques doivent lui être
opposées pour en obtenir la possession définitive
à 8 heures. Le 5e bataillon commence alors à
progresser.
L'équipe franche, sous le commandement
du sous-lieutenant Lambert occupe rapidement la crête du rocher
permettant la liaison avec la compagnie de droite du 210e, qui doit
faire une diversion sur les pitons ouest encore occupés par
l'ennemi. Les deux compagnies de tête (18e et 19e) cherchent
à franchir la crête, mais elles sont en butte à
des feux croisés de mitrailleuses et, malgré plusieurs
tentatives, ne peuvent déboucher. Les lieutenants Pelletier
commandant la 18e compagnie et Rochefrette sont blessés.
Le lieutenant Galland, chef du peloton du canon de 37, met deux
pièces en batterie et impose bientôt silence à
deux mitrailleuses adverses dont les servants s'enfuient.
Enfin le jour naît, la situation s'améliore encore et
les 19e et 18e compagnies réussissent à occuper les
pentes est du Piton boisé et la crête du Piton
Rouge. Le bataillon reçoit alors l'ordre de stopper et de
regagner le ravin du Kar à la tombée de la nuit.
/
Le 14 mars, à 0 heure 30,
les 4e et 6e bataillons quittent leurs bivouacs pour prendre leurs
dispositifs d'attaque. La pluie rend le terrain
particulièrement glissant et la marche sous bois, par une nuit
obscure, n'a lieu que très difficilement.
A 5 heures, l'opération est remise à une date
ultérieure et les différentes unités doivent
regagner leurs derniers emplacements. Le 6e bataillon exécute
de suite cet ordre sans incidents. Il n'en est pas de même du
4e, qui s'est trouvé brusquement engagé avec les postes
avancés ennemis
/... A 11 heures, les dernières
fractions de ce bataillon réintègrent leur point de
départ.
Le 16 mars (1917), les 5e et 6e bataillons
prennent dès 5 heures leur nouveau dispositif d'attaque. La
progression commence immédiatement, la marche dans le taillis
au milieu des abatis et des fils de fer est d'autant plus
pénible que le sol est abrupt et que l'ennemi bien
protégé dirige des feux croisés sur tout
objectif qui se présente.
Le poste retranché du Rocher de l'Arbre sec, véritable
petit fortin, ainsi que les tranchées du Piton Rouge, tombent
successivement dans la journée entre nos mains, enlevés
par les 22e et 23e compagnies.
/
A 17 heures, le lieutenant-colonel
Saint-Hillier se rend en avant du Piton Rouge et lance l'assaut du 5e
bataillon qui se fait avec une telle promptitude que, malgré
la distance à parcourir (deux ravins très profonds
à traverser et un pic de 700 mètres) une demi-heure
après, nos braves poilus prennent pied dans la tranchée
de première ligne du Grand Couronné.
La fusillade et la lutte à la grenade augmentent
d'intensité, puis après quelques secondes d'un calme
relatif, un feu de Bengale rouge indique que notre chaîne a
atteint le sommet de la position.
Le lendemain, à 2 heures du matin, les
hommes n'ayant plus que quelques cartouches et les contre-attaques se
multipliant avec des forces supérieures, le capitaine
Vuillaume commandant le groupe donne l'ordre de repli et les
différentes fractions reviennent prendre place en avant du
plateau nord du Piton Rouge.
A 7 heures, le 5e bataillon renforcé par la 13e compagnie et
placé sous le commandement du capitaine Bonnet renouvelle son
assaut sur le Grand Couronné.
Dans un élan magnifique, au milieu des sonneries de la charge
et des cris " En avant ! " les premiers éléments
reprennent pied dans la tranchée de première ligne. Ils
en sont bientôt chassés par la violence du choc avec la
nouvelle garnison de cet ouvrage, dont les forces ont
été très augmentées
/
Les
unités se retirent à une cinquantaine de mètres
et commencent, renforcées par la 15e compagnie, une
tranchée de départ.
/
A 17 heures, après un
dernier tir d'efficacité de notre artillerie sur l'objectif
principal, un nouvel et dernier assaut est donné. La fusillade
fait rage et arrête l'élan du 5e bataillon. Le 6e
bataillon s'empare de deux tranchées dont il anéantit
les occupants, puis se heurte un peu plus loin à une position
organisée où l'ennemi est au coude à coude ;
pris de flanc par deux mitrailleuses et par une forte contre-attaque,
les pertes sont brusquement si importantes que le bataillon doit se
replier dans la tranchée de départ pour se
reformer.
/
Le 18 mars, les bataillons continuent l'organisation de
la position
/
Dans toutes ces affaires, le 227e s'est
conduit magnifiquement avec un courage et un entrain dignes des plus
grands éloges.
Il a lutté, non seulement contre un ennemi puissant
composé d'Allemands de choix, 12e régiment de chasseurs
saxons, Turcs, Bulgares, chasseurs autrichiens, habitués
à la guerre des montagnes, mais aussi contre les
intempéries : froid intense, neige épaisse dans
laquelle plusieurs hommes et blessés disparurent ; contre les
difficultés du terrain : le rocher de l'Observatoire
était à 1 500 mètres d'altitude, la Falaise
à 1 600, les Couronnés à 1 200 et les bords du
Presba d'où partaient les attaques atteignaient à peine
800 mètres ; contre la faim, car les mulets apportant le
ravitaillement dégringolaient souvent les pentes abruptes et
se perdaient dans les neiges."
Le 19 mars 1917, Joanny Passot meurt au
combat.
Son acte de décès est transcrit
dans les registres de Pierreclos à la date du 10
décembre 1917 :
"Acte de décès. L'an mil neuf cent dix sept, le premier
du mois d'avril, étant à Gorica (Grèce)
Acte de décès de Joanny Passot, soldat de 2eme
classe 227eme Regt d'Infanterie, 18eme Compagnie, N° Mle
zéro trois mille trois cent trois A (03303 A) né le
vingt trois juin mil huit cent quatre vingt deux à St
Point, canton de Tramayes, département de Saône et
Loire ; domicilié en dernier lieu à Pierreclos
(Saône et Loire) décédé à
Leskovets (Serbie) le dix neuf mars mil neuf cent dix sept à
dix heures ; Mort pour la France, tué à l'ennemi,
inhumé au Ravin de Leskovets (Serbie), fils de Jean Claude et
de Jeanne Condamine, domiciliés à St Léger
sous la Bussière, canton de Tramayes, (Saône et
Loire)
/
Dressé par moi, Thémistocle Fondacci, Lieutenant au
227e, Officier de l'état civil, sur la déclaration de
Camille Gosset, âgé de trente six ans, Sergent Major 18e
Comp. du 227e d'Infanterie et de Claude Chinait, âgé de
trente sept ans ; soldat de 2e classe 227e Regt d'Infanterie, 18e
Comp. , témoins qui ont signé avec nous après
lecture
/
"
"Mention rectificative - Loi du 30 septembre
1915.
Le défunt était prénommé Jean dit
Joanny, et non Joanny seulement ainsi qu'il est mentionné
dans le corps de l'acte ci-contre, d'ailleurs incomplet sur le point
suivant : Le soldat Passot était époux de Perruzet
Marie. Paris, le trente novembre mil neuf cent dix
sept
"
Transcrit le 10 décembre 1917 par Pierre Dailly, conseiller
municipal faisant fonctions de Maire et officier de l'état
civil de la commune de Pierreclos."
(Merci à Corinne Dargaud pour la photo numérique de cet
acte)
"Jean dit Joanny Passot" est inscrit sur le
monument aux morts de Pierreclos et sur une plaque à
l'intérieur de l'église. Il est, là aussi,
considéré comme "enfant" du village.
Sur l'autre Jean Passot, nous n'avons aucune
piste !
https://www.stleger.info