n aire contraint à la démission ?

 

par Antoine Swenne - bulletin municipal

 

 

es lections municipales de 1925

 

Au mois de mai 1925 ont lieu partout en France les élections municipales.
A Saint-Léger-de-Balson, le maire sortant, Pierre Lespès, présente une liste où figure la moitié des conseillers sortants.
Il y a 10 noms sur cette liste car en 1925 le conseil municipal était constitué de 10 membres (contre 11 actuellement). Par ailleurs, il n'y avait qu'un seul adjoint de mairie. Ils se présentent sous l'étiquette de "la liste Républicaine et Socialiste".
Il y a également un candidat qui se présente seul sous l'étiquette "socialiste". Il s'appelle Armand Goupillot.

 

 

bulletins de vote de la liste du maire sortant et d'Armand Goupillot
source : archives départementales de la Gironde

 

Le premier tour des élections à lieu le 3 mai. Il y a 124 électeurs inscrits, parmi lesquels 113 se présenteront au bureau de vote.
Armand Goupillot recueille le plus grand nombre de voix (86) ; le suivant sur la liste n'en recueille que 67. Le maire sortant est réélu conseiller de justesse avec 56 voix.
Au total, 9 candidats passent la barre des 50% dont 8 figuraient sur la liste de Pierre Lespès. Il faut donc procéder à un second tour qui a lieu une semaine plus tard.
Un nombre important d'électeurs se présente (102) et au terme du scrutin un candidat "indépendant", Marc Castets, est élu.

L'élection du maire et de son adjoint a lieu le 17 mai. Il serait logique de penser que ces deux fonctions seraient attribuées à des conseillers issus de la liste du maire sortant. Il n'en sera rien car, contre toute attente, Armand Goupillot est élu maire (par 6 voix contre 4) et Marc Castets premier adjoint. Il est difficile d'imaginer que ce résultat a pu être atteint sans qu'il y ait des dissensions parmi les "amis" de Pierre Lespès. Ce qui va suivre en est peut-être l'illustration.

 

 

es premiers roblèmes

 

En effet, à la sortie de ce conseil municipal, le conseiller Jean Duprat rentre chez lui et rédige une lettre de démission. Dans les deux jours qui suivent, deux autres conseillers, Pierre Lalanne et Louis Pailley, démissionnent également. Tous trois évoquent des "raisons personnelles".

Le préfet de Gironde en est informé par le sous-préfet de Bazas qui précise que, suite à des renseignements procurés par M. Callen, Conseiller Général, "il résulte qu'à la suite de divers dissentiments ces trois conseillers se refusent absolument à collaborer avec le nouveau maire. Il est nécessaire de procéder à une élection complémentaire dont la date est fixée au 28 juin 1925".

Pour ce troisième scrutin en moins de deux mois, Il y aura 86 votants qui vont élire Arnaud Lacape, Jean Bonpan et Etienne Dupouy comme conseillers municipaux.

Dans une lettre du 4 juillet le sous-préfet informe le préfet de Gironde que les nouveaux conseillers doivent être classés comme socialistes S.F.I.O. (Section Française de l'Internationale Ouvrière).

 

 

n maire ommuniste

 

Deux jours plus tard, le 6 juillet 1925, le Commissaire Spécial (Commissariat Spécial de Bordeaux) fait parvenir au préfet un rapport qui signale qu'Armand Goupillot, maire S.F.I.O. de Saint Léger de Balson, vient d'adhérer au parti communiste. Ce Commissariat Spécial dépendait directement du Ministère de l'Intérieur et pourrait être comparé à ce qui s'appellerait quelques années plus tard les Renseignements Généraux.

A partir de ce moment Armand Goupillot est désigné comme "maire communiste" dans les documents de la préfecture et sous-préfecture.

 

L'Humanité - 7 juillet 1925

 

 

'appel au ecours

 

Les archives disponibles n'indiquent rien de particulier à son sujet jusqu'à la fin de l'année 1926. A cette époque, il semble devoir faire face à de sérieuses difficultés matérielles (les maires des petites communes ne percevaient pas d'indemnités) et il va entreprendre une démarche étonnante. En effet, il va rédiger une lettre de demande d'aide dont il enverra une copie au sénateur et aux parlementaires de Gironde, au préfet de Gironde, au président du Sénat, au président du Conseil et au président de la République !

Le texte de cette lettre reflète le vocabulaire et les tournures de phrase de l'époque mais également une certaine obséquiosité que d'aucuns pourraient attribuer au caractère désespéré de sa situation :

Monsieur le Président,

Par suite de circonstances indépendantes de ma volonté, je viens de tomber dans un état voisin de la misère.

Mes amis, parmi lesquels les notabilités de mon canton, conseiller général etc., ainsi que mes concitoyens, ont appuyé le principe d'une souscription en ma faveur pour m'aider à parfaire à mon relèvement et permettre d'assurer mon existence et celle de ma famille.

C'est dans ces conditions que, honteux et respectueux, je viens solliciter votre obole qui, si minime soit elle, ajoutée aux autres, me sera d'un précieux concours dans ma pénible situation présente.

Confiant dans votre bon cœur, et votre générosité, je vous présente, Monsieur le Président de la République, avec mes plus vifs remerciements, le respectueux hommage des sentiments attristés et dévoués de votre serviteur.

Votre serviteur.
Le maire.

 

lettre envoyée au Président de la République Paul Doumergue
source : archives départementales de la Gironde - pour un agrandissement, cliquez sur l'image

 

enveloppe qui contenait la lettre mentionnée ci-dessus - source : archives départementales de la Gironde

 

 

a réaction des utorités

 

Ces lettres ne sont pas datées mais le préfet de Gironde reçoit une lettre de demande d'information de la part du chef de cabinet du président du conseil en date du 16 décembre 1925. Les autres institutions contactées réagiront de la même manière dans les jours qui suivent. Le préfet répondra à toutes ces demandes par une même lettre où il indique que :

"J'ai l'honneur de vous faire connaître que M. Goupillot était, avant son élection sur la liste du bloc ouvrier et paysan, régisseur d'un domaine agricole assez important. En raison de son attitude pendant la période électorale, les propriétaires qui l'employaient renoncèrent à ses services après les élections de 1925".

"Je suis personnellement d'avis de ne donner, dans l'état actuel des choses, aucune suite à cette étonnante requête. Tout au plus, si M. Goupillot donnait sa démission de maire et de conseiller municipal, pourrais-je lui allouer une somme sur les fonds mis à ma disposition par le conseil général ; encore faudrait-il pour cela que l'enquête à laquelle il serait alors procédé révèle une situation vraiment nécessiteuse".

La liste du bloc ouvrier et paysan était une émanation du parti communiste. Cependant, à l'examen des documents d'archives disponibles, il est impossible d'affirmer qu'Armand Goupillot avait fait campagne sous cette étiquette. Le bulletin de vote dont la copie est présentée plus haut est la preuve du contraire.

 

 

pilogue

 

Au cours du mois d'avril 1927, Armand Goupillot informe le préfet qu'il mettra un terme à ses fonctions de maire et de conseiller municipal le 30 avril et que cette charge sera assurée par le premier adjoint à dater du premier mai.

Le 22 mai, des élections ont lieu pour élire un nouveau conseiller municipal. Sur 118 inscrits, 80 électeurs se présenteront aux urnes. Jean Darteyre est élu haut la main.

Une semaine plus tard, le conseil municipal se réunit et élit M. Castets comme maire et Pierre Gilles comme premier adjoint.

Il reste des zones d'ombre qui ne permettent pas de connaître le fin mot de cette affaire. Armand Goupillot est lui-même quelque peu une énigme.

Il a séjourné relativement peu de temps à Saint-Léger-de-Balson. Son nom apparaît dans le recensement d'avril 1926. Il habite au lieu-dit Le Gay et est né à Paris en 1883. Il se déclare "sans profession". Les archives départementales possèdent un document avec la liste des conseillers municipaux et qui le décrit comme "cultivateur".

On comprend pourquoi ce "Parisien" est dans la région quand on découvre qu'il a une épouse prénommée Maria et qui est originaire de Narosse, commune voisine de la ville de Dax, département des Landes.

Son nom n'apparaît pas dans les recensements de 1921 et 1931. Il est absent des listes électorales de 1929. On peut donc conclure que, tout au plus, il était présent à Saint-Léger-de-Balson de 1922 à 1928.

On ignore également s'il a reçu ou non une aide financière de la préfecture à la suite de sa démission.

 

 

 
le puits du bourg

 

Merci de fermer l'grandissement sinon.

 

 

 

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