DGARD OMBES
(1864-1907)

par Guy Labbé - mars 2005

 

 

Avant d’évoquer la vie du fils aîné de Combes, il faut se poser cette question : Pourquoi Emile Combes vint-il professer, se marier et mourir à Pons ?

Emile Combes est né à Roquecourbe, petit village de Tarn, dans une famille très catholique. Son père est "lainier", tailleur d’habits et cabaretier, ce qui ne plaît pas du tout à l’abbé Gaubert, oncle et parrain du jeune Emile.

 

la maison natale d’Emile Combes

 

La famille est pauvre. L’abbé Gaubert, qui a déjà pris en charge l’éducation du frère aîné Philippe, vient un jour voir les parents Combes pour les convaincre de lui confier le petit Emile afin qu’il poursuive ses études au petit séminaire de Castres.
Si l'abbé a remarqué la grande intelligence du petit Combes, un autre personnage, moins intéressé par la religion mais très érudit sur les civilisations antiques, est pour Emile une sorte de précepteur inattendu : c’est le pharmacien du village. Monsieur Alibert, archéologue, a remarqué que notre jeune garçon sait lire le nom des médicaments. Il lui propose de ne pas lui faire payer certains remèdes s’il accepte de partager avec lui sa passion pour les églogues de Virgile. Les parents d’Emile sont enthousiasmés par la proposition du pharmacien.

 

l'abbé Gaubert

 

Emile est un élève studieux. Lorsque le petit Combes se rend à l’école primaire de Roquecourbe avec son gros dictionnaire de latin sous le bras, quand ses petits camarades n'emportent guère qu’un petit livre d’alphabétisation, les villageois se moquent en l’appelant "lou Milou de Carcassonne". Il a au séminaire un parcours remarqué. Bien que très admiratif de son petit protégé, le curé Gaubert sera doublement déçu par ces Combes qui quittent le séminaire sans avoir reçu les ordres mineurs : Philippe, le frère aîné, quittera le grand séminaire d’Albi et sera maître d’école dans un village proche de Roquecourbe. Il financera ainsi un voyage en Algérie, choisira une jeune fille du village pour épouse et, brillant orateur, sera élu maire de Saïda.

 

Emile Combes

 

Emile suivra son exemple et sera professeur à l’école de l’Assomption de Nîmes de 1857 à 1860 où il occupera la chaire de philosophie. C’est à cet époque qu’il prépare ses thèses sur St Thomas d’Aquin : une en français qui comportera plus de 500 pages, l'autre en latin de 60 à 70 folios. Il n'achève ses deux thèses qu'au prix de veillées extrêmement pénibles. Il devait confier la relecture de ces thèses au professeur de philosophie de la faculté, qui tomba malade. Emile Combes s’adressa alors au doyen de la faculté de Montpellier, M. Siguy, qui intervint auprès du doyen de la faculté de Lettres de Rennes, Henri Martin. Celui-ci consentit à admettre Emile à la soutenance de ses thèses. Nous étions alors en juillet et la soutenance était prévue pour la mi-décembre.

 

Emile Combes

 

Son choix : l'Institution Notre dame de Recouvrance de Pons

Il fallait de l’argent pour financer l’impression des exemplaires de ses thèses, environ 1 800 francs. Le hasard mit sur son chemin un ancien condisciple du séminaire : il avait appris par le chanoine Carot de La Rochelle qu'une place de professeur était vacante au collège de Pons.
Entre temps, Combes apprend qu’un poste est libre à Blaye, en Gironde. Combes est ambitieux, il a besoin d’argent : Blaye lui propose une chaire de philosophie, le salaire annuel de 1 800 francs couvre à peine les frais engendrés.
L'institution de Pons, elle, accepte de prendre en charge ses deux frères et lui donne un salaire de 2 000 francs par an. Combes n’hésite pas : il prend rendez-vous avec le supérieur, l’abbé Hude, grand poète, qui lui propose la chaire de rhétorique aux appointements de 3 000 francs l’an. De plus, Pons a pour Combes l’avantage de se trouver sur la route de Nîmes à Rennes.
Combes ne se loge pas dans les locaux de l’institution, préférant sa liberté. Une fois installé dans la petite cité saintongeaise, il continue ses voyages à Rennes, où il est reçu brillamment à son doctorat.

 

Emile Combes

 

le mariage de Combes à Pons

Dès son arrivée à Pons, Combes s’intègre bien à la population. Il est toujours aussi travailleur, prépare avec sérieux ses cours au collège.
Il a remarqué, en se promenant dans la rue principale, une jolie jeune fille avec une belle robe bleue, les cheveux enroulés dans une "résille" dorée, comme c’est la mode alors. Elle s’appelle Maria Dussaud, c’est la fille d’un commerçant drapier, mort en 1850. Maria vit avec sa mère dans une belle maison de la grande rue. Mme Veuve Dussaud a également un fils, Auguste, boulanger, et une fille mariée à un banquier, M. Guédon.

 

Maria Dussaud

 

Emile fait la cour à la jeune fille, malgré la résistance de Mme Dussaud mère qui acceptera finalement de donner son accord pour le mariage de sa fille, richement dotée d’une somme de 30 000 francs, ce qui représente une somme importante pour l’époque.
Le mariage fut célébré le 16 juin 1862 à Pons. Le couple s’installe dans la grande rue, dans la grande maison des Dussaud.

 

 

De cette union vont naître 5 enfants. La mort de ses garçons sera terriblement vécue par le petit homme calme qui jamais n’aura de descendance mâle.
Emile Combes continue à enseigner encore quelque temps au collège. Grande est maintenant la distance entre le petit séminariste pauvre du Tarn et le nouveau petit bourgeois de la cité de la Charente Inférieure.

 

la naissance d’Edgard

Un rayon de soleil vient illuminer la vie de ce couple tranquille, sous la surveillance de la belle-mère, ravie de voir la venue au monde de son petit-fils Edgard en ce 10 août 1864.
Combes a décidé de faire des études médicales. Il faut faire face à l’entretien du ménage, et les cours à la faculté de médecine créent des frais qui vont l’obliger à se servir d’une petite partie de la dot de son épouse, avec le consentement de la belle-mère.

 

 

Les années 1865-1868 sont pour le jeune couple des années sombres. Emile perd ses parents à quelques jours d’intervalle, suite à l’épidémie de choléra qui sévit dans la capitale. Son frère, docteur également, faillit mourir aussi.
Trois ans plus tard meurt la belle-mère. Pour la jeune Mme Combes, la douleur est immense, surtout que le petit René n’a vécu que quelques mois.

Emile Combes est très attaché à l’instruction de son fils. Edgard est un brillant élève de l’école laïque de Pons. Son père souhaite que tous ses enfants fréquentent l’école publique. Après avoir eu son bac au collège municipal de Saintes, Edgard accomplit son volontariat à Bayonne. Il est reçu avec brio à sa licence de droit. Ce diplôme en poche, il est choisi comme chef de cabinet par Monsieur Stéhélin, alors préfet de la Seine-et-Marne.
Sa carrière administrative est assez rapide puisqu’il obtient les postes de Sous-Préfet de Castelnaudary, puis Châtillon sur Seine, et enfin est nommé secrétaire général de la Préfecture de Tours. Ce parcours lui permet d’acquérir des nouvelles connaissances, administratives bien sûr, mais aussi politiques.
C’est en 1895 qu’il devient chef de cabinet de son père au ministère de l’Intérieur, des Beaux-Arts et des Cultes.
Il prend le poste de Sous-Préfet de Lunéville en 1897, et c’est en 1900 qu’il accède au poste important de Préfet de l’Allier. Il va garder ce poste jusqu’au moment où son père est nommé Président du Conseil des Ministres. Sachant qu’il peut avoir confiance en son fils, travailleur acharné, sérieux, Emile fait appel à lui et le nomme secrétaire général de la Présidence.

 

 

Edgard fournit un travail considérable pendant près de 32 mois.
En avril 1907, il séjourne chez ses beaux-parents à Versailles. Au cours d’une promenade à bicyclette dans la forêt de Chevreuse, il est atteint d’une crise d’appendicite (péritonite) qui nécessite une intervention chirurgicale à chaud. Il va succomber des suites de cette opération. Il n’a que 42 ans.

La douleur du père Combes est immense. Toute la population pontoise est sous le choc d’un décès aussi rapide. Une stèle surmontée de son buste est inaugurée à Pons le 20 octobre 1907. Il y est inscrit :

A Edgard COMBES 1864-1907
Elève de l’école communale de Pons
Préfet 1900-1902
Secrétaire général du Ministère de l’intérieur 1902-1905
Conseiller d’Etat 1905-1907
Ses camarades et Amis

 

 

En 1942, les Allemands envoient le buste en bronze à la fonte. Le piédestal est supprimé. La municipalité d’après-guerre fait graver une plaque qui sera apposée sur le mur de l’ancienne école communale. Ce bâtiment abrite de nos jours la bibliothèque municipale.

 

 

Edgard Combes avait épousé une jeune fille de nationalité américaine. Elle avait une immense fortune. Elle s’appelait Sophie Hall-Carter, et était née d’un premier mariage d’une Américaine de Boston qui épousa en secondes noces Albert Josien, Préfet d'Albi.

Edgard, qui avait entendu son père raconter son enfance misérable, fut contraint d’adopter un genre de vie de grand bourgeois. Il lui fallait de beaux vêtements, organiser des réceptions, avoir un train de vie à la "parisienne".
Il faut dire qu'il gagnait confortablement sa vie, mais ce n’était rien en rapport avec ce que sa jeune épouse avait apporté dans sa dot de mariage.

 

 

Emile Combes avait beaucoup d’adversaires, à commencer par ses anciens élèves de l’institution de l’Assomption de Nîmes qui furent élus députés de droite et n’apprécièrent pas du tout sa loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Dans les officines politiques de droite s’élabore une conspiration qui, ne pouvant atteindre le Président Combes, va mettre en cause son fils Edgard.
Cette affaire sera connue sous le nom de "Affaire du million des Chartreux".

Le "Petit Dauphinois", qui défend les pères Chartreux, publie un article disant que l’autorisation de "commerce" aurait été refusée à cette congrégation parce qu’elle avait refusé de verser un "pot de vin" de un million de francs au secrétaire général de la présidence. Le Prieur exhibait la carte de visite d’Edgard Combes comme pièce à conviction.
Il fut prouvé que le fils Combes ne quitta pas Paris pour la Savoie au jour indiqué. C’était un fonctionnaire du ministère du commerce qui avait sous entendu que les Chartreux sacrifieraient bien deux millions pour rester en France.
On apprendra plus tard que c’était un coup monté de toutes pièces (député Lagrave) pour faire abroger cette loi dite "scélérate" pour la droite.
Il n’y aura donc pas de suite juridique, et Edgard Combes sera réhabilité.

 

Emile Combes

 

Le sort s’acharne sur les enfants de sexe masculin du couple Combes-Dussaud : Edgard meurt à 42 ans sans laisser de progéniture.
Son frère André, né en 1868 à Pons, après de brillantes études, est attaché au cabinet du Préfet de la Seine. Son père, de passage à Paris, le trouve bien fatigué et décide de l’ausculter. Le verdict est sévère : signe de lésions cardiaques. Le docteur Combes est impuissant, son fils décèdera en 1891 à l’âge de 23 ans.
En 1869 naît René, qui ne survivra que quelques mois.

 

 

Deux filles enfin : Charlotte épousera le docteur Bron, qui décédera à l’hôpital militaire de Châlons-sur-Marne en 1919. Ce couple aura deux fils qui feront "Navale" et deviendront amiraux. Tous deux seront célibataires, sans descendance. Elle mourra en 1966 dans la grande maison familiale, soutenue par son fils André.

Enfin, Germaine qui épousera le docteur Martin. Ce petit bout de femme à l’allure vive, active, habillée comme les paysannes portugaises, tout en noir, avec son foulard bien serré sur sa tête, fut un grande résistante.
Lors de son passage en gare de Pons, le Général de Gaulle demandera à saluer Mme Germaine Martin-Combes. Elle descendra à pied, habillée comme d’habitude, mais la poitrine bardée de Grand Croix de la Légion d’Honneur, croix de guerre, du combattant et de très nombreuses médailles étrangères, ce qui surprit beaucoup, car elle était très discrète sur ses faits d’armes. De Gaulle descendra du train, embrassera et félicitera la dernière de la famille Combes.
Germaine avait eu une fille, mystérieusement noyée dans la piscine ancienne du collège de Pons. La rumeur publique parle d'un suicide, ses parents ayant refusé son mariage avec l’homme qu’elle aimait.
Germaine s’est éteinte en 1971, entourée de son neveu André Bron et d’une petite nièce, Mme Dagincourt-Martin.

 

Toutes mes sources ont été puisées dans les livres que m’a donnés Mme Dagincourt-Martin, décédée en 2003, avec laquelle j’ai eu des entretiens très intéressants sur la vie des Combes.
Autres sources : le livre de Georges Alquier "le Président Emile Combes", et celui de Yvon Lapaquellerie, cousin d’Emile Combes. Son livre a servi de base de recherches au Professeur Merle et à son équipe pour écrire une biographie d’Emile Combes.

Guy Labbé - mars 2005

 

 

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