La chute de l'mpire en Mâconnais (1814-1815)


Napoléon Bonaparte

 

 

 

 

 

 par Michel Guironnet
décembre 2002

 

 

"L'Allemagne évacuée, la France ramenée derrière le Rhin, les Alliés ne se tiennent pas encore pour satisfaits. Disposant à présent d'une énorme supériorité numérique, …aiguillonnés par l'Angleterre qui veut… si possible, ramener les Bourbons, entraînés par le Tsar qui tient à se venger de Napoléon… les Alliés font taire leurs divergences d'intérêts pour achever l'ennemi abattu.
Ils hésitent néanmoins avant d'entrer sur le territoire français, craignant un sursaut national qui permettrait à Napoléon de renverser la situation… Pour l'empêcher, ils se servent admirablement de la propagande afin de détacher l'opinion de l'Empereur, bien conseillés par les royalistes… Cette entreprise n'eût pas réussi sans une réelle lassitude de l'opinion française…
On était, dira-t-on, "dégoûté de la gloire"… A présent chacun veut la paix, …et les Alliés le savent."
("La France napoléonienne, aspects extérieurs" R. DUFRAISSE et M. KERAUTET)

 

 

Emile MAGNIEN écrit : "Comment s'étonner d'un manque total d'exaltation patriotique en 1814 : les Mâconnais, à force de se taire, de se détourner des problèmes politiques, d'être des sortes d' "athées politiques", ont perdu le ressort que fortifient les crises et les dangers quand un idéal est en jeu.
Pour la masse, il lui est indifférent que les Autrichiens arrivent et que Louis XVIII remplace Napoléon. Peut-être cela amènera-t-il enfin la paix, et on est si las de la guerre et de ses conséquences économiques et humaines qu'on se résigne à accepter cette paix de l'occupation étrangère.
Pour la partie de la population la plus passionnée et la plus constamment demeurée en alerte, les royalistes, les nostalgiques de l'ancien régime, ceux qui attendent une revanche, l'heure est venue.
L'hallali de l'Empire et de "l'usurpateur" est salué comme la sentence inéluctable prononcée par la justice immanente. Les instruments de cette justice, les troupes autrichiennes ne sauraient être reçues à coup de fusil !
Les parents de Lamartine sont de ceux qui, bien que n'ayant pas milité dans l'anti-bonapartisme actif, détestent le régime et conservent intactes leurs convictions royalistes…"

 

 

Ronald ZINS nous explique que fin 1813 "l'armée de Bohème, violant la neutralité suisse, traverse le Rhin à Bâle, Laufenburg et Schaffhouse... en quelques jours, près de 130 000 hommes entrent sur le territoire suisse et commencent à déferler sur l'Alsace et la Franche Comté…."
La colonne du comte Bubna doit occuper Genève puis faire sa jonction avec les troupes de Franche Comté, soit en tout 9 500 hommes.

Alix des Roys, mère de Lamartine, écrit dans son journal, à la date du 31 décembre 1813 : "Nous voici réfugiés à Mâcon ; tous les jours on nous annonce les ennemis ; ils ont, dit -on, passé déjà Genève…Qu'allons-nous devenir ? Quelle année que celle-ci qui finit ainsi ce rêve sanglant de Bonaparte ! Et quelle année que celle qui commence demain, si ce n'était l'espérance de…"
Lamartine note qu'au travers de cette réticence, on voit l'espoir de la chute de Bonaparte et du retour des Bourbons.

 

 

Déjà, le 24 décembre, Lyon apprenait que les alliés venaient de franchir le Rhin. Des affiches sont placardées pour avertir "de l'invasion des coalisés". Les autorités tentent de rassurer la population, on forme la Garde nationale.

Le 4 janvier 1814, l'avant-garde de Bubna entre à Lons le Saunier, venant de Genève qui a capitulé le 29 décembre. Le 5, il est à Poligny, dans le Jura. Schwarzenberg, commandant en chef des armées de la coalition, lui donne l'ordre de marcher sur Lyon.
"9 janvier 1814 : les ennemis sont à Besançon et près de Lyon, on s'attend à devenir ici un champ de bataille…Tout le monde est d'une agitation extrême, l'on se prend même à partie les uns les autres suivant les opinions présumées…" ("Manuscrit de ma mère" LAMARTINE )
Lamartine écrit : "Tout le journal jusqu'au 10 mars 1814 n'est qu'un récit troublé des manœuvres des armées autrichienne et française, qui prennent et reprennent tour à tour la ville de Mâcon et les villages voisins…"
Le 11 janvier, Bubna s'empare de Bourg en Bresse, les Français faisant retraite jusqu'à Méximieux. Bubna est alors maître de la vallée de la Saône. Trois jours plus tard, des éclaireurs occupent le château de La Pape sur les hauteurs de Lyon.

 

 

"Quand en 1814, les armées alliées se présentèrent dans le val de Saône, Mâcon ne fit rien pour retarder leur avance, à la grande indignation des gens de Chalon et de Tournus. Ce furent ces derniers qui, le 23 janvier 1814, se portèrent vers le chef-lieu départemental pour en déloger la petite unité autrichienne qui, venant de Bourg, avait pris possession de la ville sans coup férir le 12 janvier. Avec environ 500 hommes sous la conduite du général Legrand de Mercey, l'entreprise fut couronnée de succès.
Les Autrichiens repassèrent le pont et se replièrent sur la route de Bourg par laquelle ils étaient arrivés. Mais le 23, devant l'hostilité des Mâconnais qui craignaient des représailles, Legrand abandonnait la ville pour se replier lui-même sur Chalon, et le 26 janvier, les Autrichiens reprenaient possession de la place où ils imposaient immédiatement de sévères réquisitions.
Cette attitude défaitiste de Mâcon, connue à Paris où l'administration impériale suivait avec anxiété la marche des événements, fut sévèrement jugée…." (Emile MAGNIEN op.cit)

Le 19 février, un détachement de l'armée d'Augereau, venu de Lyon, oblige le petit contingent autrichien qui tient Mâcon à l'évacuer de nouveau, mais laisse ensuite la ville sans défense.
"Au soir du 4 mars, une avant-garde ennemie, forte de 15 000 à 20 000 hommes et 80 canons, se dirige sur Mâcon sous les ordres du Général Bianchi…Le 7 mars au soir, le Général autrichien Scheiter s'empare de Mâcon…"

 

près de Troyes, le 3 mars 1814
peinture de Ch Langlois, musée de l'Armée, Paris

 

A Cluny, le Baron Gustave de Damas, le fils du Comte de Damas d'Audour, à la tête de 600 francs-tireurs, veut donner une leçon de patriotisme aux Mâconnais. Il poste ses hommes derrière les remparts encore debout à cette époque. Un détachement autrichien de 6 000 hommes, commandé par le Général autrichien Baron de Menningen, débouchant par la vallée de la Grosne, se présente le 7 mars 1814, venant du château de Cormatin où avait été établi son PC.
Reçu par une fusillade nourrie, deux parlementaires ennemis envoyés par le Général sont abattus.
Les Autrichiens se replient sur Cormatin, bivouaquant dans les cours et le parc du château. Ignorant l'état de la "garnison" de Cluny et sans artillerie, Menningen est bien décidé à revenir le lendemain avec des forces accrues et à châtier exemplairement la ville.
Damas, jugeant qu'il avait fait un coup de folie, évacue Cluny dans la soirée, laissant ses paisibles habitants dans une tragique inquiétude quant aux représailles qui allaient s'abattre sur eux.
Ils envoient une délégation à Cormatin pour essayer de plaider leur cause. Menningen ne veut pas les recevoir, les faisant aviser de son inflexible intention de punir la vieille cité.
Heureusement, la châtelaine de Cormatin, la belle Nina Dezoteux (la fille du fameux chef des chouans de Bretagne), comtesse de Pierreclau, est plus persuasive et, après plusieurs tentatives, elle obtient le pardon de Cluny.
La ville n'eut à subir que les rigueurs d'une très forte réquisition de denrées de toute espèce.

 

 

Une tentative de retour des Français, venus de Lyon pour "tâter de l'ennemi", le 10 mars, se solde par un échec qui ouvre la route de Lyon aux Alliés.
Alix des Roys raconte :
"Le jeudi 10 mars 1814, grand nouveau combat, les Français sont au nombre de douze mille pour repousser les Autrichiens. La bataille a duré depuis 7 heures du matin jusqu'à 4 heures du soir, avec une égale ardeur des deux côtés. Il y a eu une perte à peu près égale des deux parts, on faisait monter à quatre mille hommes les tués et les blessés. Nous n'avons cessé d'entendre le canon et de voir passer des blessés. Cette journée a été affreuse !"
"Au retour de la bataille, la nuit qui l'a suivie et le lendemain, toutes les maisons ont été pillées dans presque tous les villages environnant Mâcon, et plusieurs même dans la ville, presque toutes dans les faubourgs Saint Antoine et La Barre."
"Beaucoup d'excès de tout genre ont été commis : malheureux fruits de la guerre !"

 

aux armées, en 1815

 

La Restauration suivit l'abdication de Napoléon. Elle fut saluée avec enthousiasme par la bourgeoisie mâconnaise, malgré l'occupation ennemie dont elle s'accompagnait et qui dura jusqu'en juin. Le passage de la duchesse d'Angoulême, le 9 août 1814, puis du comte d'Artois, le 6 septembre, furent l'occasion de fêtes et d'acclamations enthousiastes.

Mais en mars 1815, tout changea brusquement à la nouvelle du retour de Napoléon et ce fut au tour de la foule populaire de pavoiser. Remontant sur Paris, Napoléon coucha à Mâcon la nuit du 13 au 14 mars. Maire et préfet mis en place par Louis XVIII avaient disparu. Napoléon reçut froidement les délégations venues lui présenter des adresses à l'hôtel du Sauvage."

 

la bataille de Ligny, au nord-est de Charleroi (Belgique)
victoire de Napoléon sur les Prussiens, le 16 juin 1815

 

Cet article est principalement rédigé à partir de "l'Histoire de Mâcon et du Mâconnais" d'Emile MAGNIEN, étoffé de l'article d'Adrien ARCELIN sur "les Autrichiens à Cluny" (Annales de l'Académie de Mâcon 1900), ainsi que par des extraits du "Manuscrit de ma mère" de LAMARTINE (Hachette 1911).
Pour les questions militaires, le livre de référence est celui de Ronald ZINS "1814, l'armée de Lyon, ultime espoir de Napoléon" (Horace Cardon, éditeur 1998)

 

Jean Bareau, reçu à l'Hôtel des Invalides (1694)
L'année 1789 vue par le curé de la paroisse
Chez une cultivatrice mâconnaise en 1812
La chute de l'Empire en Mâconnais (1814-1815)
Jean-Pierre Valentin "enfant exposé" (1822)
Interné après le coup d'Etat de décembre 1851
Mort du fusilier Jean Desroches en Algérie (1856)
Jean Thévenet blessé à la bataille de Solférino (1859)
 

vers St Léger sous la Bussière

 

   

 

https://www.stleger.info