Je vous écris ces quelques mots pour vous donner
de mes nouvelles et en même temps pour en recevoir des
vôtres. Il vous ennuiera sans doute de recevoir de mes
nouvelles puisque, cette fois, j'ai été plus longtemps
à vous rendre réponse qu'à l'habitude.
Mais il ne faut pas que cela vous
déplaise, car si je ne vous ai pas écrit plus
tôt, c'est parce que je voulais vous envoyer le colis dont je
vous avais parlé, en même temps que cette lettre, et
tout ce que je voulais mettre dedans n'était pas prêt.
J'ai bien reçu la dernière lettre
que vous m'avez envoyée, qui partait de St Léger le 2
février et qui arrivait le 26 à Blidah. J'ai
reçu le mandat que vous m'avez envoyé, et sur votre
lettre j'ai été heureux en apprenant que vous
étiez tous en bonne santé, mais aussi j'ai
remarqué que depuis un peu de temps il était mort
beaucoup de monde.
Cette semaine, Zacharie a reçu une
lettre qui venait de St Léger, qui lui apprenait la mort du
père Morinière. Il faut que le temps soit bien mauvais.
A la prochaine lettre, je vous prie de me dire
si il fait froid, car voilà l'hiver qui s'avance, et je ne
m'en suis pas encore aperçu, puisque à Blidah il fait
toujours chaud.
A Blidah, il meurt du monde aussi, mais aussi
il y en a qui se marient. L'autre jour, je revenais de la ville, je
passais devant l'église et j'ai eu le plaisir de voir une
mariée qui en sortait. Il me semble qu'à St
Léger le monde se marie pas dans le carême.
A la dernière lettre, je vous avais dit
qu'à la prochaine lettre je vous expliquerais comment se
trouve posé Blidah par rapport à Alger. Eh bien, sur
cette lettre, je vais vous l'expliquer : figurez-vous que
Beaupréau soit Alger, et que Cholet soit Blidah.
Comme Cholet se trouve à droite de
Beaupréau, Blidah se trouve à droite d'Alger,
c'est-à-dire au sud. Maintenant, figurez-vous Cholet
auparavant que la caserne soit construite, je veux parler du temps
dont il y avait des baraques à la gare. Eh bien, c'est comme
si que je serais dans ces baraques, et que Zacharie serait à
l'ancienne caserne, qui avait lieu dans l'intérieur de la
ville. Ça se trouve posé la même chose. Lui se
trouve dans l'intérieur de la ville, tandis que moi je m'en
trouve retiré un peu.
Maintenant, vous voyez que c'est bien comme je
vous l'avais dit en premier, que l'on est pas ensemble, mais aussi
que l'on est pas loin l'un de l'autre. Maintenant, la ville de Blidah
est un peu plus petite que la ville de Cholet. Mais aussi, c'est
beaucoup plus resserré : les rues sont étroites. Il y
en a que deux qui sont assez belles : c'est l'avenue de la gare et la
rue d'Alger.
Blida / l'avenue de
la Gare
Blida / la rue
d'Alger
Blidah se trouve au pied d'une montagne, et
d'une montagne extrêmement haute, il faut le voir pour le
comprendre. En ce moment-ci, le sommet de la montagne est couvert de
neige, il y a longtemps que Zacharie a envie d'y aller faire un tour.
Mais c'est très fatigant, et puis, en même temps, il n'y
a pas s'y fier, car les indigènes qui sont dans ces montagnes
sont méchants. Il y en a qui y ont été, et qui
ont dit qu'ils y retourneraient jamais. Avec ça, il y a
beaucoup de bêtes sauvages et des serpents.
De l'autre côté de la ville se
trouve une plaine immense, qui se nomme la plaine de la Mitidja.
C'est dans cette plaine qu'il y a tant d'orangers et de mandariniers,
c'est cette plaine qui sépare Blidah de Coléha
(1), ce
Coléha où Joseph, de la Bourie, a été si
longtemps.
la ville de
Blida
Assez causé là-dessus, parlons
d'autre chose maintenant : à la fin de votre lettre, je
remarquais ces quelques mots : "Je te prie, lorsque tu sauras si tu
es reçu, de nous écrire".
Je ne vous ai pas écrit aussitôt,
car je pense que vous aurez eu de mes nouvelles par la lettre que
j'ai envoyée à la Bourie. Eh bien oui ! à cet
examen, j'ai été reçu, mais cet examen avait peu
d'importance, et l'on va en passer d'autres qui auront plus
d'importance. L'on va en passer un le 15 mai, et l'autre au mois
d'août.
Je ne sais pas ce qu'ils veulent faire de nous
autres, mais ce qu'il y a, c'est qu'on a pas une minute de repos.
L'on s'attendait que lorsque nos classes seraient finies, l'on aurait
été plus heureux, mais c'est encore pire qu'auparavant.
A présent, il nous faut apprendre la théorie, et
surtout l'école du soldat qu'il faut savoir mot à mot.
Tenez ! pour mieux vous faire comprendre ce que
c'est que d'être élève caporal, je vais vous dire
comment l'on passe son temps. Le matin, l'on se lève toujours
à 5h1/2. A 6h, l'on rappelle pour la théorie orale et
pratique, puisque l'on fait tout à la fois. Il nous faut
d'abord la réciter et ensuite, il nous faut commander comme si
l'on était déjà caporal, et vous pouvez croire
qu'ils nous font crier. L'on est là pendant deux heures
à faire la même chose, c'est à dire
jusqu'à 8h.
A 8h, l'on a l'appel. A 9h, l'on a la soupe.
Après la soupe, il faut étudier sa théorie pour
11h. A 11h, l'on a la théorie. A midi, l'on a escrime ou
gymnase. Le mardi et le vendredi, à midi, l'on a cours de
grammaire ou d'arithmétique. Tous les mercredis, l'on a marche
militaire.
Tous les jours, excepté le mercredi,
à 2h l'on a école de section ou le service en campagne.
Et quand l'on a le service en campagne, l'on arrive pas souvent avant
5h, parce que le lieutenant dont je vous ai déjà
parlé, qui traversait si bien les rivières la semaine
du mardi gras, a acheté un cheval et, à présent,
il nous donne pas beaucoup de repos. A 5h, l'on a la soupe, et
après la soupe il faut encore se mettre à
étudier sa théorie pour le lendemain matin.
Voilà comme l'on passe son temps.
Maintenant, ce qu'il y a d'agréable
c'est qu'on ne fait pas de corvées, et l'on monte la garde
qu'une fois par mois. Mais tout ça ne me fait rien, j'aimerais
bien mieux être pas élève caporal.
Tenez, pour mieux vous faire comprendre que
l'on a beaucoup de travail, si vous voulez, je vous enverrai le
programme de tout ce que l'on a à apprendre pour le 15 mai.
Que je vous parle un peu de Zacharie : il est
bien plus heureux que moi. Il a pas de théorie à
apprendre puisqu'il est ordonnance. Lui va se promener à
cheval, tandis que moi je vais souvent me promener avec le sac sur le
dos. Il est ordonnance d'un capitaine, et il lui a dit qu'il allait
quitter Blidah bientôt.
Maintenant, parlons un peu du colis que je vous
envoie : je l'ai mis en gare aujourd'hui à 1h. J'espère
qu'il arrivera à Cholet vers le milieu de la semaine
prochaine. Il pèse 3 kg moins 100 grammes. Voilà ce
qu'il contient : il y a une tabatière avec du tabac dedans,
une pipe arabe avec du tabac dedans, et deux cigares, le
résumé d'une fête arabe, 3 oranges, 3 mandarines,
des cacahuètes, des dattes, un journal.
Maintenant, il y a un livre qui vous expliquera
l'arabe et mon portrait. J'espère que vous serez contents
d'avoir tout cela, et surtout le livre et mes deux portraits.
|
Valentin en tenue
de tirailleur
|
Parlons un peu de mon portrait : je suis assez
bien photographié, mais il y a une chose qui me
déplaît, c'est le gland de ma chiachia (2) qui ne paraît
pas assez. Je me suis fait tirer en grande tenue, c'est-à-dire
comme l'on est le dimanche. A la prochaine lettre, vous me direz si
je suis bien réussi.
Je pense que Francis va dire que c'est bon, les
dattes.
A la prochaine lettre, donnez-moi l'adresse de
mes oncles de Cholet. Maintenant, si vous voulez m'envoyer un colis
comme je vous avais dit à la dernière lettre, mettez-y
une paire de chaussettes en fil, avec mon matricule qui est 5828.
Cette semaine, j'ai reçu une lettre de
Marie Soulard, de la Poissardière. Elle me dit qu'à St
Léger il fait froid ; moi, je m'en aperçois pas.
Rien autre chose pour le moment, je suis toujours en bonne
santé et je désire que ma lettre vous trouve tous tels
qu'elle me quitte.
Votre fils, Baudry Valentin
Au 1er régiment de tirailleurs, 1er
bataillon, 2e compagnie, à Blidah, Algérie
Dites-moi si dans le colis que je vous envoie,
il y a bien tout ce qui est marqué sur cette lettre. Je vous
en aurais bien marqué davantage mais le temps me manque : j'ai
6 pages de théorie à apprendre pour demain
matin.
(1) Koléa
(2) ma chéchia (maintenant
au féminin)
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la
chéchia
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Souvenir d'une fête arabe /
février 1883
|
Souvenir écrit par un jeune
français, soldat au 1er régiment de tirailleurs
algériens, 1er bataillon, 2e compagnie à Blidah
(Algérie)
Souvenir
d'Afrique
L'on était au mois de janvier 1883 et,
dès au commencement de ce mois, l'on entendait dire que dans
ce mois, il y allait avoir une fête qui durerait trois jours.
Et, comme dans le métier de militaire l'on aime bien le repos,
moi qui en est du nombre, vous pouvez croire que cela ne me
dérangeait pas d'entendre dire que l'on serait trois jours
sans rien faire.
En Afrique, il se paraît que cette
fête a lieu tous les ans, à la même époque.
Cette fête est une fête arabe, comme vous allez le voir
plus loin, car en France il ne se fait pas de fête comme
ça, et cette fête se nomme la fête des
bougies.
La fête commençait le dimanche 21
janvier. Le premier jour, l'on ne voyait rien de plus qu'à
l'ordinaire. Le lundi 22, c'était la même chose, mais le
mardi 23 janvier, dès au point du jour, l'on entendait sonner
dans la montagne les timbales, les tambours et beaucoup d'autres
musiques que je ne connais pas. En un mot, il y avait toute la
musique des indigènes.
Peu à peu, l'on entendait que cette musique approchait et
enfin, vers 8h du matin, elle arrivait devant notre caserne, et je
puis vous dire que l'on a été bien étonné
en voyant tout cela.
En tête, il y avait d'abord 12 drapeaux.
Derrière les drapeaux, la musique. Derrière la musique,
les marabouts qui étaient au nombre de six ; ils
étaient à cheval et en grande tenue. Derrière
ces marabouts venaient hommes, femmes et enfants, "nass, fatmas,
mouthiathiou" (1). Ils pouvaient être au nombre de 150 à
200, et vous pouvez croire que c'était une jolie procession
!
Ça marquait bien, je voudrais que vous eussiez vu cela (c'est
incroyable !)
Maintenant, la troupe était
passée (bien). Mais ce n'était pas tout, il fallait
savoir où la fête avait lieu. Et environ un quart
d'heure après que la procession a été
passée, l'on se demandait tous les uns aux autres : "Sais-tu
où la fête a lieu ? Sais-tu où la fête a
lieu ?"
L'on entendait que ça. A force de le demander, on a fini par
savoir que la fête avait lieu à environ à 4km de
Blidah, à un certain endroit nommé
Fontaine-Fraîche. Joli nom ! Mais tout à coup, vers les
10h, l'on entend encore : "Broum, broum !" Et alors, l'on s'est dit :
"Ah ! Ah bon ! ça va bien ! Voilà la procession qui
revient ! Il faut aller se mettre en tenue, l'on sortira, l'on suivra
la procession et, comme ça, il nous sera facile d'arriver au
lieu de la fête".
Ça ne manque pas : voilà la
procession qui arrive, et nous voilà tous bien
décidés à la suivre. Mais seulement, ces
gens-là n'étaient pas pressés, ils marchaient
pas fort et, nous autres, il nous ennuyait déjà
d'arriver. Un disait : "Ah, l'on a bien le temps !" L'autre disait :
"Passons devant !" Enfin, l'on s'est décidés à
passer devant. Nous voilà donc partis pour
Fontaine-Fraîche.
Maintenant, je ne vous dirai pas tout ce que
l'on a vu sur la route, je n'en finirais pas. Pour moi, ce que j'ai
remarqué, c'est trois ou quatre minoteries, qui avaient l'air
assez conséquentes, un moulin à papier qui avait l'air
assez conséquent aussi, et ensuite, les oranges, les
mandarines qui ne manquaient pas. Mais seulement, Fontaine n'arrivait
pas fort !
En partant, ils nous disaient qu'il y avait 4
km, mais moi je crois qu'en Afrique les kilomètres sont longs,
et que ces 4 km en valaient bien six comme ceux de France !
Enfin, tout d'un coup, il y en a qui disent :
"Nous voilà arrivés !" Mais moi, je ne voyais rien. Je
me disais : "Ce n'est pas là, ce n'est pas possible !" Mais
ça se trouve un peu à côté de la route,
dans un endroit bas, ce qui fait que l'on ne voyait rien.
En arrivant, j'ai dit : "C'est ça… (joli
nom, mais triste village)".
Vous allez voir, je vais vous dire en quelques mots comme c'est
composé : l'on y voit 3 ou 4 petits gourbis qui ont
plutôt l'air de cages que de maisons. A gauche se trouve la
cage des marabouts (2), je ne sais pas comment l'appeler… J'appelle ça
des cages, moi. Ça a cinq ou six pieds de haut, c'est dans ces
endroits-là que les marabouts sont reconnus et reçus.
A l'est se trouve leur cimetière. Je ne
peux pas vous dire comme c'est arrangé, il faut le voir pour
le comprendre, mais ce que je vous dirai, c'est que, comme l'on
arrivait, l'on portait un mouthiathiou
(1) en terre. Ça a bientôt
été fait ! Ils ont fait un petit trou, ils l'ont
posé dedans doucement. Ensuite, ils se sont mis autour et
ensuite, ils se sont tous mis à chanter et, un moment
après, ils se sont tous mis à rire comme si ils
n'avaient rien vu.
Cela vous étonnera peut-être mais
c'est comme ça, et il ne faut pas oublier que quelquefois,
c'est quand ils ont du chagrin qu'ils chantent le plus fort. Je
l'avais vu dire peu de temps après mon arrivée à
Blidah. Je ne voulais pas le croire, mais depuis ce temps-là,
je me suis aperçu que cela était vrai.
Revenons à notre fête et
continuons : pendant ce temps-là, la procession approchait et
enfin, vers midi, elle arrivait. Ils ont tous été se
grouper dans le cimetière autour des marabouts. Là, il
y avait de quoi rire : les uns chantaient, les autres pleuraient.
J'en voyais beaucoup qui avaient des bougies, et je me disais : "Mais
qu'est-ce qu'ils veulent faire de ça ?"
Mais, tout à coup, voilà une
fatma qui s'avance vers un marabout, et elle lui donne une bougie
avec un joli cierge. Je me suis dit : "Tiens ! Voilà la
fête qui commence".
Lorsque le marabout a eu reçu sa bougie et son cierge, il
s'est mis à crier : "Giou gia giou gia gia" (3). Il n'y avait pas
moyen d'en comprendre un mot, mais, moi, je me suis figuré que
c'était le nom de ceux ou de celles qui donnaient des cierges
et des bougies qu'il nommait comme ça.
Ce tapage-là a duré au moins une
heure et, lorsque tout le monde a eu fait ses cadeaux, les marabouts
se sont mis à ouvrir leurs mains, à les regarder et
à réciter comme si ils avaient lu dans un livre.
Maintenant, qu'est-ce qu'ils disaient ? Je n'en sais rien.
Tout d'un coup, les hommes ont parti, les fatmas se sont
rassemblées ensemble. Moi, je croyais que c'était fini,
mais je me trompais.
Lorsque l'on a été sortis du cimetière, l'on a
vu un bœuf et un mouton, l'on s'est dit : "Qu'est-ce qu'ils veulent
faire de ça ?", mais nous l'avons bientôt vu, ce qu'ils
voulaient en faire (lecteurs, vous l'avez peut-être
déjà deviné).
Ces deux animaux étaient pour la
fête et pour être tués à l'endroit
même. Ça ne manque pas : tout à coup, l'on en
voit cinq ou six. Des vilains messieurs, je vous réponds, qui
amènent le bœuf à un certain endroit, sous un olivier
qui se trouvait là. Maintenant, je ne sais pas si c'est qu'ils
avaient oublié de prendre des cordes pour attacher l'animal ou
si ce n'est pas leurs habitudes, enfin ce qu'il y a, c'est qu'ils en
avaient pas. Les voilà qui se mettent dans l'idée
d'abattre le bœuf comme ça, mais qu'arrive-t-il ? L'animal
leur échappe, et c'est là qu'il fallait voir le monde
se remuer, surtout les tirailleurs qui se trouvaient là. Il y
en a trois ou quatre qui en ont perdu belle !
Le premier qu'il a fiché par terre,
c'est un tirailleur. Il ne lui a pas fait grand mal, heureusement
pour lui. Il s'est relevé et c'est lui qui se sauvait ! Son
turban était par terre mais il le laissait bien. L'animal n'a
pas été loin, ses derniers maîtres le suivaient
toujours, ils l'ont repris et ils ont arrivé à le faire
tomber par terre. Une fois qu'il a été par terre, ils
se seraient bien battus à qui lui coupe la gorge, car les gens
dont je vous parle sont qu'à demi civilisés et ils ne
connaissent que de couper la "cabèche".
Il y en a un qui lui coupe le cou presque tout
entier et, aussitôt, ceux qui étaient là se sont
marqué le visage de sang, pour faire voir qu'ils avaient
assisté au massacre (moi, j'appelle ça un massacre).
C'est là que j'ai vu qu'ils étaient encore
moitié sauvages.
Le mouton y a passé la même chose,
et, aussitôt, les fatmas se sont fait entendre en poussant des
cris. Voilà comme étaient ces cris : "Giou, giou, giou,
giou, giou, giou, giou, giou, giou, giou, giou, giou..."
Tout cela était assez singulier pour nous autres, mais
seulement, ce n'était pas encore ça que l'on
désirait voir. Auparavant de partir, l'on nous disait qu'il y
allait avoir un bal, et c'est précisément ce que l'on
aurait désiré voir. Mais l'heure s'avançait et
il nous fallait partir. L'on a parti à 4h. Lorsque l'on est
parti, les fatmas étaient encore au même endroit
qu'elles avaient été toute la journée.
Maintenant, je ne sais pas jusqu'à quand
elles y auront resté, mais je me suis aperçu qu'elles
avaient beaucoup de patience, car, pour rester 3 ou 4h accroupi dans
le même endroit, il me semble qu'il faut avoir de la patience.
Lorsque l'on est partis, le bœuf et le mouton
étaient en plus de 500 morceaux. Ils auront eu de quoi
bouleter dans la nuit, et ça leur aura donné de la
force pour danser.
Maintenant, je vais vous le dire comme
ça nous a été dit : ils nous ont dit que ceux ou
celles qui tomberaient en dansant, ils les feraient brûler.
L'on a aussi passé près de la
"cage" des marabouts. Il y en avait qui étaient là
à faire leurs singeries. Ah ! je vous réponds qu'ils
nous ont fait rire.
A 4h, l'on quittait Fontaine-Fraîche et l'on s'en revenait tous
bien contents d'avoir assisté à une fête arabe.
Fin
Maintenant, je vais vous expliquer pourquoi
ça se nomme Fontaine Fraîche (ce n'est pas
surnommé) : il y a une fontaine dont l'eau sort par un tuyau
de la grosseur de la cuisse, et il se paraît que c'est
continuellement comme ça .
Voilà ce que j'ai trouvé de plus curieux : Fortin
Zacharie était avec moi, et on se disait : "Mais s'ils
voyaient des fêtes comme ça chez nous, qu'est-ce qu'ils
diraient ?". Aussitôt que la fête a été
passée, je m'étais dit qu'il fallait que j'en fasse un
petit résumé. Eh bien, ce résumé, le
voilà !
Maintenant, il y manque du style, je le sais, mais c'est assez de
l'écrire une fois sans l'écrire deux.
Maintenant, chère sœur, si tu veux, tu
peux le copier, et tu corrigeras le style et, en même temps,
l'orthographe qui y manque.
Souvenir d'une fête arabe, février
1883, Baudry V Adrien
(1) nass : des gens / fatmas : ces chers
soldats, depuis la conquête de l'Algérie (1830),
appelaient toutes les femmes arabes des fatmas ; c'est aussi un
prénom de femme / mouthiathiou : mouchacho (enfant en
espagnol)
(2) Le marabout est aussi un
mausolée, peint en blanc, où repose un musulman
marabout. Ce monument peut se trouver dans un cimetière, mais
aussi dans le lieu où le chef religieux, le saint, le
dignitaire, est décédé. Femmes et hommes y font
des visites lors des fêtes de l'Aïd el Segir (la petite
fête) et l'Aïd el Kebir (la grande fête) et font
l'aumône pour les morts. Valentin relate très
certainement ici la fête de l'Aïd el Kebir, ou fête
du mouton, qui intervient 40 jours après le carême (le
ramadan).
Blida / le Bois
Sacré et le marabout de Sidi-Yacoub
(3) you you you ya, cris de joie
poussés lors des mariages, fêtes…
autre hypothèse : le marabout ne s'adresse pas aux êtres
humains, mais aux démons (jinns)…
dattiers
"Je pense que Francis va dire que c'est bon, les dattes."
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