Je vous écris deux mots pour vous donner de mes
nouvelles et en même temps pour en recevoir des vôtres.
J'ai attendu quelques jours à vous faire réponse, parce
que il était toujours question du Tonkin, mais à
présent l'on en parle moins. Il y a cependant des tirailleurs
qui y sont partis, mais c'est des tirailleurs qui sont au
Sénégal et en Cochinchine, et pour les distinguer des
tirailleurs algériens, on les nomme les tirailleurs annamites.
Si l'on y va, ça demande toujours du temps.
Il va être formé un 4e
régiment de tirailleurs qui aura son dépôt en
Tunisie. La semaine dernière, il y a un tirailleur
indigène qui a tué un sergent français.
Il y en a beaucoup qui connaissent ce que c'est que d'être
soldat, mais peu qui connaissent ce que c'est que d'être aux
tirailleurs. Pour moi, je ne m'en serais jamais donné une
idée.
Je veux pourtant vous parler d'une chose, il y
a déjà longtemps que je pensais vous en parler. Je
crois me rappeler que lorsque je suis parti pour venir en Afrique, il
y en a un d'une ferme de Bégrolles qui était à
Alger au 1er Zouaves. Je ne vous dirai pas son nom, je ne m'en
rappelle pas. J'espère que vous vous en occuperez et que vous
me donnerez son adresse : s'il est de la classe et qu'il soit encore
à Alger, j'irai le voir auparavant de partir.
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Blida / le
marché
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Parlons un peu du commerce : je ne sais pas si
du côté de Cholet, le commerce des moutons est bon, mais
en Afrique, je crois qu'il n'est pas mauvais. L'autre jour, j'en ai
vu passer une bande, je pense qu'il y en avait plus de 4 000. Toutes
les semaines, il en passe comme ça. Ce sont des moutons qui
vont s'embarquer à Alger et qui vont ensuite à
Paris.
Cette semaine, tous les matins, il y a eu
école de bataillon. Aujourd'hui, à 7h, l'on a
passé la revue du commandant.
Des abricots, des prunes, des cerises, il y en
a beaucoup, mais l'on en voit plus que l'on en mange. Les cerises
valent 50 centimes la livre, les abricots et les prunes de 6 à
8 sous.
Il fait grand chaud, aussi à
présent la soupe ne vaut rien.
Vous me direz aussi si André Soulard est
toujours au Mans. Vous me direz qui est le domestique qui est au
Cartron. Vous me direz aussi si il y a eu beaucoup de fourrage, et si
il a fait beau temps pour le faire sécher. A Blidah, la
moisson est presque finie.
Si vous voulez avoir la bonté de
m'envoyer de l'argent, vous me ferez grand plaisir.
Dans mon escouade, l'on a changé de
caporal : celui qui y est à présent ne comprend pas
beaucoup le français, c'est un indigène.
Rien autre chose Je suis toujours en bonne
santé et je désire que ma lettre vous trouve tous de
même.
En attendant le plaisir de vous revoir, je suis
votre fils qui ne vous oublie pas.
B V Adrien
Baudry Valentin,
1er Tirailleurs algériens, 1er
bataillon, 2e compagnie, Blidah, Algérie
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