Blidah, le 8 août 1883

 

Mes chers parents,

 

J'ai attendu quelques jours à vous rendre réponse, en voici la raison : vous savez qu'à la dernière lettre je vous disais qu'il était question que l'on partirait à Homald aussitôt nos examens terminés. Aujourd'hui, j'en suis convaincu.
Voici ce qu'il y avait sur le rapport d'aujourd'hui : "Les jeunes soldats qui sont passés à l'école de compagnie, ainsi que les soldats du peloton d'instruction, doivent s'attendre à rejoindre leur bataillon aussitôt les examens terminés." Nos examens finiront samedi. Ceux qui ont de l'argent pourront s'y rendre en voiture. Moi, j'ai encore un peu de monnaie, mais si vous pouviez m'en envoyer d'autre, vous me feriez énormément plaisir.

Il y en a beaucoup qui ont envoyé des dépêches. Moi, je n'ai pas voulu vous en envoyer, parce que je craignais de vous donner un peu d'inquiétude. Maintenant, si vous m'envoyez de l'argent, envoyez-moi-la par mandat télégraphique et immédiatement. Peut-être que je ne serai plus à Blidah lorsque vous recevrez ma lettre. Je ne me réjouis pas beaucoup de voyager par une chaleur pareille, et je ne suis pas le seul...

Maintenant, parlons un peu de ce que vous m'avez envoyé : tout était bien dans le colis, les poires s'étaient bien conservées. Je vous remercie beaucoup de tout cela. Si je recevais souvent de toutes ces choses-là, ça me donnerait des envies de retourner en France !

Le nommé Gaborit dont vous m'aviez parlé, je ne le connais pas.

Le 3e bataillon est à Alger. Il s'en va à Laghouat. 16 jours de marche, barqua ! (1)

Je vous écrirai aussitôt que je serai rendu à Homald. Maintenant, si toutefois vous vouliez m'écrire, je serai à la 2e compagnie du 2e bataillon.

Comme j'espère être pas longtemps à Homald, je laisse ma malle à Blidah.

Moi qui pensais si bien aller faire un tour à Alger, dans ce métier-là, l'on ne peut rien se promettre…

Je suis toujours en bonne santé et je désire que ma lettre vous trouve tous de même.

En attendant le plaisir de vous écrire une autre lettre, je suis votre fils qui vous aime et ne vous oublie pas.

Baudry Valentin, 1er Tirailleurs, 1er bataillon, 2e compagnie (subsistance), Blidah, Algérie

 

(1) barka : expression algérienne qui marque l'étonnement, la surprise ("16 jours de marche, arrête !")

 

Blida

 

 

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