Blidah, le 20 septembre 1884
Vous me demandez si j'ai bien reçu
l'argent que vous m'avez envoyé au commencement de juillet.
Oui, je l'ai bien reçu. Si je vous l'ai pas dit, c'est par
oubli. J'ai reçu le mandat télégraphique que
vous m'avez envoyé le samedi soir, je vous en remercie
beaucoup. Depuis que je suis à Blidah, j'ai eu le
plaisir de voir plusieurs pays (1), et en particulier
Papian qui arrive de permission. Hier soir, j'étais avec lui :
il m'a dit qu'il avait été à Cholet. J'aurais
été content d'aller en permission au printemps, mais
comme je vais à Laghouat, il faut pas y compter ! Ah, coquin
de sort, va ! Y en a pas la chance ! Bref, nous partons donc mardi 29 pour Laghouat.
Nous y arriverons le 8, et le 10 nous partons aux grandes manœuvres.
En arrivant, pour nous refaire un peu, on nous donnera 13 paquets de
cartouches. On dit que c'est des grandes manœuvres que nous ferons,
mais on craint beaucoup que ce soit une colonne. Pouh ! in al din
métier enta l'askers. (2) Lorsque vous recevrez cette lettre, ,je serai
déjà loin de Blidah. Nous arriverons dans le
désert le 30… Le bataillon est composé de 800 hommes.
Il y a deux jours que j'ai quitté l'ordinaire. En route, ce
n'est pas bien amusant. PS : Je viens de recevoir une lettre de
Zacharie. Il me parle de ma malle, je ne comprends pas trop ce qu'il
veut me dire. De Cherchell à Blidah, je l'ai mis au transport
de la guerre dans le nom d'un officier. Je pense bien la laisser
à Blidah. Zacharie la trouvera en arrivant. Pour la faire
transporter à Laghouat, c'est difficile. Rien autre chose pour le moment, je manquerais
pourtant pas de choses à vous dire... Chers parents, que je serais content de vous
voir ! Mille compliments à St Léger,
ainsi qu'à tous ceux qui demanderont de mes nouvelles.
Maintenant, je vous écrirai, si j'y
arrive, qu'en arrivant à Laghouat. Adieu et au revoir, chers parents. Je suis, en attendant le bonheur de vous
revoir, votre fils et frère qui vous aime tous. Baudry Valentin 1er Tirailleurs, 2e bataillon, 2e compagnie,
Blidah, Algérie A faire suivre. (1) gars du pays (2) En crachant, Valentin dit : "Que Dieu
maudisse ce métier de soldat !" retour
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A la 2e étape, j'ai reçu deux lettres venant de St
Léger. Ce qui m'a bien étonné, il y en a une qui
a été longtemps en route.
On va chanter : "Des tirailleurs d'Afrique / Oui, j'en ai plein le
dos / On y marche trop vite / On n'y boit que de l'eau !"