Je vous écris quelques mots pour vous donner de
mes nouvelles et en même temps pour en recevoir des
vôtres.
Depuis la dernière lettre que je vous ai
écrit, j'ai été en témoignage devant le
1er conseil de guerre d'Alger. Il y a environ 3 mois, un jour, je me
trouvais de planton à l'atelier des travaux publics de
Cherchell lorsque l'on a ramené un détenu qui
s'était évadé de l'atelier quelque temps
auparavant. En s'évadant, il avait emporté beaucoup
d'effets, mais lorsque on l'a ramené, il ne rapportait plus
rien. Me trouvant là, j'ai été obligé
d'être témoin, c'est pour cela que j'ai
été à Alger. J'y ai resté 15 jours. J'ai
été bien content de voir la ville. En revenant, j'ai
aussi resté plusieurs jours à Blidah.
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une rue
d'Alger
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Parlons un peu de mardi gras, puisque
c'était hier le jour : je m'en suis pourtant guère
aperçu, car nous avons eu exercice comme à l'habitude.
De plus, c'est hier que nous avons commencé nos tirs à
la cible, nous avons chacun 240 cartouches à brûler.
C'est vrai que les quelques jours que j'ai passés à
Alger remplacent. Et puis… faut-il le dire ? comme je suis revenu
d'Alger un peu mesquine, le mardi gras a passé sans que je
m'en aperçoive. Samedi, j'étais de garde.
J'étais encore de planton aux travaux (vilaine place !). Je
vous dirai que notre colonel Colona d'Istria (1) a pris sa retraite, il
est retourné dans son pays natal Ajaccio. Notre
lieutenant-colonel qui est au Tonkin est passé colonel.
Lorsque votre lettre est arrivée
à Cherchell, moi, j'étais à Alger. J'ai
reçu la réponse de ma marraine deux jours avant de
partir pour Alger. Vous lui direz que je la remercie beaucoup des
souhaits qu'elle forme pour moi, ainsi qu'à mon parrain qui
m'a fait réponse il y a déjà longtemps.
Sur votre lettre, j'ai remarqué que vous
croyez que je devais m'ennuyer beaucoup avec ces indigènes.
C'est vrai que ce n'est pas toujours bien agréable, mais ce
qu'il y a, c'est que la discipline est bien moins
sévère que dans les autres régiments. Enfin, je
ne me fais pas trop de bile, je prends bien le temps comme il
vient…
Vous souhaiterez bien le bonjour pour moi
à ceux qui demanderont de mes nouvelles. Rien autre chose pour
le moment.
Je suis toujours en bonne santé et je
désire que ma lettre vous trouve tous tels qu'elle me quitte.
Votre fils qui vous aime, Baudry
Valentin,
1er régiment de Tirailleurs, 2e
bataillon, 2e compagnie, Cherchell
Lorsque vous achèterez
l'Intérêt Public, ayez la bonté de me l'envoyer,
je serais curieux de le voir.
(1) une famille de militaires, il y en avait
encore en 1945
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