Djelfa, le 5 novembre 1884

 

Mes chers parents,

 

Je fais réponse à votre lettre que je viens de recevoir.

Vous devez être bien inquiets sur l'état de ma santé, mais tranquillisez-vous : aujourd'hui, je suis bien rétabli. J'ai cependant été bien malade. Bref, je pense que dans quinze jours ou trois semaines d'ici au plus tard, je serai à St Léger. Là, nous pourrons causer.

J'ai trois mois de convalescence, mais je pense bien en avoir 5 ou 6. Elle m'a été accordée lundi. Je peux partir dans 6 jours, dans 8 jours, je n'en sais rien.

J'ai bien reçu les 30 francs que vous m'avez envoyés par télégramme. Je vous en remercie beaucoup. Ce serait possible que j'en aurais assez pour faire la route. Il en faut pourtant beaucoup d'ici Blidah. Dans les caravansérails, c'est triste...

Je tiendrais beaucoup à vous emporter quelque chose d'Algérie. C'est pour cela que j'aurais bien été content d'avoir un peu plus d'argent. Maintenant, anna santifique, débarrassé (1), comme vous voudrez…

Vous me ferez réponse aussitôt ma lettre reçue, et comme je serai probablement plus à Djelfa, vous l'adresserez à Alger : Baudry Valentin, 1er régiment de tirayours, poste restante, Alger.

PS : Vous me direz si le 50e de ligne est encore à Alger.

A Djelfa, le vin n'est pas cher : 1 franc 20 le litre. In al din pays macache bono ! (2)

Je termine, je ne vois plus.
Ça ne m'aurait rien fait de pas aller en convalescence.

A bientôt.
Votre fils qui vous embrasse, Baudry Valentin

 

(1) "Saha fik" signifie littéralement : "Que la santé soit sur toi !", c'est-à-dire :"Que tu aies la santé !" Quand Valentin dit "anna santifique", il dit : "Je suis débarrassé, ça m'est égal, je m'en fiche !"

(2) "Que Dieu maudisse ce pays qui n'a rien de bon !" Notre Valentin commence à blasphémer : "In al dine" est un blasphème.

 

 

Djelfa / l'arrivée de la diligence

 


le logo actuel de la ville de Djelfa

 

 

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