omment
les choses arrivent (ou : pourquoi m'intéresser
à M. Perrussot ?)
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Tout a commencé en fouinant sur Internet
à la recherche d'informations sur Saint Léger sous la
Bussière, petit village de Saône et Loire, vers Cluny,
entre Matour et Tramayes.
Mes ancêtres maternels, les VALENTIN, y ont vécu entre
1804 et 1945. Il y a plus de 25 ans que je me passionne pour
reconstituer leur "saga à Saint Léger".
Le 15 septembre dernier, je déniche un article du Journal de
Saône et Loire daté du 24 mars 2004 signé Thierry
Dromard intitulé "Mémoires d'écoles :
Saint-Léger-sous-la-Bussière 1939. Discipline militaire
à l'école".
Au début de son article, le
rédacteur explique : "De très nombreuses
écoles rurales, comme ici celle de
Saint-Léger-sous-la-Bussière en 1939, ont
fonctionné avec un couple d'instituteurs. Madame s'occupait
des petits de 5 à 9 ans, Monsieur des 10 à 13 ans. En
l'occurrence, il s'agissait de Marguerite et Roger Tupinier. Comme
Jean Cinquin, le bonhomme de 7 ans qui tient l'ardoise, les
Sand'zirons (nom des habitants du village) de l'époque se
souviennent forcément de Roger Tupinier. D'abord, pour Jean
Cinquin, agriculteur aujourd'hui retraité, qui le tenait en
grande estime, parce que c'était un excellent instituteur. Et
aussi, il faut bien le dire, parce que ce maître, ancien de
Saint-Maixent, lieutenant de réserve, imposait à ses
élèves une discipline aux accents militaires... "
Trouvant intéressant cet article, je
l'envoie à mon ami Christophe, webmaster du site Internet de
l'Association des Saint Léger, auquel je fournis depuis trois
ans, au fur et à mesure de leur rédaction, mes articles
sur les Valentin. Grâce à sa passion et à son
savoir-faire, la vie de mes ancêtres est publiée dans
les pages sur Saint Léger sous la Bussière.
Deux jours plus tard, Christophe envoie ce mail
au Journal de Saône et Loire :
"Objet : Message à l'attention de M.Thierry
Dromard
Bonjour. Je vous écris du Maine et
Loire.
L'un de mes amis m'envoie hier le délicieux article du J.S.L
en bas de page et j'aimerais entrer en contact, si cela était
possible, avec son auteur.
Merci, si vous le pouvez, de faire suivre le message ci-dessous.
Bonne journée.
Christophe
Cher M. Dromard,
Vous avez signé là un bien joli article.
Je voulais vous demander si vous aviez gardé trace de la
photographie dont il est question et si, le cas
échéant, vous pouviez me l'adresser par mail.
J'en ferais volontiers état sur notre site de l'Association
des St Léger, à la page de St Léger sous la
Bussière évidemment, et en citant mes sources, cela va
de soi.
L'Association des St Léger de France et d'Ailleurs est un
vaste réseau d'amitié entre les 73 "St Léger" de
Suisse, de France et de Belgique.
Elle occupe depuis plus de 10 ans maintenant mes jours et mes
nuits.
Il existe 5 "Saint Léger" en Saône et Loire : outre St
Léger sous la Bussière, St Léger les Paray, St
Léger sur Dheune, St Léger sous Beuvray et St
Léger du Bois.
Normal : le personnage "saint Léger" était
évêque d'Autun.
Vous lirez tout cela, si vous le voulez, sur notre site.
L'idée me vient que peut-être vous pourriez faire un
petit papier sur notre association
Je vous remercie de m'avoir lu et, si d'aventure c'était
possible, de m'adresser la photo de classe (je suis moi-même
instit') ou les coordonnées de la personne qui vous l'aurait
prêtée.
Amitiés saint-légeoises.
Cordialement, Christophe"
Le 11 janvier, Christophe m'écrit :
"J'ai reçu aujourd'hui un tas de documents de Jean Cinquin.
Je mettrai tout ça en forme. Je pense que ça
t'intéressera : photos de classe, cartes postales anciennes,
histoire de St Léger sous la Bussière (22 pages),
Livre d'Or des
Enfants de la Commune morts pour la Patrie
(1923)...
Il m'aura fallu 3 coups de téléphone pour le convaincre
de me prêter ses documents : "J'avais peur que vous ne me les
rendiez pas".
"Vous aurez toujours peur si vous n'essayez pas". Il a bien
voulu
Jean-Benoît (c'est son vrai prénom) est un
célibataire. Il aura 73 ans le 27 janvier prochain. Il a connu
une dame Valentin à La Garde dans les années
40."
Le 16 janvier je reçois les premiers
documents et réponds à l'ami Christophe : "Merci
pour ta ténacité à dénicher des documents
sur Saint Léger
Ces photos (de classes maternelles) sont
étonnantes de fraîcheur pour des clichés de plus
de 60 ans
Tu m'as parlé de documents sur les Poilus de
Saint Léger. Grâce à deux sites Internet
(Mémoire des Hommes et Sépultures de Guerre), on peut
commencer à réunir des éléments
biographiques sur ces soldats. Les noms du monument aux morts de
Saint Léger ont aussi été relevés pour
Mémorial GenWeb. C'est une recherche qui peut être
longue, mais ô combien passionnante !"
Par retour, il me dit : "C'est un document
extraordinaire, mais en très mauvais état. Un copain se
colle à tout recopier :
"16e : AUGOYAT Philibert
Appartient au 60e Régiment d'Infanterie Territoriale, comme
son frère déjà nommé. Il supporte la rude
existence des pépères de la forêt de Parroy. Il a
été tué à mes côtés le 19
mars 1917, pendant un bombardement, par un obus, et il a
mérité par sa belle conduite une citation et la croix
de guerre."
Tout est à l'avenant, pour 31 noms. C'est un très joli
discours de M. Perrussot, ancien instituteur, lors de l'inauguration
du Monument aux Morts, en
1923."
Et voilà ! M.
Perrussot est entré dans ma vie !
Au travail : il me faut rechercher les fiches
des soldats cités, retrouver dans les historiques des
régiments la trace des combats évoqués,
préciser lieux et dates. Je suis étonné de la
précision de beaucoup des indications fournies par le texte du
discours.
Christophe réalise à l'issue de cette recherche un
superbe travail de mise en page.
En relisant l'émouvant discours de M. Perrussot au monument
aux morts de Saint Léger sous la Bussière, en 1923, je
me suis dit alors : " Il serait sympa de "tirer un coup de
chapeau" à ce monsieur en dénichant quelques
informations sur sa vie d'instituteur".
Mais par où commencer ? Ce texte exhumé après
des années d'oubli devrait receler des pistes.
hevalier
de la Légion d'Honneur
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"Discours prononcé par
monsieur
Perrussot,
ancien instituteur de la Commune, ancien combattant,
chevalier de la
Légion d'honneur, à
l'inauguration du Monument aux Morts, le 2 septembre
1923"
"Notre" instituteur est chevalier de la
Légion d'honneur. Il doit être répertorié
dans la base Léonore. Une seule réponse à ce nom
:
Cote L2116021
Nom : PERRUSSOT
Prénoms : EUGENE HENRI JEAN BAPTISTE
Date de naissance :1869/01/24
Lieu de naissance : VAR-TOULON
Si c'est lui, notre instituteur aurait 54 ans
en 1923
Ancien combattant, à la déclaration de la
guerre, il aurait 45 ans. Ceux de sa classe (1889) faisaient partie
de la Réserve de l'armée territoriale. Comment se
fait-il qu'un natif de Toulon se retrouve en Saône et Loire ?
Est-ce parce qu'il est instituteur, nommé loin de sa
région ? Ou plus juste, il l'était puisque
qualifié "ancien instituteur de la commune" en 1923 : soit
alors il est déjà en retraite soit il exerce dans une
autre commune. Les dossiers de l'Instruction publique aux archives de
Saône et Loire conservent-elles son dossier ?
En février, je demande communication des
documents conservés aux archives nationales sur Eugène
Perrussot, Chevalier de la Légion d'Honneur. Il fut peut
être nommé Chevalier pour "faits de guerre" en 14-18.
Mais dans quel régiment ?
ampagnes
de M. Perrussot
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En recueillant les données biographiques
citées dans son éloge des poilus, on trouve quelques
nouvelles pistes. Grâce aux indications fournies entre
parenthèses par les sites spécialisés sur la
guerre de 1914-1918, sites animés par des passionnés de
cette période, on peut préciser les dates et les lieux
des campagnes indiquées pour son régiment.
Peut être d'autres pistes vont elles me permettent de confirmer
celles-ci ?
" 6° : TERRIER Claude-Marie
Appartient au 11e génie. Le voilà dans la région
de Massiges, au nord de Ville sur Tourbe. Les lignes
françaises et les lignes boches sont très
rapprochées et la guerre de mines bat son plein. Le sapeur
TERRIER est employé à creuser des sapes, des galeries
souterraines, à préparer des chambres de mines. Et ce
travail se fait à proximité des galeries souterraines
de l'adversaire dont on entend le sourd travail
C'est au moment
d'une relève, à l'instant où il quittait ses
galeries pour aller au repos, que le sapeur TERRIER a
été tué d'une balle en plein front, face
à l'ennemi, le 12
août 1915.
Par une étrange coïncidence, pendant que TERRIER Claude
occupait les tranchées de Ville sur Tourbe, son vieux
maître était à la côte 196 (butte du
Mesnil), non loin de Ville sur Tourbe (cote
0196 : 2 km à l'est du Mesnil lès Hurlus.
Marne)
8° : PHILIBERT Jean-Louis
Affecté au 10e régiment d'infanterie, a fait toute la
campagne avec son régiment, y compris les attaques de
Champagne, en septembre 1915. Il remplit les fonctions de caporal
d'ordinaire, ce qui n'est pas un emploi de tout repos. Il faut,
coûte que coûte, ravitailler en vivres les hommes qui
sont en ligne, ce qui n'est pas toujours sans danger
C'est en allant ravitailler
sa compagnie, le 30 octobre 1915, sous un violent bombardement par
obus toxiques, qu'il a été tué, au Bois du Paon,
dans la région de Tahure.
(Bois du Paon : secteur de Souain dans la
Marne. Souain est à 6 km au nord de Suippes)
Commandant
moi-même un bataillon à cette époque, et revenant
des combats de la Butte de Tahure, j'ai vu la cuisine roulante
éventrée et les hommes de corvée gisant sur la
piste de Perthes à Tahure. (Butte de
Tahure: 1,3 km au nord-ouest de Tahure. cote 192.
Marne)
16° : AUGOYAT Philibert
Appartient au 60e régiment d'infanterie territoriale, comme
son frère déjà nommé. Il supporte la rude
existence des pépères de
la forêt de
Parroy.
Il a été
tué à mes côtés le 19 mars 1917, pendant
un bombardement, par un obus
(pendant le Bombardement de
Goutteleine, dit la fiche d'Augoyat) et
il a mérité par sa belle conduite une citation et la
croix de guerre.
27° : LAFFAY André
Frère de LAFFAY Francis, est un brave. Il appartient au 122e
régiment d'infanterie. Il est nommé caporal sur le
champ de bataille.
Il prend part à
divers combats, notamment à la Fille Morte, dans la
région des Entonnoirs. (La Fille
Morte : 2,5 km au nord-est de La Chalade. Situé le long de la
Haute Chevauchée. La Haute Chevauchée est une route
forestière d'Argonne ralliant Lochères à
Châtel-Chéhéry. Le Boyau des Entonnoirs est au
nord de Mesnil les Hurlus - Marne)
à quelques pas de
son ancien instituteur qui est dans un secteur dans la région
des Courtes Chausses.
(ravin des Courtes Chausses : à
l'est, entre Le Four de Paris et La Chalade dans la Marne. La Chalade
: 9 km au nord-est de Sainte-Menehould)
J'aurais voulu serrer la
main et embrasser ce cher enfant. Je n'ai pu le
rencontrer.
Il a été blessé
pendant la poursuite de l'ennemi, dans l'Oise, et est mort le 20
septembre 1918, dans une ambulance du front, des suites de ses
blessures, peu de temps avant l'armistice."
u
tableau d'Honneur
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En février, sur le site de Jean Luc
Dron, en recherchant dans la liste des "Poilus cités au
Tableau d'Honneur", je déniche le nom de Perrussot.
Très rapidement, je reçois sa fiche :
Est-ce bien "notre" Eugène Perrussot ?
Les données déjà en notre possession peuvent,
après examen, correspondrent avec les campagnes du 143e
:
Bizarrement, sur la photo, le Capitaine
Perrussot porte un képi du 89e d'Infanterie et ne semble
être alors que Lieutenant. Etait-il lieutenant au 89e avant
d'être nommé capitaine au 143e ?
nstituteur
à Saint Léger sous la
Bussière
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Eugène Perrussot est l'ancien
instituteur du village en 1923. Combien de temps a-t-il exercé
ici ? Certainement longtemps, plusieurs passages l'attestent dans son
discours :
"Celui qui fut pendant de longues années l'instituteur, le
second père de ceux des vôtres qui sont tombés
pour la Patrie, car la plupart des noms gravés sur ce monument
sont des noms d'enfants que j'ai connus, que j'ai
élevés, que j'ai aimés
A mesure que je lis
le nom de nos héros, je revois en une rapide et
émotionnante vision leurs visages d'enfants, tels que je les
ai connus dans leur jeune âge, avec certains détails de
leur physionomie, estompés par le temps.
Je les vois, par tous les temps, accourir auprès de moi de
tous les hameaux, mes chers petits écoliers, j'entends le
bruit de leurs petits sabots sur la route et les éclats de
voix fraîche et joyeuse. Je participe à leurs jeux dans
la cour de l'école. Je revois leurs petits costumes d'enfants,
leurs tabliers noirs, leurs tabliers à carreaux bleus et
blancs, blancs et rouges, et je revois leur gentille frimousse de
bons écoliers, un peu "diables" parfois, mais pourvus d'un
excellent cur, animés d'un excellent esprit. Je les vois
penchés sur leur cahiers, leurs livres, se préparant
à devenir de braves gens, d'honnêtes hommes, de bons
pères de famille, de bons travailleurs. Et je les revois plus
grands, groupés autour de moi, les dimanches, pour les
exercices de tir, se préparant à devenir de bons
soldats.
Et ma pensée revoit ensuite ces jeunes gens grandis, devenus
tout à coup soldats sur les champs de bataille, faisant
bravement leur devoir devant le Boche maudit, défendant pied
à pied le sol de la Patrie, se cramponnant au terrain,
creusant des tranchées, des sapes, des mines ; je les revois
devenus fantassins, diables bleus, artilleurs, soldats du
génie, à leur poste de combat. Et le vieux maître
aux cheveux blancs est fier de ses petits écoliers
transformés en héros."
Aux archives de Saône et Loire, dans la
série T, "Enseignement général", existent
plusieurs fonds qui peuvent receler des documents sur "notre"
instituteur :
1 T fonds de la Préfecture, 2 T fonds du Rectorat, 3 T fonds
de l'Inspection Académique, et surtout celui-ci : "T non
coté, environ 604 dossiers individuels d'instituteurs".
Pour ce dernier, il y a un "répertoire manuscrit
provisoire".
Profitant d'un RTT, le 2 mai, je vais aux
archives de Mâcon pour vérifier. Victoire !
Je peux envoyer le "communiqué " suivant à notre ami
Christophe :
"Hier, j'étais aux archives de Saône et Loire et j'ai
consulté les dossiers de l'Instruction Publique.
J'ai déniché le dossier des instituteurs Eugène
PERRUSSOT et Sylvie JACQUARD, épouse PERRUSSOT.
Notre Eugène est bien celui né en janvier 1869 à
Toulon dans le Var. C'est bien celui qui a des moustaches dans le
tableau d'honneur : le capitaine PERRUSSOT du 143e Régiment
d'Infanterie (ancien du 89e) et enfin c'est bien celui qui a la
Légion d'Honneur.
Toutes mes pistes se sont vérifiées. Je sais
maintenant beaucoup de choses sur lui : sa jeunesse, ses parents
(morts alors qu'il était tout jeune) pourquoi, de Toulon, il
arrive en Saône et Loire... Je sais aussi ses postes
d'instituteurs avant Saint Léger où il est nommé
en 1902 avec sa femme (elle est d'une famille des "Hussards Noirs de
la République", j'ai également ses postes avant Saint
Léger), j'ai ses "avis d'inspection" en classe de
garçons. Je sais aussi beaucoup de choses sur sa
carrière de Poilu.
J'ai pris pas mal de notes, de quoi faire un article biographique
déjà conséquent. Je devrai certainement
retourner à Mâcon pour compléter mes notes.
Avant guerre (vers 1908 et 1912) et même durant la guerre, et
surtout après sa démobilisation en 1919, les
époux PERRUSSOT ont eu pas mal de querelles et de "bisbilles"
avec le maire J. PLASSARD et une partie de la population de Saint
Léger. Les PERRUSSOT ont plus ou moins été
forcés de quitter Saint Léger malgré des
témoignages en leur faveur. Ces documents sont très
riches : accusations, pétitions, enquêtes de
l'Académie, lettres justificatives des deux
instituteurs...
Le dernier poste d'Eugène PERRUSSOT, entre 1919 et 1926
où il fait valoir ses droits à la retraite, est Saint
Clément de Mâcon. Il est, ainsi que son épouse,
usé par les soucis et a des problèmes de
santé.
Mr et Mme PERRUSSOT ont trois garçons.
Voilà ! Une bonne chose de faite. Ne me reste plus qu'à
rédiger...
Amitiés"
Je dois reprendre maintenant, petit à
petit, tous les faits concernant la vie d'Eugène PERRUSSOT
dans l'ordre chronologique et mettre le récit en forme. Ce
sera :
nfance
à Toulon et arrivée en Saône et Loire
(1869-1885)
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remières
années dans la carrière d'instituteur
(1885-1888)
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nstituteur
à Saint Emiland (1888-1901)
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nstituteur
à Marmagne (1901-1902)
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nstituteur
à Saint Léger avant la guerre de 14-18
(1902-1914)
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oilu
au front (1914-1919)
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ernières
années à Saint Léger puis à
Saint Clément lès Mâcon, retraite et
décès à Flacé
(1919-1930)
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Michel Guironnet - juin
2005
Vous trouverez une
présentation de l'ouvrage sur
etour
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