le château de Pontcharrat à vendre - "Salut Public" du 11 juin 1884

 

 

Les 2 châteaux de St Léger sous La Bussière, le château de Pontcharra et le château de la Féculerie (encore appelé château des Terrelles ou de la Papeterie), sont, au début du XX° siècle, la propriété de la famille Plassard.

Dans "Le canton de Tramayes en 1900 à travers les cartes postales", par Françoise et Yves Cranga, on lit cette présentation :

"En 1901, le maire de la commune, J.C. Plassard, a à son service :

Pauline Schissel, la gouvernante qui accompagnait M. Plassard à son arrivée à St Léger, demeure au bourg, dans une belle maison qui fait face à l'entrée de l'église."

 

 

Voilà Charles Charvet récompensé en novembre 1900 !

 

 

le château de Pontcharra, hameau un peu à l'écart du village

 

 

 

le château de Pontcharra - oblitération de 1908

 

 

 

le château de Pontcharra - carte postale ayant voyagé en 1925

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

la même, sans légende

 

 

 

Que nenni ! La légende est erronée : il s'agit du château de la Féculerie.

 

 

 

le château de la Féculerie

"La Bourgogne Historique - Le Mâconnais - Château de St-Léger-sous-Labussière

Construit en 1870, sur l'emplacement d'une féculerie, un peu au-dessous du célèbre château de La Bussière, par M. J.C. Plassard, philantrope bien connu, au milieu d'une vallée magnifique arrosée par la Grosne - aujourd'hui à son fils M. J. Plassard"

 

 

 

 

Claude-Jules Plassard

 

Dans "Le canton de Tramayes en 1900 à travers les cartes postales", par Françoise et Yves Cranga, on peut lire ceci :

"Claude-Jules Plassard, né à Lyon en 1833, après des études de droit, est avoué à Paris de 1860 à 1878.
En 1878, il entre au conseil d'administration du Crédit Foncier de France.
En 1879, Madame Boucicaut, propriétaire des grands magasins du Bon Marché, le charge de former une société dont les actions ne seraient accessibles qu'aux employés de la maison.
Institué gérant à vie par le testament de Madame Boucicaut, il se retire de cette société en 1893 et vient s'installer à St Léger, au château de la Féculerie
."

 

 

Naissance de Claude-Jules Plassard à Lyon
Acte N° 602 extrait du registre des naissances de Lyon pour l'année 1833

"Le dix-huit février mil huit cent trente trois, à midi & demi, par devant nous Maire de Lyon, a comparu Sieur Jean Claude PLASSARD, âgé de vingt sept ans, négociant, quai de Bondy N° 156,lequel a présenté un enfant mâle, né le quinze du courant (mois), à trois heures du soir, de lui comparant & de Demoiselle Henriette BARRAL, son épouse; auquel enfant on a donné les prénoms de Claude-Jules.
Présents Sieur Frédéric BARRAL, âgé de vingt cinq ans, commis-négociant, du dit quai N° 156, oncle de l'enfant & Jacques-François MOUREAUX, âgé de trente deux ans, négociant, rue Tupin N° 25,
Lesquels ainsi que le père, ont signé avec nous le présent acte après lecture faite.

J.C PLASSARD MOUREAUX F.BARRAL JORDAN"

Il est à noter que le "Jordan" qui signe l'acte n'est pas le maire en exercice. Ce doit être un adjoint.
A l'époque, le maire est Gabriel Prunelle :
http://www.archives-lyon.fr/archives/sections/fr/histoire_de_lyon/les_maires/de_1815_a_1852/gabriel_prunelle_18/
Le quai de Bondy est sur la rive droite de la Saône, dans le quartier Saint Paul, en face des Terreaux.
La rue Tupin est dans la Presqu'ile, entre Bellecour et les Cordeliers.

 


 

Aristide Boucicaut

Marguerite Boucicaut

 

"En 1852, étant parvenu à mettre de côté, avec son épouse, la somme de 50 000 F (environ 1 million de francs d'aujourd'hui), Aristide Boucicaut vient partager avec Paul Videau la co-propriété du Bon Marché, un magasin de la rive gauche qui, à l'époque, employait 12 personnes, comptait 4 rayons et réalisait un chiffre d'affaires d'environ 450 000 francs (...)
C'est le 9 septembre 1869, à quelques pas de la limite entre les VIe et VIIe arrondissements de Paris, qu'a lieu la pose de la première pierre du magasin dont Aristide Boucicaut affirmait que c'était alors "le seul édifice spécialement construit et entièrement affecté à l'usage d'un grand commerce des nouveautés".
Comme architecte, il avait choisi L.A. Boileau et comme ingénieur Gustave Eiffel, deux pionniers de l'utilisation fonctionnelle du fer et du verre en architecture, le fer pour rendre possible l'installation de larges baies vitrées, le verre pour permettre à la lumière naturelle d'entrer à flots.

 

 

En 1887, lorsque la construction fut achevée, le bâtiment occupait une superficie au sol de 52 800 m2. Mort en 1877, Aristide Boucicaut n'avait pas vécu assez longtemps pour voir le couronnement de son œuvre. Il laissait toutefois à sa veuve une entreprise de 1 788 employés, un chiffre fabuleux pour l'époque, et dont le chiffre d'affaires atteignait 72 millions de Francs, 160 fois plus qu'en 1852 !" (...)

Jacques Marseille, professeur à l'université de Paris-I Sorbonne - 2002

Source et lien : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/celebrations2002/bonmarche.htm

 

 

Le Bon Marché

Aristide travaille beaucoup, il a la bosse du commerce, il sera remarqué par les frères Videau ; il accepte une association avec eux, il signe en 1853, l’acte de formation d’une nouvelle société qui a pour but l’exploitation de la maison de nouveautés "Au Bon Marché" – 22.24 rue de Sèvres à Paris. La force de cette entreprise est que les bénéfices seront réinvestis en totalité.
Dix années plus tard, en 1863, Aristide Boucicaut achète les parts de Videau (...) et va mener une politique systématique d’acquisitions foncières en vue d’agrandir le magasin. L’achat de certains immeubles servira à loger la famille Boucicaut et les employés. C’est alors que, disposant d’une superficie suffisante, il entreprendra la reconstruction complète du magasin. La construction se fait entre 1869 et 1887 par tranches successives.

 

 

Emile Zola s’inspirera de cet édifice pour écrire "Au Bonheur des Dames", un édifice de 7 étages dont 2 en sous sol, représentant une nouvelle conception du commerce. On y trouve tout ce qui peut faire le bonheur des ménagères, tout ce qui peut faire le bonheur des dames (...) Voici les principales innovations inventées par ce précurseur :

  • l'entrée est libre
  • le prix est marqué, ce qui limite les marchandages
  • il crée l’exposition du blanc
  • démultiplication des rayons
  • paiement des vendeurs par commissions sur leurs ventes
  • livraisons à domicile
  • catalogues - échantillons - soldes
  • expositions différentes suivant les mois de l’année
  • vente à petits bénéfices pour une vente en plus grand nombre.

 

 

Aristide meurt en 1877 (...) En 1880 intervient la création de la S.C.S. "Vve Boucicaut et Cie" entre Marguerite Boucicaut, gérante, un ami de la famille et 95 intéressés et employés du Bon Marché.
En 1886, l’œuvre est parachevée par la création, de la "Société Civile du Bon Marché", formée de Mme Boucicaut et de 123 associés de la S.C.S. Marguerite Boucicaut s’assure ainsi qu’après sa mort, la propriété et la direction de l’entreprise resteront bien entre les mains de membres du personnel. La société est transformée en S.C.A. sous la raison sociale "Plassard, Morin, Fillot et Cie" du nom des trois directeurs nommés par elle.

 

 

A la mort de Marguerite Boucicaut, en 1887, le CA est de 123 234 523 F. Il y a 3173 employés, plus 600 ouvriers des ateliers. D’autre part, le Bon Marché fait travailler près de 10 000 ouvriers dans toute la France. C’est dire son importance.
L’enterrement de Marguerite Boucicaut fait partie de ces enterrements qui font date, comme ceux de Thiers, de Gambetta, de Victor Hugo ; ce furent des funérailles grandioses voulues par les employés du Bon Marché.
La journaliste Lucienne Delille a écrit : "Qui en sortant de la gare Montparnasse à Paris en ce 12 décembre 1887 pouvait imaginer, devant la magnificence du cortège funéraire lui bloquant le passage, qu’il s’agissait de l’enterrement de madame Boucicaut, Bourguignonne illettrée et gardeuse d’oies ?" (1)

Source et lien :
http://www.vivre-a-chalon.com/lire_Un-conte-de-fee-_---Il-etait-une-fois-Marguerite-Boucicaut--,23031217dda8d87065d3a8e68dfd8dc4290e408c.html

(1) (...) "Pasteur, qui veut ouvrir un institut par souscriptions, fait parfois du porte à porte. Il se présente chez madame veuve Boucicaut, la propriétaire du Bon Marché. On hésite à le recevoir.
" - C’est un vieux monsieur, dit la bonne.
- Est-ce le Pasteur pour la rage des chiens ?"
La bonne va demander : "Oui" dit Pasteur.
Il entre. Il explique qu’il va fonder un institut. Peu à peu il s’anime, devient clair, éloquent :
" - Voilà pourquoi je me suis imposé d’ennuyer les personnes charitables comme vous. La moindre obole …
- Mais comment donc" dit madame Boucicaut avec la même gêne que Pasteur, et des paroles insignifiantes.
Elle prend un carnet, signe un chèque et l’offre plié à Pasteur :
"Merci, madame, dit-il, trop aimable."
Il jette un coup d’œil et se met à sangloter. Elle sanglote aussi.
Le chèque était très important, probablement de 250 000 F."

Marie-Hélène Marchand - Histoire des dons et legs - Institut Pasteur

 


 

Source : Société d’Economie Politique - 5 juin 1891 :

"Sur la proposition du Secrétaire perpétuel, la réunion adopte ensuite comme sujet de discussion la question suivante, formulée par M. Georges Renaud :
DOIT-ON PRÉFÉRER LA FORME DE L'ENTREPRISE COLLECTIVE A CELLE DE L'ENTREPRISE INDIVIDUELLE ?
M. Georges Renaud, prenant la parole pour exposer la question, explique dans quelles circonstances et par suite de quelle disposition d'esprit il a été amené à la poser. L'idée lui en avait été inspirée par la lecture du beau livre de notre collègue et maître M. de Molinari, "l'Evolution économique". Il y avait lu une apologie si absolue de l'association, de la substitution de la forme collective à la forme de l'entreprise individuelle, qu'il avait pensé qu'il pourrait peut-être y avoir quelque utilité à échanger quelques idées sur ce point particulier.

(...) M. Brelay fait alors appel à l'expérience spéciale de M. Plassard, directeur du Bon Marché, qui pourrait donner sur ce grand établissement d'intéressants renseignements, car les forces individuelles et collectives y concourent brillamment au succès commun.
M. J. Plassard, directeur du Bon Marché, donne quelques détails sommaires sur l'organisation de cette importante maison.
C'est là, dit-il, au premier chef une grande association de production. Elle se compose essentiellement de 130 membres, ouvriers de l'œuvre à laquelle ils ont pris tous une part effective, et qui, représentés par une assemblée générale des plus forts propriétaires, choisissent parmi eux ou en dehors d'eux-mêmes le directeur ; ils sont éminemment compétents, car ils ont travaillé tous dans les services de la maison, et ils ont qualité pour apprécier les capacités réelles de celui qu'ils chargent de ces difficiles fonctions.
Suivant M. Plassard, au début, une entreprise doit être individuelle, car alors le chef en doit être énergique, dirigé par une pensée unique et ayant le sentiment de sa responsabilité personnelle.
Mais, quand l'affaire s'est agrandie, il faut nécessairement qu'elle devienne collective ; cette forme est la seule possible pour les grandes entreprises qui, fatalement, deviennent complexes, et qu'un seul homme ne saurait plus, sans aides et sans collaborateurs intéressés, mener d'une façon convenable.
M. Plassard ajoute que, au Bon Marché, les plus forts actionnaires qui contribuent à la nomination du directeur ne sauraient être des étrangers ; il faut qu'ils aient fait leur carrière dans la maison."

 

 

 

 

la grille du Château et la rue du Bourg

 

 

 

le château de la Féculerie - la façade arrière

 

 

 

"Le château de la Papeterie est marqué comme lieu depuis 1874 par une histoire au niveau culturel - grandbourgoise mouvementée. Jules Plassard en était la personne principale "philanthrope et bienfaiteur, ami de Alphonse de Lamartine".
Dans le livre "Le Haut Clunisois - Au pays de Cluny", on peut lire : ”Le village est bâti à flanc de coteau ; la Grosne sépare le château de la Féculerie et le village proprement dit de ses hameaux. Madame Dufour assure le bon fonctionnement de la gare, au hameau de Pontcharra, près du château du même nom. Le château de Poncharra comme celui de la Féculerie sont propriétés de Claude-Jules Plassard. Ce dernier, administrateur du Crédit Foncier de France et gérant à vie de la société administrant les grands magasins du Bon Marché, dispose d’un talent de parfumeur fort apprécié des dames de la bonne société. Il s'installe au château de la Féculerie en 1893, dotant progressivement la commune de la majeure partie de ses structures (...) Un incendie se déclare au château en
1936. Le corps principal et l'aile sud disparaissent dans l'incendie.“  

Source : http://www.chateau-des.com/

 

NB : La date de 1936 est erronée. Il s'agit de 1937 - voir un peu plus bas l'article de presse du Progrès de la Côte d'Or en date du 15 mai 1937 

 

 

 

la façade du château de la Féculerie

Le château des Terrelles est un autre nom (le troisième !) - nom du quartier - du château de la Féculerie. Sis au bourg de la commune, il est reconnaissable à ses toits en poivrière et ses nombreuses cheminées.

 

 

 

Jules Plassard est élu en 1896 à l'Académie de Mâcon :

 

Présentation des candidats et élections à l'Académie de Mâcon








 

On le retrouve ici en 1899 :

 

 

 

St-Léger-sous-Labussière - la vallée de la Grosne - le Château

Edifié sur l'emplacement de la féculerie, sur les bords de la Grosne - Cette rivière traverse Clairmain, Sainte-Cécile, Cluny, Massilly, Cormartin et Sercy, se jette dans la Saône à Marmay à 15 km de Châlon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

vue du château de la Féculerie après l'incendie de 1937

"Un incendie se déclare au château en 1936. Le corps principal et l'aile sud disparaissent dans l'incendie."

Source : "Le Haut Clunisois au pays de Cluny", par Nadine Roiné

 

NB : La date de 1936 est erronée. Voici un article de presse du Progrès de la Côte d'Or daté du 15 mai 1937 :

 

 

 

 

 

 

Annales de l'Académie de Mâcon 1902
Société des Arts, Sciences, Belles-Lettres et Agriculture de Saône et Loire

Exposé de M. Plassard : "L'œuvre sociale de Madame Boucicaut"

 






 

L'oeuvre sociale de Mme Boucicaut, par Jules Plassard

"Dans la première partie de ce travail, nous avons vu que Mme Boucicaut avait pressenti le développement prochain de l'antagonisme entre le capital et le travail, elle avait deviné l'âpre lutte dont nous sommes les témoins attristés.
Elle avait cherché, trouvé et appliqué généreusement un remède à cette maladie vieille comme le monde.
Elle le préconisait par son exemple au moment où une crise aiguë allait éclater.
En ouvrant libéralement à ses collaborateurs l'accès de sa maison de commerce, en faisant d'eux, spontanément, des copropriétaires et des copartageants du profit, elle avait réconcilié le capital et le travail, ces frères ennemis ; elle avait assuré à ses successeurs une convergence d'efforts, une concordance de volonté qui leur préparaient une prospérité durable.
Elle avait aussi prouvé une perspicacité remarquable, une connaissance intuitive des besoins de son temps.
Cette perspicacité et cette intuition se révèlent mieux encore dans la seconde œuvre sociale de Mme Boucicaut, dans la création de cette caisse de retraites que nous allons étudier aujourd'hui.

 

 

 

La retraite, c'est-à-dire la suppression de tout travail et de tout effort après un travail d'une certaine durée et un certain nombre d'efforts, n'est-elle pas une aspiration commune à tous les hommes et plus spécialement une ambition française ?
Nous avons tous conscience de cet élan qui devient presque un besoin.
Comment tant de siècles ont-ils pu s'écouler sans qu'on ait pensé à assurer aux travailleurs ce repos et cette sécurité ?
Je me suis souvent demandé pourquoi cette idée si naturelle ne s'était réveillée et n'avait pris d'extension rapide qu'au siècle dernier.
Je me suis persuadé que beaucoup d'entre vous se sont posé la même question, surtout ces derniers temps, en lisant les professions de foi, les promesses électorales, en réfléchissant aux conséquences redoutables pour la fortune publique que présage cette transformation de notre état social.
Sans vouloir creuser à fond une question qui réclamerait une si longue étude, il ne m'est pas permis de ne pas vous indiquer, par quelques mots, les différentes explications d'un fait véritablement extraordinaire.
On est généralement disposé à faire honneur aux principes de la Révolution, de l'épanouissement de cette préoccupation nouvelle.
Les politiciens ne manquent pas de dire qu'avant 1789 on s'occupait peu du peuple et de ses besoins, et que les généreuses idées qui firent tant de bruit à cette époque étaient entièrement nouvelles.
C'est l'opinion vulgaire et presque banale.
D'autres esprits plus singuliers, peut-être un peu chagrins, ont imaginé une autre explication que je dois aussi vous faire connaître.
Tout le but de l'homme est d'être heureux, disent-ils, après Bossuet ; mettre le bonheur où il faut, c'est la source de tout le bien, et la source de tout le mal est de le mettre où il ne faut pas.
Bossuet mettait le bonheur dans la vie future, nos contemporains peu crédules le mettent dans la vie présente.
Cette différence capitale nous explique et l'indifférence des siècles passés et l'ardeur du temps présent.
Comme dit le socialiste Jaurès, les siècles passés berçaient, par ces douces chansons de la vie future, les générations qui se succédaient, ils endormaient le désir du bonheur par ces légendes caressantes qui faisaient oublier les malheurs présents.

 

 

 

Mais, aujourd'hui, on n'est plus ni assez croyant ni assez simple pour se contenter d'un bonheur posthume, on veut un bonheur présent.
Le premier élément de ce bonheur est la jouissance actuelle, on la rend plus intense par des exigences croissantes ; le second est la jouissance assurée pour l'avenir la certitude d'une vie tranquille donnée par la possession d'une retraite.
Autrefois on soulageait, ce qui coûtait beaucoup ; aujourd'hui, on aime mieux prévenir, ce qui ne coûte rien à l'individu, mais beaucoup à l'État.
Ces deux explications du mouvement violent qui se confirme davantage chaque jour sont bien contradictoires ; je ne me permettrai pas de vous indiquer mes préférences, j'aime mieux vous laisser le soin de discerner la part de vérité qui est dans chacune d'elles.

 

 

 

Mme Boucicaut avait été fortement impressionnée par cette tendance naissante à l'établissement des retraites ; son âme bonne était fortement tentée par l'extension qu'elle se promettait de donner à la propagation du bonheur.
Elle avait fourni à beaucoup le moyen de faire une petite fortune elle voulut donner la sécurité de la vie à tous les autres.
Des indices sensibles lui révélaient le développement de cette double aspiration à l'enrichissement et à la sécurité.
Ces simples indices sont devenus un mouvement violent, on pourrait presque dire une tempête qui menace de submerger la société actuelle.
Mme Boucicaut ne crut pas devoir rechercher les causes qui provoquent chez tous l'exigence d'un salaire toujours croissant et toujours insuffisant ; elle se préoccupa peu de la légitimité ou de l'exagération de ce désir de repos qui menace aujourd'hui si gravement de pénurie le trésor public.
Ne consultant que son bon cœur et rassurée par ses ressources personnelles et celles de ses successeurs, elle décida la fondation d'une caisse de retraites qui donnait du premier coup à tous ses employés tout ce qu'ils pouvaient souhaiter.
Le 4 août 1886, elle prélevait sur sa fortune personnelle la somme de cinq millions et elle dotait magnifiquement sa création nouvelle.
On fut émerveillé de cette immense libéralité qui produisit une impression profonde dans le public et plus encore dans l'établissement du Bon Marché.
C'était un début admirable, et si Mme Boucicaut n'avait pas été surprise par la mort un an après cette création, il est infiniment probable que des libéralités nouvelles auraient encore développé son œuvre et l'auraient complétée.
Telle qu'elle était dès l'origine, elle avait consommé en quelque sorte le bonheur des travailleurs du Bon Marché ; la sécurité, ce bien si rare, que la Providence nous dispense parcimonieusement pendant notre vie, devint le privilège presque exclusif de tous ceux qui travaillaient au Bon Marché. La confiance fut universelle, sans limites ; il sembla à tous qu'on ne pouvait plus être atteint par les coups du sort. Les uns trouvaient la certitude de l'avenir dans le développement des succès commerciaux, les autres éprouvaient la joie immense de se sentir sûrs de l'avenir.
Comme Mme Boucicaut le dit si délicatement dans son testament, elle avait pensé à ceux qui n'avaient pas pu pensé à eux-mêmes elle les avait secourus et rassurés.

 

 

Quels que soient les mobiles inconnus qui ont dirigé Mme Boucicaut, bonté d'âme naturelle, prévoyance intelligente du succès futur, divination de l'avenir, sentiment délicat d'une équité méconnue, désir d'inaugurer un système nouveau, généreux, orgueil légitime d'une situation véritablement unique, son action mérite nos éloges sans réserves et notre admiration profonde ; tout sacrifice est un mérite, et plus le sacrifice est grand, plus le mérite est rare.
En examinant cette institution, notre admiration croîtra à mesure qu'elle sera mieux justifiée et nous comprendrons toute l'influence qu'a eue cette institution sur la prospérité de la maison de commerce ; néanmoins, nous ne ferons pas l'examen détaillé des règles choisies, ce serait trop fatigant pour votre attention ; nous bornerons notre étude au point le plus caractéristique, à celui qui distingue la caisse de retraite du Bon Marché de presque toutes les autres caisses de retraites, c'est sa générosité absolue.
La plupart des institutions de retraites fondées par le patronat ne sont qu'adjuvantes, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi ; elles favorisent l'économie, elles la facilitent en la rendant plus rapidement fructueuse, elles ne la remplacent pas.
II n'en est pas ainsi au Bon Marché ; Mme Boucicaut n'a pas voulu aider à la constitution d'une retraite, apporter son concours à l'employé pour l'acheminer plus vite au but ; elle a voulu que sa caisse de retraite fût une création personnelle et exclusive ; elle a positivement prescrit qu'il ne serait fait aucune retenue sur les salaires.

Quelles ont été les causes de cette résolution ? A-t-elle bien ou mal fait ? Voilà deux questions intéressantes sur lesquelles nous nous arrêterons quelques instants.
On ne peut émettre que des hypothèses sur les raisons qui ont déterminé Mme Boucicaut à repousser tout concours du retraité dans la constitution de sa caisse.
C'était sa volonté bien personnelle, ses collaborateurs et ses successeurs l'ont parfaitement comprise et ils l'ont respectée.
Ce sentiment est éminemment respectable. Il donne un cachet particulier de grandeur et de générosité à l'œuvre des retraites.
Il complète la conception géniale du Bon Marché telle que M. Boucicaut l'avait conçue. C'est sur la générosité, sur le volontaire oubli de ses intérêts que les bases de la maison ont été établies, c'est sûrement une des causes de son succès persévérant.
Nous ne voudrions pas amoindrir la valeur morale de cette résolution en l'attribuant à un vain orgueil, au désir de faire une chose qui n'avait jamais été faite et qu'il n'était pas au pouvoir de tous de réaliser.
Nous croyons donc que c'est pour rester fidèle à l'esprit de la maison que Mme Boucicaut a pris ce parti, le plus coûteux pour elle comme pour ses successeurs, lorsque l'augmentation du nombre des employés les a forcés à l'accroissement du fonds des retraites.
L'étendue du mérite est proportionnée à l'étendue du sacrifice, la dignité du patron, et par conséquent son autorité, est mieux sauvegardée par ce don purement gratuit d'une retraite que par une collaboration entre l'employé et le patron, ou même entre l'employé, le patron et l'État, comme on l'a imaginée et pratiquée depuis.
Cette collaboration est devenue la règle de l'avenir. Elle diminue le patron et fait souvent des ingrats de ceux qu'il subventionne.
Je préfère pour mon compte le système du temps ancien qui est celui de M. et Mme Boucicaut.
Autrefois il n'y avait pas de règle imposée aux patrons, autre que l'observation volontaire des préceptes de la charité évangélique. Le besoin de l'un créait le devoir de l'autre, c'était le socialisme du temps, socialisme volontaire, et alors suffisamment efficace, socialisme essentiellement différent de notre socialisme actuel qui crée des droits sans créer des devoirs.
Mme Boucicaut est donc restée fidèle aux vrais principes.

 

 

Les économistes actuels s'inspirent de tout autres idées. Ils considèrent comme suffisants l'encouragement du patron et son incitation à la pratique de l'économie.
L'économie est une vertu nécessaire, il faut l'encourager, comme le Bon Marché l'a pratiqué et le pratique encore aujourd'hui, en favorisant d'un intérêt rémunérateur les épargnes réalisées. Il ne faut pas l'imposer comme on le fait presque partout en exigeant une retenue sur les salaires pour la constitution des retraites.
C'est une atteinte à la liberté et Mme Boucicaut a voulu que chez elle la liberté fût respectée.
Le sentiment public est avec elle et nous sommes convaincus qu'on reviendra de cette idée, absolument fausse, de contraindre.
Cette contrainte est pratiquée déjà en Allemagne et la France est sur le point de le faire ; on en aura du regret et on en recueillera de médiocres profits : c'est du caporalisme ou du jacobinisme, deux excès qui se ressemblent et qui s'engendrent mutuellement.
Telle est l'idée caractéristique de l'institution de Mme Boucicaut, c'est par là qu'elle mérite une place à part parmi les organisateurs de caisses de retraites.
Nous aurions à faire des observations nombreuses et intéressantes sur les détails de constitution de la caisse de retraites, il nous suffira d'indiquer en quelques mots l'esprit général qui a dirigé la fondatrice de cette caisse. Elle a voulu que l'administration en fût réservée au personnel dirigeant du Bon Marché et que son œuvre devînt, entre leurs mains, un levier puissant pour maintenir la prospérité de la maison de commerce et en même temps la prospérité individuelle et durable de tous ceux qui font partie de ce grand tout.
Telle est la véritable unité des trois œuvres sociales de Mme Boucicaut.
Elle avait conservé dans la prospérité les signes distinctifs de son origine rustique. Ce n'était pas une idéale ou une chimérique : elle a voulu et su concilier les généreuses pensées de sa nature avec le souci de la conservation et du développement de l'œuvre de son mari ; elle l'a consolidée par la formation de sa Société, fortifiée par la création de sa caisse de retraites.
Nous allons la voir illustrée par son testament."

J. Plassard, membre titulaire

 

 

 

 

le château de la Féculerie - un coin du parc

 

 

 

 

 

Jules Plassard fut membre de l'Académie de Mâcon de 1896 à sa mort.
En 1902 toujours, au cours d'une visite sur les sites lamartiniens à Saint Point et aux alentours, M. Plassard invite ses collègues de cette société savante à déjeuner chez lui au château de Saint Léger :

 

Extrait de séances de l'Académie de Mâcon

Après les débats et les exposés de plusieurs membres…


 


 

Et voici le compte-rendu de cette visite à la Féculerie de Saint Léger (source : Gallica).  Il y est question de la "ferme normande" du château, c'est à dire la Conciergerie, dont nous joignons des photos :

 

 

la basse cour (conciergerie) du château de la Féculerie - carte postale ayant voyagé en 1903

 

 

carte prise du même endroit mais la légende est erronée : il s'agit du château de la Féculerie

 

 

 

 

 

 

Séance du 2 octobre 1902 - Présidence de M. Pellorce, président

"La séance est ouverte à 2 heures 1/2 par M. Pellorce, assisté de MM. Maritain, vice-président ; Duréault, secrétaire perpétuel ; Lacroix, trésorier.
Présents : MM. Authelain, Battanchon, Dervieu, Duréault, de Lachesnais, Lacroix, Maritain, Martin, Pellorce, Ph. Virey
Excusés : MM. Arcelin, de Barbentane, de Benoist, Dr Biot, Duhain, Galland, Gaudet, Jacquier, Joccotton, Lex, Plassard, Mgr Rameau, Réty, Baron du Teil du Havelt, J. Virey

M. Sandre, membre associé, assiste à la séance et offre gracieusement à chacun des membres présents un exemplaire de sa jolie poésie lue naguère à une séance de l'Académie, sur Vérizet-Fleurville.

Le procès-verbal de la séance du 4 septembre, rédigé par M. le Secrétaire adjoint, est, en l'absence de celui-ci, lu par M. le Secrétaire perpétuel, et adopté sans observations.

M. le Président annonce que l'inauguration du monument élevé dans le cimetière de Saint-Point à la mémoire de notre regretté confrère M. Siraud est fixée au jeudi 30 octobre, à 9 heures 1/2 du matin. Indépendamment des membres de notre Compagnie qui pourront s'y rendre individuellement, l'Académie y sera représentée par MM. Pellorce, président, Duréault, secrétaire perpétuel, Battanchon, membre du comité du monument, et aussi par M. Authelain, auteur du projet en collaboration avec M. Chamonard, sculpteur à Mâcon.

M. le Secrétaire perpétuel annonce que notre confrère associé M. Thuriet, président du tribunal civil de Saint-Claude, vient d'être mis à la retraite et nommé président honoraire, après de longues années de services. Son successeur comme président du tribunal est M. Galopin-Labrely, dont la candidature, au titre de membre associé de notre Académie, a été annoncée à la séance du mois d'août et va être tout à l'heure soumise au premier scrutin. L'Académie félicite du même coup son confrère M. Thuriet et son confrère éventuel M. Galopin.

 

 

carte postale adressée de Tramayes par Pauline le 8 avril 1907
à nouveau une légende erronée : il s'agit toujours de la Féculerie

 

M. le Secrétaire perpétuel rend compte de l'excursion que l'Académie, en la personne de vingt-cinq de ses membres, auxquels s'étaient jointes plusieurs dames, notamment MMmes Arcelin, Lacroix, Jean Virey, Philippe Virey, etc., a faite, le jeudi il septembre, à Saint-Point et, de là, à Saint-Léger-sous-la-Bussière.
A Saint-Point, où M. le comte de Montherot, notre confrère associé, retenu en Seine-et-Oise, a regretté de ne pouvoir nous accueillir en personne, la visite présentait l'ordinaire intérêt du pèlerinage lamartinien. A Saint-Léger-sous-la-Bussière, notre excellent confrère, M. Plassard, qui était venu au-devant de nous jusqu'à Saint-Point, nous a reçus, avec une cordialité parfaite, en un déjeuner succulent, assisté de la façon la plus gracieuse, dans son rôle hospitalier, par sa belle-fille et ses deux fils. Chacun a pu admirer là, non seulement la belle installation de notre confrère et ses jardins si bien soignés, mais encore la ferme normande admirablement organisée par lui avec sa laiterie et sa beurrerie modèles, et aussi la magnifique école dont M. Plassard dote sa commune. L'excursion a été favorisée par le temps qui a permis d'admirer, au retour, la variété des paysages qui se déroulent dans le trajet de Tramayes à Pierreclos par le col de la Mère-Boitier. La route qui s'élève de Tramayes jusqu'au col montre, dans un horizon qui s'agrandit progressivement, les montagnes pittoresques du Beaujolais, tels que le Tourvéon et le Saint-Rigaud, et du Brionnais tels que le Dun, surmonté de sa chapelle restaurée, et plus loin les montagnes de la Loire et du Forez. Après le passage du col, les villages de Pierreclos, de Bussière, de Milly, de Saint-Sorlin, de Chevagny, etc., dans leurs plis de terrain si heureusement mouvementés, sont d'un effet absolument charmant, tandis que les montagnes mâconnaises, les dents de Solutré et de Vergisson, le mont Sarre et le Craz, et tant d'autres, moutonnent, dans les premiers plans, comme des vagues harmonieuses ou des flots heurtés ; puis, dans la ligne d'horizon, se découvrent les monts du Jura, du Revermont, du Bugey, de l'Isère, et les Alpes, dominées par la silhouette imposante du Mont-Blanc.
Tous les membres participant à cette belle promenade ont été enchantés de ses impressions, et il convient de remercier notre confrère M. Plassard de l'insistance amicale qu'il a mise à nous y convier.

 

 

la conciergerie du château de la Féculerie

 

M. le Secrétaire perpétuel dépose, sur le bureau, la copie au crayon d'un portrait de Mme de Lamartine, exécuté de la manière la plus délicate par le fils de notre associé M. Mingret, et que celui-ci offre à l'Académie. Des félicitations et des remerciements sont adressés à l'auteur pour son talent et pour la gracieuseté de son offrande." 

 

 

 

 

 

le parc du château

 

 

 

 

 

Voici l'acte de décès de Claude-Jules Plassard, le 9 juin 1909, à St Léger sous la Bussière :

 

 

 

 

"Gil Blas" - 11 juin 1909

 

 

 

vendredi 11 juin 1909 également

 

 

 

 

 

 

 

St Léger sous la Bussière - Elevage de poules - Propriété de Malglaive

M. Malglaive, éleveur de poules, avait ses installations dans les dépendances du château des Terrelles :

"Au début des années 1920, Alain de Malglaive rachète à M. Plassard le domaine de la Féculerie. Animé de la même volonté novatrice que son prédécesseur, retiré au château de Pontcharra, il se lance dans l'élevage des vaches hollandaises à robe pie noire, dites Frisonnes. Entre 1925 et 1930, il équipe ses fermes en systèmes de traite automatique Mélotte, d'abreuvoirs automatiques et installe des monte-foin à moteur CLM.

Il construit dans chacune de ses trois fermes, la Basse Cour dont l'allure est celle d'une demeure normande, le Bourg et Chaux, d'apparence plus régionales, un silo en béton à parois minces destiné à l'ensilage et emploie une machine à ensiler américaine.

Vers 1930, M. de Malglaive lance un élevage de 30 000 poules Leghorn destinées à la ponte, dans trois vastes poulaillers. De petites tailles, il fallait leur épointer une aile afin de les empêcher de s'envoler. Il fait venir les poussins d'un jour par chemin de fer à Pari Gagné, les installe dans des éleveuses en tôle avec une lampe à pétrole au centre et des flanelles autour : c'est la poussinière."

Source : "Mémoire en images Le Haut Clunisois - Au Pays de Cluny" par Nadine Roiné

Ci-dessous l'acte de décès de Mme de Malglaive : Edith-Marie-Hélène de la Chapelle décède, à 32 ans, le 23 juin 1925 "en son domicile au lieu-dit La Papeterie". Elle est l'épouse de "Marie-Joseph-Alain de Malglaive. C'est lui qui déclare le décès en mairie ; il se dit "âgé de trente-sept ans, agriculteur."

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

Ces pages sont le fruit des recherches de l'ami Michel Guironnet.
https://www.histoire-genealogie.com/_Michel-Guironnet_

 

 

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