ourriers
à "Monsieur l'Inspecteur d'Académie en
résidence à Mâcon" (1)
|
Le 23 août 1885, le jeune Perrussot (il
n'a que quinze ans et demi) sollicite :
"... J'ai l'honneur de vous exposer qu'ayant obtenu mon
brevet de capacité à la deuxième session de
l'année courante, et me trouvant dans une situation bien
pénible, je désirerais pouvoir obtenir une place
d'instituteur adjoint à la rentrée prochaine. J'ai
perdu mon père à Toulon en 1884 pendant
l'épidémie cholérique et ma mère est
décédée en mai 1885, tuée par le
chagrin.
Je reste ainsi chez un oncle à Saint Jean de Trézy
(canton de Couches les Mines) commune voisine de Saint Léger
sur Dheune, avec un jeune frère de 13 ans et une petite
sur de 8 ans, sans autre ressource que l'hospitalité de
nos parents.
Ces tristes circonstances me font prendre la liberté de me
recommander tout particulièrement à votre
bienveillance.
Je serais bien aise de pouvoir être placé soit à
Saint Jean de Trézy où l'on doit créer un poste
d'adjoint, soit aux environs, afin de ne pas trop me séparer
des chers petits êtres qui ont bien besoin de mon affection et
de mes soins.
Daignez agréer, Monsieur l'Inspecteur d'Académie,
l'hommage de mon profond respect.
Votre serviteur dévoué
Eugène Perrussot"
l'église de St Jean de
Trézy
|
l'église de St
Jean de Trézy à nouveau
|
En post-scriptum, il précise : "Notre
père André Perrussot était pompier de la Marine
à Toulon et est mort, en service commandé, du
choléra, et sur le point d'avoir sa retraite. Il avait 298
mois 2 jours de services à l'Etat ; 58 jours le
séparaient donc de sa retraite. En considération du
service de notre pauvre père, je vous prierais, Monsieur
l'Inspecteur, d'avoir égard à ma position tout
exceptionnelle."
Le 1er septembre, Eugène remplit une
"demande d'emploi dans l'enseignement primaire".
Il précise qu'il est célibataire. Il complète
ainsi les rubriques du formulaire :
"Brevet de capacité : simple - date
de la concession : 21 juillet 1885 - lieu de l'obtention :
Mâcon"
"Résidence de l'intéressé depuis l'âge de
quinze ans :
- à Toulon (Var)
élève
- à Saint Léger sur Dheune :
élève"
Aux questions "Pourriez vous enseigner la
musique, la gymnastique, les exercices militaires ?"
Eugène Perrussot répond "oui".
"Infirmités physiques : néant - Taille exacte : 1 m
58"
l'école de filles de St
Jean de Trézy
e
brevet de
capacité
|

http://www.inrp.fr/musee/
Dans
le "Dictionnaire de Pédagogie et
d'Instruction primaire" publié en
1887 sous la direction de Ferdinand
Buisson, à l'article "Brevet de
Capacité" on lit ceci :
" C'est le nom donné en France au
diplôme qui confère le droit
d'exercer la profession d'instituteur ou
d'institutrice primaire."
"
Tout aspirant au brevet de
capacité est tenu de se faire
inscrire au bureau de l'inspection
d'académie un mois avant
l'ouverture de la session
" Il y
a deux sessions par an.
"
L'examen se divise en
épreuves écrites et en
épreuves orales ; il ne peut porter
que sur les matières qui sont
l'objet de l'enseignement dans les
écoles normales
primaires
"

|
|
|
Sa demande est accompagnée d'une note du
maire de Saint Léger sur Dheune du 1er septembre, expliquant
la difficile situation d'Eugène et appuyant sa
démarche.
Le service de l'Instruction publique
chargé d'examiner son dossier collecte des informations :
"Renseignements sur M. Perrussot, en résidence à
Saint Léger sur Dheune qui demande un emploi dans
l'enseignement"
"
Ecoles qu'il a fréquentées jusqu'au moment
où il a obtenu son brevet : écoles publiques de Toulon,
de Saint Jean de Trézy, de Saint Léger sur
Dheune"
"
Ses antécédents, sa moralité, sa
conduite : bonne conduite, garçon bien élevé et
sérieux pour son âge. Son extérieur et sa
santé : est sans infirmité et jouit d'une bonne
santé."
"
Situation de sa famille (honorabilité, profession) :
le jeune Perrussot est l'aîné de 3 orphelins ; son
père est mort du choléra à Toulon en 1884, sa
mère est morte cette année. Il reste à la charge
d'un oncle peu aisé, avec son petit frère et sa jeune
sur. Cette situation est très digne
d'intérêt. La famille est honorable. L'oncle est
cultivateur."
"Son aptitude présumée à l'enseignement :
réussit bien comme moniteur, est vigilant, laborieux, et donne
beaucoup à espérer qu'il fera un bon
instituteur."
"Chalon le 9 sept. 1885 - l'Inspecteur primaire
Pautrey"
Malheureusement, Eugène Perrussot est
encore trop jeune (il n'a pas 16 ans) pour être nommé
à un poste, même en faisant jouer les
dérogations.
Monsieur Moine, le vieil instituteur de Saint
Jean de Trézy, adresse un courrier personnel à
l'Inspecteur primaire le 24 novembre 1885 :
"
J'ai l'honneur de vous informer que depuis longtemps je
suis atteint de douleurs rhumatismales et cette maladie a tellement
augmenté depuis quelques jours que, seul, je ne puis faire ma
classe.
En conséquence, je vous prierais, Monsieur l'Inspecteur, de
vouloir bien m'autoriser à employer comme aide le jeune
Perrussot Eugène, âgé de 17 ans, domicilié
à St Jean de Trézy, ayant obtenu son brevet à la
session de juillet dernier, ou, si vous aimez mieux, m'envoyer un
suppléant.
Si l'habitation que je fais faire était prête, je
demanderais à être mis à la retraite de suite,
mais cette habitation ne sera terminée que dans le mois de
mars prochain
"
Un certificat médical est joint à
sa lettre pour bien attester de ses infirmités.
L'Inspecteur primaire transmet la demande
à l'Inspecteur d'Académie :
"
M. Moine, qui a encore un an de service à faire
pour avoir droit à une pension de retraite, est dans
l'impossibilité de pouvoir continuer seul dans ses
fonctions.
Je vous prie en conséquence, Monsieur l'Inspecteur
d'Académie, de vouloir bien accorder à M. Moine
l'autorisation qu'il sollicite.
M. Perrussot, qui est l'un de ses anciens élèves, est
un jeune homme convenable et digne
d'intérêt
"
L'Inspecteur d'Académie répond
d'Autun le 26 novembre 1885 :
N'ayant pas encore 17 ans et "par commisération de sa
situation", Eugène est désigné "comme
auxiliaire chez M. Moine, malade".
"Il n'est pas possible de le proposer immédiatement pour un
emploi réglementaire. Je le ferais dès qu'il approchera
de ses 18 ans."
une ferme, à St Jean de
Trézy
De Saint Jean de Trézy, le 19 janvier
1886, Eugène Perrussot s'adresse à nouveau à
"Monsieur l'Inspecteur d'Académie de Saône et Loire". Il
lui écrit sur du papier bordé de noir, comme lorsque
l'on annonce un décès ou répond à des
condoléances !
Ce courrier ressemble beaucoup à celui qu'il lui a
adressé cinq mois plus tôt.
Il rappelle le décès de son père
"frappé en service commandé par
l'épidémie cholérique qui a sévi avec
tant d'intensité en 1884 dans le port de Toulon", celui de
sa mère "tuée par le chagrin".
Il évoque sa triste situation : "nous sommes restés
trois orphelins en bas âge et à la charge d'un parent,
oncle par alliance." Cet oncle, Jean Dutroncy, n'est "qu'un
pauvre vigneron, qui n'a que ses bras pour vivre et qui se trouve
alors dans l'incapacité de pourvoir à tous nos
frais."
Eugène explique encore : "Je suis l'aîné des
trois orphelins et j'ai obtenu en juillet dernier mon brevet
élémentaire de capacité."
"Etant dans une situation déplorable, sur le point de
manquer de pain, car notre oncle déjà vieux peut tomber
malade d'un moment à l'autre, sans ressources, car notre
père ne nous a laissé aucun droit à la retraite
quoique cinquante huit jours l'en séparaient, et les faibles
secours accordés par la ville de Toulon ayant
été totalement absorbés durant la longue maladie
de notre pauvre et regrettée mère
"
Il sollicite à nouveau un poste d'instituteur adjoint en
Saône et Loire afin d'être "tout près de ces
pauvres chers petits êtres, mon frère et ma sur,
à peine âgés de huit ans
"
En post-scriptum à sa demande :
"Ci-joint une pièce de Monsieur le Maire de St Jean de
Trézy pour constater la position de Monsieur Dutroncy, tuteur
des orphelins Perrussot".
Sur une feuille annexe :"Le maire du village de Saint Jean de
Trézy certifie que Dutroncy Jean, tuteur des orphelins
Perrussot, est sans moyens d'existence. Le conseil municipal de la
dite commune prie M. l'Inspecteur d'Académie d'accorder au
jeune Perrussot un poste d'instituteur adjoint afin de
décharger son oncle et tuteur qui a fort à faire pour
pourvoir aux besoins des orphelins. C'est un bon sujet qui a servi
dans ma commune à l'école pendant la maladie de M.
Moine, instituteur décédé, et qui se trouve, par
ce décès, sans emploi.
18 janvier 1886. Perricaud"
la mairie de St Jean de
Trézy (1950)
Sur le courrier même, cette note
laconique de l'Inspecteur : "Répondre que je placerai M.
Perrussot aussitôt que possible. C'est-à-dire dès
qu'il approchera de 18 ans" et cette précision : "fait
le 21 janvier 1886".
nstituteur
adjoint à Saint Vallier
|
Tout arrive à qui sait attendre !
Mi-avril 1886, Eugène Perrussot est nommé instituteur
adjoint à Saint Vallier, dans le canton de Montceau les Mines,
en Saône et Loire.
|
Saint Vallier se situe
dans la cible bleue.
|
Le 25 avril, Eugène remercie
l'inspecteur d'académie pour sa nomination et lui dit que, le
3 mai, il sera rendu dans la commune désignée. A cet
effet, il le prie "de lui envoyer un billet demi tarif de Saint
Léger sur Dheune à Saint Vallier".
Le procès verbal d'installation du
nouvel instituteur est daté du 3 mai 1886.
Enfin, Eugène Perrussot est en poste ! Son traitement fixe est
de 700 francs.
Le directeur de l'école primaire de garçons s'appelle
Morain.
Le 4 juillet 1886, Eugène est
inspecté.
Grâce au rapport d'inspection, nous apprenons qu'il a fait ses
études "à l'école Rouvière, Toulon
(Var)" Elle existe toujours à Toulon.
Paul Guillaume Rouvière lègue toute sa fortune à
la ville de Toulon par testament du 11 mars 1878 pour créer
une "Ecole supérieure laïque de garçons".
La municipalité choisit pour l'édifier le coin de la
rue Truguet et de l'actuel boulevard de Strasbourg. Commencée
en 1880, elle est inaugurée le 11 mai 1882.
Eugène Perrussot y a donc étudié entre 1882 et
1885.
Appréciations de l'inspecteur primaire
sur l'instituteur adjoint de Saint Vallier :
"Capacité : très bonnes - Zèle : il y en a -
Exactitude : bonne - Moralité : très bonne
Tenue : très bonne - Infirmités physiques : aucune -
Caractère : bon
Relations avec le Directeur de l'école : bonnes et suivies
Relations avec les familles : bonnes mais restreintes
Sa manière d'être avec les enfants qui lui sont
confiés : s'en occupe sérieusement
Considération dont il jouit : bonne" (juillet
1886)
St Jean de
Trézy
Le 18 janvier 1887, nouvelle inspection. Les
avis sont plus sévères :
"La classe est elle préparée : oui - La classe est
elle bonne, médiocre ou mauvaise : très
médiocre
Qualités principales de l'adjoint : assez instruit, actif -
Défauts principaux de l'adjoint : ne sait pas faire la
classe
Peut il être chargé de la direction d'une école :
non
Quelle est l'opinion du directeur de l'école sur ce
fonctionnaire : passable"
"Note générale de l'Inspecteur primaire : M.
Perrussot fait assez bien une leçon mais ne voit que deux ou
trois élèves dans la division à laquelle il
s'adresse ; il ne sait pas occuper simultanément tous ses
élèves, aussi dans sa classe y a-t-il beaucoup de
désordre. C'est un maître à former et il y a de
l'étoffe ; actuellement il est
médiocre."
Mi janvier 1888, l'Inspecteur conclue son
inspection par ces mots : "Maître assez capable, mais ayant
peu d'aptitudes ; ne s'élève pas au dessus du
médiocre".
Il note qu'Eugène est "doux, calme" mais "manque de
coup d'il".
"M. Perrussot manque d'activité. Pendant une leçon,
il ne voit pas ses élèves et ne sait pas à
propos réveiller leur attention par un mot ; aussi, tout en
s'occupant consciencieusement, il obtient peu de résultats.
Enfin, l'ordre et la discipline ne sont pas toujours satisfaisants
dans la classe. C'est toujours un maître médiocre.
Montceau (les Mines) le 22 janvier 1888".
St Jean de
Trézy
A la fin de l'année
précédente, Eugène Perrussot a écrit
à l'Inspecteur d'académie à Mâcon :
"Saint Vallier, le 18 décembre 1887
J'ai l'honneur de vous exposer que Madame Morain désirant
rentrer dans l'enseignement et faire la classe dans l'école
dirigée par Monsieur Morain, son mari, [école]
où je suis placé en qualité d'instituteur
adjoint, je me vois obligé de venir vous demander mon
changement
"
Eugène rappelle sa situation, son
père mort à Toulon "ne nous laissant aucun droit sur
sa pension", sa mère morte l'année suivante, les
orphelins à la charge de son oncle.
"
En conséquence, je viens vous prier de vouloir bien
m'accorder un poste où je ne sois pas obligé de
recourir sans cesse à mon oncle qui n'est pas trop riche, qui
est déjà vieux, et qui a lui-même une nombreuse
famille.
Dans le cas où une place d'instituteur adjoint deviendrait
vacante à Montceau les Mines, je serais très heureux
d'y être nommé.
D'ailleurs, je serais à proximité de ma famille qui
habite Saint Jean de Trézy, ensuite le Directeur de
l'école de Montceau les Mines, Monsieur Gautheron, est mon
ancien instituteur. C'est lui qui m'a préparé et
présenté au Brevet de Capacité, et je tiendrais
à être placé sous sa direction.
Enfin, si toutefois Montceau les Mines n'allait pas se trouver
vacant, je vous prierais, Monsieur l'Inspecteur d'académie, de
ne pas trop m'éloigner de ma famille et de me placer soit
à Couches les Mines, soit à Saint Léger ou
à Saint Bérain sur Dheune, soit dans toute autre
commune avoisinant Saint Jean de Trézy
"
Sa demande obtient un avis favorable. Elle est
transmise le 27 décembre 1887 avec cette appréciation
"M. Perrussot est un maître très ordinaire, il ne
peut être placé dans une classe
nombreuse."
Saint Vallier -
1903
Le 19 janvier 1888, il est nommé
instituteur stagiaire à Toulon sur Arroux, en remplacement de
Monsieur Chachuat.
Le 23 janvier Louis Conquis, maire de la
commune, signe le procès verbal d'installation du nouvel
instituteur de Toulon sur Arroux. Il précise que "M.
Perrussot Eugène Henri Jean Baptiste" est né le 24
janvier 1869 "à Toulon sur Mer (Var)".
Le lendemain, Eugène Perrussot
fêtera ses 19 ans.
Toulon sur Arroux se situe dans la
cible bleue.
Le 10 mars 1888, Eugène Perrussot
écrit à " Monsieur l'inspecteur d'académie en
résidence à Mâcon :
"Monsieur l'inspecteur d'académie,
Désirant beaucoup me rapprocher de Saint Jean de Trézy
où habitent mes parents, je viens vous prier, Monsieur
l'inspecteur d'académie, de vouloir bien m'accorder un poste
d'instituteur adjoint plus à proximité de ma
famille.
Le poste de Montceau les Mines devant être vacant, je vous
serais bien reconnaissant d'avoir la bonté de me
l'accorder.
Je suis, avec respect, Monsieur l'inspecteur d'académie, votre
très humble et très dévoué serviteur.
E. Perrussot, instituteur adjoint à Toulon sur
Arroux"
Il n'est en poste ici que depuis janvier et
pourtant il aimerait bien changer !
Toulon sur
Arroux
Sa demande est appuyée par Philippe,
maire de Saint Vallier.
Le 14 mars, il écrit lui aussi à l'inspecteur
d'académie :
"J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint une demande de
changement que sollicite l'instituteur adjoint Perrussot,
actuellement à Toulon sur Arroux.
Ce jeune adjoint, ayant été pour ainsi dire contraint
de quitter le poste de Saint Vallier pour céder sa place
à Mme Morain, mérite un poste équivalant Saint
Vallier.
Je n'ai eu connaissance de ce changement et de la nomination de Mme
Morain qu'après la décision de Monsieur l'inspecteur
d'académie. Or il était trop tard pour donner un avis
quelconque sur les antécédents de ce jeune homme,
lequel est digne d'intérêt.
Orphelin de père et de mère, ayant des
intérêts à Saint Jean de Trézy, le poste
de Toulon n'est réellement pas un poste à sa
convenance.
De plus, il est très intelligent et a rempli ses devoirs
professionnels à Saint Vallier avec un grand
dévouement. J'ai été très peiné de
son départ et surtout de n'en avoir été averti
qu'après décision.
Je viens en conséquence, Monsieur l'inspecteur
d'académie, vous prier de bien vouloir lui accorder le poste
qu'il sollicite à Montceau les Mines.
En même temps, si Monsieur Morain sollicitait le poste vacant
de l'instituteur parti de Montceau, je vous serais gré de le
lui accorder.
Veuillez agréer
Philippe"
Ce courrier est communiqué dès le
lendemain "pour avis" par l'inspecteur d'académie de
Mâcon à "Monsieur l'inspecteur primaire de
Montceau".
Sa réponse est du 20 mars : "Avis sur une demande de
changement formulée par Mr Perrussot, inst. adj. à
Toulon et appuyée par Mr le Maire de St Vallier"
"J'ai l'honneur de vous informer que Mr Perrussot, soit en me
transmettant sa demande de changement, soit au moment de l'inspection
de sa classe, ne m'a jamais laissé soupçonner qu'en
faisant cette démarche il cédait à une pression
exercée contre lui. Probablement qu'il n'aurait même
jamais songé à invoquer ce motif si, à son
départ de St Vallier, il avait été placé
à proximité de St Jean de Trézy.
Ce maître ne saurait réussir à Montceau les Mines
; il n'a pas l'activité et le coup d'il
nécessaire pour diriger les élèves de Montceau
les Mines. A mon avis, la seule faveur qui puisse lui être
accordée, c'est d'être appelé, à
l'occasion, dans un petit poste aux environs de St Jean de
Trézy
"
Le maire de Saint Vallier souhaite voir Mr
Morain nommé à Montceau les Mines.
L'inspecteur primaire est d'un avis contraire :
"Les deux instituteurs que j'ai connus à Montceau sont
tombés parce qu'ils manquaient de caractère et de
jugement ; et ce sont précisément les qualités
qui manquent à Mr Morain. Cet instituteur, eût-il les
titres nécessaires, ne saurait convenir pour Montceau les
Mines."
Eugène Perrussot, ne voyant rien venir,
renouvelle sa demande de changement le 18 août 1888 dans des
termes presque identiques.
Sur sa lettre est portée cette
annotation de l'inspecteur primaire :
"Mr Perrussot est un maître très ordinaire ; il n'a
pas réussi à Toulon et a perdu toute autorité
sur les élèves. Son changement est nécessaire.
Montceau, le 14 7bre (septembre) 1888."
Il reçoit sa nomination comme
instituteur stagiaire à Saint Emiland, en remplacement de Mr
Flocarel, à compter du 30 octobre prochain.
Louis Dessey, maire de Saint Emiland, signe
avec lui le procès verbal de son installation le 2 novembre
1888, à l'école laïque de garçons. Il n'a
pas encore 20 ans.
Eugène Perrussot va rester 12 ans dans
ce village. En octobre 1891, Sylvie Jacquard, jeune institutrice de
23 ans, est nommé à l'école de filles
Mais, patience ! Ce sera pour un prochain
épisode.
(1) Ce document, comme tous les suivants, est
tiré du dossier d'instituteur d'Eugène Perrussot aux
archives départementales de Saône et Loire à
Mâcon (3 T 596).
a
formation des maîtres
d'école
|
Le
maître d'école du
début du XIXe siècle sait
lire et écrire, cela suffit pour
enseigner. Depuis 1816, une obligation
s'impose à tout futur maître
du primaire, celle de posséder un
brevet de capacité obtenu
après le succès à un
examen.
A cette époque, l'examen du brevet
de capacité pour le 3e degré
n'est qu'une vérification de
compétences minimales (lire,
écrire et compter), qui ne
garantissent en rien un enseignement de
qualité. Les autres degrés
(incluant orthographe, grammaire et
arithmétique) exigent un peu plus
de connaissances.
Cette obligation du brevet de
capacité est étendue aux
institutrices laïques en 1819 et aux
membres des congrégations
enseignantes masculines en 1831.
La
préoccupation de la formation des
maîtres dans des écoles
spécialisées date de la
Révolution (école normale
à Paris créée en
1794). La première
véritablement ouverte le fut
à Strasbourg en 1810. La loi Guizot
du 28 juin 1833 impose une Ecole normale
par département (article
11).
Guizot
reconduit le principe du brevet de
capacité (article 25) à deux
degrés (élémentaire
et supérieur). Il
homogénéise les programmes,
qui sont répartis sur deux ans.
La loi met en place les commissions
d'instruction primaire : les examens
seront désormais publics, exigeant
des connaissances solides.
Le brevet de capacité devient un
examen reconnu. Les candidats et
candidates sont de plus en plus nombreux
à le préparer, à
l'école normale ou dans d'autres
établissements. Ils ambitionnent de
conquérir le seul diplôme qui
ouvre aux carrières de
l'enseignement primaire et certifie un
ensemble de savoirs. Sa possession,
obtenue après la réussite
à des épreuves de plus en
plus difficiles, participe ainsi à
la construction du nouveau corps des
instituteurs primaires.
François
Guizot (1787-1874)
Le
maître doit dominer les disciplines
qu'il enseigne. Ainsi lecture,
écriture, arithmétique et
géométrie,
c'est-à-dire le vieux fonds de base
de l'enseignement primaire, sont les
principales matières qu'il apprend.
Souvent secrétaire de mairie,
l'instituteur doit aussi savoir
rédiger actes d'état civil
et procès-verbaux, être tout
initié aux diverses méthodes
de l'enseignement.
Ces "nouveaux" maîtres,
encadrés par l'Inspection Primaire
et l'Inspection Académique,
créées par Guizot, ont
désormais un minimum d'outils
intellectuels que ne possédaient
pas toujours leurs
prédécesseurs.
Efficace, la formation reçue ne
doit cependant pas être confondue
avec celle des futurs "hussards noirs" de
la République, auxquels on ne songe
pas à limiter l'accès aux
connaissances comme on peut encore le
faire en 1836.
La
loi du 15 mars 1850, dite Loi Falloux,
supprime l'exigence du brevet pour les
instituteurs adjoints et les institutrices
adjointes. Elle institue pour les autres
enseignants un système
d'équivalences qui
bénéficie essentiellement
à l'enseignement
congréganiste. Ces
équivalences sont au nombre de cinq
:
1° Un certificat de stage
délivré par le conseil
départemental aux personnes qui
justifient avoir enseigné pendant
trois ans au moins dans les écoles
autorisées à recevoir des
stagiaires
2° Le diplôme de bachelier
3° Un certificat d'admission dans les
écoles spéciales de
l'État
4° Le titre de ministre d'un des
cultes reconnus par l'État
5° Pour les institutrices appartenant
à des congrégations
religieuses, les lettres
d'obédience délivrées
par la supérieure.
Frédéric-Alfred
de Falloux
(1811-1886)
Les
premiers instituteurs sont issus du peuple
(fils d'agriculteurs, d'ouvriers et
d'artisans). La bourgeoisie, qu'elle soit
commerçante ou
diplômée (médecins,
avocats), hésite à
encourager ses enfants dans un choix ne
leur assurant que de bien médiocres
conditions matérielles. La loi
Guizot assurait un minimum annuel fixe de
200 francs, augmenté d'une
rétribution mensuelle au taux
réglé par le Conseil
municipal. Le minimum fut augmenté
sous le Second Empire, et le salaire moyen
de l'instituteur fit d'incontestables
progrès (700 francs en
1870).
Les
républicains, qui accèdent
au pouvoir après 1875, attachent
une grande importance à la
réorganisation de l'enseignement
primaire. Les républicains
critiquent surtout la dispense de brevet
pour les adjoints et les lettres
d'obédience pour les institutrices
congréganistes qu'ils jugent
à l'origine de la faiblesse de
l'enseignement dispensé, notamment
aux filles.
Un projet rétablissant l'exigence
du brevet d'aptitude pour tous les
enseignants du primaire est
présenté en 1879,
délibéré en mars et
mai 1880 et adopté par la chambre
des députés le 11 juin 1881.
Cette loi de 1881 est due aux efforts de
Jules Ferry.
Jules
Ferry (1832-1893) - un militant de la
République
L'article
premier de cette loi est clair : "Nul
ne peut exercer les fonctions
d'instituteur ou d'institutrice titulaire,
d'instituteur adjoint chargé d'une
classe ou d'institutrice adjointe
chargée d'une classe, dans une
école publique ou libre, sans
être pourvu du brevet de
capacité pour l'enseignement
primaire."
Toutes les équivalences admises par
le paragraphe 2 de l'article 25 de la loi
du 15 mars 1850 sont abolies.
L'article 3 précise : "Les
personnes occupant, sans les brevets et
certificats sus énoncés, les
fonctions énumérées
aux articles précédents
devront, dans le laps de temps d'un an
à partir de la promulgation de la
loi, se présenter devant les
commissions d'examen instituées
pour décerner lesdits brevets et
certificats. Celles qui auront
échoué auront le droit de se
présenter de nouveau aux sessions
ordinaires ou extraordinaires tenues dans
le cours des années suivantes,
jusqu'à la rentrée des
classes d'octobre 1884."
La
société de la fin du XIXe
siècle nécessite l'existence
de classes intermédiaires : pour
les tâches d'enseignement d'abord
(à l'école
élémentaire) et pour assumer
les rôles de cadres
inférieurs et moyens
(employés de bureau,
contremaîtres, agents
d'administration). Il faut une
filière scolaire spécifique
qui s'adresse aux "meilleurs
élèves" de l'enseignement
primaire et ajoute des savoirs et
savoir-faire à leur bagage minimum
initial : ainsi naît l'enseignement
primaire supérieur,
réglementé en 1886 par les
lois Goblet.
classe
de filles - école d'Hellemmes
(Nord)
Les
Écoles primaires supérieures
n'existant que dans les villes d'une
certaine importance, des cours
complémentaires furent
annexés aux écoles primaires
des petites villes et des gros bourgs.
Ceux-ci menaient au Brevet
élémentaire qui permettait
d'accéder aux carrières de
base de l'administration de l'État
(ou des entreprises) ainsi qu'à
l'Ecole Normale d'Instituteurs.
Le Brevet supérieur
nécessite 3 années
d'études supplémentaires et
conduit aux carrières "moyennes" de
ces administrations.
Là encore, les meilleurs
élèves peuvent
accéder aux Écoles Normales
primaires supérieures (St Cloud
pour les garçons, Fontenay aux
Roses pour les filles) et prétendre
ainsi aux postes de professeurs dans les
Écoles primaires
supérieures.
Au
XIXe siècle et dans les
premières années du XXe, cet
enseignement primaire supérieur
ouvre incontestablement des
possibilités de promotion sociale
à des "enfants du peuple". C'est le
cas de presque tous les instituteurs
d'avant guerre.
Peu d'enfants des milieux d'ouvriers
accèdent à l'enseignement
primaire supérieur. Ce sont les
instituteurs qui remarquent parmi leurs
élèves, ceux qu'ils estiment
"doués" pour poursuivre des
études. Ensuite, il faut convaincre
les familles d'envoyer leur fils au cours
complémentaire du bourg, ce qui
occasionne des frais de pension, le plus
souvent, et prive l'exploitation familiale
d'un travailleur.
Les familles d'ouvriers agricoles n'ont
que très rarement les moyens de
faire face à ces frais. Très
jeunes, leurs enfants sont placés
comme "domestiques" dans des fermes ou
chez des patrons du bourg ou de la ville.
Quant aux familles ouvrières,
citadines le plus souvent, elles sont
plutôt réticentes
vis-à-vis des études
prolongées.
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nfance
à Toulon et arrivée en Saône et Loire
(1869-1885)
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remières
années dans la carrière d'instituteur
(1885-1888)
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nstituteur
à Saint Emiland (1888-1901)
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nstituteur
à Marmagne (1901-1902)
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nstituteur
à Saint Léger avant la guerre de 14-18
(1902-1914)
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oilu
au front (1914-1919)
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ernières
années à Saint Léger puis à
Saint Clément lès Mâcon, retraite et
décès à Flacé
(1919-1930)
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Michel Guironnet - octobre
2005
etour
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