ettre
du maire de Marmagne - 9 mars 1902
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Commune de Marmagne (Saône et Loire)
Canton de Montcenis
Arrondissement d'Autun
Marmagne, le 9 mars 1902
Monsieur le Recteur,
J'ai l'honneur d'être auprès de
vous l'interprète des pères de famille dont les noms
sont apposés à la pétition ci-jointe pour vous
signaler l'attitude de Monsieur Perrussot actuellement Instituteur
à l'école du hameau de la Chaume, commune de Marmagne,
Saône et Loire.
Veuillez croire, Monsieur le recteur, que c'est
avec regret que je me fais l'écho de ces protestations, mais
devant l'insistance particulière de Messieurs
Lacour-Guénin, conseiller municipal, et Guénard,
sabotier, et d'après les faits dont je me suis rendu compte
par moi-même, j'ai cru qu'il était de mon devoir de vous
mettre au courant de la conduite de cet Instituteur.
Tout d'abord, Monsieur Perrussot signala ses
opinions anti-républicaines en enlevant le portrait de
Monsieur Loubet, notre vénéré Président
de la République, qui se trouvait dans la classe à son
arrivée.
Ensuite, le 14 juillet dernier, on le vit
célébrer la Fête Nationale d'une façon
indigne d'un républicain, on le vit décrocher les
articles d'illuminations à coups de bâton et, les jours
suivants, son fils, un enfant de cinq ans, traîner les drapeaux
dans la rue, de sorte que le garde-champêtre, outré de
voir ainsi prostitué l'emblème de la Patrie, emporta
deux de ces drapeaux chez lui où ils sont encore actuellement.
L'on trouva même, plus tard, un autre drapeau pourri
derrière l'école.
Ces jours derniers, après l'anniversaire
de Victor Hugo, les trois couleurs furent encore traitées de
la même façon, et le 5 mars dernier j'ai pu voir de mes
yeux un drapeau accroché après le bûcher de
Monsieur Perrussot.
Le Conseil Municipal de la Commune étant
républicain, l'Instituteur en question ne pouvait manquer non
plus, avec l'esprit qui l'anime, de montrer dans quelle estime il
tenait les Conseillers. C'est ainsi qu'au mois de novembre dernier,
comme le garde-champêtre distribuait les lettres de convocation
de chaque Conseiller aux fils de ceux-ci, dans la cour de
l'école, Monsieur Perrussot, interpellant les enfants porteurs
de ces lettres leur dit : "Vous êtes bien riches avec vos
Conseillers de m
"
Tout dernièrement encore, dans le
courant de février, au cours d'une réprimande faite au
fils de Monsieur Lacour-Guénin, il disait qu'il se f
des
Conseillers et du Maire.
Je pourrais, Monsieur le Recteur, vous citer
plusieurs autres faits analogues, montrant l'état d'esprit de
ce fonctionnaire dont la place est plutôt dans un
établissement congréganiste que dans une Ecole
laïque. Mais je préfère que vous recueilliez
vous-même les renseignements relatifs à cette affaire,
par une enquête sérieuse que je vous prie
respectueusement de vouloir bien ordonner, étant en cela
l'interprète de tous les Républicains des hameaux de la
Croix-Blanchot et de la Chaume qui demandent instamment qu'une
pareille conduite ait les suites qu'elle comporte.
Dans cet espoir, veuillez agréer,
Monsieur le Recteur, l'expression de mes sentiments
profondément dévoués.
E. Bidault, Maire de Marmagne
à Monsieur le Recteur d'Académie de Lyon
18
février 1899
mile
Loubet, président du
Sénat, est élu
Président de la
République

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Né
à Marsanne, dans la Drôme, le
31 décembre 1838, Emile Loubet
étudie le droit, obtient son
doctorat et s'inscrit au barreau de
Montélimar, dont il devient maire
et conseiller
général.
Républicain
modéré, il est élu
député de la Drôme le
20 février 1876. Il siège
à gauche et fait partie des 363. Il
demeure député jusqu'en
janvier 1885, date à laquelle il
est élu sénateur de la
Drôme.
A la
Chambre Haute, il s'inscrit au groupe de
la gauche républicaine. Elu
secrétaire en janvier 1887, il est
rapporteur général du
budget, à la commission des
finances, lorsque, dans le premier
ministère constitué
après l'élection du
président de la République
Sadi Carnot, dans le cabinet de Pierre
Tirard, il est chargé du
portefeuille des Travaux Publics. De
retour au Palais du Luxembourg en avril
1888, il est appelé par le
président Carnot à la
présidence du Conseil,
responsabilité qu'il exerce de
février à novembre 1892.
Ministre de l'intérieur dans le
cabinet Ribot, l'affaire du Panama conduit
à son remplacement le 1er janvier
1893. Emile Loubet reprend son
siège au Sénat et redevient
président de la commission des
finances.

Le
1er janvier 1896, après la
démission de Challemel-Lacour, il
est brillamment élu
président du Sénat, poste
dans lequel il est confirmé juqu'en
1899. Le 17 février 1899, il
annonce à la Chambre Haute la mort
foudroyante du président de la
République, Félix Faure. Les
groupes républicains s'entendent le
jour même pour proposer sa
candidature à la présidence
de la République.
Le samedi 18 février 1899, les deux
chambres, réunies en
Assemblée nationale à
Versailles, élisent Emile Loubet
président de la République,
par 483 voix contre 279 à Jules
Méline.
Les
journaux de l'époque indiquent que
le nouveau président élu
"dont la vieille mère,
âgée de 84 ans, habite la
métairie familiale de Marsanne,
dans la Drôme, a
épousé Mademoiselle Picard,
fille d'un commerçant de
Montélimar, dont il a eu une fille
et trois fils."
Le
18 février 1906 Emile Loubet,
premier président de la
République à accomplir un
septennat complet, transmet ses pouvoirs
à Armand
Fallières.
source
:
http://www.senat.fr/evenement/archives/loubet.html
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étition
des habitants de Marmagne en faveur de M.
Perrussot
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Nous soussignés, habitant le hameau de
la Croix-Blanchot, Commune de Marmagne, protestons contre les
manuvres politiques de certaines personnes qui ont fait
circuler une pétition en vue d'obtenir le renvoi ou le
déplacement de notre honorable instituteur.
Il nous serait facile de réfuter les
arguments employés contre ce maître intègre qui
ne connaît que son devoir, mais à la lecture seule de ce
document on sent percer la haine de cette coterie ; on accuse notre
instituteur d'être anti-patriote, de n'être pas
républicain, etc.
Pour nous, nous savons que notre instituteur a
fait son devoir militaire et est tout dévoué à
la patrie. Quant à être républicain, notre
instituteur l'est certainement autant, si ce n'est plus, que ces
braillards mais nous ne pensons pas que pour cela il soit utile de le
crier sur tous les toits.
N'ayant aucun reproche à adresser
à notre instituteur, nous prions donc Monsieur l'inspecteur de
vouloir bien nous le conserver et d'annuler cette pétition
dictée par la haine, car parmi les signataires il y a des
célibataires et des hommes sans enfants qui n'ont ni raisons
ni griefs à faire valoir.
(suivent les signatures des auteurs de la
lettre, que voici)

a
défense de M. Perrussot - 22 mars 1902
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Le Chaume, le 22 mars 1902
A Monsieur l'Inspecteur primaire,
Monsieur l'Inspecteur,
C'est en proie à la plus vive
émotion que j'ai l'honneur de venir vous rendre compte des
faits qui me sont reprochés.
Mon cur est ému, monsieur
l'Inspecteur, mais ma conscience est tranquille, car j'affirme que si
une partie de la population paraît animée contre moi,
cette animation a été toute entière
créée par quelques personnes qui ont dit aux gens :
"L'instituteur est un réactionnaire !"
Tout dernièrement encore, je pouvais me
flatter de n'avoir, à côté de beaucoup d'amis,
que des indifférents.
Je n'ai rien fait pour mériter
d'être appelé réactionnaire. Ce bruit a couru
tout à coup parce que certaines personnes ont appris que mon
beau-frère était curé. A La Chaume, Monsieur
l'Inspecteur, nous sommes près du Creusot : beaucoup de
personnes travaillent à l'usine et ces personnes sont
groupées en deux partis ennemis. Mon beau-frère
étant curé, moi-même ayant commis la hardiesse de
ne faire aucune différence entre les "jaunes" et "les rouges",
on a dit que j'étais un réactionnaire.
le beau-frère
d'Eugène, frère de Sylvie, prêtre qui plus tard
tombera de son clocher
la vie
de Charles
Jacquard, prêtre et
curé
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J'ai cru que mon devoir était
d'entretenir de bonnes relations avec toutes les personnes
honnêtes, avec les parents des élèves, pourvu que
ces personnes soient convenables.
Je n'ai rien fait qui soit de nature à
mériter le titre de "clérical". Je ne vais pas à
la messe, on ne dit point de prières dans l'école. Mon
enseignement est celui d'un bon éducateur. Je ne parle jamais
aux enfants de ce qui divise, mais de ce qui doit rapprocher les
Français. Je leur parle toujours avec le plus profond respect
et, vous n'en doutez pas, Monsieur l'Inspecteur, de la Patrie, de
l'Armée, et du drapeau et de la République.
Mais pourquoi suis-je obligé de me
disculper de n'être pas patriote ? Pour un homme qui a perdu
tout ce qu'il avait de plus cher au service de la Patrie, n'est-ce
pas un supplice épouvantable que d'être obligé de
venir prouver qu'il est patriote ? Mon père, Monsieur
l'Inspecteur, est mort au service, à 58 jours de sa retraite,
mon pauvre frère, sous-officier d'infanterie de Marine, est
mort dans les colonies, loin des siens à 23 ans !
Moi-même j'ai accompli mon service
militaire et, comme beaucoup d'autres instituteurs, j'ai
été nommé officier de réserve.
Si j'ai enlevé le portrait de Monsieur
Loubet, notre vénéré Président de la
République, c'est que cette gravure était en mauvais
état. Quand je suis arrivé à la Chaume, j'avais
enlevé des murs tout ce qui y était placé, pour
organiser la classe à ma façon. L'idée ne m'est
pas même venue de replacer le portrait de M. Loubet qui me
paraissait trop détérioré. Evidemment, il est
bon que le portrait du chef de l'Etat soit placé devant les
yeux des enfants, mais, je le répète, cette image tout
abîmée ne me paraissait pas digne d'une école.
J'aurais dû, il est vrai, en placer une autre. Malheureusement,
je n'en avais point. Mais j'affirme de la façon la plus
solennelle n'avoir enlevé le portrait que pour cette seule et
unique raison : parce qu'il était trop
détérioré. Et encore je ne l'ai enlevé
que parce que j'avais procédé à l'organisation
de l'école.
J'ose espérer, Monsieur l'Inspecteur,
que vous ne doutez pas de ma parole qui est celle d'un honnête
homme. Je serais désespéré si vous doutiez de
mon innocence, car je vénère notre Président
comme tout bon Français doit le faire, et je suis aussi bon
républicain que n'importe lequel de mes
accusateurs.
Il y a deux manières d'être
républicain :
1° Faire des phrases, se dire partisan de
l'enseignement laïque pour pouvoir nuire à l'instituteur,
et en même temps le loger dans un " taudis " infect, et placer
ce maître sous la surveillance du garde et du cantonnier,
etc.
2° Etre le ferme soutien de l'instituteur
en le défendant contre les détracteurs, en le soutenant
contre l'ignorance, et en le logeant comme on doit loger un
éducateur du peuple.
Environs du Creusot -
Marmagne
Le Creusot - route de
Marmagne
Les signataires de la plainte articulent encore
que j'ai décroché les illuminations à coups de
bâton (15 juillet).
Le 15 juillet, au matin il pleuvait. Sans
attendre les voisins, qui d'ailleurs étaient absents, je me
suis dépêché d'enlever à la main
les lanternes que j'ai pu avoir en montant sur les fenêtres de
l'école et du logement, sur l'escalier de la 1e classe, etc.
Quelques lanternes, peut-être 2 ou 3, ont ensuite
été descendues à l'aide d'un drapeau en secouant
le fil de fer. Toutes les lanternes qu'on m'a données, je les
ai conservées, sauf une ou deux qui ont été
brûlées. Si je n'ai pas employé d'échelle,
c'est que l'école n'en possédait, à cette
époque, qu'une seule qui était trop lourde, une
échelle de meunier.
Comment aurais-je osé, en plein jour,
frapper les illuminations ! Les malfaiteurs le font la nuit, et moi
j'aurais commis cette action en plein jour.
Voilà ce qu'on est allé dire aux
gens des quartiers éloignés de l'école - Pt
d'Ajoux et Maison Loye, et voilà pourquoi les gens ont
signé leur plainte.
Qu'ai-je fait à M. Guénard ? J'ai
ses deux enfants dans ma classe, deux enfants que j'aimais comme les
miens. Je ne le connais pas, car je ne l'ai jamais vu passer devant
l'école. Je connaissais sa femme qui avait l'air contente des
progrès de ses enfants. Pour que ces gens là deviennent
du jour au lendemain mes détracteurs, il a fallu qu'on aille
leur dire des choses impossibles sur mon compte.
La pétition faite contre moi est
signée par douze pères de famille qui ont cru,
naïvement pour la plupart, que j'étais un grand coupable.
Les autres ont signé parce que, la pétition
étant officielle, ils avaient peur de se mettre mal avec
l'administration communale. Quant à ceux qui n'ont point
d'enfants et que je ne connais pas pour le plus grand nombre, il a
suffi qu'on leur dise que j'étais un clérical, un
réactionnaire, pour qu'ils signent.
La contre-pétition est signée par
treize pères de famille. Et 6 pères de famille n'ont
pas osé la signer, ayant eu peur de représailles. L'un
d'eux, M. Genevois, conseiller municipal, m'est tout
dévoué. Son fils est, d'ailleurs, mon meilleur
élève.
Le fils de l'instituteur, disent encore les
plaignants, traînait le drapeau dans la boue, le jour du 14
juillet. Mon fils, en effet, a joué, à deux reprises
différentes, au soldat, avec un petit voisin : il a
joué au soldat le jour du 14 juillet et pour l'anniversaire de
V. Hugo.
Mais où ont-ils vu, les signataires,
qu'un enfant de cinq ans traînait le drapeau dans la boue
?
Les drapeaux de la Commune, au nombre de dix,
sont rangés soit en classe, soit au grenier de l'école,
ainsi que les lanternes qu'on me reproche d'avoir
détruites.
Je vous ai montré, Monsieur
l'Inspecteur, deux ou trois débris de drapeaux qui
étaient dans le bûcher. Ces drapeaux, hors d'usage, sans
hampe, réduits à deux ou à une seule couleur,
sont des rebuts. Mon fils, pendant les vacances, quand on a
réparé le bûcher, a-t-il joué avec ces
morceaux d'étoffe ? S'il l'a fait, et je ne m'en souviens
plus, je n'y ai prêté aucune attention. Ce sont ces
morceaux de drapeaux, sans doute, qui ont été
ramassés par le garde.
Lorsque le garde portait les convocations des
conseillers aux fils de ceux-ci, l'instituteur aurait dit : " Vous
êtes bien riches avec vos conseillers de m
"
Infamie que je laisse au compte de ses auteurs.
Je n'ai rien prononcé de semblable.
Quant à l'histoire de l'enfant à
qui j'aurais dit :" Je me f
du Maire et du Conseiller", elle a
été inventée à plaisir, comme la
précédente.
L'enfant, je l'affirme, venait en retard
chaque jour. Ce manège a duré des mois entiers. Les
réprimandes n'y faisant rien, j'ai employé une punition
: le verbe " arriver en retard " à faire à la maison.
Le père m'a fait dire par sa fille qu'il irait trouver M. le
Maire. J'ai donc dit à l'enfant : " M. le Maire va rire de
tout cela" et je n'y ai attaché aucune importance, pensant
bien que M. le Maire soutiendrait, le cas échéant,
l'instituteur. Les enfants prétendent que l'enfant arrivait
à l'heure. Vous voyez, Monsieur l'Inspecteur, la bonne foi de
mes détracteurs, car si j'affirme que l'enfant venait chaque
jour à 8 h et demi, à 9 h moins le quart, je pense que
vous voudrez bien me croire.
J'ai fini, Monsieur l'Inspecteur, de me
défendre. Tout a été dénaturé,
grossi, envenimé, inventé même. Il a suffi qu'on
me dise réactionnaire, clérical, pour qu'une
pétition ait trouvé, chez quelques habitants, la faveur
de leur signature.
Il est inutile que je vous dépeigne ma
triste situation : je ne mange plus, je ne dors plus, je n'ai plus un
moment de tranquillité ; je suis accablé par tout ce
qui se passe autour de moi, par l'uvre de deux ou trois
ténébreux personnages qui sont allés exciter la
population contre moi.
Je compte sur votre impartialité bien
connue des instituteurs pour me laver des faits qui me sont
reprochés. J'ai confiance dans l'issue de l'enquête que
vous avez été appelé à faire sur mon
compte.
Daignez agréer, Monsieur l'Inspecteur,
l'hommage de mon respectueux dévouement.
L'instituteur de La Chaume
E. Perrussot
'enquête
de l'Inspecteur d'Académie - 28 mars
1902
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Académie de Lyon
Département de Saône et Loire
Inspection primaire d'Autun
Autun, le 25 mars 1902
Monsieur l'Inspecteur,
J'ai l'honneur de vous adresser les
résultats de mon enquête sur M. Perrussot, instituteur
à La Chaume, commune de Marmagne.
J'ai fait mon enquête samedi 22 mars ; je
n'ai pas pu vous envoyer mon rapport plus tôt parce que M.
Perrussot m'a fait attendre ses explications écrites, que vous
trouverez ci-jointes, et que j'ai été fort
occupé pendant tout le mois de mars.
J'ai interrogé un très grand
nombre de personnes : les principaux accusateurs, la plupart des
Conseillers municipaux de Marmagne résidant à La Chaume
; j'ai interrogé aussi M. Nectoux, ancien maire et
délégué cantonal, le nouveau maire M. Bidault,
qui s'est fait l'écho des mécontents de La
Chaume.
Vous trouverez toutes ces dépositions
jointes au dossier ; vous y trouverez aussi une seconde
pétition qui m'a été adressée directement
il y a une quinzaine de jours et protestant contre la
première. Elle porte une trentaine de signatures, la
première en a une vingtaine.
De l'examen des pétitions, des
déclarations verbales ou écrites que j'ai
reçues, des explications qui ont toute l'apparence de la
sincérité de M. Perrussot, il résulte que les
faits ont été considérablement
exagérés et présentés sous un jour
faux.
A St Emiland où il est resté
douze ans, M. Perrussot était considéré comme un
bon républicain ; il était l'ami des meilleurs
républicains et en particulier de M. Villeret, père de
Mlle Villeret directrice de l'école Lapeyre à
Mâcon. Mme Perrussot a vaillamment soutenu la concurrence
contre l'école de filles congréganiste : elle a pris
l'école publique avec une douzaine d'élèves,
elle l'a laissée avec 38.
Malheureusement, en arrivant à La
Chaume, M. Perrussot a manifesté tout de suite l'intention de
n'y point rester. Il s'est plaint vivement et de l'étroitesse
et de l'insalubrité du logement - vous savez, Monsieur
l'Inspecteur, qu'il n'a pas tort - et il a demandé des
réparations, la construction d'un groupe scolaire.
Peut-être a-t-il mis un peu d'âpreté dans ses
réclamations. Il est peu sorti, a rarement vu les parents. "Il
prétend qu'il est dans un pays de sauvages" me disait un des
plaignants.
Bref, il a froissé certaines
susceptibilités locales et n'a pas su se rendre sympathique
à une partie de la population.
Mais c'est un maître sérieux,
ponctuel, s'acquittant de ses fonctions avec dévouement et
obtenant des résultats.
Examinons les plaintes dont il est l'objet
:
1° Tout d'abord, on l'accuse d'avoir fait
disparaître de l'école le portrait de M. Loubet et
d'avoir fait ainsi une grave injure au vénéré
Président de la République. J'ose dire que c'est
là une abominable calomnie. En arrivant à La Chaume, M.
Perrussot nettoya sa classe à fond et en enleva des cartes,
des tableaux et en particulier le portrait de M. Loubet, parce qu'ils
étaient malpropres et en mauvais état. Il était
aidé dans son travail par un de ses élèves qui
emporta chez lui le portrait avec d'autres objets ; c'est là
que M. Lacour Antonin l'a vu, et c'est de lui que vient l'accusation.
Je joins le portrait au dossier, afin que vous puissiez juger de son
état. M. Perrussot était loin de se douter qu'on
pourrait donner une pareille interprétation à un simple
acte de bon ordre et de propreté et il en est justement
indigné (voir sa lettre)
2° On accuse M. Perrussot d'avoir
laissé son fils âgé de 5 ans, traîner dans
la boue le drapeau tricolore. M. Perrussot reconnaît, et il
résulte des dépositions entendues, qu'au 14 juillet,
pendant plusieurs jours, et le 21 février dernier, son enfant
s'est en effet promené devant l'école avec un drapeau.
Son petit camarade, le jeune Regnault, 5 ans, m'a dit :"On jouait au
conscrit". Le jeune Perrussot a d'ailleurs un drapeau qui lui
appartient. Néanmoins il a dû en promener d'autres, car
j'en ai vu trois chez le garde-champêtre, dont un avec une
hampe, en assez bon état ; les autres n'étaient que des
loques. M. Perrussot dit :" Les prétendus drapeaux
étaient de vieux débris que l'enfant prenait dans le
bûcher." Tous n'étaient pas de vieux
débris.
Evidemment, M. Perrussot n'a pas voulu, comme
on l'en accuse, insulter le drapeau tricolore ; il est fils et
frère de soldats, il est officier de l'armée
territoriale et profondément patriote. Mais il y a eu de sa
part manque de surveillance et négligence regrettable : je
l'en ai blâmé.
3° Je ne crois pas devoir retenir
l'accusation d'avoir décroché avec un bâton les
lanternes qui servaient à l'illumination de l'école le
14 juillet ; les explications de M. Perrussot me paraissent
suffisantes.
4° On se plaint enfin que M. Perrussot
aurait dit, en parlant des Conseillers Municipaux et du Maire : "Vous
êtes bien riches avec vos Conseillers de m
" et une autre
fois : "Je me f
des Conseillers et du Maire". Je vous prie,
Monsieur l'Inspecteur, de lire les dépositions à cet
égard. Aucun plaignant, pas plus le garde-champêtre que
les autres, n'a entendu ces paroles. Elles auraient été
dites en classe et rapportées par les enfants. J'ai
interrogé plusieurs élèves, la plupart ne savent
rien, n'ont rien entendu ; deux exceptions. L'une, la jeune
Guénard, fille d'un des principaux plaignants, bonne
élève : "J'ai entendu M. Perrussot dire : Je me f
des Conseillers et du Maire". L'autre, le jeune Jean Lacour, mauvais
élève à l'occasion duquel le mot aurait
été prononcé, me dit :" Je ne sais rien, mon
papa vous parlera". Ce père que je vois plus tard : " Voyons,
Jean, c'est bien comme ça que tu m'as dit ". Et alors l'enfant
assure avoir entendu les deux phrases incriminées. "C'est en
classe que M. Perrussot a parlé ainsi ? " demandé-je. "
Non, non?, c'est devant Mme Lacagne et son garçon, qui me
l'ont répété. " Le temps m'a malheureusement
fait défaut pour voir Mme Lacagne. M. Perrussot affirme
n'être jamais allé chez elle.
L'explication de l'instituteur me paraît
la seule vraisemblable (voir sa lettre). Les fameuses injures sont
dues à l'imagination malveillante d'un mauvais
élève, à qui ses parents accordent une
créance qu'il ne mérite guère.
Malheureusement, quand M. Perrussot connut la
pétition qu'on colportait contre lui, il ne sut pas
maîtriser sa colère et il dit en classe que ceux qui
avaient fait cette pétition étaient des fripouilles et
des salauds, mots peu dignes d'un éducateur. L'aveu de M.
Perrussot, sa franchise, prouvent suffisamment qu'il n'a pas
prononcé les injures qu'on lui prête contre les
Conseillers et le Maire.
Que reste-t-il des accusations portées
contre l'Instituteur de La Chaume ? Rien de sérieux,
vraiment.
M. Perrussot a le plus profond respect pour le
Président de la République. Il est républicain,
sincèrement républicain. Se pourrait-il qu'un
instituteur laïque ne le fut point ? Il est patriote, il aime le
drapeau tricolore sous lequel sont couchés son père et
son frère. Il n'a pas prononcé de paroles insultantes
à l'adresse des Conseillers municipaux et du Maire de
Marmagne.
Que peut-on lui reprocher ? un manque de
surveillance, quelques imprudences de langage,
légitimées par le mauvais état et l'insuffisance
de son logement. Des paroles trop vives prononcées sous
l'influence d'une juste indignation.
J'estime donc, Monsieur l'Inspecteur, que M.
Perrussot ne mérite pas d'autre blâme que celui que je
lui ai adressé. Mais la scission qui s'est produite à
La Chaume à l'occasion de la plainte dont il est l'objet rend
sa situation très difficile. Il demande son changement
depuis longtemps. Je vous prie instamment, Monsieur l'Inspecteur, de
vouloir bien le nommer à Marnay, avec Mme Perrussot comme
adjointe, suivant ma proposition des 17 et 27 mars.
Veuillez agréer, Monsieur l'Inspecteur,
l'hommage de mon respectueux dévouement.
(suit la signature de l'inspecteur
d'académie)
nfance
à Toulon et arrivée en Saône et Loire
(1869-1885)
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remières
années dans la carrière d'instituteur
(1885-1888)
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nstituteur
à Saint Emiland (1888-1901)
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nstituteur
à Marmagne (1901-1902)
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nstituteur
à Saint Léger avant la guerre de 14-18
(1902-1914)
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oilu
au front (1914-1919)
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ernières
années à Saint Léger puis à
Saint Clément lès Mâcon, retraite et
décès à Flacé
(1919-1930)
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Michel Guironnet - août
2006
etour
à l'accueil
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