ispense
d'âge pour passer le Certificat
|
"Paris, le 2 juillet 1889
Monsieur l'Inspecteur (d'Académie à Mâcon),
J'ai l'honneur de vous communiquer pour renseignements et avis, la
demande de dispense d'âge formée par le Sieur Perrussot,
instituteur adjoint à Saint Emiland, à l'effet de se
présenter à l'examen du certificat d'aptitude
pédagogique."
Saint Emiland se situe dans la
cible bleue. http://www.viamichelin.com/
L'inspecteur d'académie de Mâcon
communique le dossier le 6 juillet à l'inspecteur primaire
d'Autun, le priant "de vouloir bien l'examiner et me le renvoyer
dans le plus bref délai avec votre rapport terminé par
des conclusions motivées."
Celui-ci rend un avis favorable le 11 juillet
et le 14 août, l'inspection académique prend sa
décision : Eugène Perrusot peut
bénéficier d'une dispense pour se présenter
à l'examen.
Rappelons qu'Eugène Perrussot est
titulaire depuis le 21 juillet 1885 du Brevet de Capacité
(simple), examen passé et réussi à Mâcon.
Le Certificat d'Aptitude Pédagogique est, pour la suite de sa
carrière d'instituteur, "un deuxième niveau"
indispensable après le Brevet de Capacité... En juillet
1889, il n'a pas encore 21 ans. C'est pour cela qu'il demande une
dispense d'âge.
Saint Emiland - La
place
|
Route de Couches et
Hôtel Picard
|
e
certificat d'aptitude
pédagogique
|
Dès
1816, date du premier règlement sur
les brevets d'instituteur, on a compris
qu'il ne suffisait pas de constater le
degré d'instruction
générale des candidats, mais
qu'il fallait s'enquérir aussi de
leur aptitude à
l'enseignement
Les
examens du Brevet entre 1833 et 1850 ne se
bornent plus à une interrogation
sur les modes d'enseignement et sur les
méthodes. Ils intègrent en
outre une leçon orale sur une
matière d'enseignement. Le
règlement de 1836 sur les Brevets
des institutrices contient une disposition
plus importante encore : il exige
l'exposition des principes
d'éducation et des diverses
méthodes.
Le
législateur de 1850 (loi Falloux)
considéra sans doute cette
épreuve comme inutile,
peut-être même dangereuse. Il
la supprime. Aussi ne tardait-on pas
à s'apercevoir combien les
instituteurs et les institutrices
étaient peu préparés
à leurs fonctions.
Une
circulaire ministérielle du 8 mai
1855 cherche à réagir et
recommande aux examinateurs de rattacher
à l'épreuve de lecture
diverses questions sur les meilleurs
procédés à suivre
pour l'enseignement de cette
matière.
Il
faut arriver à
l'arrêté de 1866 pour
retrouver cette timide épreuve
pédagogique. Le ministère
recommande aux examinateurs de poser aux
candidats des questions sur les
procédés d'enseignement des
diverses matières comprises dans le
programme obligatoire.
Mais cette épreuve ne fut jamais en
grand honneur auprès des
commissions d'examen qui ne voyaient pas
l'utilité qu'il y a pour
l'instituteur d'avoir
réfléchi et de s'être
fait une opinion sur la meilleure
manière d'organiser une
école, de distribuer son temps, de
diriger les enfants et d'enseigner les
différentes matières du
programme...
Le
Certificat d'Aptitude Pédagogique
est officiellement instauré en 1881
: il est institué, dit l'article 3
du décret du 4 janvier 1881, sous
le nom de Certificat d'Aptitude
Pédagogique, un titre
complémentaire de l'un ou de
l'autre brevet, destiné à
constater plus particulièrement
l'aptitude des instituteurs ou des
institutrices à la direction des
écoles publique à plusieurs
classes. Et l'article 6 ajoute que les
candidats à ce certificat devront
avoir 21 ans révolus et justifier
de 2 ans d'exercice au moins dans
l'enseignement public ou libre. Le
décret ne pouvait pas rendre ce
nouveau diplôme légalement
obligatoire pour tous. Aussi ne
l'institua-t-il qu'à titre
facultatif et comme but posé aux
candidats à la direction des
grandes écoles, en attendant qu'une
loi l'impose à tous.
Voici
les épreuves de cet examen à
son début :
- 1°
Une composition française sur un
sujet relatif à la tenue de
l'école ou aux
procédés d'enseignement
- 2°
Une correction orale de devoirs
d'élèves faits devant le
jury après une demi-heure de
préparation
- 3°
Une leçon faite devant un jury,
dont le sujet, tiré au sort,
pourra être une leçon de
choses, une leçon d'instruction
morale et civique, de langue
française, d'histoire, de
géographie,
d'arithmétique ou
d'agriculture.
A
partir de 1886, l'examen devint
obligatoire pour tous. Il comporte trois
épreuves : une épreuve
écrite qui est éliminatoire,
une épreuve pratique et une
épreuve orale.
Les candidats peuvent être
dispensés de la première
s'ils justifient d'au moins 5 ans
d'expérience professionnelle. Elle
consiste en une composition
française sur un sujet
élémentaire
d'éducation et d'enseignement.
Pour les candidats admissibles,
l'épreuve pratique consiste en une
classe de 3 heures faite par chaque
candidat dans la classe ou l'école
qu'il dirige. Cette épreuve se fait
dans le cours de l'année scolaire
devant une sous-commission nommée
par l'inspecteur d'Académie.
L'épreuve orale se fait à la
suite de l'épreuve pratique.
Elle consiste :
- 1°
Dans l'appréciation de cahiers
de devoirs mensuels
- 2°
Dans des interrogations en rapport avec
les autres épreuves
déjà subies par le
candidat et portant sur des sujets
relatifs à la tenue et à
la direction d'une école
primaire élémentaire ou
sur des questions de pédagogie
pratique.
Chacune
des épreuves est jugée
d'après l'échelle de 0
à 20. Tout candidat qui n'a pas
obtenu la note 10, tant pour
l'épreuve écrite que pour
l'épreuve pratique, est
ajourné. Est ajourné
également tout candidat qui n'a pas
obtenu la moyenne 30 pour l'ensemble des
épreuves. (1)
(1)
Cet historique s'inspire pour l'essentiel
de "Les examens du personnel de
l'enseignement primaire" in
Mémoires et documents scolaires
publiés par le musée
pédagogique ; chapitre sur le
Certificat d'Aptitude Pédagogique
(p. 64-88) Merci aux correspondants du
"Guichet du Savoir" de la
Bibliothèque municipale de Lyon
pour m'avoir orienté dans ces
recherches documentaires.
|
|
|
Comment Eugène Perrussot se
prépare-t-il pour cet examen, tout en faisant sa classe aux
enfants de Saint Emiland ?
Par un important travail personnel, en s'aidant
d'ouvrages spécialisés tels que :
- "Recueil de compositions françaises
précédé des conseils à l'usage des
aspirants et aspirantes au certificat d'aptitude
pédagogique" BADRE A Paris : Nouvelle librairie classique,
1886
- "Manuel du certificat d'aptitude
pédagogique" BROUARD Eugène et DEFODON Charles.
Paris : Hachette, 1885
- "Lettres pédagogiques,
modèles de rédactions et sujets à traiter
à l'usage des aspirants et des aspirantes au brevet de
capacité et au certificat d'aptitude pédagogique"
VINCENT Pierre, Paris : A. Boyer, 1882
Il est vrai qu'en 1889, Eugène est
encore célibataire, libre comme l'air et maître de son
emploi du temps ! Eugène obtiendra son diplôme à
la session de 1890-91.
nspection
de la classe de garçons à Saint
Emiland
|
Rapport sur l'instituteur adjoint (du 1er
janvier 1889) :
- "Quelles sont les qualités
principales de l'instituteur adjoint ? :
Mr Perrussot est sérieux, actif et intelligent.
- Quels sont ses principaux défauts ?
:
(laissé en blanc)
- Quelle est l'opinion du directeur de
l'école sur ce fonctionnaire ? :
Mr Perrussot est un bon instituteur, qui s'occupe
sérieusement de sa classe. Il a des aptitudes pour la
profession d'instituteur."
Au dos du document est le procès verbal
de la visite fait par l'inspecteur primaire d'Autun le 26 mars 1889.
La classe d'Eugène compte 44 élèves !
"Renseignements et remarques
particulières
- Leçon de lecture : les
élèves lisent avec goût, le ton est bon, la
diction nette. Ils répondent bien aux questions qu'on leur
fait, ils comprennent leur lecture.
- Presque tous les enfants savent lire
sauf six qui sont encore sur les tableaux (d'apprentissage de la
lecture). Il y a de l'ordre et de la discipline dans la classe.
Les cahiers sont assez propres et bien tenus. Quelques devoirs
sont un peu longs et les corrections du maître ne sont pas
toujours irréprochables. Quelques-unes sont
négligemment faites.
- Le calcul mental est bien
enseigné et donne de bons résultats. Les enfants
répondent bien en système métrique, histoire
et géographie, leçons de choses. Les réponses
ne se font pas attendre ; elles sont nettes, précises et
faites sans hésitation.
- La classe a beaucoup gagné depuis
la dernière visite. On peut dire qu'elle s'est
transformée."
Cette précédente inspection avait
eu lieu en décembre 1887, Eugène Perrussot n'est pas
l'instituteur en poste.
Saint Emiland - Rue du
Centre
L'inspecteur donne sa "note
générale sur la classe : assez bien - 14 (sur
20)".
En conclusion, il écrit : "Mr Perrussot promet de faire un
sujet sérieux ; il n'a pas encore assez d'expérience,
mais il a des aptitudes et du zèle."
"Mr Perrussot doit être maintenu à son poste, suivant
le désir qu'il a exprimé."
ppel
sous les drapeaux
|
Le 3 octobre 1890, Eugène écrit
à l'inspecteur d'académie :
"
Faisant partie de la classe 1889, je dois être
appelé en novembre prochain à faire une année de
service militaire."
Eugène précise "ayant un
frère sous les drapeaux, et étant moi-même
aîné
d'orphelins, je n'ai pas eu à
contracter d'engagement décennal ; mais mon plus grand
désir serait d'être replacé à mon retour
de service en octobre 1891 dans mon poste actuel à Saint
Emiland.
Je prie donc Monsieur l'Inspecteur d'Académie de ne
désigner mon remplaçant à Saint Emiland que pour
l'année que je resterai sous les drapeaux..."
Quel est le frère sous les drapeaux ? Ce
ne peut qu'être Claude, 18 ans en 1890. Henri n'a alors
que 16 ans
un peu jeune pour être soldat !
fiche matricule d'Eugène -
1889
Pour
connaître Claude (1871-1894),
frère d'Eugène
|
|
|
e
service militaire en quelques
mots
|
Le
marquis de Chasseloup-Laubat, rapporteur
de la loi du 27 juillet 1872,
présente le service militaire comme
"une nécessité sociale
qui s'imposerait à notre pays alors
même que la défense de notre
sol ne le commanderait pas
impérativement."
Dans
son article 1, cette loi stipule que
"Tout Français doit le service
militaire personnel." La durée
du service militaire est fixée
à 5 ans dans l'armée
d'active. Puis les conscrits restent dans
la réserve pendant 4 ans. Enfin,
ils appartiennent à la territoriale
pendant 11 ans. Ce qui en tout fait 20 ans
d'obligations militaires pour tous
en théorie.
En
fait, la loi maintient de nombreuses
inégalités avec un
système de dispenses très
libéral concernant les
ecclésiastiques, les enseignants,
les soutiens de famille (c'est le cas
d'Eugène, à double
titre).
Les élèves des grandes
écoles, eux, s'engagent à
servir dans la fonction publique pendant
au moins 10 ans. C'est l'engagement
décennal dont parle
Eugène.
De plus, comme il est impossible de
financer l'incorporation de la
totalité des contingents pendant 5
ans, un système de tirage au sort a
été mis en place : ceux qui
tirent les "bons numéros" ne
doivent effectuer que 12 mois, voire
moins.
La
loi du 17 juillet 1889 fait progresser le
principe d'universalité. Un service
militaire de 3 ans est imposé
à tous, religieux et laïcs. En
revanche, les instituteurs laïques,
seuls instituteurs publics, ne sont
assujettis qu'à un an de service.
Le tirage au sort subsiste : ceux ayant
tiré un bon numéro
continuent à n'effectuer qu'un an
de service actif.
|
|
|
Etats de Services
Les "Etats de Services" d'Eugène
Perrussot (2) indiquent : "Jeune soldat appelé
dispensé (en vertu de l') article 21 de la classe 1889 de la
subdivision d'Autun. N° 73 de tirage dans le canton de Couches
les Mines. N° 2357 au Registre matricule du
Recrutement"
Eugène Perrussot effectue donc son
année de service militaire comme soldat de 2e classe au 10e
Régiment d'Infanterie à partir du 11 novembre 1890.
Affecté comme Caporal au 29e Régiment d'Infanterie,
à Autun, il est libéré de ses obligations
militaires le 23 septembre 1891. Une note précise :
"envoyé en congé le 23 7bre1891 en attendant son
passage dans la réserve de l'armée active qui aura lieu
le 1er 8bre 1893."
Autun - Caserne du 29e
d'Infanterie - Ancien séminaire
Comme il le souhaitait, Eugène Perrussot
retrouve son poste d'instituteur stagiaire à Saint Emiland le
1er octobre 1891.
(2) Infos tirées de son dossier de la
Légion d'Honneur
emande
de titularisation
|
Saint Emiland, le 20 février 1892 :
"
J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien m'accorder le
titre de titulaire le plus tôt possible. Je suis
instituteur-adjoint depuis le 24 avril 1886, ce qui me fait
près de six années de service, dont 10 mois ½
passés au Régiment. En même temps, je suis
l'aîné de trois orphelins
"
Eugène Perrussot reprend alors les
mêmes arguments que dans ses précédents courriers
: décès de ses parents suite au choléra, alors
que son père était à "moins de 58 jours" de la
retraite, pension inexistante
"
Depuis huit ans, je n'ai cessé de venir en aide
à mes frère et sur, n'aspirant qu'au moment
où je pourrai prendre le plus jeune avec moi, afin de
l'élever et d'en décharger mon oncle, un vieillard de
70 ans, qui n'est plus dans l'âge de travailler et qui a besoin
de repos." (1)
"Je vous prie donc, Monsieur l'Inspecteur d'Académie, en
considération des longs services de mon père, ancien
fonctionnaire de l'Etat mort d'une cruelle maladie, sur le point
d'avoir sa retraite, en considération aussi de ma situation
exceptionnelle, celle de soutien de famille, de vouloir bien faire
droit à ma demande s'il est possible
"
(1) Le plus jeune frère d'Eugène
s'appelle Henri-Joseph. Il est né à Toulon le 19
juillet 1874.
Jean Dutroncy, l'oncle en question, est né le 7 février
1824. Il épouse le 18 septembre 1849 Jeanne Perrussot,
sur aînée d'André Perrussot, le père
d'Eugène. Toute la famille vit à Saint Jean de
Trézy.
Pour
cette période de la vie
d'Eugène
|
|
|
élégramme
d'Alger
|
Télégramme urgent pour
l'Inspection académique :
"23 septembre 1893. Recteur à Inspecteur : prière
faire savoir par télégramme si M. Perrussot accepte
nomination à la section spéciale"
D'Auxonne, dès le lendemain,
Eugène envoie sa réponse à l'inspecteur
d'académie :
"J'ai l'honneur de vous informer que j'ai refusé ma
nomination à l'Ecole Normale d'Alger, Cours
Spécial.
Mon intention était d'y aller mais mes parents s'y opposent.
Je n'ai pu vous faire connaître plus tôt ma
détermination, attendu que je suis au Régiment et que
mon admission ne m'est parvenue qu'aujourd'hui 24 7bre (septembre)
courant. J'ai télégraphié à M. le Recteur
d'Alger."
Cela mérite quelques explications :
(1)
Le 4 mars 1865, un décret
impérial de l'Empereur Napoléon III fonde la
première École Normale d'Algérie. Le 16 janvier
1866, l'Ecole Normale d'Alger, située à Mustapha
Supérieur, est inaugurée avec un effectif de 30
élèves.
Au programme de l'enseignement : instruction morale et religieuse,
pédagogie, écriture, lecture, rédaction, langue
française, arithmétique, calcul, système
métrique, notions d'algèbre, géométrie,
dessin, histoire, géographie, notions de mécanique et
d'industrie, physique, chimie, histoire naturelle. Il faut ajouter
agriculture et horticulture, administration et état civil,
chant et orgue, gymnastique et hygiène. Très rapidement
on y adjoint l'étude de l'arabe.
Dès 1877, suite à des mouvements
de terrain, il faut envisager le transfert des bâtiments. Les
locaux sont, de plus, insuffisants pour les 54 élèves.
Début 1888, à cause d'une menace
d'épidémie de typhoïde et de glissements de
terrain, l'École est transférée dans les
bâtiments inachevés et inutilisés de l'asile
d'aliénés de Bouzarea. L'École se
développe peu à peu : ateliers, laboratoires, dortoirs,
bibliothèques, agrandissement des cuisines, création de
jardins.
Nouveaux uniformes de l'Infanterie
Française
Tenue Réséda - Sergent
De 1865 à 1885, le recrutement local
pose des problèmes et il est nécessaire d'avoir recours
à des candidats de la Métropole. Ces difficultés
de recrutement des élèves indigènes
amènent l'ouverture d'une section spéciale,
destinée aux indigènes, et d'un niveau inférieur
à l'enseignement européen.
Avec la création en 1891 de la "Section
spéciale", l'effectif va passer à 90, puis 209 en 1892
et 248 l'année suivante. Le directeur pourra alors
déclarer : "L'École Normale de Bouzarea est devenue
la clef de voûte de l'édifice scolaire en
Algérie". Elle devenait en cette année la plus
importante des Écoles Normales Françaises.
C'est cette affectation qu'Eugène
Perrussot décline, influencé "par ses parents". C'est
du Régiment d'Auxonne, où il effectue une
"période militaire", qu'il donne sa réponse. En effet,
dans son "Etat des Services" (2), il est noté : "10e
Régiment d'Infanterie (arrivée au corps comme) Caporal
12 juin 1893
(promu) Sergent (de Réserve) 1er octobre
1893".
la Caserne
d'Auxonne
En 1893, Eugène "fréquentait-il"
déjà Mlle Jacquard, qu'il épousera 2 ans plus
tard ? Sylvie, alors, lui aurait parlé de son frère
Ernest, instituteur en Algérie depuis 1890... C'est
peut-être cela qui a donné l'idée à
Eugène de postuler à l'Ecole Normale d'Alger... Ernest
connaissait-il Eugène avant de partir Outre-Mer ? On ne le
saura jamais.
S'il avait accepté de partir enseigner à Alger, on peut
se poser la question : aurait-il épouser Sylvie Jacquard
?
(1) Ce passage est rédigé
grâce à l'histoire de l'Ecole Normale d'Alger Bouzarea
publiée sur le site de l'ENIB http://www.bouzarea.org/Histoire%20ENIB.htm
(2) Pièce du dossier de la Légion
d'Honneur d'Eugène Perrussot
Bonaparte fut "lieutenant en deuxième" à la compagnie
des bombardiers du régiment de La Fère (Artillerie),
à la garnison d'Auxonne en 1788.
ugène
Perrussot épouse Sylvie Jacquard, institutrice
à Saint Emiland, d'une "dynastie"
d'instituteurs
|
"L'an mil huit cent quatre vingt quinze, le
vingt deux septembre, à dix heures du matin, devant nous Dessy
Louis, Maire officier de l'Etat civil de la commune de Saint Emiland,
canton de Couches les Mines, arrondissement d'Autun,
département de Saône et Loire ; ont comparu publiquement
à la mairie :
Mr Perrussot Eugène Henri Jean Baptiste, âgé de
vingt-six ans, célibataire, Instituteur Adjoint, demeurant
à Saint Emiland, né à Toulon (Var) le vingt
quatre janvier mil huit cent soixante neuf, fils majeur et
légitime de feu Perrussot André,
décédé au dit Toulon le quinze juillet mil huit
cent quatre vingt quatre, et de feue Rancurel Philomène
Françoise, décédée à Saint Jean de
Trézy le vingt mai mil huit cent quatre vingt cinq ; d'une
part
et Mlle Jacquard Sylvie Marie Charlotte, âgée de
vingt-sept ans, célibataire, Institutrice, demeurant à
Saint Emiland, née à Gergy (Saône et Loire) le
vingt mai mil huit cent soixante huit, fille majeure et
légitime de Jacquard Jean, Instituteur honoraire et de Gaffiat
Charlotte Félicité, sans profession, demeurant ensemble
à Verdun sur le Doubs ; d'autre part.
Lesquels procédant, le futur de son propre consentement et la
future de celui de ses père et mère ici
présents, nous ont requis de procéder à la
célébration de leur mariage
(Les futurs époux déclarent qu'il n'y a pas eu de
contrat de mariage)
(Nous, Maire) avons successivement demandé aux futurs
époux s'ils veulent se prendre pour mari et pour femme, chacun
d'eux ayant répondu séparément et
affirmativement, déclarons publiquement, au nom de la loi, que
Perrussot Eugène Henri Jean Baptiste et Jacquard Sylvie Marie
Charlotte sont unis par le mariage.
De quoi nous avons dressé acte en présence de Jacquard
Claude, âgé de cinquante sept ans, Instituteur demeurant
à Virey, oncle de l'épouse ;
Jacquard Ernest, âgé de vingt neuf ans, Instituteur,
demeurant à Oran (Algérie) frère de
l'épouse ;
Baroin François, âgé de trente six ans,
Instituteur, demeurant à Saint Emiland, et Jondeau Etienne,
âgé de trente neuf ans, sabotier, demeurant à
Saint Emiland ; ces deux derniers amis des époux ;
Et nous nous sommes soussigné avec les époux, les
père et mère des époux et les quatre
témoins après lecture faite."
|
la famille
Jacquard en septembre 1895
mois où Sylvie se
marie.
|
la famille Jacquard en
septembre 1895 - de gauche à droite,
les hommes : ? / prêtre Jacquard, mort
accidentellement dans son clocher / père Jacquard /
oncle Ernest, derrière
les femmes : ? / mère Jacquard / Clémentine
Jacquard, la plus jeune / Sylvie Jacquard, épouse
d'Eugène Perrussot
|
La jeune épouse d'Eugène
Perrussot, alors institutrice à Saint Léger sous la
Bussière, écrira le 28 novembre 1908 à
l'Inspecteur primaire à Mâcon :
"
J'appartiens à une famille de membres de
l'Enseignement qui n'ont jamais failli à leurs devoirs. Mon
père, mon oncle, mes frères, mes surs, mes
cousins germains sont tous instituteurs ou professeurs. L'un d'entre
eux est Inspecteur d'Académie. C'est vous dire que la famille
Jacquard ne compte que des travailleurs et des serviteurs à
l'Enseignement et à la République."
Son père, Jean Jacquard, nommé
instituteur honoraire en novembre 1894, est en retraite depuis deux
ans. Né à Diconne (canton de Saint Germain du Bois, en
Saône et Loire) le 11 septembre 1833, il a 62 ans. Avec son
épouse, il réside à Verdun sur le Doubs.
(1)
Dans un courrier à l'Inspecteur
d'Académie le 30 avril 1896 pour une demande de "bourse
dans un collège ou un lycée en faveur de ma fille Marie
Clémentine Olympe Jacquard ; admise au concours du 16
courant", il écrit :
"
Je suis entré à l'Ecole normale de
Mâcon en 1851 et j'en suis sorti en 1853 avec le Brevet
complet. J'ai exercé les fonctions d'instituteur pendant 39
ans, 5 mois et 10 jours ; du 1er octobre 1853 au 10 avril 1893 et je
n'ai occupé que deux postes : Champforgeuil et Gergy.
De plus, je suis titulaire de la Médaille d'Argent depuis le
10 juillet 1889
J'ai obtenu une mention honorable de la
Société de Tempérance et une autre de la
Société pour l'Instruction
élémentaire.
Je crois devoir ajouter que, dans ma longue carrière, j'ai
préparé et fait entrer 7 élèves à
l'Ecole normale ; et que j'en ai fait recevoir 2 autres au Brevet
seulement.
Je suis marié et père de 6 enfants, et je ne
possède presque pas de ressources en dehors de ma pension.
Je suis d'une famille d'instituteurs. J'ai 4 enfants dans
l'enseignement, savoir :
- Ernest, instituteur adjoint
chargé de cours complémentaires à
l'école du quartier Karguentah à
Oran
- Sylvie, institutrice titulaire à
Saint Emiland, mariée à Mr Perrussot, instituteur
adjoint au même lieu
- Léonie, institutrice stagiaire
à Sevrey
- Emile, instituteur stagiaire à
Cuiseaux
Un de mes frères est
décédé instituteur adjoint à Chalon sur
Saône en 1865 et un autre est encore en fonctions à
Virey, arrondissement de Chalon. J'ai eu aussi un cousin instituteur
décédé en retraite en 1891
"
Jean Jacquard, instituteur à Gergy
depuis janvier 1867, a rédigé une monographie sur son
village en 1887 (2).
Celle-ci est sur le site de la ville de Gergy : https://www.gergy.fr/monographie-de-m-jacquard
Sylvie Jacquard naît donc en 1868 en
Saône et Loire, non loin de Verdun sur le Doubs :
"L'an mil huit cent soixante huit et le vingt mai à cinq
heures du soir, par devant nous Etienne Raffort, Maire et officier de
l'état civil de la commune de Gergy, a comparu Jean JACQUARD,
instituteur communal âgé de trente quatre ans,
domicilié à Gergy ; lequel nous a
présenté un enfant du sexe féminin, né
aujourd'hui à trois heures du soir, en son domicile, de lui
comparant et de Charlotte Félicité GAFFIAT, son
épouse âgée de vingt cinq ans, sans profession,
auquel enfant il a donné les prénoms de Sylvie,
Marie-Charlotte.
Témoins : 1/ François Perret, garde champêtre,
âgé de quarante ans ; 2/ Joseph Bonjean, instituteur
adjoint, âgé de vingt deux ans, domiciliés tous
deux à Gergy, lesquels ont signé avec nous le
présent acte, ainsi que le comparant, après lecture
(suivent les signatures)."
Après l'école primaire, saisie
par le "virus familial de l'enseignement", Sylvie commence à
étudier à l'Ecole normale de Mâcon. Elle obtient
le Brevet élémentaire en 1884 et poursuit ses
études pour obtenir le Brevet supérieur (3).
La future institutrice doit s'entraîner
à faire la classe. Dans son rapport pour la semaine du 4 au 10
octobre 1886, Madame Guinand, Directrice de l'Ecole annexe,
écrit :
"Mademoiselle Jacquard a de la bonne volonté, elle est
assez active et elle s'est assez bien tirée d'affaire durant
cette semaine exceptionnellement difficile à cause de
l'organisation des cours.
Elle a un peu de difficulté à s'exprimer et ne sait pas
toujours maintenir l'attention de ses élèves, mais ce
sont là des défauts dont elle se corrigera facilement.
Elle peut enseigner le chant."
Sylvie obtient le Brevet supérieur en
1887. Les "renseignements sur Mlle Jacquard", rédigés
à l'Ecole normale de Mâcon le 28 juillet 1887, nous
apprennent qu'elle a une "santé assez délicate ; une
tenue et des manières simples et convenables ; le
caractère très bon et un peu mou ; son instruction et
son aptitude à l'enseignement sont suffisantes."
"Mlle Jacquard est un des élèves les plus faibles de
sa promotion, mais elle a travaillé sérieusement."
Pour son affectation, ses vux sont Gergy (où exerce son
père) ou Pierre en Bresse, non loin de Louhans.
Nommée le 8 octobre 1887 à
l'école publique de filles de Pierre, "école
enfantine", en tant qu'institutrice stagiaire, elle est
installée le 11, en remplacement de Mlle Valet
"appellée (sic) à une autre
destination."
Pierre de Bresse se situe dans la
cible bleue. http://www.viamichelin.com/
Le 5 janvier 1888, c'est sa première
inspection. Elle a de bonnes appréciations de la Directrice
Mme Bonin. L'inspecteur d'Académie note le 20 janvier : "Je
ne connais pas encore Mlle Jacquard qui n'est à Pierre que
depuis le 15 octobre dernier."
Pierre de Bresse - Place de la
Halle et Grande Rue
En septembre 1888, Sylvie écrit à
l'Inspecteur d'Académie à Mâcon :
"
Institutrice stagiaire
devant me présenter en
1889 aux examens pour l'obtention du Certificat d'aptitude
pédagogique, je ne peux guère m'y préparer d'une
manière efficace, attendu que cette classe n'est pas
organisée et n'est en réalité qu'une simple
garderie
"
Elle demande "un cours élémentaire ou un cours moyen
dans une autre école non éloignée de Gergy"
où son père exerce ses fonctions
d'instituteur.
La réponse ne tarde pas : "Mlle
Jacquard est une débutante ; elle est tout à fait
à proximité de son village natal, près de ses
parents. Elle ne peut rien désirer de mieux. La classe
enfantine de Pierre souffrirait de changements trop fréquents.
Avis défavorable. Louhans 19 septembre 1888"
Pierre de Bresse - Ecole des
Filles - Bureau de Poste
Le 5 février 1889, après son
inspection, l'Inspecteur écrit : "Mlle Jacquard tient bien
sa petite classe, maîtresse capable et
zélée." Toutefois, il signale son
"caractère indépendant".
Cette appréciation n'empêche pas
Sylvie Jacquard de récidiver. Le 8 août 1889, elle
écrit de nouveau à l'Inspecteur :
"
J'ai 21 ans depuis le 20 mai 1889 et je dois me
présenter aux examens du Certificat d'aptitude
pédagogique. Mais je ne puis me préparer utilement
à Pierre
"
Principale raison : sa classe enfantine qui l'occupe trop. Elle
réclame un poste "à Chalon Saint Cosme ou simplement
à Chalon (sur Saône) dans le cas où un poste
d'institutrice adjointe serait vacant ; car je pourrais être
utile à ma sur qui suit les cours du Collège de
Jeunes Filles pour se préparer aux examens d'admission
à l'Ecole normale
"
Il doit s'agir de Léonie, sa sur cadette.
Pierre de Bresse - le
Château et la Tour de l'Horloge
Cette fois, l'Inspecteur répond :
"La réclamation de Mlle Jacquard est très juste.
Elle ne peut que perdre de son acquis à Pierre. Elle est bien
notée et mérite un meilleur poste."
Sylvie Jacquard est donc nommée en
octobre 1889 institutrice stagiaire à Rully, en remplacement
de Mlle Besson.
Rully se situe dans la cible
bleue. http://www.viamichelin.com/
Elle passe avec succès le Certificat
d'aptitude pédagogique à la session de 1890.
Elle reste deux ans à Rully, mais les documents nous font
défaut pour cette période.
Rully - la Place de la Croix
Blanche
Rully - la Place Sainte
Marie
Sylvie, 23 ans et 6 mois, est nommée
institutrice titulaire à l'école de filles de Saint
Emiland. Elle s'y installe le 3 novembre 1891. Elle rencontre au
village l'instituteur de l'école de garçons
Eugène Perrussot. Il aura 23 ans en janvier prochain. Il
exerce ici depuis 1888 et vient de rentrer de l'armée il y a
un mois.
Quatre ans plus tard, ils seront mari et femme.
Saint Emiland - à gauche,
l'école communale de filles, photographiée en
1934
la même,
photographiée en 2007
Sylvie a un frère aîné,
Ernest, né à Champforgeuil le 22 mai 1866.
Breveté à Lyon, il débute comme instituteur
adjoint à Saint Gengoux le National le 19 octobre 1885.
Adjoint de son père à l'école de Gergy depuis
octobre 1886, il sollicite un poste en Algérie, alors colonie
française. Il est nommé à Béni-Saf
(province d'Oran) le 24 avril 1890. Présent au mariage de sa
sur Sylvie en 1895, il est instituteur adjoint "chargé
de cours complémentaires" à l'école du quartier
Karguentah à Oran même.
Il cesse ses fonctions le 13 avril 1896.
Oran - la Place
Karguentah
Oran - le marché
Karguentah
La sur de Sylvie, Léonie Louise,
naît le 27 juillet 1872 à Gergy "à six heures
vingt minutes du matin, au domicile de son père." Celui-ci
est accompagné pour la déclaration en mairie de
"Claude Jacquard, instituteur à Virey, âgé de
34 ans, et de Louis Trullard, aussi instituteur à Saint Loup
de la Salle, âgé de 23 ans."
C'est elle qui sera institutrice à Sevrey.
Un deuxième garçon, Claude-Emile,
naît le 9 janvier 1876 à Gergy.
Les deux témoins en mairie sont de la famille Jacquard :
Claude, instituteur à Virey, et un "Claude Emiland
Jacquard, employé de chemin de fer, âgé de 31
ans, domicilié à Lyon, rue Delandine, numéro
treize."
Vingt ans plus tard, le petit Emile sera instituteur stagiaire
à Cuiseaux.
En 1884, le 28 juin, naissent au foyer de
l'instituteur Jean Jacquard des jumeaux :
- Maurice Louis, né "à sept
heures du soir"
- Marie Clémentine Olympe, née
"à neuf heures et demie du soir".
Les témoins sont "Nicolas Valot,
rentier" âgé de 58 ans, domicilié à
Chalon sur Saône ; Claude Jacquard, toujours instituteur
à Virey.
C'est pour sa dernière fille, alors âgée de 12
ans, que Jean Jacquard sollicite une bourse.
L'instituteur de Virey s'appelle Claude
Jacquard. Présent au mariage de sa nièce, il est
né le 14 février 1838 à Diconne. Breveté
à Lyon en mai 1858, il exerce à partir d'octobre 1859
à Mont les Seurre ; puis à Saint Didier en Bresse en
1862. D'octobre 1863 à sa retraite en avril 1899, il est
instituteur à Virey. Il est marié et a trois enfants.
Il meurt en janvier 1911.
(1) Coïncidence : mes ancêtres
maternels ont pu, peut être, le rencontrer. D'abord
installé à Santenay, où naît Anne sa
première fille, Gaspard Chandioux est tailleur de pierres. Il
est domicilié à Verdun sur le Doubs où naissent
ses autres enfants, entre janvier 1874 et le 15 juillet 1888,
naissance de ma grand mère maternelle Isaure. Son
épouse, Rosine Lenoble, décède le 15 novembre
1890 à Verdun sur le Doubs. Gaspard Chandioux
décède le 21 mars 1892 à Verdun sur le
Doubs.
(2) Sur les monographies des instituteurs, on
lira l'introduction sur le site Internet http://perso.wanadoo.fr/delbrayelle/monographies_des_instituteurs.htm
(3) Tous les documents cités sont
tirés du dossier d'institutrice de Sylvie Jacquard 3 T 538 aux
archives de Saône et Loire à Mâcon.
nspections
et demandes pour "un poste double"
d'instituteurs
|
Ce chapitre est construit essentiellement en
croisant les données biographiques du dossier d'instituteur
d'Eugène Perrussot (3 T 596) avec celui d'institutrice de
Sylvie Jacquard (3 T 538) aux archives de Saône et
Loire.
"Parfaite exactitude, moralité
très bonne, caractère doux, franc et ferme, relations
excellentes avec le Directeur, bonnes avec les familles."
Sur "sa manière d'être avec les enfants qui lui sont
confiés", l'inspecteur note en juin 1894 : "Prend son
rôle au sérieux et sait inspirer aux enfants le
goût du travail."
Eugène Perrussot, toujours célibataire, est bien
noté. Son traitement est de 1000 francs.
En décembre de la même
année, l'inspecteur écrit : "Mlle Jacquard a
parfaitement réussi à Saint Emiland où elle a
acquis l'estime et les sympathies de tous par son attitude, sa
conduite et la façon dont elle dirige son école.
Celle-ci était sans élèves à
l'arrivée de Mlle Jacquard (novembre 1891). Elle en compte
aujourd'hui presque autant que l'école rivale."
Sylvie Jacquard enseigne à 42 filles. Précisons que
"l'école rivale" est une école
"congréganiste", c'est-à-dire dirigée par des
religieux.
a
"guerre scolaire"
|
Jules
Ferry tire les premières salves
dès mars 1879. L'article 7 de son
projet de loi : "Nul n'est admis
à diriger un établissement
public ou privé de quelque ordre
qu'il soit ni à y donner
l'enseignement s'il appartient à
une congrégation
(religieuse) non
autorisée" est principalement
dirigé contre les Jésuites.
Mais autant dire qu'il s'agit d'une
interdiction d'enseigner à tous les
congréganistes. En effet les
congrégations avaient
été en grande partie
supprimées par la
Révolution.
Suite au rejet de cet article par le
Sénat, Ferry promulgue les 29 et 30
mars 1880 deux décrets : expulsion
des Jésuites hors du territoire
français dans les trois mois et
obligation pour les autres
congrégations de demander une
autorisation pour régulariser leur
situation sous peine d'être
expulsées.
Les débats autour des lois Ferry
(juin 1881 et mars 1882) sur
l'école "gratuite, laïque
et obligatoire" attisent encore les
passions entre Républicains et
Catholiques. La loi Goblet du 30 octobre
1886 décrète que le
personnel des écoles publiques
serait désormais laïc. Aucun
religieux ne peut donc être
instituteur public. Cela permet, par
opposition, l'ouverture des "écoles
congréganistes".
'armistice
|
Une
période d'accalmie commence
grâce à la politique dite du
Ralliement de l'épiscopat
français (toast d'Alger novembre
1890) et à la reconnaissance de la
République par le Pape Léon
XIII (février 1892). La lutte
reprendra en 1899 entre partisans de
l'école laïque et ceux de
"l'école libre" suite aux projets
de loi de Waldeck Rousseau.
|
|
|
Le 5 novembre 1895, Sylvie Jacquard
"épouse Perrussot" (elle s'est mariée il y a à
peine 2 mois !), lors de son inspection, est notée 13/20.
"Mme Perrussot a encore pas mal à apprendre au point de vue
des méthodes d'enseignement. Elle y parviendra. Elle aime son
métier et travaille volontiers. Elle a de plus un
mérite sérieux : celui d'avoir repeuplé cette
école que son prédécesseur avait laissé
à peu près vide." Elle n'a plus que 34 filles en
classe.
|
"prise peu
avant mon mariage"
Sylvie se marie en septembre
1895.
|
|
Au début de l'année suivante, le
17 janvier 1896, le couple Perrussot fait une première demande
"d'un poste double d'instituteur et d'institutrice chargés
d'une école" :
"
Autant que possible, nous nommer dans une commune à
proximité de Verdun sur le Doubs où habite notre
famille
"
L'inspecteur primaire d'Autun donne un avis
favorable le 26 janvier :
"Mr Perrussot est un maître zélé et capable.
Quant à Mme Perussot, elle a su - malgré une
sérieuse concurrence - peupler une école qu'elle avait
trouvée à peu près vide
d'élèves.
Les amis de l'enseignement laïque la verront partir de Saint
Emiland avec regret."
Il écrit à son supérieur
le 2 avril 1896 :
"
J'ai inspecté Mr et Mme Perrussot le 24 mars
dernier
Mr et Mme Perrussot sont l'un et l'autre des
maîtres sérieux.
Mme Perrussot est instruite, intelligente. Un peu molle, elle
pourrait mieux faire. Toutefois, elle soutient avantageusement la
concurrence contre l'école privée
congréganiste."
"Mr Perrussot est laborieux, dévoué et doué
d'une réelle aptitude pédagogique. Il obtient de bons
résultats. Je donne à leur demande un avis
favorable."
Pourtant, leur dossier n'avance pas. Les
époux Perrussot renouvellent leur demande le 25 mai 1896 :
"
Voici nos états de services respectifs
:
- Mme Perrussot, née Jacquard, a
onze années de services, dont 5 années ½ comme
titulaire. Elle est chargée d'une école depuis 4 ans
1/2.
- E. Perrussot a débuté dans
l'Enseignement le 3 mai 1886 et est titulaire depuis 3 ans ½.
Dans l'armée, il a le grade de Sous Lieutenant de
Réserve
"
Emile (Léon Jean André), leur
premier garçon, naît le 5 août 1896 "à
quatre heures du soir."
Eugène Perrussot, "âgé de vingt sept ans,
instituteur adjoint, sous-lieutenant de réserve au 134e de
Ligne", déclare la naissance en Mairie de Saint Emiland le
7 août. Il est accompagné de ses amis témoins
à son mariage : l'instituteur François Baroin, 37 ans,
et le sabotier Etienne Jondeau, 40 ans, "tous deux
domiciliés à Saint Emiland".
Un an après leur première
demande, le 4 février 1897, Eugène et Sylvie
écrivent chacun une lettre à l'inspecteur
d'Académie à Mâcon :
"
J'ai l'honneur de vous prier de bien
vouloir m'accorder mon changement de St Emiland et de me nommer
instituteur adjoint dans une commune où ma femme serait, en
même temps, directrice d'école. Je désirerais que
cette commune soit à proximité d'une ligne de chemin de
fer et autant que possible dans les environs de Verdun (sur le Doubs)
où habite notre famille."
"A St Emiland, nous n'avons aucun avantage, les
déplacements sont très coûteux et nous
occasionnent beaucoup de dépenses.
Mes états de service, joints à ceux de ma femme, me
permettent d'espérer un poste plus avantageux que St
Emiland."
Eugène rappelle qu'il est Sous Lieutenant de
réserve.
La lettre de Sylvie est rédigée
en des termes presque identiques, employant les mêmes
arguments. Son vu est "un poste de directrice d'école
avec adjointe, dans une commune où mon mari serait en
même temps nommé instituteur adjoint."
Le 24 mars 1897, les deux écoles de
Saint Emiland (827 habitants) sont inspectées.
Bonnes appréciations sur Monsieur
Perrussot.
Les notes sur les matières enseignées
s'échelonnent pour l'instituteur entre 10 et 14 sur 20 ; la
plus basse est en dessin, la plus haute en géographie, les
autres notes sont surtout des 13/20 (lecture, grammaire et
orthographe, exercices de français, arithmétique et
système métrique, chant, travaux manuels
12 en
tenue des cahiers et écriture).
La "note professionnelle" attribuée est de 13/20.
"Mr Perrussot est chargé du Cours élémentaire
et du Cours préparatoire (43 garçons en tout). C'est un
maître expérimenté, actif, doué d'une
aptitude pédagogique sérieuse
"
On apprend aussi que "M. Perrussot, marié à
l'institutrice, est logé dans l'école de
filles."
Le rapport d'inspection est plus
sévère pour l'école de filles :
"Mme Perrussot m'a paru intelligente, instruite, mais molle et peu
active. Les élèves récitent les leçons
sans explications de la maîtresse qui, livre en main, les
reprend si elles se trompent : rien de plus commode.
Pas de cours de morale suivi, des lectures sans résumé.
Qu'en reste-t-il dans l'esprit des enfants ? Fort peu de chose sans
doute.
Les cahiers sont assez bien tenus ; les devoirs assez bien choisis et
corrigés.
Supprimer le cahier de dessin, les modèles sont trop
difficiles à exécuter et l'élève les
copie sans comprendre.
Résultats passables 11/20"
|
Eugène et
Sylvie à St Emiland,
devant l'école de filles,
avec le petit Emile, né le 5 août
1896
La photo date de 1897 ou 1898.
|
|
En 1899, les époux Perrussot sont
toujours à Saint Emiland !
Le 22 février, nouvelle demande pour obtenir "un poste
double pour les prochaines vacances de Pâques".
Dans le ton employé, on sent une
certaine lassitude et une pointe d'exaspération devant "les
lenteurs de l'Administration".
Eugène rappelle que "sa femme, Mme Perrussot née
Jacquard, a près de 14 ans de services. Elle est
élève de l'Ecole Normale de Mâcon, elle est
pourvue du Brevet Supérieur et du Certificat d'Aptitude
pédagogique. Elle dirige l'école des filles de Saint
Emiland depuis 1891 et a obtenu la mention honorable de la
Société pour l'Instruction Elémentaire."
"De mon côté, je suis dans l'enseignement depuis le 3
mai 1886 ; je possède le Certificat d'Aptitude
pédagogique depuis la session de 1890-91."
"J'ose espérer
que vous accueillerez favorablement
notre demande."
Peine perdue ! Rien ne bouge.
Pour son inspection du 29 avril 1899,
Eugène passe une épreuve de géométrie et
une de récitation. Les résultats sont, dans l'ensemble,
corrects "malgré quelques hésitations des enfants.
Des améliorations sont souhaitables." Les
appréciations de l'inspecteur sont bonnes
Eugène
est noté 13/20.
Son épouse a la visite de l'inspecteur
le 14 mai 1900 ; elle est notée 12/20 :
Enfin, début janvier 1901, les
époux Perrussot obtiennent les nominations tant attendues :
ils sont nommés à l'école primaire du hameau de
La Chaume, à Marmagne.
nfance
à Toulon et arrivée en Saône et Loire
(1869-1885)
|
|
remières
années dans la carrière d'instituteur
(1885-1888)
|
|
nstituteur
à Saint Emiland (1888-1901)
|
|
nstituteur
à Marmagne (1901-1902)
|
|
nstituteur
à Saint Léger avant la guerre de 14-18
(1902-1914)
|
|
oilu
au front (1914-1919)
|
|
ernières
années à Saint Léger puis à
Saint Clément lès Mâcon, retraite et
décès à Flacé
(1919-1930)
|
|
Michel Guironnet - novembre /
décembre 2005
etour
à l'accueil
|
|
https://www.stleger.info