ité ouvrière Saint Frères à Saint Léger lès Domart, dite cité Saint-Charles

 

historique

La cité ouvrière, dite cité Saint-Charles, a été édifiée en plusieurs campagnes, à l'initiative des Saint Frères.

Les premiers logements sont construits entre 1872 et 1881, date à laquelle le recensement de population signale la présence de 50 logements (59 ménages et 317 habitants). Celui de 1906 mentionne 57 logements (57 ménages et 267 habitants), ainsi que 71 maisons (66 ménages et 371 habitants), dans la Cité Neuve, extension mentionnée "en construction", sur le plan du 23 août 1897 (actuels n°118 à 254 cité Saint-Charles). En 1911, la cité compte 127 logements pour 102 ménages (489 habitants).

 

1897 - plan de masse de la cité en cours de construction (section 1) par Ségard

 

1897 - plan de masse de la cité en cours de construction (section 2) par Ségard

 

 

description

La cité comprend un ensemble de 127 logements mitoyens et alignés sur rue, répartis en quatre blocs ou îlots. A l'exception du bloc de logements n°62 à 114, les rangées sont constituées de 10 maisons mitoyennes.

Les logements n°2 à 94, disposent d'un jardin, qui s'étend au nord des petites dépendances fermant la courette.

Plus à l'ouest, l'étroitesse du terrain disponible n'autorise que la petite cour postérieure et dépendance.

Les logements, à étage de comble, sont construits en briques et couverts de tuiles mécaniques. Les deux maisons situées aux numéros 200 et 202, présentent un traitement d'angle à pan coupé et comptent un étage carré.

 

vers 1910 - la gare et la cité Saint-Charles

 

vers 1930 - rue de la Gare

 

 

statut, intérêt et protection

La cité Saint-Charles est construite à l'intiative des Saint Frères, pour loger les ouvriers travaillant dans leur usine d'Harondel. Les logements sont construits le long de la route aménagée entre Saint-Léger et Saint-Ouen, qui longe la voie ferrée.

Les premiers logements (à proximité de la gare), construits dans les années 1870, sont contemporains des premières cités de Saint-Ouen. En 1881, la cité compte 50 logements. A l'ouest, vers Saint-Ouen, les 71 logements supplémentaires signalés en construction sur un plan de 1897, sont encore désignés sous le nom de "cité neuve" dans le recensement de 1906. Cette appellation disparaît dans le recensement de 1911, qui signale la présence de 127 logements (dont 27 inhabités) pour 102 ménages et 489 habitants.

Comme à Flixecourt, dans la cité Saint-Maurice (Cartonnerie), la cité compte deux maisons mitoyennes à étages, implantées en parcelle d'angle.

 

1991 - la cité Saint-Charles et la gare

 

1991 - les logements de la "vieille cité" (80 à 108 cité Saint-Charles)

 

1991 - les logements de la "cité neuve" (198 à 160 cité Saint-Charles)

 

1991 - vue de l'arrière des logements depuis le nord

 

1991 - vue de l'arrière des logements et des jardins de la "vieille cité"

 

description de la cité Saint-Charles
In "Saint-Léger ! Saint-Léger ! Deux minutes d'arrêt - chapitre 1" par Daniel Clerentin - 1991

Daniel Clerentin (1991) raconte ses souvenirs de la cité dans laquelle il est né en 1919 :

"Dans la "vieille", chaque maison comprend une pièce à vivre d’une quinzaine de mètres carrés, avec une porte pleine donnant sur la rue de plain pied. Une fenêtre éclaire cette pièce. On n’avait pas jugé utile de poser un volet à cette baie. Derrière la pièce à vivre, une autre plus petite, coupée en son milieu par un mur de refend montant à mi-hauteur du plafond toiture. La surface habitable de cette piécette fait à peine huit mètres carrés. Dans le mur de refend, une porte pleine, très basse, donne accès à un genre de cave au ras du sol : le plat-cul. Cet endroit éclairé et aéré par un minuscule soupirail, sert de réserve à légumes, on y stocke aussi du charbon. Au plafond un crochet scellé met le garde-manger hors de portée des rongeurs. Il est souvent de confection maison, fait avec des cadres en bois de caroline sur lesquels on a cloué du grillage très fin. En été, la fraîcheur relative du plat-cul permet d’y garder de la viande quelques jours. Le grillage fait obstacle aux cafards, blattes, mouches et autres insectes.

Au dessus du plat-cul, l’espace est libre jusqu’au plafonnage de toiture. On utilise cet espace pour stocker des bottes d’oignons, d’échalotes, de haricots.

En étage de la pièce principale, on trouve la chambre qui est accessible par un escalier prenant dans un angle de la pièce. Assez haute du centre, il faut baisser la tête en approchant du mur de façade. Le conduit de fumée de la cheminée passe contre un mur, il est censé adoucir l’atmosphère l’hiver. Personne, lors de la construction, ne s’est préoccupé d’isolation. Le plafond est fait d’un lattis cloué sur les solives du toit, bourré d’un mortier d’argile et de chaux, avec des fibres de jute comme liant. L’épaisseur de plafond atteint à peine trois centimètres. Une fenêtre, en chien assis, de modestes dimensions, donne un peu de clarté et permet l’aération.

Le sol de la pièce principale est fait d’un mortier maigre de gravillons, de sable et d’un peu de ciment. Le savon mou et la serpillière ont, peu à peu, rendu ce sol blanc, livide. Il faut souvent rapiécer le sol trop friable. Mais le luxe de ce pauvre sol n’a pas été repris pour la seconde pièce. Elle n’a qu’un revêtement de terre battue. Le ciment, matière rare, n’était pas fabriqué par Saint. Tous les murs étaient liés au mortier d’argile, sable et chaux éteinte.


La "neuve" est plus habitable. Outre l’agrandissement sensible de la pièce arrière, sans mur de refend, le plat-cul avait cédé sa fonction à une vraie cave voûtée en briques avec une porte d’accès sous l’escalier menant aux chambres. On trouve désormais deux chambres, celle de devant identique à la vieille, avec sa fenêtre en chien assis, celle derrière est nettement plus petite ; pour elle une fenêtre tabatière s’entrouvrant plus ou moins à l’aide d’une barre de fer percée de trous. La surface de la tabatière correspond à environ huit tuiles Beauvais.

L’hiver, dans les cités, les chambres étaient des glacières. Il arrivait en février que l’urine gèle dans les pots de chambre. Pour tenter de se défendre du froid, on augmentait le nombre de couvertures de laine ou de coton sur les lits. Il fallait parfois garder ses chaussettes ou ses bas pour se coucher. La bouillote ou la brique chaude, refroidies le matin, n’avaient servi qu’à rendre moins pénible l’entrée sous les draps. Un gros édredon de plumes était le bienvenu.

La grande différence entre la vieille et la neuve pour les locataires tient surtout à la nature du sol. Luxe suprême : dans la neuve, les deux pièces sont recouvertes de carreaux très lisses de forme carrée, de couleur rouge sang. Cette teinte est très salissante ; pour avoir un carrelage propre, il faut très souvent user du savon et de la brosse de chiendent. Les perfectionnistes de la propreté usaient d’expédients : elles étalaient des feuilles de papier journal sur les endroits de passage, ou recouvraient de fines sciures tout le carrelage.

Les portes d’entrée étaient d’une grande rusticité. Sur un cadre de bois dur, on clouait des planches de caroline rabotées et légèrement rainées dans un but décoratif. La fermeture de la porte était assurée par une clanche en fer plat, manoeuvrable de l’extérieur par un bouton de fonte coulée, d’un modèle unique, et par une serrure rustique de grande série. Une même clef ouvrait quantité de portes, ce qui s’avérait très pratique si on avait égaré la sienne. Il suffisait de se rappeler qui, dans le coin, avait la même serrure. On allait en solliciter le prêt pour se dépanner. La confiance régnait et n’était pas trompée. Il y avait si peu à voler chez les voisins que l’idée de mal faire n’effleurait pas l’esprit.

Chaque cité était divisée en dizaines. On désignait ainsi un îlot de maisons mitoyennes. Entre les îlots, un passage était aménagé, on avait dans chaque passage installé une pompe à balancier pour puiser l’eau nécessaire aux habitations environnantes. Chaque passage, baptisé entrée, était un perpétuel courant d’air. L’hiver, les pompes gelaient aux premiers froids, malgré l’emmaillotage de paille dont on les entourait. Le matin, le premier à pomper devait dégeler la pompe à grand renfort d’eau très chaude. La glace qui se formait aux alentours des pompes rendait leur approche assez dangereuse, d’autant que l’usage de chaussures cloutées augmentait les risques de glissades et de chutes.

Gel ou pas gel, il était hors de question de gaspiller l’eau, non par crainte d’en manquer, pas à cause de son prix : elle était gratuite. Pomper cette eau à la main, transporter à bout de bras sur des dizaines de mètres des seaux pleins, cela est bien fatigant. Les jours de lessive, l’hiver, c’est un cauchemar.

A l’arrière des maisons, chacun dispose d’une petite cour individuelle. Sa largeur correspondant à celle de l’habitation est partout la même, par contre sa longueur peut varier de quelques mètres à plus de vingt, en fonction du lieu d’implantation. Dans le secteur construit en 1871, chaque courette est séparée de sa voisine par un simple grillage, alors que dans la partie "neuve" un mur de séparation a été construit, préservant quelque peu l’intimité des locataires.

A un bon mètre de la porte donnant sur la cour, une rigole maçonnée en briques assure la collecte des eaux de pluie récupérées des toits et des eaux usées, de vaisselle, de lessive et aussi parfois hélas des pots d’urine. Un trou de communication est percé dans le mur mitoyen pour évacuer ces eaux jusqu’aux passages entre les îlots. Dire que cette façon de drainer de voisin à voisin est appréciée serait inexact. C’est la source de conflits de voisinage, surtout l’été, durant les fortes chaleurs, les odeurs véhiculées n’embaument pas la rose.

Chacun aménageait sa courette à son gré, avec toutefois la défense de bâtir en dur. On devait rendre une habitation inchangée lors d’un déménagement. On trouve dans un coin de chaque cour un trou à fumier, parfois un enclos pour quelques volailles. Certains locataires construisent une cabane légère en planches de caroline et recouverte de papier goudronné. Une cabane un peu plus soignée peut servir d’arrière-cuisine. Plus sobre, c’est un abri pour le bois et le charbon. Les rongeurs élisent volontiers domicile dans ces lieux. Les rats sont une vraie plaie dont ni le poison, ni les pièges, ni les chiens ratiers ne viennent à bout. Il n’est pas rare de voir, en plein jour, un rat se balader sur les murs ou de ravauder dans le tas de fumier.

Au fond de la cour, construite en même temps que la maison, on dispose d’une étable. Là sont installés les clapiers, toujours en bois de caroline. On y élève des lapins dont le prix de revient est presque nul. Ils mangent les épluchures, les fanes des choux et de l’herbe cueillie sur les talus. Il n’en manque pas de ces endroits à prospecter. Si dans la famille un enfant ne supporte pas le lait de vache, on a la ressource de faire prospérer une chèvre. Quelques rares amateurs de cochonnailles entreprennent de pousser un cochon vers les cent kilos, c’est alors l’abondance dans le saloir.

Enfin, un dernier édicule complète l’habitation. Il est d’une rusticité de casernement : les W.C. D’une surface d’un peu plus d’un mètre carré, on y trouve un plancher surélevé avec un long trou central. En dessous, on place une tinette faite d’un demi-tonneau de bois avec deux poignées destinées aux manipulations. Une petite porte abattante isole la tinette de l’extérieur en permettant son extraction du bâtiment. Pour la vidange, c’est l’affaire de chacun. Inutile de parler de règles d’hygiène. Les époux chargeaient de leur mieux la tinette odorante sur une brouette et en route pour le jardin et l’épandage à l’aide d’une vieille casserole. Pendant le trajet aller, les trous et bosses du sentier obligeaient à un gymkhana si on tenait à ne rien perdre de la tinette. Les transports avaient lieu en général le dimanche matin, aux aurores.

La cité Charles Saint est riveraine de la ligne de chemin de fer. Entre cette voie ferrée et les maisons : une rue que borde, côté voie, une palissade de traverses de chemin de fer réformées. Il faut plutôt parler de chemin que de rue, pour le réaliser dans un terrain gorgé d’eau, il a fallu déverser des tonnes et des tonnes de scories et de la craie, un peu de silex et de terre. La solidité est précaire. La pluie, le passage de voitures à roues ferrées creusent des fondrières. On les rebouche avec les mêmes matériaux. En été, la poussière des scories vole et s’infiltre partout. Un trottoir, d’un bon mètre de large, fait de carreaux d’asphalte, court le long des maisons. Il est censé donner bon pied aux passants. Le temps, le gel et surtout l’eau savonneuse utilisée pour le nettoyage, disjoignent les carreaux sous lesquels l’eau s’infiltre et stagne. C’est la cause de bien joyeuses aspersions sous les jupes. En 1945, les carreaux serviront de combustible."

 

1991 - vue depuis le nord

 

 

le village
l'école de garçons et la mairie
le château, devenu école de garçons
l'ancienne école de filles
l'ancienne église - détruite - et le cimetière
la nouvelle église
l'ancien presbytère, devenu poste
la cité Saint-Charles
le Chalet canadien
la salle des fêtes

 

 

 

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