La
métairie de la Croix se situait route du May face à
l'ancienne mairie, occupée actuellement par l'école
privée Saint Charles. En faisait partie le pré
nommé la Chaintre de la Croix, d'une superficie de 20 ares
environ, sur laquelle Joseph BARRAULT, fabricant à Saint
Léger, a fait construire sa maison. C'est la grande maison
actuelle, à gauche du Centre Social Intercommunal.

Joseph BARRAULT avait acheté ce terrain
vers 1860 à Louis GOURAUD, propriétaire à Saint
Léger, qui se trouvera être le premier maire de la
commune. Il tenait lui-même ce terrain de la famille TESSIER
DE LA MOTTE par achat, vers 1840. Anatole Stéphane
Gonzalve TESSIER et son frère, demeurant à Paris,
avaient recueilli ce bien par héritage de leurs parents
Cyprien Marie TESSIER DU MOTTAY et son épouse Victoire
Virginie THARREAU DE LA BROSSE.
Ainsi il est intéressant de constater
que l'on trouve ici réunies deux importantes familles de
fabricants et négociants du début du 19e siècle,
familles aisées de petite noblesse, comportant de nombreuses
branches. Elles furent mêlées à plusieurs
évènements de la vie publique, évènements
parfois dramatiques au cours de la Révolution et dans les
périodes qui suivirent. Le résultat de quelques
recherches les concernant mérite d'être
rapporté.
Tout d'abord la famille TESSIER DE
LA MOTTE (ou DU MOTTAY). Cyprien Marie TESSIER
DE LA MOTTE est né le 18 mai 1792 aux Rosiers sur
Loire, dans une famille aisée. Son père Gilles
Toussaint TESSIÉ
DE LA MOTTE est dit
"bourgeois", ce qui dénote une certaine aisance, mais il
était principalement maître de poste et
négociant, comme ses ancêtres et toute sa famille qui
avait presque le monopole de cette profession entre Angers et Saumur,
par la levée de la Loire. Dans cette famille, comme dans
beaucoup d'autres corporations, les alliances se faisaient
très souvent entre cousins, nécessitant à chaque
fois une dispense de l'évêque et même du pape, en
raison de la consanguinité des conjoints, dispense qui
permettait la diffusion d'un seul ban au lieu de trois.
Cyprien Marie TESSIER est dit négociant
lorsqu'il a épousé à 23 ans, le 4 novembre 1815
à Cholet Victoire Virginie THARREAU, issue d'une importante et
vieille famille de négociants choletais. Le père de
Victoire Virginie, Amable Jean THARREAU, était devenu
propriétaire du château du Bois Grolleau, ayant
appartenu autrefois à la famille de Villeneuve. Le
château fut le théâtre de nombreux combats,
notamment le 17 octobre 1793, les 8 février et 8 mars 1794,
incendié et pratiquement détruit. Les travaux de
reconstruction furent entrepris par Amable Jean THARREAU au
même emplacement, puis achevés par son gendre Cyprien
Marie TESSIER. En 1860, Anatole TESSIER, son fils, a vendu le
château à M. DESCHAMPS, filateur à
Cholet.
En 1830, l'annonce de l'abdication de Charles X
et la proclamation de Louis-Philippe comme roi des Français
sèment la consternation chez les royalistes
légitimistes du Choletais. Les libéraux au contraire
pavoisent. Dès le 7 août, le conseil municipal de Cholet
démissionne. M. TURPAULT est nommé maire
provisoire mais refuse de prêter serment au nouveau roi, il
démissionne.
Louis-Philippe
(1773-1850)
dernier "roi des Français"
|
Le 10 août 1830, un nouveau conseil est
nommé. Cyprien Marie TESSIER-THARREAU, de tendance
libérale, est installé maire, nommé par une
ordonnance royale du 28 septembre 1830. Il prête le serment de
fidélité au roi. Le drapeau tricolore remplace le
drapeau blanc sur les monuments publics de la ville. La
Révolution de 1830 a ravivé les vieilles rancunes
anti-religieuses, dressant les uns contre les autres
légitimistes et royalistes, à tel point qu'il sera
interdit de sonner les cloches pendant 12 jours, en avril 1831.
Pendant tout son règne, Louis-Philippe sera confronté
à de nombreuses tentatives de soulèvements en
Vendée et dans les Mauges. Pour les contrer, il fit construire
de nombreuses routes droites, sensées permettre la
pénétration rapide de troupes chargées de
maintenir l'ordre.
Cyprien Marie TESSIER-THARREAU se rendait
très souvent à Paris pour ses affaires et y avait ses
habitudes. C'est à l'hôtel du Danemark, 38 rue Mazarine
où il logeait, qu'il a été assassiné le
jeudi 29 mars 1838 pour des raisons crapuleuses, d'après ce
que devait déterminer l'enquête menée par le
commissaire de police du quartier de la Cité.
L'auteur de ce crime, Jules Joseph
Guérin, ouvrier serrurier de 19 ans, fut condamné le 15
juin 1838 par la cour d'assises de la Seine aux travaux forcés
à perpétuité et à l'exposition. Cette
peine infamante, qui consistait à montrer le condamné
au public, fut abolie en 1848.
La poste
aux chevaux et les maîtres de poste
|
Aussi loin que l'on remonte dans la
première moitié du 17e siècle, on retrouve des
marchands et maîtres de poste, ancêtres de la famille
TESSIER. Ils ont exercé ces professions dans le Val de Loire,
principalement entre Angers et Saumur. Tous étaient
honorablement connus de par leur profession et leur fortune, fruit de
leur travail. Déjà à cette époque, les
mariages étaient célébrés entre familles
proches, dans la même corporation de préférence,
nécessitant souvent une dispense de l'église pour cause
de consanguinité et publication d'un seul ban.
La poste aux chevaux était un service
public, les maîtres de poste étaient au service du roi,
nommés par lui et payés pour assurer le service. Ils
étaient propriétaires de leurs relais avec toutes les
dépendances, maison, écuries, chevaux et
équipements. Ils avaient à leur service du personnel
qualifié (postillons, palefreniers, maréchaux-ferrants
et domestiques). Des relations de confiance se tissaient entre le
maître de poste et ses personnels qui passaient de longues
années au service du même maître. Plusieurs
postillons restés toute leur carrière au service de la
famille TESSIER ont bénéficié de donation au
décès du maître de poste.
La famille TESSIER DU MOTTAY, tout en
exerçant et cumulant leurs professions de
marchands-négociants et maîtres de poste, ont
développé leur activité sur la route et sur la
Loire toujours proche, bénéficiant de la
présence d'un réseau composé de membres de la
famille, de Nantes à Tours.
En 1767, Gilles André TESSIER
DU MOTTAY, maître de poste à Saint Mathurin, est
venu habiter le château de la Ménitré, ancien
manoir du roi René. C'était une construction à
trois étages, avec de nombreuses pièces d'habitation et
locaux annexes, faisant partie des biens de la couronne royale
rattachés au comté de Beaufort. L'inventaire de cette
habitation montre qu'elle était occupée par une
personne d'un rang élevé. Outre la vaisselle en
porcelaine, les lustres en cristal et une bibliothèque de 43
livres d'histoire, existait une écurie avec une vingtaine de
chevaux, tout le matériel de harnachement, de forge et de
maréchalerie.
Les maîtres de poste
bénéficiaient en outre de privilèges et
d'avantages, notamment de l'exonération d'impôt comme la
taille, ce qui leur sera reproché dans les cahiers de
doléances. Ils étaient en outre propriétaires de
terres et de fermes qu'ils faisaient exploiter.
En 1789, Louis Clément TESSIER
DES SABLONS est maître de poste aux Rosiers avec son
cousin Jean Gaigneux. Riches propriétaires fonciers, ils
exploitent des terres agricoles avec l'aide de fermiers.
Il semble que la famille TESSIER ait
traversé la période révolutionnaire sans
dommage, acquise aux idées nouvelles. Louis TESSIER
DU MOTTAY fut élu maire des Rosiers en 1789, commandant
de la garde nationale en 1793 et président du comité de
surveillance en 1794.
Les différentes branches de cette
famille : TESSIER DE LA MOTTE, ou DU MOTTAY - TESSIER
DU CLOSEAU - TESSIER DES BROSSES - TESSIER DU VIVIER -
TESSIER DE LA CROIX - TESSIER DE L'ISLE - TESSIER
DES SABLONS - TESSIER DE LA GAUTRAIS.
Amable
Jean THARREAU DE LA BROSSE
|
Victoire Virginie THARREAU, l'épouse de
Cyprien Marie TESSIER DU MOTTAY, était la fille d'Amable
Jean THARREAU DE LA BROSSE et de Victoire Marie
RÉVELIÈRE. Des évènements dramatiques ont
marqué ces familles.
Les THARREAU DE LA BROSSE faisaient
partie d'une grande et vieille famille de négociants marchands
de toile originaires de Bégrolles, près du May,
comportant de nombreuses branches (Tharreau de la Moncelière,
Tharreau des Germonnières, Tharreau de la Brosse, Tharreau de
la Pibolière, etc).
L'attachement de certains à l'ancien
régime et à la religion et d'autres ouverts aux
idées nouvelles apportées par la Révolution
diviseront cette famille, comme ce fut le cas également pour
d'autres familles de la Vendée. La famille THARREAU a fourni
de nombreux hommes politiques ou militaires à la
révolution et à l'empire : un général d'
Empire, un député maire de Cholet, un maire du May, un
médecin maire de Beaupréau, un procureur-syndic de
Bressuire qui devint adjoint au maire d'Angers, un sous-préfet
de Loudun, un sous-préfet de Cholet et plusieurs
prêtres.
Jean-Victor THARREAU
(1767-1812)
Général d'Empire
|
On ne peut citer la famille
RÉVELIÈRE sans évoquer dans quelles
circonstances dramatiques s'est déroulé le mariage des
parents de Victoire Virginie THARREAU. Gilles
RÉVELIÈRE son père et Victoire BAUDUCEAU sa
mère se sont mariés en 1765 à Doué la
Fontaine. Victoire BAUDUCEAU, fille du sénéchal de la
baronnie de Doué, appartenait à un milieu social
très différent de celui de son mari, milieu qu'elle
semble avoir méprisé. La Révolution divisera ce
couple aux idées radicalement opposées et les opposera
jusqu'au mariage de leur fille Victoire Marie avec Amable Jean
THARREAU. Elle désira et obtint, contre la volonté de
son époux, que le mariage de sa fille Victoire Marie soit
célébré par un prêtre non jureur. La
cérémonie fut célébrée au May en
janvier 1792 par l'abbé Coulonnier, curé
légitime de cette paroisse. Ce mariage a-t-il
été transcrit sur les registres, il n'y parait pas. Le
refus de marier sa fille à l'église Notre-Dame de
Cholet, ce que désirait le père, fut la cause de son
arrestation avec sa fille Renée par le comité
révolutionnaire de Cholet le 9 novembre 1793. La famille
RÉVELIÈRE, qui était riche, influente et
patriote, fit de nombreuses démarches pour les faire
libérer, ce qu'elle obtint provisoirement. Mais le 13 janvier
1794 elles sont de nouveau arrêtées puis
transférées à Angers. Madame
RÉVELIÈRE fut "jugée" et condamnée
à mort, puis fusillée au champ des martyrs
d'Avrillé le 19 février 1794 (béatifiée
le 19 février 1984 comme martyre en raison de sa
foi).
Son mari Gilles RÉVELIÈRE ne fut
pas témoin au procès de son épouse, se trouvant
à Nantes soit disant malade. Il ne semble pas avoir fait
beaucoup d'efforts pour tirer sa femme de ce terrible tribunal. Il
dut en faire beaucoup plus quand il eut à se défendre
devant la commission militaire de Nantes.
Il a été dit que la mort de sa
femme avait bien arrangé ses affaires pour poursuivre la
liaison adultère qu'il entretenait avec sa servante Marie
DUCHESNE, âgée de 21 ans (née 1er novembre 1769
à Cholet). De cette liaison était né un
garçon prénommé Gilles Aimé, qui fut
reconnu et enregistré sur les registres de l'état civil
de Saint Brieuc lors de leur mariage le 17 avril de l'an 2, lui
âgé de 61 ans, elle de 24 ans.
Gilles Aimé eut à souffrir de sa
position d'enfant illégitime, bien que reconnu par ses
parents, mais conçu hors mariage. Au décès de
Gilles RÉVELIÈRE le 8 Brumaire an 13, Marie DUCHESNE
s'est vu contester par les enfants issus du premier mariage toutes
les donations dont l'avait fait bénéficier son mari
pour elle et son enfant, à savoir entre autres : un legs de
300 francs de pension pour Gilles Aimé, un legs du quart des
biens, reconnaissance en l'an 5 des meubles recouvrés, d'une
valeur de 1 360 francs, reconnaissance au contrat de mariage d'une
dot de 8 000 francs. Le père de Marie, François
DUCHESNE, simple tailleur d'habits, aurait également
bénéficié des largesses de son
gendre.
Les quatre enfants RÉVELIÈRE
issus du premier mariage ont contesté devant la justice le
titre d'enfant légitime de Gilles Aimé, disant que
c'était un enfant adultérin, conçu et né
pendant la durée du premier mariage. La loi ne lui accordait
que les "aliments", considérant comme des avantages frauduleux
et indirects tous ceux ouverts et déguisés faits
à Marie DUCHESNE pour son enfant Gilles Aimé. Ils
demandaient que tous ces avantages soient déclarés nuls
afin que Marie DUCHESNE en soit totalement privée.
Est-ce intentionnellement que Gilles
Aimé n'a pas été inscrit sur les registres lors
de sa naissance ? Reconnu lors du mariage de ses parents, la date
exacte de la naissance n'a pu être précisée car
inscrit à Saint Brieuc plus de 11 mois après la mort de
Victoire BAUDUCEAU, rien ne pouvait être prouvé
concernant la date de sa naissance.
L'arrêt rendu le 13 août 1806 par
la cour d'appel d'Angers semble avoir donné raison en partie
aux enfants légitimes :
Extraits
de l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, pris dans le
jugement de la Cour d'appel d'Angers du 13 août 1806
:
"Gilles Aimé
RÉVELIÈRE est un enfant adultérin, ont
dit les enfants du premier mariage ; il a été
conçu, il est né pendant le mariage du sieur
RÉVELIÈRE. En cette qualité, la loi ne
lui accorde que les aliments.
En conséquence, il faut
considérer comme avantage prohibé le legs fait
à Gilles Aimé d'une pension de 300 francs. Il
faut considérer comme avantages frauduleux et
indirects tous les avantages ouverts et
déguisés faits à Marie DUCHESNE,
mère de Gilles Aimé, comme faits à la
personne de Gilles Aimé. Savoir reconnaissance au
contrat de mariage de 8 000 francs de dot ; reconnaissance
en l'an 5 de meubles recouvrés, valeur 1 300 francs ;
le legs du quart des biens. En conséquence, tous les
avantages doivent être déclarés nuls et
Marie DUCHESNE doit en être totalement privée
(...)
Gilles Aimé, inscrit sur les
registres au mois de Ventôse an 3, plus de 11 mois
après la mort de la première femme, rien ne
prouve qu'il soit conçu ni même né du
vivant de la première épouse
(...)"
Une autre fille de Gilles
RÉVELIÈRE et Marie DUCHESNE, Hortense Marie
RÉVELIÈRE, est décédée le
10 Messidor an 11 (29 juin 1803) à Cholet Notre-Dame,
âgée de 11 mois. Son grand père
François DUCHESNE est témoin.
|
Le
mariage de Victoire Marie RÉVELIÈRE
avec Amable Jean THARREAU
et ses conséquences dramatiques
|
Au mois de janvier 1792, l'abbé
COULONNIER se trouvait toujours au May. C'est lui qui bénit
l'union d'un de ses paroissiens, Amable Jean THARREAU DE
LA BROSSE, d'une famille patriote, fils de Jean Mathieu THARREAU
DE LA MONCELLIÈRE, syndic de la paroisse du May, et
d'Anne Jeanne Henriette RICHARD. Il devait épouser une
demoiselle de Cholet, Victoire Marie RÉVELIÈRE, la
fille de Gilles RÉVELIÈRE, riche négociant, et
de Victoire BAUDUCEAU. Cette dernière, d'une grande
piété, refusait d'assister aux cérémonies
des prêtres assermentés officiant à Notre-Dame de
Cholet et ne voulait pas que sa fille s'y marie. Par contre, la
père de la fiancée aurait voulu que la mariage
fût célébré par la curé intrus de
cette paroisse, l'abbé La Crolle, ce que la mère et la
fille refusaient.
Le 9 février 1792, Victoire Marie
RÉVELIÈRE signait le document suivant :
"Je
soussignée Victoire Marie RÉVELIÈRE
donne plein et entier pouvoir à M. François
Charles THARREAU (frère de son futur époux),
demeurant au May, pour moi et en mon nom se transporter au
domicile de mon père et lui faire les sommations
respectueuses pour consentir à la
célébration de mon mariage avec le Sieur
Amable Jean THARREAU devant tel prêtre que je jugerai
à propos de choisir, d'après la liberté
que la nouvelle constitution m'a garantie, en
présence des notaires de Cholet qui seront commis par
les juges du tribunal de cette ville, sur la requête
que je leur ai présentée à cette fin,
par le ministère du dit sieur THARREAU, mon
fondé de procuration
"
|
Le même jour, François Charles
THARREAU présentait cette requête au tribunal du
District de Cholet :
"Demoiselle
Victoire Marie RÉVELIÈRE a été
recherchée en mariage par le sieur Amable Jean
THARREAU, négociant, de l'agrément de ses
père et mère et de toute sa famille. Ca parti
lui ayant paru convenable sous tous les rapports, elle l'a
accepté sous le bon plaisir de ses père et
mère. Ceux-ci y ont consenti de la manière la
plus généreuse et par suite de l'affection et
de la tendresse qu'ils lui ont toujours
témoignée et s'efforcera de mériter de
plus en plus. En conséquence, son père a
lui-même adressé au sieur Lacrolle, curé
de la paroisse de Notre-Dame de Cholet, les bans de son
futur mariage. La publication a été faite par
le curé Lacrolle aux prônes de ses messes
paroissiales des 29 janvier, 2 et 5 février, sans
opposition. Leur contrat de mariage a été
passé le 6 février, en présence et du
consentement de ses plus proches parents, qui l'ont
souscrit. Par ce contrat, elle reçut une nouvelle
preuve d'amitié de ses père et mère,
par la convenance de la dot qu'ils lui ont
constituée. D'après toutes ces circonstances,
elle était bien éloignée de
prévoir le moindre obstacle à la
célébration d'un mariage dont elle attend son
bonheur. Ses père et mère continuent bien,
à la vérité, d'y consentir et ne
donnent aucun motif de refroidissement contre son futur
époux ; mais le différence des opinions
religieuses qui partagent la France entière, divisent
également ses père et mère et chacun
d'eux voudrait qu'elle reçût la
bénédiction nuptiale d'un prêtre de son
choix. Elle se trouve en conséquence dans une
position bien pénible pour son cur de
désobéir à l'un ou à l'autre et
ne pouvoir concilier le respect, l'obéissance et la
soumission qu'elle doit également à la
volonté de chacun d'eux avec son opinion religieuse.
La puissance paternelle est la première et la plus
respectable. Les lois de l'état même
n'entendent et ne peuvent assujettir le domaine de
l'opinion. Ainsi elle croit pouvoir choisir le temple et le
ministre qu'elle veut rendre témoin de ses vux.
Elle a consulté la charte constitutionnelle que tout
Français doit savoir par cur, elle y a vu
qu'une égale garantie était promise à
tous les cultes, qu'elle ne distinguait point entre le juif
et le chrétien, le protestant et la catholique, le
conformiste et le dissident. Il appartenait à la
France de donner au monde entier le grand exemple de la
liberté pleine, entière et indéfinie de
tous les cultes. Nos législateurs,
éclairés par l'expérience de tous les
siècles, se sont facilement convaincus que par
persuasion ne se commandait point. Par la suite de cette
conviction, ils ont autorisé tous les cultes, toutes
les religions, ce qui suppose nécessairement
l'exercice de tous les actes commandés par une
opinion religieuse quelconque, lorsque ces actes ne sont
contraires aux droits de personne. Or, de quoi s'agit-il ici
? De la célébration d'un mariage qui
réunit le consentement de deux familles. Quel en est
le ministre désigné par la loi ? Aucun, tous
ont une égale compétence. La Nation, en
déclarant que tels ministres seraient salariés
par elle, ne leur a point attribué la
célébration exclusive des mariages. Il doit
dont être libre à demoiselle Victoire Marie
RÉVELIÈRE de recourir au prêtre qu'elle
désire. Son opinion religieuse, fût-elle une
erreur, ne peut jamais être un délit. Elle en
réclame donc l'exercice que la constitution lui
garantit formellement et elle le fait avec une confiance
qu'inspirent des magistrats honorés du choix du
peuple et environnés de l'estime publique. Ce
considéré, messieurs, il vous plaise permettre
au sieur François Charles THARREAU de faire au sieur
RÉVELIÈRE, par tels notaires qu'il vous plaira
nommer, les sommations respectueuses nécessaires pour
parvenir à la célébration du mariage,
et vous ferez bien."
|
Les membres du tribunal du district de Cholet
ont ainsi rendu leur sentence :
"Vu
la requête, la procuration énoncée
ci-dessus et le certificat de publication des bans
délivré par le sieur Lacrolle, curé de
la paroisse Notre-Dame de cette ville, et le contrat de
mariage ci-dessus référé, nous
permettons au sieur François Charles THARREAU, au nom
de la demoiselle RÉVELIÈRE, de faire faire les
sommations respectueuses au sieur RÉVELIÈRE,
pour parvenir au mariage dont il s'agit, par les sieurs
Lefeubvre et Thomas, notaires, que nous commettons à
cet effet."
|
Dans la soirée du 9 février,
François Charles THARREAU se présenta au domicile de
Gilles RÉVELIÈRE et, assisté des deux notaires,
présenta ainsi la sommation respectueuse :
"Je
vous requiers respectueusement de consentir à la
célébration du mariage de votre fille avec
Amable Jean THARREAU devant tel prêtre qu'elle jugera
à propos de choisir, en exécution de la
liberté des cultes qui lui est formellement garantie
par la nouvelle loi. Permettez-moi de vous
représenter, avec tout le respect et la
déférence qui vous sont dus, combien il est
douloureux pour votre fille d'employer les voies de droit
pour parvenir à un mariage que vous avez toujours
approuvé et que vous approuvez encore, mais que vous
voudriez seulement voir célébrer dans
l'église paroissiale de Notre-Dame de Cholet,
malgré la répugnance invincible de votre
fille. Aussi j'espère de votre justice et de votre
tendresse pour elle que vous ne refuserez plus à ces
pressantes sollicitations. Vous lui accorderez la
liberté de recourir à tel prêtre qu'elle
jugera à propos de choisir pour recevoir la
bénédiction nuptiale, et ainsi vous lui
éviterez le désagrément de
répéter les sommations qui répugnent
à sa délicatesse, mais dont les circonstances
lui feraient un devoir impérieux."
|
Le sieur RÉVELIÈRE a
répondu :
"Malgré
le vif désir que je conserve de voir ma fille
recevoir le sacrement du mariage du curé de sa
paroisse, je ne prétends point enchaîner sa
conscience. J'espère seulement qu'elle
s'éclairera bientôt et que, revenue de son
erreur, elle regrettera sincèrement la voie juridique
qu'elle prend. Je sens d'ailleurs qu'une plus longue
résistance de ma part ne servirait qu'à
multiplier les formalités qu'elle est résolue
de remplir, peut-être même à la fortifier
dans son erreur. Par ce double motif, je me détermine
à donner mon consentement au mariage de ma fille avec
le sieur Amable Jean THARREAU, qui sera
célébré en telle église et
devant tel prêtre que les parties jugeront à
propos de choisir."
|
Le mariage a dû être
célébré en l'église du May par
l'abbé Coulonnier, mais l'acte ne figure pas dans les
registres paroissiaux de 1792, ni dans les actes reconstitués
de la commune du May. Est-ce un oubli ou la volonté de ne pas
aggraver la situation des nouveaux mariés, dans cette
époque troublée et pleine de danger ?
Madame RÉVELIÈRE et sa fille
avaient bravé le clergé constitutionnel et les
patriotes ne l'avaient pas oublié. Madame
RÉVELIÈRE fut arrêtée le 13 janvier 1794
puis interrogée le lendemain par le président du
comité révolutionnaire de Cholet, condamnée
à mort comme brigande et fusillée au champ des martyrs
d'Avrillé le 19 février 1794 (béatifiée
le 19 février 1984 comme martyre en raison de sa
foi).
L'abbé Coulonnier sera
arrêté en février 1792 puis déporté
en Espagne où il serait
décédé.
Sources :
- Archives des villes
citées
- Ouvrage de Dominique Lambert "Paroisses et
soldats de la Vendée Angevine"
- 20 Siècles d'Histoire de
Cholet
- "A Hue et à Dia - Les maîtres
de poste"
- Bulletins de la SLA
Yves Meignan, avec l'aide
précise et précieuse de Michel Merlet que je
remercie
le bourg (avant
1863)
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la commune (depuis
1863)
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la carte de Cassini - le cadastre
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les moulins à
vent
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la métairie de la
Croix
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le chemin de la
Vacherie
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|
le manoir du
Landreau
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|
le dernier seigneur du
Pontreau
|
|
les chemins de la
mémoire
|
|
les voies de communication dans la
commune
|
|
le chemin de fer
d'intérêt local
|
|
la route n°11 de de
Beaupréau à Cholet
|
|
a-t-on voulu punir Beaupréau
?
|
|
le général
Tharreau
|
|
Merci
de fermer l'agrandissement sinon.
https://www.stleger.info