Le
chemin communal de la Vacherie était situé entre le
petit chemin des Audouins et le chemin reliant la
Séguinière au May.

La commune de Saint Léger, lors de la
délibération du conseil municipal du 9 septembre 1877,
a décidé de vendre ce chemin peu utilisé. Il est
dans un tel état qu'une charrette vide peine à s'en
sortir, même en été. En hiver, c'est pratiquement
impossible, car ce n'est qu'un bourbier.Il faut triple attelage, les
charrettes s'y disloquent ou s'y brisent. La vente devrait rapporter
1 064 francs, somme qui devrait permettre la construction du mur de
clôture du cimetière.
Il est prévu pour le remplacer la
construction du chemin n°4 dont les travaux doivent
commencer. Il sera exclusivement réservé à
l'usage des habitants du village de la Biffaumoine. Une
carrière pour extraire de la pierre sera ouverte à cet
effet dans les champs de la Vacherie appartenant à M.
Félix Dehargues. Le nouveau chemin doit permettre
l'exploitation des parcelles sans aucune
difficulté.
Des oppositions apparaissent dès que le
projet de vente est connu. Pour recevoir les observations des
habitants, monsieur Frouin, secrétaire de mairie,
procède le 28 novembre 1877 à l'enquête
administrative prévue par la loi. Il reçoit les
déclarations des opposants, individuellement et
successivement.
C'est le compte rendu de cette enquête
qui nous permet aujourd'hui de faire la connaissance des habitants
opposés à la vente, des habitants du Bas Saint
Léger, des fermiers de la Biffaumoine et aussi des
propriétaires de ce village. Qui sont les fermiers ? Jean
Pasquereau, cultivateur, âgé de 69 ans et son
épouse Marie Soulard, âgée de 69 ans
également. Pierre Soulard, cultivateur, âgé de 76
ans et ses deux domestiques René Audusseau et Joséphine
Huchet. Jean Coiffard, cultivateur, âgé de 61 ans, son
épouse Jeanne Coiffard, 59 ans, leurs trois filles Marie,
Anatasie, Rose et Louis Maillet, domestique, âgé de 30
ans. Eugène Ripoche, 33 ans et son épouse Jeanne
Coiffard, âgée de 31 ans. Pierre Coiffard, cultivateur,
64 ans, son épouse Rose Guinehut et leur fille Marie,
âgée de 24 ans. Pierre Coiffard, cultivateur, 31 ans,
fils de Pierre, et son épouse Marie Thomas, âgée
de 34 ans.
Soit environ une vingtaine de personnes en
moyenne l'hiver, un peu plus l'été avec les saisonniers
lors des gros travaux des foins et des battages. Tous sont les
fermiers de la famille Dehargues, propriétaire en
totalité du village de la Biffaumoine, soit quatre fermes et
leurs terrains.
On lira par la suite les observations du
commissaire enquêteur et les raisons de l'opposition de ces
fermiers, n'ayant pas d'autre choix que de se conformer aux ordres
des propriétaires. Il a été noté que,
généralement, les riches propriétaires,
n'habitant pas la commune, étaient systématiquement
opposés aux décisions du conseil municipal, quel qu'en
soit le sujet.
Plusieurs habitants du Bas Saint Léger,
bien que n'utilisant pas le chemin de la Vacherie, approuvent
l'opposition de la famille Dehargues, sans doute influencés,
et rejoignent les rangs des opposants à la vente. Il s'agit de
Pierre Baudry, marchand de moutons et propriétaire de cinq
maisons au Bas St Léger, François Goury,
propriétaire de quatre maisons au même lieu et Auguste
Grolleau, fermier, âgé de 48 ans. A noter que
François Goury avait des "raisons" d'en vouloir à la
municipalité qui l'avait cité à
comparaître devant les tribunaux pour vol de terrain du domaine
public, où il avait été condamné à
le restituer.
Edouard Dehargues est le principal opposant
à la vente de ce chemin. Il agit en son nom et au nom des
membres de sa famille : Lucie Jamet, veuve de Benjamin Dehargues,
Marie Lucie Ambroisine Dehargues, veuve de Anastase Chanteloup,
Valentine Julie Dehargues, épouse de Henri Gouin, Benjamin et
Joseph Dehargues.
Benjamin
Dehargues était le neveu du chef vendéen
Augustin De Hargues d'Estivaux, fusillé à
Rennes le 22 novembre 1793 et également le neveu de
Pierre Félix De Hargues. Il a fondé son
entreprise en 1809, à l'âge de 20 ans,
aidé par son oncle maternel François Charles
Tharreau qui l'avait recueilli. François Charles
Tharreau, négociant, fut maire de Cholet de 1800
à 1809 et de 1821 à 1826.
En 1817, sept ans après la
fondation de son entreprise, Benjamin Dehargues
reçoit une patente de marchand de mouchoirs en gros.
En 1825, il est déclaré fabricant de calicots,
faisant battre huit métiers. Il fait également
le commerce de fil, puis en 1829 il est négociant
fabricant pour les calicots, lustrines, siamoises, mouchoirs
fil et coton, blanc et couleur.
Enfin, en 1848, l'entreprise figure
dans la rubrique "articles de Cholet", toiles et mouchoirs
(blanchisseur fabricant et négociant). L'entreprise
sera reprise par ses deux fils : Benjamin Charles Edouard
(né en 1815) et Louis Auguste (né en 1819),
jusqu'en 1870, où elle sera vendue à la
manufacture Baumard.
Source : "Le mouchoir dans tous ses
états", page 59
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Cette vieille famille de petite noblesse a
adhéré dès 1790 à la cause
vendéenne. Plusieurs de ses membres, officiers de
l'armée catholique et royale, l'ont payé de leur vie,
soit fusillés ou tués lors des combats contre
l'armée républicaine. On la retrouve alliée
à la famille Tharreau de la Logerie en 1783. Les descendants
ont occupé une place importante à Cholet dans le
négoce, la fabrication et la vente de mouchoirs et tissus de
Cholet. Comme tous les riches négociants de Cholet, ils
possédaient de nombreuses fermes, dont le village de la
Biffaumoine. Peu leur importait les besoins financiers de la commune
où ils n'habitaient pas, ils s'opposaient, leurs fermiers ne
pouvant que se conformer à la position des "maîtres".
Avaient-ils d'autres choix ?
cadastre de 1834 - section H1 -
pour une vue agrandie, cliquez sur l'image
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Dans une longue lettre très
argumentée, datée du 14 novembre 1877, Edouard
Dehargues expose les raisons qui pour lui font une obligation de
conserver ce chemin. C'est une longue suite de descriptions des lieux
et de raisons plus ou moins fallacieuses destinées à
influencer le commissaire enquêteur et le conseil municipal. Il
insiste particulièrement sur l'usage qui est fait de ce chemin
par les fermiers qui y passent chaque jour pour transporter leur
production, chercher des engrais à Cholet, aller au bourg
faire leurs courses, réparer leurs instruments aratoires chez
le forgeron, ferrer les chevaux, réparer leurs charrettes,
etc. D'après lui, les enfants y passent chaque jour pour se
rendre à l'école, les familles pour aller assister aux
cérémonies religieuses. Quand on connait l'état
du chemin l'hiver, on peut imaginer dans quel état les enfants
seraient arrivés à l'école. Tous ces arguments
auront une influence sur la décision de l'agent voyer
d'arrondissement.
Pourtant des voix s'élèvent pour
contester les opposants. Des lettres - hélas anonymes -
arrivent à la mairie mais ne pourront être prises en
compte. On peut y lire ceci :
"Au
lieu de faire tant de bruit, il [Edouard Dehargues]
ferait bien mieux de procurer davantage d'agréments
à ses honnêtes fermiers en facilitant le
transport des produits de sa propriété. Il n'a
même jamais eu l'idée d'offrir de la pierre
à ses fermiers pour paver leurs chemins, puisque tous
les chemins des environs de la Biffaumoine sont à
l'état de sol naturel. En un mot, M. Dehargues met
l'opposition pour le plaisir de le faire et pour paralyser
les idées du conseil municipal qui a un ardent
désir de se rendre utile vis-à-vis de tous les
habitants."
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A part cette lettre restée anonyme,
malgré la demande du maire, personne n'osera s'opposer
à cette puissante famille.
La lecture du rapport du commissaire
enquêteur nous apporte d'autres précisions
intéressantes. Il souligne, dans son long rapport, que toutes
les protestations émises sont absurdes et non
justifiées. Les habitants du Bas Saint Léger, dont M.
Baudry, marchand de moutons, ne passent jamais par ce chemin qui est
impraticable et plein d'herbe toute l'année. Enfin M.
Dehargues a traîné ses fermiers à la mairie pour
qu'ils s'associent à ses protestations. Avaient-ils d'autres
choix, alors que le chemin n°4 qui va être construit sera
à leur usage exclusif ?
Pour conclure, le commissaire enquêteur
trouve les réclamations absurdes et sans importance,
étant certain à l'avance que les fermiers de la
Biffaumoine ne se serviront pas de ce vieux chemin lorsque le nouveau
sera construit.
Malgré cela, le 3 mars 1878, le maire
Pierre Rousselot informe son conseil que l'agent voyer
d'arrondissement donne raison aux opposants et émet un avis
défavorable à la vente du chemin de la Vacherie. On
apprend en même temps que M. Dehargues a fait le "sacrifice"
d'un don de 300 francs à la commune. Peut-on sentir une pointe
d'ironie lorsque l'on parle dans la délibération, du
"sacrifice" fait par l'opposant, "sacrifice" sans doute peu
douloureux compte tenu de la fortune de ces riches
propriétaires ?
Dans ces conditions, le conseil municipal
renonce à la vente du chemin qui devra rester libre pendant au
moins vingt ans, et accepte les 300 francs de la famille
Dehargues.
Pour conclure, il faut signaler qu'il y avait
aussi de braves gens, propriétaires à Saint
Léger, qui auraient cédé gratuitement de leur
terrain pour le passage du nouveau chemin.
Il faudra attendre les remembrements du 20e
siècle pour voir ce chemin aménagé et
praticable.
le bourg (avant
1863)
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la commune (depuis
1863)
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la carte de Cassini - le cadastre
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les moulins à
vent
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la métairie de la
Croix
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le chemin de la
Vacherie
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le manoir du
Landreau
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le dernier seigneur du
Pontreau
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les chemins de la
mémoire
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les voies de communication dans la
commune
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le chemin de fer
d'intérêt local
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la route n°11 de de
Beaupréau à Cholet
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a-t-on voulu punir Beaupréau
?
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le général
Tharreau
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Merci
de fermer l'agrandissement sinon.
https://www.stleger.info