SAINT LÉGER SOUS CHOLET
LE CHEMIN DE LA
VACHERIE

 

 

Le chemin communal de la Vacherie était situé entre le petit chemin des Audouins et le chemin reliant la Séguinière au May.

 

cadastre de 1834 - section H1 - pour une vue agrandie, cliquez sur l'image
source :
http://www.archives49.fr/acces-directs/archives-en-ligne/plans-cadastraux-napoleoniens
Vous y trouverez tous les plans cadastraux de 1834 concernant Saint Léger.

 

La commune de Saint Léger, lors de la délibération du conseil municipal du 9 septembre 1877, a décidé de vendre ce chemin peu utilisé. Il est dans un tel état qu'une charrette vide peine à s'en sortir, même en été. En hiver, c'est pratiquement impossible, car ce n'est qu'un bourbier.Il faut triple attelage, les charrettes s'y disloquent ou s'y brisent. La vente devrait rapporter 1 064 francs, somme qui devrait permettre la construction du mur de clôture du cimetière.

Il est prévu pour le remplacer la construction du chemin n°4 dont les travaux doivent commencer. Il sera exclusivement réservé à l'usage des habitants du village de la Biffaumoine. Une carrière pour extraire de la pierre sera ouverte à cet effet dans les champs de la Vacherie appartenant à M. Félix Dehargues. Le nouveau chemin doit permettre l'exploitation des parcelles sans aucune difficulté.

Des oppositions apparaissent dès que le projet de vente est connu. Pour recevoir les observations des habitants, monsieur Frouin, secrétaire de mairie, procède le 28 novembre 1877 à l'enquête administrative prévue par la loi. Il reçoit les déclarations des opposants, individuellement et successivement.

C'est le compte rendu de cette enquête qui nous permet aujourd'hui de faire la connaissance des habitants opposés à la vente, des habitants du Bas Saint Léger, des fermiers de la Biffaumoine et aussi des propriétaires de ce village. Qui sont les fermiers ? Jean Pasquereau, cultivateur, âgé de 69 ans et son épouse Marie Soulard, âgée de 69 ans également. Pierre Soulard, cultivateur, âgé de 76 ans et ses deux domestiques René Audusseau et Joséphine Huchet. Jean Coiffard, cultivateur, âgé de 61 ans, son épouse Jeanne Coiffard, 59 ans, leurs trois filles Marie, Anatasie, Rose et Louis Maillet, domestique, âgé de 30 ans. Eugène Ripoche, 33 ans et son épouse Jeanne Coiffard, âgée de 31 ans. Pierre Coiffard, cultivateur, 64 ans, son épouse Rose Guinehut et leur fille Marie, âgée de 24 ans. Pierre Coiffard, cultivateur, 31 ans, fils de Pierre, et son épouse Marie Thomas, âgée de 34 ans.

Soit environ une vingtaine de personnes en moyenne l'hiver, un peu plus l'été avec les saisonniers lors des gros travaux des foins et des battages. Tous sont les fermiers de la famille Dehargues, propriétaire en totalité du village de la Biffaumoine, soit quatre fermes et leurs terrains.

On lira par la suite les observations du commissaire enquêteur et les raisons de l'opposition de ces fermiers, n'ayant pas d'autre choix que de se conformer aux ordres des propriétaires. Il a été noté que, généralement, les riches propriétaires, n'habitant pas la commune, étaient systématiquement opposés aux décisions du conseil municipal, quel qu'en soit le sujet.

 

 

Plusieurs habitants du Bas Saint Léger, bien que n'utilisant pas le chemin de la Vacherie, approuvent l'opposition de la famille Dehargues, sans doute influencés, et rejoignent les rangs des opposants à la vente. Il s'agit de Pierre Baudry, marchand de moutons et propriétaire de cinq maisons au Bas St Léger, François Goury, propriétaire de quatre maisons au même lieu et Auguste Grolleau, fermier, âgé de 48 ans. A noter que François Goury avait des "raisons" d'en vouloir à la municipalité qui l'avait cité à comparaître devant les tribunaux pour vol de terrain du domaine public, où il avait été condamné à le restituer.

Edouard Dehargues est le principal opposant à la vente de ce chemin. Il agit en son nom et au nom des membres de sa famille : Lucie Jamet, veuve de Benjamin Dehargues, Marie Lucie Ambroisine Dehargues, veuve de Anastase Chanteloup, Valentine Julie Dehargues, épouse de Henri Gouin, Benjamin et Joseph Dehargues.

Benjamin Dehargues était le neveu du chef vendéen Augustin De Hargues d'Estivaux, fusillé à Rennes le 22 novembre 1793 et également le neveu de Pierre Félix De Hargues. Il a fondé son entreprise en 1809, à l'âge de 20 ans, aidé par son oncle maternel François Charles Tharreau qui l'avait recueilli. François Charles Tharreau, négociant, fut maire de Cholet de 1800 à 1809 et de 1821 à 1826.

En 1817, sept ans après la fondation de son entreprise, Benjamin Dehargues reçoit une patente de marchand de mouchoirs en gros. En 1825, il est déclaré fabricant de calicots, faisant battre huit métiers. Il fait également le commerce de fil, puis en 1829 il est négociant fabricant pour les calicots, lustrines, siamoises, mouchoirs fil et coton, blanc et couleur.

Enfin, en 1848, l'entreprise figure dans la rubrique "articles de Cholet", toiles et mouchoirs (blanchisseur fabricant et négociant). L'entreprise sera reprise par ses deux fils : Benjamin Charles Edouard (né en 1815) et Louis Auguste (né en 1819), jusqu'en 1870, où elle sera vendue à la manufacture Baumard.

Source : "Le mouchoir dans tous ses états", page 59

Cette vieille famille de petite noblesse a adhéré dès 1790 à la cause vendéenne. Plusieurs de ses membres, officiers de l'armée catholique et royale, l'ont payé de leur vie, soit fusillés ou tués lors des combats contre l'armée républicaine. On la retrouve alliée à la famille Tharreau de la Logerie en 1783. Les descendants ont occupé une place importante à Cholet dans le négoce, la fabrication et la vente de mouchoirs et tissus de Cholet. Comme tous les riches négociants de Cholet, ils possédaient de nombreuses fermes, dont le village de la Biffaumoine. Peu leur importait les besoins financiers de la commune où ils n'habitaient pas, ils s'opposaient, leurs fermiers ne pouvant que se conformer à la position des "maîtres". Avaient-ils d'autres choix ?

 

cadastre de 1834 - section H1 - pour une vue agrandie, cliquez sur l'image

 

Dans une longue lettre très argumentée, datée du 14 novembre 1877, Edouard Dehargues expose les raisons qui pour lui font une obligation de conserver ce chemin. C'est une longue suite de descriptions des lieux et de raisons plus ou moins fallacieuses destinées à influencer le commissaire enquêteur et le conseil municipal. Il insiste particulièrement sur l'usage qui est fait de ce chemin par les fermiers qui y passent chaque jour pour transporter leur production, chercher des engrais à Cholet, aller au bourg faire leurs courses, réparer leurs instruments aratoires chez le forgeron, ferrer les chevaux, réparer leurs charrettes, etc. D'après lui, les enfants y passent chaque jour pour se rendre à l'école, les familles pour aller assister aux cérémonies religieuses. Quand on connait l'état du chemin l'hiver, on peut imaginer dans quel état les enfants seraient arrivés à l'école. Tous ces arguments auront une influence sur la décision de l'agent voyer d'arrondissement.

Pourtant des voix s'élèvent pour contester les opposants. Des lettres - hélas anonymes - arrivent à la mairie mais ne pourront être prises en compte. On peut y lire ceci :

"Au lieu de faire tant de bruit, il [Edouard Dehargues] ferait bien mieux de procurer davantage d'agréments à ses honnêtes fermiers en facilitant le transport des produits de sa propriété. Il n'a même jamais eu l'idée d'offrir de la pierre à ses fermiers pour paver leurs chemins, puisque tous les chemins des environs de la Biffaumoine sont à l'état de sol naturel. En un mot, M. Dehargues met l'opposition pour le plaisir de le faire et pour paralyser les idées du conseil municipal qui a un ardent désir de se rendre utile vis-à-vis de tous les habitants."

A part cette lettre restée anonyme, malgré la demande du maire, personne n'osera s'opposer à cette puissante famille.

La lecture du rapport du commissaire enquêteur nous apporte d'autres précisions intéressantes. Il souligne, dans son long rapport, que toutes les protestations émises sont absurdes et non justifiées. Les habitants du Bas Saint Léger, dont M. Baudry, marchand de moutons, ne passent jamais par ce chemin qui est impraticable et plein d'herbe toute l'année. Enfin M. Dehargues a traîné ses fermiers à la mairie pour qu'ils s'associent à ses protestations. Avaient-ils d'autres choix, alors que le chemin n°4 qui va être construit sera à leur usage exclusif ?

Pour conclure, le commissaire enquêteur trouve les réclamations absurdes et sans importance, étant certain à l'avance que les fermiers de la Biffaumoine ne se serviront pas de ce vieux chemin lorsque le nouveau sera construit.

Malgré cela, le 3 mars 1878, le maire Pierre Rousselot informe son conseil que l'agent voyer d'arrondissement donne raison aux opposants et émet un avis défavorable à la vente du chemin de la Vacherie. On apprend en même temps que M. Dehargues a fait le "sacrifice" d'un don de 300 francs à la commune. Peut-on sentir une pointe d'ironie lorsque l'on parle dans la délibération, du "sacrifice" fait par l'opposant, "sacrifice" sans doute peu douloureux compte tenu de la fortune de ces riches propriétaires ?

Dans ces conditions, le conseil municipal renonce à la vente du chemin qui devra rester libre pendant au moins vingt ans, et accepte les 300 francs de la famille Dehargues.

Pour conclure, il faut signaler qu'il y avait aussi de braves gens, propriétaires à Saint Léger, qui auraient cédé gratuitement de leur terrain pour le passage du nouveau chemin.

Il faudra attendre les remembrements du 20e siècle pour voir ce chemin aménagé et praticable.

 

 

 

le bourg (avant 1863)

la commune (depuis 1863)

la carte de Cassini - le cadastre

les moulins à vent

la métairie de la Croix

le chemin de la Vacherie

le manoir du Landreau

le dernier seigneur du Pontreau

les chemins de la mémoire

les voies de communication dans la commune

le chemin de fer d'intérêt local

la route n°11 de de Beaupréau à Cholet

a-t-on voulu punir Beaupréau ?

le général Tharreau

 

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