15.
la place de houpa
|
pour revoir le plan et
l'itinéraire
Vaste
terre-plein bordé par la rivière et une rangée
de maisons perchées sur une corniche, la place de Choupa
apparaît comme un large espace dégagé permettant
une utilisation polyvalente. Elle ne doit rien au hasard :
c'était jusqu'en 1935 la gare vicinale de Saint-Léger.
Mise en service le
1er août 1892, la ligne de chemin de fer à voie
métrique d'Arlon à Ethe permettait de
désenclaver la haute vallée du Ton vers les villes
voisines (Arlon et Virton), elles-mêmes raccordées au
grand chemin de fer. A l'époque, on transportait plus de
marchandises que de voyageurs et les expéditions au
départ de Saint-Léger étaient nombreuses :
denrées agricoles, tabac, bière, produits des forges,
machines agricoles...
La place de Choupa
était le lieu d'une activité grouillante rythmée
par le passage des trams à vapeur.
Il ne reste
pratiquement rien de tout cela, si ce n'est l'enseigne du
Café-Restaurant "Au Phare" sur l'imposant immeuble qui barre
la place. Quant à la gare, bâtie à
proximité immédiate de l'emplacement de l'actuel
rond-point, elle ne subsiste plus que sur des cartes postales et dans
le souvenir de quelques anciens.
carte
écrite en 1908
el tram à
Sièt-Ldjî
En
Belgique, le chemin de fer se développa sous le
règne de Léopold 1er, le dimanche 5 mai 1835,
par l'inauguration de la première ligne de chemin de
fer reliant Bruxelles Allée Verte à Malines.
De là partirent des lignes qui desservirent tout le
pays.
En 1872, la ligne de chemin
de fer partant de Marbehan, arrive à Virton en
passant par Ethe, tandis que la ligne de Libramont arrive
déjà à Arlon (1858). Tant et si bien
qu'il n'existait aucune liaison ferrée entre Virton
et Arlon.
C'est ainsi que la SNCV
projeta un tracé reliant Arlon par Châtillon,
Saint-Léger pour arriver à Ethe, village dans
lequel exista 2 gares, une pour le chemin de fer et une pour
le .vicinal. Le 24 avril 1891, M. Firquet de Bruxelles fut
désigné par le ministre de l'industrie comme
entrepreneur des travaux de la construction de la ligne. Une
équipe d'ouvriers flamands travailla sans
relâche au terrassement, au ballast, jeta les ponts et
enfin posa les rails.
Par concession n° 45,
la Société Nationale des chemins de fer
vicinaux mis en service la ligne du tram reliant Arlon
à Ethe le 1er août 1892, à une longueur
de 22,070 km, pour un prix évalué à
plus de 800 000 francs à l'époque ; elle fut
exploitée par la SA des chemins de fer provinciaux.
la rue du Tram
-
carte écrite en 1911
La petite locomotive,
conduite par le machiniste Reimans, traînait deux ou
trois wagons "confortables" pour cette époque. Depuis
de longs mois, la population attendait cet
événement. Vous devinez aisément que le
spectacle avait attiré la foule des curieux et
chacun, même pour son seul plaisir, désirait
essayer ce nouveau mode de transport, car à cette
époque, les villageois, sédentaires par
nature, avaient rarement goûté aux charmes d'un
voyage par rails, que ce soit parchemin de fer ou par
vicinal.
Le tram venait donc de
remplacer la "diligence" appelée la malle poste,
supprimée en juin 1890. Désormais, les
villageois se rendraient plus facilement aux marchés
de la petite ville à Arlon.
C'est ainsi que les
industriels et les commerçants lui confièrent
leurs produits. Les voyageurs attendaient la correspondance
avec les trams d'Arlon et d'Ethe et les ouvriers
eux-mêmes y trouvèrent leur avantage pour se
rendre à leur travail. Au lieu de longs trajets
à pied, ils purent utiliser à la fois le tram
et le train.
Les parcours sur cette
petite voie ferrée avaient aussi leur
agrément. Au lieu de longer perpétuellement la
grand-route, elle serpentait à travers bois et
champs. Ce ne fut pas, il est vrai, pour charmer les
voyageurs, mais souvent pour épargner une
montée pénible afin d'alléger le
souffle de la machine, tant et si bien que lors du
marché à Arlon où les voyageurs
étaient nombreux, il n'était pas rare d'en
voir marcher à côté du tram...
Le tram longeait sur la
gauche la grand-route d'Ethe jusqu'à l'entrée
de Saint-Léger, bifurquait à droite où
se trouve l'actuel complexe sportif, traversait le village
pour arriver à Choupa à l'imposante gare
vicinale, la plus importante du trajet. Cette gare en pierre
se composait d'une salle d'attente avec un guichet et d'un
local attenant, réservé pour déposer
les colis et les marchandises. C'est Mme Dujardin qui avait
dans ses attributions la délivrance des billets, la
réception et la remise à domicile des colis.
De plus, un café fut aménagé pour
désaltérer les voyageurs et aussi ceux du
village, parmi les 80 cafés que comptait
Saint-Léger !
Une voie d'accès fut
construite pour l'acheminement des wagons à
marchandises. Le tram continuait la traversée de
Saint-Léger, coupait la grand-route à hauteur
de la gendarmerie et s'enfonçait jans les
fourrés afin de monter la dure et longue côte
menant au dessus de Châtillon.
Pour les voyageurs, il y
avait 3 voyages aller et retour, le trajet
Saint-Léger-Arlon se faisant en 55 minutes sous la
bonne conduite du machinistes Reimans, Schumacker, Herbin,
Lucien Gobert...
Les voyageurs payaient 30
centimes en 2me classe (avec sièges en bois) et 45
centimes en 1re classe (avec des sièges recouverts de
velours) sous l'il attentif et la voix retentissante
des receveurs Edmond Haert, Léon Debaiffe et du
contrôleur Joseph Lichtfus.
Nous reconnaissons sur
cette photo d'avant 1914 : le receveur Edmond Haert, dernier
personnage à droite,
passant la tête par la fenêtre, et le
contrôleur Joseph Lichtfus, le 10e en partant de la
gauche.
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le tram au chalet de
Lagland, sur la route qui va à Arlon, après le
village de Châtillon, près de l'arrêt
d'Udange
Le tram, présent jusqu'en 1935, suivait plus ou moins
le tracé de la route d'Arlon actuelle.
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Les nombreuses industries du
village de Saint-Léger se servirent donc de ce
nouveau mode de transport pour acheminer leurs
matières premières, à savoir :
- l'entreprise Herr
(fabriquant de tuyères en cuivre pour les
hauts-fourneaux des usines métallurgiques de
Musson, Halanzy, Athus ainsi que pour l'intérieur
du pays) avec sa propre voie dans
l'entreprise
- la meunerie la
Demoiselle
- la tannerie au Chaufour
- la fabrique de
chicorée à la voie d'Arlon
- la scierie au Marache
- l'usine Dominicy
fabriquant des machines agricoles (moissonneuses
batteuses, hache paille, pompes à purin, machine
à battre... ) et sa seconde usine au Fourneau
David (les célèbres fourneaux
"Châtillon", les pieds de tables de café,
des monuments funéraires en fonte...)
merci à
André Parisse, de Floreffe (Belgique), pour ce
document
- la fonderie à
Lackman
- la fabrique de
chicorée à Choupa
- sans oublier la
brasserie Vériter ayant son raccordement
privé et ses propres wagons pour le transport du
houblon, du malt et de la bière.
Il est aisé de se
rendre compte du rôle que joua le tram à
Saint-Léger, en desservant toutes ces petites
industries.
l'usine
Dominicy
En ce qui concerne les
marchandises, cela dépendait de l'importance des
wagons à expédier. S'il n'y en avait qu'un ou
deux, ils étaient accouplés aux voitures
à voyageurs, mais s'il y en avait plusieurs,
c'était une rame spéciale qui était
expédiée en fonction de l'horaire
(évidemment, car la voie était à voie
unique).
Pourtant, de nombreuses
traversées de la route principale exigèrent
beaucoup de prudence de la part des automobilistes afin
d'éviter une catastrophe. Plus d'une voiture (rares
pour l'époque) dut stopper brusquement à
l'apparition inattendue de ce monstre à vapeur qui
pourtant avançait à un pas de tortillard.
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Dès 1930, la SNCV
remplaça dans les grandes villes les trams à
vapeur par des trams électriques et sur les petites
lignes les trams fonctionnèrent avec un moteur
diesel. Malheureusement, la ligne Arlon-Ethe ne devint plus
assez rentable. Elle fut remplacée par un service
d'autobus en novembre 1935. Aussitôt, la commune de
Saint-Léger devint propriétaire de l'assiette
de la ligne.
Rançon du
progrès ! Le tram céda le pas aux transports
automobiles. Pour le commerçant, l'industriel et le
voyageur, l'essence et le mazout ont supplanté la
vapeur.
Que de fois ai-je entendu
les anciens regretter le tram primitif ! Il roulait tout
doux, tout doucement, mais il arrivait sûrement.
Tandis que par la neige et le verglas, on faisait longuement
le pied de grue en attendant le luxueux autobus.
'atout
l'bon tapt !
ote
vÎ tram rèloyout lèthe à
lèrlon.
I passout pa Siét-Ldlî et
Tchèkion.
C'atout in tcheuf-tcheuf aveu trwâs
vagons.
Qui n'allout-m pus vite qu'in gros, grâs
lum'con.
s'arètout pus souvat qu'i n'folout.
Sûrmat eune vintiène dè
couôs su sa route.
Dè d'Ion, on pouvout l'oï, i
choufflout.
Coume in vî aradji, i s'dèmounout.
es
dgens qui l'pèrnint douvint prenre zou
tapt.
I n'folout-m ète prèsseye, ça
c'est bin vrâs !
Padècouô, i s'arètout bin
longtapt
Pou prenre dès lètes, des
pakèts das les gares.
uad
il arivout das l'bos d'Tchèkion,
Il avout soif ; on raplichout s'gordjon
Aveu la boune âwe qui gonfèle
èl Ton.
I r'pèrnout alouône, r'fayout d'la
prèssion.
a
police atout fâte pa l'vÎ Edmond ;
El receveur atout deur' pou tout l'monde.
I n'rigolout-m a fayant sa ronde ;
C'est lu qui contrôlout les coupons.
os,
les colèdjins, on n'sondjout qu'aux nitches
;
On pètout des boules puantes ; c'atout
nich.
On s'batout, i folout qu'on s'dèmounich
;
L'Edmond s'montrout et l'calme rèv'nout
vite.
uad
on arivout das la couôte d'Ièrlon,
On sautout don vagon, on courout l'long.
El tram cratchout, lançout tous ses
pètons.
Bin des couôs, on trèlout das les
buchons.
aleureus'mat,
en dix-neuf cent trente quate,
On è foutu note pouôve tram au
rancart.
ln varat d'autobus è prins sa place.
El... progrès fayout co touôner eune
pâge.
Léon
Gillet, décembre 1979
|
En mai 1982, suite à
l'idée du Syndicat d'Initiative Régional "La
Lorraine Belge" de transformer la voie vicinale
désaffectée en une liaison cyclable
d'intérêt touristique en site propre, c'est le
25 octobre 1985 que la voie du tram fut rendue... aux
cyclistes, juste 50 ans après sa suppression. Ce fut,
en tous les cas, une belle manière de fêter le
centenaire des chemins de fer vicinaux !
Une portion de la ligne,
depuis la sortie du village de Saint-Léger jusqu'au
dessus de la côte à la sortie du village de
Châtillon, fut bétonnée. Cette piste de
2,5 mètres de large comporte 4 accès, a une
longueur de 4,7 km, a coûté 9 486 000 francs et
fut financée à 100% par le budget du
Ministère des Travaux Publics, au
bénéfice de la commune de Saint-Léger
qui en assure l'entretien.
De nombreux marcheurs et
cyclistes l'empruntent journellement dans un cadre forestier
agréable, évitant ainsi de suivre la route
nationale dont le tracé est accidenté et
dangereux, et sont fiers d'arriver au dessus de la
côte pour aller se désaltérer au
café à l'enseigne "le Chalet" (en
mémoire du chalet en bois faisant office de gare
vicinale à Châtillon).
Amis de la nature et des
endroits calmes de Gaume, retrouvez le charme d'antan du bon
vieux tram à vapeur reliant Arlon-Ethe dans un cadre
verdoyant et venez vous promener sur la piste cyclable
à la sortie de Saint-Léger, vous ne le
regretterez pas.
Les pionniers de la
bicyclette se souviennent-ils que c'est à
Saint-Léger - terre de plusieurs fabricants de
vélos - qu'a eu lieu, en août 1891, le premier
championnat cycliste de la province de Luxembourg,
organisé sur 5 000 mètres par le
Vélo-Club d'Arlon ?
Source : Michel
Démoulin in "Le Gletton, mensuel de la Gaume et
d'autres collines" - juillet/août 1999
|
carte
écrite en 1906
rue Godefroid
Kurth
la côte de
Choupa
"Combien
de fois ne l'avons nous pas descendue, nous les gosses du
quartier, quand l'hiver, elle était recouverte d'une
bonne couche de neige ! En ce temps-là, peu de
voitures circulaient. A force de glissades, la neige se
transformait en glace. Alors, à la tombée du
soir, les traîneaux dévalaient la pente
à tombeau ouvert. Les chutes étaient
spectaculaires. Seules les vieilles personnes nous
regardaient d'un oeil sévère et quand le
cendrier de leur cuisinière le leur permettait, elles
en répandaient le contenu sur la chaussée dans
l'espoir d'arrêter nos jeux fous qui mettaient leur
vie en danger lorsqu'elles se rendaient au village pour
leurs courses quotidiennes.
Les dernières
années, la circulation automobile s'étant
accrue, la gendarmerie se mit à nous pourchasser.
Mais nous avions une piste de secours, celle de la rue du
Cassis. Le temps qu'ils montent la côte, nous
redescendions la seconde et ainsi de suite jusqu'au moment
où, épuisés, ils abandonnaient la
poursuite ou qu'un cri de maman nous rappelait l'heure de
souper.
La route a été
semble-t-il goudronnée en 1952. C'était une
route en pierre. Dans le livre "La vie au Village" paru en
1950, on peut lire : " Cinquante-deux ouvriers sont
transportés chaque jour à Rehon,
Mont-Saint-Martin et Senelle par car. Le transport est
payé en partie par l'usine. Le passage
fréquent de cet autobus a obligé la commune
à enduire de goudron le chemin de Saint-Léger
à Mussy." Après le départ des ouvriers,
les gosses du quartier fouillaient la pierraille à la
recherche de morceaux de fonte. Ceux -ci étaient
rachetés par un ferrailleur de la rue de la
Demoiselle surnommé le "Napoli" : Gaston Muller.
Dès l'arrivée
des beaux jours, nous étions toujours dehors "sur les
Roches" ou dans les buissons des talus dont les recoins
boisés devenaient tour à tour château,
vaisseau de pirates, avion, caverne...
La rue vivait au rythme de
la circulation routière : tôt le matin,
c'était les ouvriers, puis les écoliers
suivaient avant le passage des boulangers et d'un
épicier ambulant ; les troupeaux montaient dans les
prés, deux gendarmes la bicyclette à la main
effectuaient leur tournée ; après quelques
coups de cloche, le garde-champêtre annonçait
une vente prochaine ; les enfants rentraient de
l'école pour dîner et croisaient les chevaux
des fermiers. Toujours le même jour,
l'après-midi, le marchand ambulant d'habits passait.
Le Smail, un nord-africain de Virton. Il avait l'habitude de
faire des petits cadeaux aux ménagères qui lui
achetaient quelques vêtements : un gant de toilette ou
un mouchoir. Puis les ouvriers rentraient, les
écoliers aussi. Vers dix-sept heures, les charrettes,
les tombereaux défilaient. Quelques voitures
pétaradaient dans la descente et aspergeaient de
bouse de vache le bas des pantalons des piétons. Le
samedi, c'était le jour du brasseur, le Delphin.
Au milieu de la côte,
du côté droit, une croix entourée d'un
jardinet surplombe la chaussée. Elle a
été érigée en 1955 lors de la
mission paroissiale par l'abbé Dedoyard. Elle est
faite de deux troncs de chêne écorcés
façonnés par Roger Lambert. Elle a
été placée sur un socle de pierre.
La troisième maison
à droite à partir du bas de la rue
était encore un café au début des
années 50. Il était tenu par Alexandre
Dujardin. C'est là que chaque année avait lieu
le repas des conscrits (jeunes gens atteignant l'âge
légal pour le service militaire). Les appelés
de l'année, après leur incorporation à
Arlon, effectuaient le tour du village en récoltant
des oeufs. Sur leur passage, ils emmenaient les filles
autorisées par leurs parents à les suivre pour
les faire danser avant d'avaler l'omelette et moult
bières. Entre les deux guerres, on y cuisait aussi le
pain. Plus tard, le four servira à cuire les tartes
des gens du voisinage lors de la fête locale.
Marcel Zintz et sa femme
Julia Guillaume occupaient la dernière maison du bas
de la rue. Ce fermier acheva sa carrière avec son
cheval, il n'investit jamais dans un tracteur. C'est
là que mon frère et moi nous allions chaque
soir, été comme hiver, chercher le lait. Il
m'est arrivé de répandre le contenu du bidon
en voulant jouer les jongleurs. A bout de bras, je faisais
faire des loopings à mon récipient. Parfois,
le couvercle se déboîtait et paf !
c'était la catastrophe. Temps béni que celui
de l'enfance.
La place des marronniers
était le lieu d'animations exceptionnelles :
fêtes locales (la petite et la grande), cirque,
courses cyclistes... En automne, les plus grands se
confectionnaient des pipes avec des marrons et une tige
creuse. Pour le tabac, c'était simple : quelques
feuilles de marronniers hachées et le tour
était joué, mais gare aux coliques
!"
Source : Joseph
Collignon in "Le Gletton, mensuel de la Gaume et d'autres
collines" - juillet/août 1999
|
La rue étroite qui
monte est la "ruelle Giffe".
L'eau provient d'un canal qui déviait une partie de
la rivière (le Ton) pour les besoins de la brasserie
Vériter.
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agrandissement, cliquez ici là
pour une version colorisée
|
carte
écrite en 1909
|
|
|
légendes
et folklore des fontaines de Gaume
"Le
rôle des fontaines ou sources dans la légende
est considérable, on y conteste souvent les marques
de respect ou de crainte qu'elles inspirent en raison de
leur origine merveilleuse.
En réalité, aucune force de la nature n'est
l'objet de croyances aussi variées, d'observations
plus nombreuses.
Le peuple, les hygiénistes aussi sont encore
persuadés que beaucoup de sources peuvent exercer une
réelle influence sur les éléments, sur
la destinée et les affections des êtres, sur la
santé ou la maladie des hommes ou des animaux
(...)
On consulte les sources comme des espèces d'oracles,
ou on va accomplir sur leurs bords des rites et des actes
que nous sommes loin de connaître tous
(...)
Mais avec la
distribution d'eau toutes références ou
facettes de la vie ont disparu ou sont en voie de
disparition.
Par exemple, au lavoir de Harnoncourt était
vénérée une statue de Saint-Roch.
Saint-Roch XIVe siècle) s'est dévoué au
soin des pestiférés. Grâce à
l'eau curative, il guérissait les plaies et les
morsures. Cette puissance contre les maladies contagieuses a
excité la confiance de nombreux fidèles.
Tous les ans, le 15 août, après le salut
célébré à l'église
paroissiale de Rouvroy, les assistants se rendaient, sans
souci de procession et sans célébrant, vers le
lavoir, garni pour la circonstance de fleurs et de bougies,
afin d'y réciter le chapelet et les litanies de Saint
Roch.
Après l'installation de la distribution de l'eau dans
la commune, le lavoir fut fermé et utilisé
comme dépôt.
Ainsi, peu à peu, cette coutume se perdit dans le
temps et la démolition du lavoir effaça le but
même de cette coutume vénérable.
Bon nombre
de coutumes sont nées par l'attribution de
qualités miraculeuses ou guérissantes aux
sources.
Il en était ainsi pour la cérémonie de
Harnoncourt qui remontait à 1636 lorsque la
population de la Gaume fut terrassée au trois quarts
par la peste. Les habitants de Harnoncourt y
échappèrent, dit-on, grâce aux vertus de
l'eau de la source Saint-Roch.
A Tintigny, aux confins de Saint-Vincent, au lieu-dit
"l'Oasis", se trouvait une fontaine qu'on dénommait
la fontaine aux malades, qui devait son nom aux grandes
vertus curatives de ses eaux.
Une autre fontaine au même nom se trouve encore
actuellement à Saint-Léger, place de Choupa.
Les bonnes gens croient aux vertus curatives de ses eaux
ferrugineuses et viennent en chercher dans des
flacons.
A
Mussy-la-Ville, au lieu-dit "Champs Chiaux", coule un petit
ruisseau dont l'eau guérit les maladies
ophtalmiques.
Le cours d'eau étant à sec très
souvent, les paysans disent que c'est pour punir les
incrédules qui viennent y puiser de l'eau sans croire
à sa vertu salutaire, que la fée gardienne de
la fontaine le fait tarir.
La comtesse
Mathilde se rendit à l'abbaye d'Orval, peu
après la fondation, pour trouver réconfort
après la mort de son mari, Godefroid le Bossu et de
son fils. Là, elle s'approche d'une source limpide
dans laquelle elle plongea les mains et laissa tomber une
bague qui disparu aussitôt. C'était son anneau
nuptial. Elle poussa un cri et se mit à chercher. On
sonda de toutes parts mais en vain. Tous alors prennent le
parti d'aller dire une prière à la Vierge,
patronne d'Orval. Après, elle revint à la
fontaine et l'anneau se montra, éclatant de
lumière dans le sable soulevé par le
bouillonnement de la source.
A ce sujet, on raconte également l'histoire d'une
truite sortant de l'eau et tenant l'anneau dans sa
bouche.
C'est selon cette légende qu'est né le nom de
"Val d'Or" et, dans l'écu armorié d'Orval, on
aperçoit une bague sortant de l'eau.
Dans
l'église de Chiny, on peut observer une statue de
Saint-Thibaut.
Ce saint, au temps de Louis Il, alors qu'il travaillait dans
la forêt de Chiny pour faire du charbon, aurait fait
jaillir par ses prières une fontaine pour se
désaltérer avec ses compagnons. Cette fontaine
fut longtemps réputée miraculeuse. En plus de
guérir de différentes maladies, lorsque cette
eau avait été bénite et que l'on en
buvait, elle avait la vertu de chasser la
fièvre.
Nous venons
de remarquer que de nombreuses fontaines portent des noms de
saints et sont rattachées à des convictions
religieuses profondément ancrées dans les
moeurs. L'origine de ces noms doit remonter à
l'époque de la christianisation qui a remplacé
ainsi des légendes païennes plus
anciennes.
Suivant J-G.
Buillot et Thiollier, à l'époque où
Saint-Martin prêcha le christianisme, les sources
étaient un accessoire obligé des oratoires
ruraux de la Gaule et ces derniers, ainsi que les fontaines
qui les avoisinaient le plus souvent, étaient le but
de pèlerinages publics ou isolés mais
incessants.
De manière générale, il semblerait que
les missionnaires soient parvenus, sans trop de
difficultés, à donner aux fontaines
païennes un vernis chrétien en les consacrant
à des saints, d'où la dénomination de
noms de saints de nombreuses fontaines et lavoirs en
Gaume.
Outre des
propriétés miraculeuses, certaines fontaines
ont la propriété de fabriquer de la
pierre.
En Gaume, on observe en de très nombreux endroits la
formation de tuf calcaire, qu'on baptise "travertins" en
langage scientifique, "crons" en jargon de naturaliste et
"crônières" en patois local.
Le phénomène est engendré par le
ruissellement d'une eau riche en bicarbonate de calcium le
long des pentes où prolifère jusqu'à
l'étouffement une association végétale
calcicole inféodée à un support
formé par une masse mucilagineuse. Toutes les
caractéristiques de ce milieu très
spécial contribuent à favoriser la
cristallisation rapide du carbonate de calcium qui ne tarde
pas à constituer des masses évoluant vers leur
fossilisation.
Les plus remarquables de ces sources pétrifiantes
sont situées à Mautauban (Buzenol) et à
Lahage (Bellefontaine).
La pierre qui les constitue est légère et
résistante, elle a été couramment
employée dans la construction des maisons
gaumaises.
Rappelons
que les vertus curatives qu'on attribuait à l'eau des
fontaines sont principalement liées à sa
qualité ferrugineuse. A l'heure actuelle, une source
à Meix-devant-Virton est exploitée comme
source d'eau minérale.
Il est
également important de rappeler que de nombreux
habitants se plaignent du fait que la distribution de l'eau
a, entre autres, comme effet la fermeture ou la
démolition de nombreuses fontaines dont l'eau
était réputée comme excellente et
préférable à l'eau du
robinet.
Ce bref
survol montre combien l'eau était "source de vie"
dans la vie rurale d'autrefois. Même si quelques-uns
de ces aspects nous sont parvenus, la frénésie
de la vie actuelle tend à sombrer dans le
passé dans un oubli total.
Pour ce fait, il est important de se rappeler combien le
rythme de la vie de jadis était en liaison directe et
continue avec la nature."
Source :
Extrait
du mémoire de fin d'études de Danièle
Ganz intitulé "Lavoirs et fontaines en Gaume"
(1981-1982)
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vue sur le Ton -
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oblitération de
1906
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la fête
foraine
"La
fête d'un village était toujours
émaillée d'une arrivée massive de
roulottes et de baraques foraines qui assuraient l'ambiance
festive. A Saint-Léger, une famille de forains
était fidèle au rendez-vous depuis plusieurs
générations. Bien avant 1900, les
ancêtres de cette famille étaient
déjà forains.
Né en 1868, Gaspard
ANSION, habitant Arlon, possédait un superbe
manège de chevaux galopants. Son épouse,
Elisabeth MAX n'eut pas moins de 23 enfants, ce qui
nécessita l'ajout de nombreuses pages au traditionnel
carnet de mariage. Seuls 5 enfants des 23 restèrent
en vie.
L'aînée,
Bertha, épousa Ferdinand COOS qui lui était
originaire d'une famille de 5 enfants de Battincourt. Ils
commencèrent leur vie foraine en 1917 avec une
balançoire, un tir et une confiserie. Après
quelques années, voulant changer quelque peu son
activité, Ferdinand vendit sa balançoire et
son tir. Ils furent remplacés par un "jeu de chaises"
qu'il construisit lui-même vers 1946. Plus tard, il
exploita également une friterie.
la maman d'Elise COOS et
son frère en 1938
Ferdinand COOS et son
"jeu de chaises" en 1950
Bertha et Ferdinand eurent 8
enfants : Gaspard, François, Maria, Jean-Pierre,
Henry, Jeanne et la cadette Elise, plus un fils,
René, qui mourut très jeune.
Née en 1929, Elise
fit son apprentissage avec ses parents. Dès 14 ans,
elle gardait le tir. En 1951, elle épouse Gaby
WALDBILLIG, de Saint-Léger. Il était menuisier
de son métier et avait travaillé dans
l'entreprise Dominicy. Son mariage l'orienta
évidemment vers la vie foraine. Grâce à
son métier de menuisier, il réalisa dès
1951 un carrousel dont le mécanisme fut l'oeuvre de
Nicolas BILOCQ, forgeron à Châtillon. Ce
carrousel est toujours en service, exploité par
Marianne, la fille d'Elise et de Gaby. La photo
représente Marianne, tenant un montant du carrousel,
comme si elle désirait déjà à
l'époque qu'il devienne sa propriété !
|
Marianne COOS et
le carrousel de papa
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Elise et Gaby eurent 2
filles et un garçon, tous prolongent cette
lignée de forains. L'aînée, Chantal
(1953) possède un tir, une confiserie et un lunapark.
Marianne (1959) a, en plus du carrousel paternel, un
bulldozer et une pêche à canards. Quant
à Hugues (1966), il exploite un "jeu d'avions".
En comparant le "jeu de
chaises" du grand-père au "jeu d'avions" du
petit-fils, on peut estimer le chemin parcouru par la
technologie foraine. Il est vrai qu'à l'heure
actuelle, pour se maintenir, il faut s'adapter aux exigences
du moment et cela coûte très cher. Pour un
manège moderne, il faut compter le prix d'une villa.
Hugues et son "jeu
d'avions"
Et cependant, l'ambiance des
fêtes foraines n'est plus ce qu'elle a
été. Autrefois, les distractions étant
moins nombreuses, la fête du village attirait toute la
jeunesse des environs. A pied ou à vélo, on se
déplaçait par tous les temps pour passer
quelques bons moments ensemble et cela se terminait souvent
par un bal qui donnait l'occasion aux futurs couples de se
former.
Elise se souvient bien des
nombreux vélos appuyés contre les remorques et
caravanes. Actuellement, les distractions ne manquent pas :
discos, marchés de brocantes... On fait rapidement de
nombreux kilomètres pour participer à une
réjouissance quelconque.
Anciennement, à
Saint-Léger, les jeunes faisaient le tour du village
pour entraîner les hésitants et cela se
terminait par un bal. Cette coutume s'est maintenue à
Robelmont le mardi de la fête.
La fête de
Saint-Léger se tenait, au début, sur la
Grand-Place et dans la Grand-Rue. Mais, la circulation
devenant de plus en plus importante, elle fut
déplacée devant le café
Métropole et sur la Place de Choupa.
Les villageois accueillaient
les forains avec beaucoup de sympathie. Souvent, le matin,
quelques légumes fraîchement cueillis
étaient déposés sur les marches de
l'escalier de la roulotte. Cadeaux de bienvenue des
habitants à ceux qui allaient apporter un peu de
distraction au village. Les COOS étaient bien connus
à Saint-Léger. La confiance régnait,
car les villageois ne rentraient pas le bois
entreposé devant les maisons. Ce qui n'était
pas le cas lorsque certains autres forains étaient
annoncés. Il est vrai que le papa d'Elise
était intransigeant sur le sujet, il n'était
pas question de toucher à quoi que ce soit.
La mère d'Elise
fabriquait elle-même son nougat filant, ses sucres
d'orge, ses pommes d'amour... Pendant la guerre, les
denrées devenues rares, les fêtes avaient
pratiquement disparu un peu partout. Pour remplacer les
friandises à vendre, la maman fabriquait des fleurs
en papier. Le père avait trouvé du travail
à Rodange pour combler le manque à gagner.
Elise COOS, Gaby
WALDBILLIG et Marianne en 1963
Enfin, en 1945, les
tournées purent reprendre. Gaby décède
en 1980 et Elise poursuit avec ses enfants jusqu'en 1984,
date à laquelle elle laisse aux jeunes les
activités familiales.
Dans le métier de
forain, chacun a sa spécialité et sa
tournée. Il est tacitement convenu de ne pas faire
double emploi. Mais actuellement la concurrence augmente car
il y a de plus en plus de candidats et, ici aussi, c'est la
course à la modernisation.
Mais où sont les
fêtes d'antan ?
Source : Raymond
Rochus in "Le Gletton - juillet/août 1999"
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