"Les
moulins ont toujours eu en eux quelque chose de magique. Ces
ouvrages qui étaient jadis omniprésents dans
nos campagnes sont devenus rares, du moins dans leurs
fonctions d'origine. Il en subsiste toutefois quelques-uns
aux 4 coins de la Wallonie. A Saint-Léger, il y avait
plusieurs moulins. Mais seul le moulin Clément, le
dernier créé dans le village, est encore
conservé dans sa double fonction. Et il le restera.
Guy Albarre, un habitant du
village passionné par le patrimoine au sens large,
l'a racheté en vente publique au début des
années 90 et est en train de le restaurer peu
à peu. Le moulin Clément comportera à
l'étage une partie "logement". La partie basse,
c'est-à-dire le moulin à farine, la scierie et
les pièces traditionnelles de l'habitat gaumais (la
cuisine et le pêle), restera telle quelle, pour des
visites. Le moulin Clément, qui profite de l'eau du
Ton, pourrait même devenir la Maison du Ton, dans le
cadre du contrat de rivière Ton qui est en cours.
C'est en 1848 que la famille
Clément construisit ce moulin qui a connu un fameux
essor. De tous les villages voisins, on y amenait les
matières à travailler : du grain à
moudre, des faines pour la fabrication d'huile, et les
troncs d'arbres à scier. Le moulin permettait
d'écraser le froment, le seigle et un mélange
des deux, le méteil (...)
(...) Les bûcherons
venaient même faire affûter leurs scies chez les
Clément. Les frères et soeurs Clément
ont maintenu le moulin en activité jusqu'en 1958.
L'huilerie avait toutefois cessé de fonctionner
après la guerre 14-18.
Ce fut alors la famille
Triniane qui racheta le bâtiment. Constant Triniane,
qui fut instituteur, fit encore fonctionner la scierie
durant plus de 30 ans (...) Le moulin servit encore à
concasser du grain pour le bétail. Mais vers 1985,
l'axe usé et pourri laissa tomber la roue dans l'eau
du bief, forçant le moulin au chômage.
Mais cette mort
n'était pas définitive. D'emblée, M.
Albarre fit restaurer la roue par un menuisier ardennais de
80 ans, M. Schul. Celui-ci répara l'axe en
chêne de 5m de long et diverses vannes, dont celle qui
se trouve à l'entrée du bief. Un bief qui
prend l'eau du Ton 115 m en amont de la roue à 48
augets et la restitue à la rivière, 75 m en
aval, après un passage canalisé sous le
jardin, l'ensemble faisant face au plan d'eau de Conchibois,
jouxtant le complexe sportif local. La roue
métallique a quant à elle un diamètre
de 3,90 m et une largeur de 1,35 m. L'atelier de meunerie
comprend deux paires de meules, un blutoir et un
ventilateur.
Guy Albarre, devant la
roue dont l'axe a été réparé
voici quelques années
un travail primé par la Fondation Roi
Baudouin
Pareil ouvrage mérite
évidemment une restauration progressive et bien
pensée. Tout le monde s'y est mis. L'ancien hangar
qui servit d'atelier et de bergerie, et qui menaçait
ruine, vient d'être reconstruit en dur, dans les
mêmes volumes qu'à l'origine. Les murs en
moellons seront même recouverts de planches, rappelant
la construction initiale. Cette salle ouverte pourra
accueillir les visiteurs, car il n'y a pas de place dans le
moulin pouvant rassembler une cinquantaine de personnes. Il
faudra par ailleurs encore s'atteler à la scierie qui
n'a plus fonctionné depuis 14 ans. Le haut-fer, la
scie à ruban et la scie circulaire se reposent et
sont là, impatients à revivre, comme derniers
témoins de la petite industrie rurale de jadis.
Source : Jean-Luc
Bodeux, in "Le Gletton, mensuel de la Gaume et d'autres
collines" - juillet/août 1999