La famille VALENTIN au Hameau de La Garde et aux Lévriers
à St Léger sous la Bussière, entre 1804 et 1830
  
 

 

chat du domaine de La Garde à St Léger (1808)

 

 

Avec l'achat du domaine de La Garde commence un chapitre nécessitant de longs développements. Nous situerons tout d'abord La Garde à Saint Léger puis nous verrons les premiers propriétaires installés ici dès la fin de la Révolution.
Ensuite, nous découvrirons des actes notariés très intéressants datés de quelques mois avant l'acquisition de La Garde. Pour terminer, nous essaierons de voir en détail comment les VALENTIN ont pu financer cet achat.

 

Le hameau de La Garde

 

En ce qui concerne le domaine de La Garde, les archives départementales de Saône et Loire possèdent un album terrier de la seigneurie de La Bussière (cote 1 E 4) qui donne le plan de toute la montagne de La Garde, tel qu'elle se présentait lors de la rénovation du terrier durant la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Ce secteur était alors, semble-t-il, inhabité, mais l'examen du plan pourrait indiquer à qui appartenait la terre sur laquelle, plus tard, des habitations ont été construites.

Ces "plans géométraux des héritages mouvants des rentes de la Baronnie de La Bussière" ont été "levés entre 1774, 1775 et 1776 et réduits sur une échelle de 40 pas pour le pouce."
Cette indication de "40 pas pour le pouce" donne la correspondance utilisée entre deux unités de mesure pour dresser les plans : un pouce sur le papier égale 40 pas sur le terrain.
Ces anciennes mesures sont en rapport avec des parties du corps : le pouce, le pied, le pas, la coudée…
Le pas valait 62,4 cm ; donc si l'on considère 40 pas : 24,96 m.
Le pouce valait 1/12e du Pied de France. Celui-ci équivaut à une longueur de 32,46 centimètres. Donc le pouce équivaut à 2,70 cm. Il est divisé en 12 lignes.
2,70 centimètres sur le plan représenteraient donc 24,96 mètres sur le terrain ? Il est presque quasi impossible de retrouver l'échelle utilisée… et par voie de conséquence de mesurer quoi que ce soit !

Le plan 42, au folio 165, nous intéresse au premier chef : "Au Moulin Bechet, terre du seigneur de la Bussière". Ce plan inclut les maisons de La Garde.

Il est entouré par les plans aux folios suivants :

  • 167 "Pré de La Garde" (de chaque côté de La Grosne) au nord
  • 191 "Hameau des Lévriers" au nord-ouest
  • 168 "Village de Saint Léger, avec papeterie" au sud-est
  • 183 "Aux Grands Champs et Grands Rompays" au sud-ouest
  • 174 et 175 "Montagne de La Garde" au sud-ouest.

Le plan au folio 166 s'intitule "Moulin de La Belouze".

 

plan terrier de La Garde (1776)

 

plan terrier de La Garde 1776 (détail)

 

 

Pour consulter le plan terrier de St Léger sous la Bussière de 1776,
et agrandissez. L'image pèse 132 Ko.
Vous repasserez ensuite par ici en fermant l'agrandissement.

 

 

Dans "l'inventaire après décès des époux VALENTIN THOMAS", dressé le 23 septembre 1830 après la mort de Jean-Benoît, il est précisé qu'existe "un cabinet à deux portes et deux tiroirs sans serrures."

Dans un de ces tiroirs sont des papiers dont la description est faite, entre autres : "Expédition d'une vente de deux mille francs pour Claude et Benoît VALENTIN, père et fils, de Me Antoine de LACHARME, reçu Me CHAIX notaire, le vingt trois avril dix huit cent huit…"

 

 

Jeu de pistes (1)

 

Cette pièce n'existant pas dans les papiers familiaux, il faut se tourner vers les archives départementales de Saône et Loire à Mâcon. Malheureusement, les minutes de Me CHAIX ne sont alors déposées que jusqu'en 1800. Les années suivantes doivent être conservées par le successeur, Me NESME, à Tramayes.
Celui-ci me répondit que Me CHAIX et DELACHARME étaient les lointains prédécesseurs de Me CHATOT, notaire à Matour, étude supprimée en 1913. Il n'avait donc rien de ces archives. (mai 1982)
Malgré plusieurs recherches, notamment auprès de Me ROHMER, ancien notaire et historien de Tramayes, il s'avère impossible de retrouver ces minutes.
Ainsi que l'écrit en septembre 1985 le Directeur des archives de Mâcon "…Elles n'ont jamais été déposées aux archives…et les diverses enquêtes que nous avons effectuées à ce propos ne nous ont pas permis de savoir où elles pouvaient être actuellement conservées ; je crains qu'il ne faille les considérer comme perdues."

Malgré tout, grâce à l'étude attentive du partage entre les VALENTIN de juillet1809, c'est à dire à peine plus d'un an après l'achat de La Garde, et avec d'autres documents des archives de Saône et Loire, nous pouvons en connaître un peu plus.
Ainsi que l'explique le "Guide des recherches sur l'histoire des familles"
(2) :
"il peut arriver que le chercheur connaisse de manière exacte…la date de la minute notariale qu'il recherche…ou que la minute manque dans le fonds… Parfois les minutes ont disparu… C'est alors que les fonds de l'Enregistrement vont apporter leur aide au chercheur."

En consultant l'enregistrement des actes notariés, à Mâcon, on trouve effectivement ces documents :

Numéros des articles

Noms des vendeurs

Prénoms

Profession

Demeure

143

DELACHARME

Antoine

Notaire

Matour

Noms, profession et demeure des nouveaux acquéreurs

Nature des actes

Claude et Benoît VALENTIN de Saint Léger

Vente

Désignation des pièces

Prix

Portion du domaine à St Léger 23 avril 1808

2000 F

 

Dans les "Actes sous Contrôle Public" pour l'année 1808, la vente est enregistrée au folio 52 :

"3- Du 1er may 1808 : enregistré vente par Me Antoine DELACHARME, notaire à Matour, à Claude et Benoît VALENTIN, père et fils, de St Léger, de la huitième portion du domaine de La Garde, dite commune de St Léger. Moyennant deux mille francs. Passé devant CHAIX à Matour, le 23 avril. Contenant un rôle. Reçu quatre vingt francs."

Cela confirme les faits connus : Claude et Benoît VALENTIN habitent déjà à St Léger sous la Bussière à l'époque de l'achat de La Garde.

Ils acquièrent "la huitième portion du domaine de La Garde" : on doit donc considérer qu'il y a au moins sept autres acquéreurs en même temps que nos ancêtres pour "les autres portions".
Les propriétaires voisins des VALENTIN au fil des années, et jusqu'au début du XX° siècle, doivent être les héritiers de ces acquéreurs. Ce sont, dans les années 1930, les familles AULAS, PICOLET, BONNETAIN, PHILIBERT. Un parent PHILIBERT habite d'ailleurs à l'époque "la maison de Claude VALENTIN", d'après le souvenir des gens du hameau. Il y a certainement là une piste pour mieux saisir notre histoire familiale.

Tout en poursuivant nos recherches, en parcourant les registres de l'Enregistrement pour cette région du Mâconnais, entre la fin du Directoire et les premières années de l'Empire, nous découvrons l'ampleur des achats et des ventes faites par Antoine DELACHARME.
Ce notaire de Matour demande à être mieux connu, son activité de "marchand de biens" est intéressante à plus d'un titre. Nous y consacrerons quelques développements.

Ayant à nouveau écrit en novembre 1997 aux services d'archives de Mâcon au sujet de l'acte d'acquisition de La Garde en avril 1808, un espoir subsiste dans la réponse du Directeur :
"Les archives de l'étude de Matour postérieures à 1800 sont restées en possession du notaire qui y réside. Le successeur de Me CHAIX, c'est à dire Me NESME, doit encore les posséder. Le versement ou le constat de la disparition des archives pourra être fait dans un temps rapproché…Vers la fin d'année, nous pourrons vous renseigner sur le sort des archives des notaires de Matour."
Les minutes de Me CHAIX ne seraient-elles pas perdues comme tous le croyaient il y a quinze ans ?
Pourtant, début janvier 1998, la suppléante de Me NESME confirme que l'étude ne détient pas les minutes de Me CHAIX.

 

 

Les 6 premiers acquéreurs du domaine de La Garde (1800)

 

Au cours d'une recherche dans les registres de l'Enregistrement de Matour, fin décembre 1997, nous découvrons ces précieuses indications dans la "Table des vendeurs (1791 à l'An XI)" (3) :

Noms des vendeurs
Antoine LACHARME
Noms et demeures des nouveaux possesseurs
François AULAS de Trembly, P.AULAS, J.BONNETAIN,
P.PARDON, J.SINQUIN, P.PHILIBERT de St Léger
Nature et dates des actes / Noms des notaires
Vente 14 Brumaire An IX / BONNET
Désignation des biens et prix
N° 361 un domaine et ses dépendances pour 15800 F

 

Le même notaire LACHARME vend à Jean PHILIBERT le 12 avril 1807, par acte devant "BONNET, notaire à Matour… un domaine à Saint Léger, pour 1800 F".

Les VALENTIN, nous l'avons vu, achètent eux aussi à DELACHARME le 23 avril 1808, "la huitième portion du domaine de La Garde à St Léger, pour 2000 F" devant CHAIX notaire à Matour.
Les huit "co-propriétaires" du domaine de La Garde sont donc tous installés fin 1808.
Il y a énormément d'autres ventes de terres et de biens faites durant cette période par le notaire Antoine LACHARME à des habitants de Saint Léger sous la Bussière et d'autres villages des alentours.

Grâce aux minutes de Me BONNET, notaire à Matour (d'abord introuvables chez le notaire successeur, puis déposées par celui ci début 1999 ? aux archives), nous pouvons en savoir beaucoup plus sur les premiers acquéreurs de La Garde : (4)

"Devant le notaire soussigné et les témoins cy après nommés, fut présent le citoyen Antoine LACHARME, notaire résidant à Matour, lequel de son gré et libre volonté, déclare qu'il vend, cedde, quitte, remet et transporte avec maintenue et garantie à François AULAS, propriétaire à Présentin, commune de Trembly, Jean BONNETAIN, Jean SINQUIN, ce dernier agissant tant en son nom qu'au nom de Claude SINQUIN, son fils et consort, auquel il s'engage de faire certifier cet acte à toutes réquisitions, Pierre AULAS, Pierre PHILIBERT et Pierre PARDON, tous résidant en la commune de St Léger sous la Bussière, et icy présents et acceptants
les six huitièmes ou les trois quarts du domaine appelé La Garde, situé en la dite commune de St Léger, et aujourd'hui cultivé par ledit Jean BONNETAIN.

Tel que ledit domaine s'étend et comporte et qu'il est composé, fait de bâtiments, prés, terres, paquiers et bois ; excepté que les acquéreurs ne prétenderont rien dans la forest appelée La Garde.
Ensemble les droits d'entrée, issues et aisances anciennes et accoutumées ; franc et exempt de dettes et charges, chargé seulement de servitudes anciennes et accoutumées, si anciens fonts ? et des impôts fonciers à compter du vingt un brumaire prochain.

(Les parties ont) convenu que les acquéreurs souffriront que le vendeur jouisse de l'eau pour une tournée dans les prés dépendant dudit domaine pour abreuver les prés du vendeur dépendant du domaine du Plâtre cultivé par les citoyens GOYARD et LAROCHETTE, deux jours de chaque huitaine, et la tournée sera entretenue à commun frais ; quant aux eaux servant à abreuver les prés du domaine compris en cette vente sortant des prés des autres domaines réservés au vendeur, il en sera usé comme il en a été usé par le passé, et les étournes ? seront également entretenues à frais communs.

Les acquéreurs sont en jouissance dudit domaine à compter de ce jour, cependant ils souffriront que Jean BONNETAIN fermier jouisse audit domaine conformément à son bail, auquel ils retireront le prix proportionnel à leur acquisition, à compter du vingt un brumaire prochain, et s'ils veulent l'expulser, ce sera à leurs périls et risques et à la charge l'indemnité de droits, ce dires ? d'une part.

Il sera fait partage dudit domaine avec le vendeur, à réquisition aux frais des acquéreurs, lequel partage contiendra huit lots, dont deux sont réservés au vendeur, lesquels lots seront tirés au sort après le partage qui sera fait par géomètre, dont il sera convenu sur un prix et…….d'office.

Se chargent en outre les acquéreurs de rembourser au vendeur les frais de transcription qu'il a fait de l'acte d'acquisition qu'il a fait au Citoyen CASTELLANNE à raison de seize francs cinquante centimes pour mille francs, l'acquisition duquel acte il justifiera pour la liquidation de cet article."

"Demeure réservé au vendeur la petite lize ? (lisière ?) de bois size entre la Montagne et le Bois de Souin ? à environ quatre mesures, qui sera prélevée avant le partage dudit domaine, c'est à dire qu'elle ne fait point partie de cette vente."
"La Brosse qui est au milieu des verchères de La Garde vis à vis la maison de contenance à environ trois à quatre mesures est comprise en cette vente. Le vendeur se réserve pareillement le capital de bétail qui ne fait pas compris en la présente vente. La présente vente est faite et convenue entre les parties, et moyennant quinze mille huit cent francs."

 "Comme notaire, ledit LACHARME vend aux ci devant desnommés acquéreurs, et il leur cedde et transporte sans aucune maintenue ny garanties que celle de droit, la somme de quatre mille deux cent francs à lui due par Jean CUIRA ? de St Léger pour partie du prix d'une vente d'un pré dépendant dudit domaine à luy faite par le citoyen LACHARME par acte reçu BRUIS notaire en registre, le surplus du prix de la vente faite audit CUIRA est réservé audit LACHARME.
Les acquéreurs reporteront ? la dite somme de quatre mille deux cent francs dudit CUIRA comme pouvait le faire ledit LACHARME, et retireront à cet effet expédition de l'acte reçu BRUIS comme ils aviseront. Quant aux prises d'eaux réservées au vendeur par l'acte de vente qu'il a fait à CUIRA, elles appartiendront aux acquéreurs pour les six huitièmes, comme elles appartenaient au vendeur."

 "Lesquelles deux sommes composant celle de vingt mille francs, lesdits acquéreurs promettent solidairement payer au Citoyen LACHARME vendeur, savoir :

  • cinq mille francs le vingt pluviôse an Dix
  • sept mille cinq cent francs le vingt pluviôse an Onze
  • sept mille cinq cent francs le vingt pluviôse an Douze

avec intérêts des vingt mille francs, à compter du vingt un brumaire présent mois."

 "Les paiements seront faits en or ou argent valleure courante, sans pouvoir être faits en autres espèces. Tous autres paiements seraient sans valleure du consentement des parties ; demeure excepté de la solidité ci-dessus stipulée, pour le paiement des vingt mille francs, les père et fils SINQUIN co-acquéreurs qui demeurent tenus pour leur paiement du sixième duquel ils font acquisition personnellement pour cette partie. Les autres acquéreurs ne sont point tenus solidairement, pour cette partie."

 "Les coûts de cet acte et droits d'enregistrement (sont) à la charge des acquéreurs qui en fourniront expédition en forme à leurs frais au vendeur. Se réservant le vendeur ses privilèges et hypothèques sur les propriétés comprises en cette vente."

"Pour sûreté à cette acquisition, les acquéreurs obligent leurs biens, savoir :

  • François AULAS, un domaine situé à Trambly composé de bâtiments, prés, terres et bois
  • PHILIBERT, PARDON et BONNETAIN, et Pierre AULAS, chacun un domaine composé de bâtiments, prés, terres et bois situés en la commune dudit Saint Léger sous la Bussière

ce qui est accepté par le vendeur, et SINQUIN apporte et hypothèque également une terre par luy possédée située à la Bussière, commune dudit Saint Léger."

"Dont acte fait, lu et passé à Matour, maison du citoyen LACHARME, après midy, le quatorze brumaire an Neuf (5 novembre 1800) en présence du Citoyen……. Joseph, homme de loy, résident à La Clayette, et Claude BRUIS, notaire à Tramayes, témoins qui signeront avec les parties ; excepté SINQUIN qui déclare ne savoir signer, de ce enquis et interpellé. Six mots rayés à la seconde page et neuf autrement rayés, avec les surplus de l'acte approuvé pour aussy."

"Antoine LACHARME AULAS Pierre PHILIBERT BONNETAIN PARDON AULAS BRUIS, notaire (une signature illisible, celle de Joseph, "homme de loy" ?) BONNET, notaire"

 

 

Quelques considérations sur cet acte de 1800

 

Une lecture attentive de cet acte nous ouvre plusieurs pistes de recherches :

1/ Il sera fait huit lots du domaine de La Garde, partage fait par un géomètre. Ce géomètre est appelé "Sieur DEVOTANT ?" dans l'acte de vente aux VALENTIN huit ans plus tard. Peut on retrouver ce géomètre et, mieux encore, son travail de "découpage" ?
Le notaire DELACHARME, vendeur, se réserve deux lots, probablement ceux qu'il vendra en 1807 à Jean PHILIBERT et en 1808 aux VALENTIN.
François AULAS, Jean BONNETAIN, Jean et Claude SINQUIN en indivision, Pierre AULAS, Pierre PHILIBERT, Pierre PARDON acquièrent "les six huitièmes" du domaine en commun.
Après tirage au sort, chaque acquéreur deviendra propriétaire d'un lot.

2/ Le domaine de La Garde est cultivé par le fermier Jean BONNETAIN, l'un des acquéreurs. DELACHARME a dû lui signifier cette mise en fermage par un bail en bonne et due forme auprès d'un confrère notaire de Matour ou de Tramayes.

3/ Le domaine de La Garde est confiné par "le domaine du Plâtre" appartenant au notaire LACHARME (ou DELACHARME) Ses fermiers se nomment GOYARD et LAROCHETTE.
Là aussi le notaire a dû leur signer un bail de location des terres.

4/ Le texte de l'acte confirme que le domaine de La Garde a été acquis "au citoyen CASTELLANNE" ; il serait intéressant de retrouver cet acte notarié. Peut-être chez Maître BRUYS, notaire à Tramayes, témoin ici pour cet acte de vente aux six "co-propriétaires".
Le notaire DELACHARME, nous le verrons, acquiert beaucoup de domaines dans le Mâconnais au cours du Directoire et les revend en lots plus facilement accessibles aux finances des paysans du cru.

5/ Dans le prix d'achat de 20 000 francs est inclus le domaine de La Garde pour 15 800 francs plus 4 200 francs, valeur de la dette de Jean CUIRA. Celui-ci doit cet argent à LACHARME pour la vente "d'un pré dépendant dudit domaine", vente passée devant Me BRUYS. (datée d'avant 1800 ?)
La dette est donc transférée aux nouveaux acquéreurs "sans aucune maintenue ny garanties".
A eux de se faire rembourser par Jean CUIRA. Le notaire, lui, a "vendu" sa dette !

 

la fontaine, au Hameau de La Garde / photo de Michel Guironnet

 

Dans cette vente est incluse l'acquisition de "prises d'eaux" à usage collectif des acheteurs. Ce droit d'usage existait encore dans les années 1930. Ma mère raconte que "la fontaine où on puisait l'eau ainsi que l'abreuvoir des bêtes étaient sur nos terres mais domaine public. Mon père (Claude-Marie VALENTIN) voulait capter l'eau pour l'amener à la maison, mais on n'a pas pu puisque c'était le seul point d'eau du hameau."

6/ Ceux-ci régleront le prix de leur acquisition, 20 000 francs, en trois versements, chaque "vingt pluviôse" des An X, XI et XII, c'est à dire 5 000 francs le 9 février de l'année 1802, 7 500 francs en février 1803, 7 500 francs en février 1804. Les quittances de ces versements doivent exister dans les minutes d'un confrère notaire du vendeur.
D'ailleurs DELACHARME est tout à fait averti des "affaires d'argent" puisqu'il fait bien préciser dans l'acte de 1800 : "Les paiements seront faits en or ou argent, valeur courante, sans pouvoir être faits en autres espèces. Tout autre paiement serait sans valeur".
Le papier monnaie n'a pas les faveurs du notaire DELACHARME. Il est vrai qu'il a connu les assignats révolutionnaires et leur perte de valeur ! Peut-être même a-t-il acquis certains "domaines agricoles" grâce à cette "monnaie de singe" ? Ce qui lui est favorable pour acheter n'est plus bon alors lorsqu'il vend !

Pour conclure : nous pouvons découvrir, sur une feuille volante conservée avec l'acte dans les papiers du notaire BONNET, ce texte assez surprenant :
"Je soussigné déclare aux citoyens BONNETAIN, PHILIBERT, François et Pierre AULAS, PARDON et CINQUIN, acquéreurs solidaires acceptant tant pour eux que pour CINQUIN, que j'ai reçu en billets desdits citoyens la somme de dix mille francs qui ne sont pas portés sur l'acte, et ce en plus des vingt mille francs, de sorte que le prix des trois quarts du domaine au lieu d'une somme de vingt mille (francs) est de trente mille.
La présente donnée aux susnommés pour leur faire plaisir, si elle entraîne des droits, ils seront à la charge des susnommés.
Fait six suppléments (à l'acte) ce 14 brumaire an Neuf de la République française.
Antoine LACHARME, BONNETAIN, Pierre PHILIBERT, AULAS, AULAS, PARDON"

Lorsqu'ils ne sont pas "officiellement déclarés devant notaire", les billets de banque sont les bienvenus pour DELACHARME. Mais, dit-il, ce règlement "au noir" a été fait "pour faire plaisir" aux acquéreurs…et, s'il entraîne des droits (d'enregistrement assortis de pénalités), "ils seront à la charge des susnommés (acquéreurs)"...

 

 

Vente à Jean PHILIBERT (1807)

 

Antoine DELACHARME, notaire à Matour, vend "à Jean PHILIBERT, propriétaire résidant à Saint Léger sous la Bussière, ici présent et acceptant, les propriétés vendues par ledit Me DELACHARME à François LAPLACE, par acte reçu le notaire précité (André BONNET, notaire à Matour) le premier frimaire An neuf (22 novembre 1800) … telles qu'elles s'étendent et comportent, dans lesquelles propriétés ledit Me DELACHARME a été réintégré par jugement du Tribunal civil de l'arrondissement de Mâcon, en date du trente un décembre mil huit cent six… La présente vente faite et convenue moyennant le prix et somme de dix huit cent francs (payée comptant ce jour) 12 avril 1807".(5)

"François LAPLACE, propriétaire à St Léger, icy présent", dont le bien a certainement été confisqué et rendu au vendeur à cause d'un défaut de paiement des traites prévues, donne son consentement à cette vente. Il fait toutefois la réserve que l'utilisation du bief de la propriété "pour abreuver le paquier (pâturage) de Jean PHILIBERT" devra se faire "de manière néanmoins que cela ne nuise pas à l'exploitation de l'usine (hydraulique, vraisemblablement), ledit paquier appelé Pré Goyon…"

Le 1er mai 1807, en son étude de Matour, Maître Jean Baptiste CHAIX inscrit une "obligation pour Me Antoine DELACHARME contre Jean PHILIBERT" .
Celui-ci doit 1200 francs au notaire, à lui rendre sur deux ans. L'acheteur a donc emprunté au vendeur la quasi-totalité du prix d'acquisition de ces propriétés. Antoine DELACHARME est tout à la fois notaire, marchand de biens, banquier !

Pour cette dette, Jean PHILIBERT a hypothéqué "un domaine composé des bâtiments, prés, terres, bois cour, jardin qu'il a situé à Saint Léger sous la Bussière" .(6)
Dans les minutes de Me CHAIX, on retrouve plusieurs obligations de ce type en faveur de Maître Antoine DELACHARME.

 

 

Acte d'achat de La Garde par les VALENTIN (avril 1808)

 

"Devant Jean-Baptiste CHAIX, notaire impérial à Matour, et présents les témoins cy après nommés,
s'est présenté Me Antoine DELACHARME, notaire impérial demeurant à Matour, qui a volontairement déclaré qu'il vend avec maintenance et garantie exempts de touttes évictions ?
à Claude et Benoît VALENTIN, père et fils, demeurant à St Léger sous la Bussière, ici présents et acceptant, savoir ledit Claude VALENTIN pour les deux tiers et audit Benoît pour l'autre tiers,
la huitième portion du domaine de La Garde, scituée dans la commune de St Léger sous la Bussière, suivant que la (dite) portion est fixée et déterminée dans le partage fait par le Sieur DEVOTANT ?, géomètre entre tous les autres acquéreurs dudit domaine, pour en jouir par lesdits père et fils VALENTIN dès la St Martin dernier ? avec ses fruits, droits, entrées, issues, aisances en communauté ? et dépendances, en toute propriété, exempts de touttes dettes et hypothèques, même de touttes servitudes, ni l'exemption de celles qui seraient établies par…….., en possession légitime.

La présente vente conclue entre les parties moyennant la somme de deux mille francs, laquelle somme ledit Me DELACHARME reconnaît avoir reçu tant cy devant que ? présentement desdits père et fils VALENTIN, soit en argent ? fait en délégation que ces derniers ont fait en faveur dudit Me DELACHARME par Benoît CORGIER, Jean-Marie CHABERT, Pierre COLONGE, Jean GENILLION, tous propriétaires à Propières, et sur Pierre VALENTIN, propriétaire à Cours ? au moyen de quoi lesdits père et fils VALENTIN sont pleinement libérés du montant de la présente vente. 

Me DELACHARME le reconnaît et fait touttes les devantures ? et instances en faveur desdits père et fils VALENTIN, les écrits des présents démarches ? à la charge de ces d… ? qui en donneront expédition à Me DELACHARME, qui fait réserve de ses droits et actions.
Ainsi d'accord, les parties qui ont, pour l'exécution des présentes, respectivement obligé leurs biens……., dont acte aux parties sous leurs réquisitions.

Fait, lu aux parties par le notaire, et passé à Matour, étude du notaire, avant midi, le vingt trois avril mil huit cent huit, en présence de Claude BESSON, charpentier, et de Joseph DELAYE, maréchal ? demeurant à Matour, témoins requis qui ont signé avec les parties et le notaire."

Rajout : "Et le dit notaire DELACHARME vend de plus aux dits père et fils VALENTIN, toujours acceptant savoir pour le père les deux tiers, et le fils l'autre tiers, la contenance d'un hectare nonante sept ares de bois scituée dans la commune de St Léger sous la Bussière, appelé Bois d'Argaud, ladite contenance joignant de matin un chemin d'aizances, de midi et de bize un chemin d'aizances, et le bois du vendeur, ladite contenance des biens vendus limitée par cinq bornes."

DELACHARME VALENTIN (Jean-Benoît) DELAYE VALENTIN (Claude) BESSON CHAIX Notaire impérial

Notes marginales :
"Acquêts moyennant 2000 F pour Claude et Benoît VALENTIN, de St Léger sous la Bussière, contre Me Antoine DELACHARME, notaire à Matour, du 23 avril 1808"
"Enregistré à Matour le 1e may 1808, quatre vingt huit francs de… ?
Reçu des père et fils VALENTIN, quatre vingt huit francs pour supplément aux présentes, à Matour le 8.8bre (octobre) 1809."

 

 

 

le Hameau de La Garde en 2003 / photo de Michel Guironnet

 

 

Comment payer l'acquisition de La Garde

 

Pour acheter en avril 1808 "la huitième portion du domaine de La Garde", ils doivent régler la somme de deux mille francs au vendeur Antoine DELACHARME.
Comment ont-ils fait pour réunir la somme ?

L'acte notarié indique la délégation faite pour le notaire DELACHARME, c'est à dire le transfert d'une créance à un tiers : "Benoît CORGIER, Jean-Marie CHABERT, Pierre COLONGE, Jean GENILLION, tous propriétaires à Propières… et Pierre VALENTIN, propriétaire à Cours" ont donc accepté d'être les débiteurs du notaire en substitution de leurs créanciers d'origine, les époux VALENTIN, à qui ils devaient de l'argent.

Ce Benoît CORGIER est peut-être le cousin de Claudine CORGIER, âgé alors d'une soixantaine d'années (né du mariage de Claude CORGIER et Pierrette JUGNET le 12 août 1755 à Propières). Jean-Marie CHABERT est certainement de la famille du parrain de Jean-Benoît VALENTIN, Jean-Benoît CHABERT. Pierre COLONGE est probablement le même que le Pierre COLLONGE dont il est question dans la vente du bois taillis en juin 1804. Quant à Jean GENILLION ?
Il faut supposer que la vente de la partie des communaux à Propières par les VALENTIN fut faite à ces propriétaires de Propières, certainement des voisins du hameau où ils résidaient encore il y a cinq ans. Peut être la dette de Pierre VALENTIN est elle "une affaire de famille" car celui ci réside à Cours, patrie d'origine des VALENTIN...

Le reste du montant nécessaire à cette acquisition provient certainement des ventes faites par Claude VALENTIN les années précédentes :
le vingt deux prairial l'An Douze de la République, Claude VALENTIN vend à Pierre COLLONGE et Jean GOUILLAND, domiciliés à Propières, village Carry, un bois appelé Tailli Troncy.
La vente est faite moyennant quatre cent quatre vingt francs, un acompte de cette somme de deux cent quarante francs est payé par Pierre COLLONGE.
Jean GOUILLAND paye aussi un acompte de soixante francs.
Jean GOUILLAND promet de payer le surplus en trois termes et payements égaux dont le premier commencera au six nivôse prochain, le second un an après, le troisième un an après, avec intérêt à cinq pour cent l'an.

Le 22 juillet 1804 Claude VALENTIN déclare avoir reçu "présentement, réellement et comptant"de Gabriel BESSON, propriétaire à Flacillière, à Saint Bonnet les Bruyères, la somme de cent soixante huit francs pour solde du partage de leurs bâtiments à La Bussière.

Essayons de compter :

2000 francs à régler pour l'achat de La Garde.
Recettes :

  • 240 francs + 60 francs : acomptes de la vente du bois.
  • 3 termes de 60 francs en 1805, 1806 et 1807 de la vente du bois.
  • 168 francs : solde du partage de juillet 1804.

Soit un total de 648 francs.
A cela il faut ajouter :

  • ? premier paiement du partage des bâtiments à La Bussière.
  • ? créance des habitants de Propières.

Soit, peut être, un total de 1000 ou 1200 francs.

Les époux VALENTIN ont probablement aussi mobilisé "leur pécule", chèrement réalisé par des années d'économies.

Les VALENTIN ont vraisemblablement dû emprunter pour "boucler" leur acquisition :
"Le paysan avait d'abord faim de terre ; il y était poussé parce que le statut social se mesurait à la taille de l'avoir familial. Les considérations non économiques - le devoir, l'orgueil, le prestige - présidaient au désir de conserver et d'accroître le patrimoine… Les usuriers, les notaires, ces sangsues de village que Balzac a dépeints, faisaient partie d'un paysage que les paysans connaissaient bien. Rares étaient les familles qui ne traînaient pas des dettes vieilles de plusieurs générations qu'elles n'arrivaient pas à rembourser. Etant donné la rareté du crédit, l'usure sévissait…"
"L'usurier obtenait autant de pouvoir qu'il gagnait d'argent. Il possédait sur ses débiteurs une immense emprise… La plupart des prêteurs, comme nous l'avons dit, étaient des gens du lieu - notables, hobereaux, fermiers aisés, meuniers, aubergistes, artisans, prêtres parfois entourés d'une foule de débiteurs ; et il y avait bien entendu les notaires qui investissaient à la fois l'argent de leurs clients et le leur."
(7) 

Michel Guironnet
juin 2003

 

(1) Ce préambule évoque les "joies et les peines" de ma recherche généalogique sur les VALENTIN entre 1982 et 2002 : vingt ans d'une passion consacrée à la recherche de documents sur notre famille et à la découverte de nos ancêtres

(2) Par Gildas BERNARD, inspecteur général des Archives de France (Paris, Archives nationales, 1981)

(3) Dans Q 3618, folio 53, articles 352 et 361 aux archives de Saône et Loire

(4) 3 E 32931 notaire BONNET, de Matour

(5) 3 E 32936 Me BONNET Archives de Saône et Loire

(6) 3 E 32968 Me CHAIX Archives de Saône et Loire

(7) "La fin des terroirs" par Eugen WEBER

 

 

01

Petite histoire de St Léger sous la Bussière

02

Les Valentin s'installent à St Léger

03

Marraine et conscrit Valentin

04

Mariages des enfants Valentin à St Léger

05

"L'Ogre et les conscrits" (1807) 

06

Achat du domaine de La Garde à St Léger (1808)

07

Revenus des paysans et valeur de l'argent

08

Les "dernières volontés" des époux Valentin

09

Partage de propriété à La Garde (juin 1809)

10

Claude Valentin, "illétéré, de ce enquis"

11

Le mariage de Jean-Benoît (1811)

12

Histoire d'un contrat de mariage "double" (1812)

13

Le prix de la terre (1817)

14

La mort du père Claude Valentin (1821)

15

La descendance est assurée (1821/1826)

16

Les malheurs de Jean-Benoît Valentin

17

La mort de Claudine, la grand-mère (1828)

18

La mort de Jean-Benoît Valentin (1830)

19

Inventaire au domicile de Jean-Benoît Valentin

20

Vente des biens délaissés par Jean-Benoît Valentin

 

vers St Léger sous la Bussière

 

 

 

 

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