Avec
l'achat du domaine de La Garde commence un chapitre
nécessitant de longs développements. Nous situerons
tout d'abord La Garde à Saint Léger puis nous verrons
les premiers propriétaires installés ici dès la
fin de la Révolution.
Ensuite, nous découvrirons des actes notariés
très intéressants datés de quelques mois avant
l'acquisition de La Garde. Pour terminer, nous essaierons de voir en
détail comment les VALENTIN ont pu financer cet achat.
En ce qui concerne le domaine de La
Garde, les archives départementales de Saône et Loire
possèdent un album terrier de la seigneurie de La
Bussière (cote 1 E 4) qui donne le plan de toute la montagne
de La Garde, tel qu'elle se présentait lors de la
rénovation du terrier durant la seconde moitié du
XVIIIe siècle.
Ce secteur était alors, semble-t-il, inhabité, mais
l'examen du plan pourrait indiquer à qui appartenait la terre
sur laquelle, plus tard, des habitations ont été
construites.
Ces "plans géométraux
des héritages mouvants des rentes de la Baronnie de La
Bussière" ont été "levés entre 1774, 1775
et 1776 et réduits sur une échelle de 40 pas pour le
pouce."
Cette indication de "40 pas pour le pouce" donne la correspondance
utilisée entre deux unités de mesure pour dresser les
plans : un pouce sur le papier égale 40 pas sur le
terrain.
Ces anciennes mesures sont en rapport avec des parties du corps : le
pouce, le pied, le pas, la coudée
Le pas valait 62,4 cm ; donc si l'on considère 40 pas :
24,96 m.
Le pouce valait 1/12e du Pied de France. Celui-ci
équivaut à une longueur de 32,46 centimètres.
Donc le pouce équivaut à 2,70 cm. Il est divisé
en 12 lignes.
2,70 centimètres sur le plan représenteraient donc
24,96 mètres sur le terrain ? Il est presque quasi impossible
de retrouver l'échelle utilisée
et par voie de
conséquence de mesurer quoi que ce soit !
Le plan 42, au folio 165, nous
intéresse au premier chef : "Au Moulin Bechet, terre du
seigneur de la Bussière". Ce plan inclut les maisons de La
Garde.
Il est entouré par les plans
aux folios suivants :
- 167 "Pré de La Garde" (de
chaque côté de La Grosne) au nord
- 191 "Hameau des Lévriers"
au nord-ouest
- 168 "Village de Saint
Léger, avec papeterie" au sud-est
- 183 "Aux Grands Champs et Grands
Rompays" au sud-ouest
- 174 et 175 "Montagne de La Garde"
au sud-ouest.
Le plan au folio 166 s'intitule
"Moulin de La Belouze".
plan terrier de La
Garde (1776)

plan terrier de La
Garde 1776 (détail)
Pour consulter le plan
terrier de St Léger sous la Bussière de
1776,
et
agrandissez. L'image pèse 132 Ko.
Vous repasserez ensuite par ici en fermant
l'agrandissement.
|
Dans "l'inventaire après
décès des époux VALENTIN THOMAS", dressé
le 23 septembre 1830 après la mort de Jean-Benoît, il
est précisé qu'existe "un cabinet à deux portes
et deux tiroirs sans serrures."
Dans un de ces tiroirs sont des
papiers dont la description est faite, entre autres :
"Expédition d'une vente de deux mille francs pour Claude et
Benoît VALENTIN, père et fils, de Me Antoine de
LACHARME, reçu Me CHAIX notaire, le vingt trois avril dix huit
cent huit
"
Cette pièce n'existant pas
dans les papiers familiaux, il faut se tourner vers les archives
départementales de Saône et Loire à Mâcon.
Malheureusement, les minutes de Me CHAIX ne sont alors
déposées que jusqu'en 1800. Les années suivantes
doivent être conservées par le successeur, Me NESME,
à Tramayes.
Celui-ci me répondit que Me CHAIX et DELACHARME étaient
les lointains prédécesseurs de Me CHATOT, notaire
à Matour, étude supprimée en 1913. Il n'avait
donc rien de ces archives. (mai 1982)
Malgré plusieurs recherches, notamment auprès de Me
ROHMER, ancien notaire et historien de Tramayes, il s'avère
impossible de retrouver ces minutes.
Ainsi que l'écrit en septembre 1985 le Directeur des archives
de Mâcon "
Elles n'ont jamais été
déposées aux archives
et les diverses
enquêtes que nous avons effectuées à ce propos ne
nous ont pas permis de savoir où elles pouvaient être
actuellement conservées ; je crains qu'il ne faille les
considérer comme perdues."
Malgré tout, grâce
à l'étude attentive du partage entre les VALENTIN de
juillet1809, c'est à dire à peine plus d'un an
après l'achat de La Garde, et avec d'autres documents des
archives de Saône et Loire, nous pouvons en connaître un
peu plus.
Ainsi que l'explique le "Guide des recherches sur l'histoire des
familles"(2)
:
"il peut arriver que le chercheur connaisse de manière
exacte
la date de la minute notariale qu'il recherche
ou
que la minute manque dans le fonds
Parfois les minutes ont
disparu
C'est alors que les fonds de l'Enregistrement vont
apporter leur aide au chercheur."
En consultant l'enregistrement des
actes notariés, à Mâcon, on trouve effectivement
ces documents :
Numéros des
articles
|
Noms des
vendeurs
|
Prénoms
|
Profession
|
Demeure
|
143
|
DELACHARME
|
Antoine
|
Notaire
|
Matour
|
Noms, profession et
demeure des nouveaux acquéreurs
|
Nature des
actes
|
Claude et
Benoît VALENTIN de Saint
Léger
|
Vente
|
Désignation
des pièces
|
Prix
|
Portion du
domaine à St Léger 23 avril
1808
|
2000
F
|
|
Dans les "Actes sous Contrôle
Public" pour l'année 1808, la vente est enregistrée au
folio 52 :
"3- Du 1er may 1808 :
enregistré vente par Me Antoine DELACHARME, notaire à
Matour, à Claude et Benoît VALENTIN, père et
fils, de St Léger, de la huitième portion du domaine de
La Garde, dite commune de St Léger. Moyennant deux mille
francs. Passé devant CHAIX à Matour, le 23 avril.
Contenant un rôle. Reçu quatre vingt francs."
Cela confirme les faits connus :
Claude et Benoît VALENTIN habitent déjà à
St Léger sous la Bussière à l'époque de
l'achat de La Garde.
Ils acquièrent "la
huitième portion du domaine de La Garde" : on doit donc
considérer qu'il y a au moins sept autres acquéreurs en
même temps que nos ancêtres pour "les autres
portions".
Les propriétaires voisins des VALENTIN au fil des
années, et jusqu'au début du XX° siècle,
doivent être les héritiers de ces acquéreurs. Ce
sont, dans les années 1930, les familles AULAS, PICOLET,
BONNETAIN, PHILIBERT. Un parent PHILIBERT habite d'ailleurs à
l'époque "la maison de Claude VALENTIN", d'après le
souvenir des gens du hameau. Il y a certainement là une piste
pour mieux saisir notre histoire familiale.
Tout en poursuivant nos recherches,
en parcourant les registres de l'Enregistrement pour cette
région du Mâconnais, entre la fin du Directoire et les
premières années de l'Empire, nous découvrons
l'ampleur des achats et des ventes faites par Antoine DELACHARME.
Ce notaire de Matour demande à être mieux connu, son
activité de "marchand de biens" est intéressante
à plus d'un titre. Nous y consacrerons quelques
développements.
Ayant à nouveau écrit
en novembre 1997 aux services d'archives de Mâcon au sujet de
l'acte d'acquisition de La Garde en avril 1808, un espoir subsiste
dans la réponse du Directeur :
"Les archives de l'étude de Matour postérieures
à 1800 sont restées en possession du notaire qui y
réside. Le successeur de Me CHAIX, c'est à dire Me
NESME, doit encore les posséder. Le versement ou le constat de
la disparition des archives pourra être fait dans un temps
rapproché
Vers la fin d'année, nous pourrons vous
renseigner sur le sort des archives des notaires de Matour."
Les minutes de Me CHAIX ne seraient-elles pas perdues comme tous le
croyaient il y a quinze ans ?
Pourtant, début janvier 1998, la suppléante de Me NESME
confirme que l'étude ne détient pas les minutes de Me
CHAIX.
Les 6 premiers
acquéreurs du domaine de La Garde
(1800)
|
Au cours d'une recherche dans les
registres de l'Enregistrement de Matour, fin décembre 1997,
nous découvrons ces précieuses indications dans la
"Table des vendeurs (1791 à l'An XI)"
(3)
:
Noms des
vendeurs
|
Antoine
LACHARME
|
Noms et
demeures des nouveaux possesseurs
|
François
AULAS de Trembly, P.AULAS, J.BONNETAIN,
P.PARDON, J.SINQUIN, P.PHILIBERT de St
Léger
|
Nature et
dates des actes / Noms des notaires
|
Vente 14
Brumaire An IX / BONNET
|
Désignation
des biens et prix
|
N° 361
un domaine et ses dépendances pour 15800
F
|
|
Le même notaire LACHARME vend
à Jean PHILIBERT le 12 avril 1807, par acte devant "BONNET,
notaire à Matour
un domaine à Saint Léger,
pour 1800 F".
Les VALENTIN, nous l'avons vu,
achètent eux aussi à DELACHARME le 23 avril 1808, "la
huitième portion du domaine de La Garde à St
Léger, pour 2000 F" devant CHAIX notaire à Matour.
Les huit "co-propriétaires" du domaine de La Garde sont donc
tous installés fin 1808.
Il y a énormément d'autres ventes de terres et de biens
faites durant cette période par le notaire Antoine LACHARME
à des habitants de Saint Léger sous la Bussière
et d'autres villages des alentours.
Grâce aux minutes de Me BONNET,
notaire à Matour (d'abord introuvables chez le notaire
successeur, puis déposées par celui ci début
1999 ? aux archives), nous pouvons en savoir beaucoup plus sur les
premiers acquéreurs de La Garde :
(4)
"Devant
le notaire soussigné et les témoins
cy après nommés, fut présent
le citoyen Antoine LACHARME, notaire
résidant à Matour, lequel de son
gré et libre volonté, déclare
qu'il vend, cedde, quitte, remet et transporte avec
maintenue et garantie à François
AULAS, propriétaire à
Présentin, commune de Trembly, Jean
BONNETAIN, Jean SINQUIN, ce dernier agissant tant
en son nom qu'au nom de Claude SINQUIN, son fils et
consort, auquel il s'engage de faire certifier cet
acte à toutes réquisitions, Pierre
AULAS, Pierre PHILIBERT et Pierre PARDON, tous
résidant en la commune de St Léger
sous la Bussière, et icy présents et
acceptants
les six huitièmes ou les trois quarts du
domaine appelé La Garde, situé en la
dite commune de St Léger, et aujourd'hui
cultivé par ledit Jean BONNETAIN.
Tel que ledit
domaine s'étend et comporte et qu'il est
composé, fait de bâtiments,
prés, terres, paquiers et bois ;
excepté que les acquéreurs ne
prétenderont rien dans la forest
appelée La Garde.
Ensemble les droits d'entrée, issues et
aisances anciennes et accoutumées ; franc et
exempt de dettes et charges, chargé
seulement de servitudes anciennes et
accoutumées, si anciens fonts ? et des
impôts fonciers à compter du vingt un
brumaire prochain.
(Les parties ont)
convenu que les acquéreurs souffriront que
le vendeur jouisse de l'eau pour une tournée
dans les prés dépendant dudit domaine
pour abreuver les prés du vendeur
dépendant du domaine du Plâtre
cultivé par les citoyens GOYARD et
LAROCHETTE, deux jours de chaque huitaine, et la
tournée sera entretenue à commun
frais ; quant aux eaux servant à abreuver
les prés du domaine compris en cette vente
sortant des prés des autres domaines
réservés au vendeur, il en sera
usé comme il en a été
usé par le passé, et les
étournes ? seront également
entretenues à frais communs.
Les
acquéreurs sont en jouissance dudit domaine
à compter de ce jour, cependant ils
souffriront que Jean BONNETAIN fermier jouisse
audit domaine conformément à son
bail, auquel ils retireront le prix proportionnel
à leur acquisition, à compter du
vingt un brumaire prochain, et s'ils veulent
l'expulser, ce sera à leurs périls et
risques et à la charge l'indemnité de
droits, ce dires ? d'une part.
Il sera fait
partage dudit domaine avec le vendeur, à
réquisition aux frais des acquéreurs,
lequel partage contiendra huit lots, dont deux
sont réservés au vendeur,
lesquels lots seront tirés au sort
après le partage qui sera fait par
géomètre, dont il sera convenu sur un
prix et
.d'office.
Se chargent en
outre les acquéreurs de rembourser au
vendeur les frais de transcription qu'il a fait
de l'acte d'acquisition qu'il a fait au Citoyen
CASTELLANNE à raison de seize francs
cinquante centimes pour mille francs, l'acquisition
duquel acte il justifiera pour la liquidation de
cet article."
"Demeure
réservé au vendeur la petite lize ?
(lisière ?) de bois size entre la Montagne
et le Bois de Souin ? à environ quatre
mesures, qui sera prélevée avant le
partage dudit domaine, c'est à dire qu'elle
ne fait point partie de cette vente."
"La Brosse qui est au milieu des verchères
de La Garde vis à vis la maison de
contenance à environ trois à quatre
mesures est comprise en cette vente. Le vendeur se
réserve pareillement le capital de
bétail qui ne fait pas compris en la
présente vente. La présente vente
est faite et convenue entre les parties, et
moyennant quinze mille huit cent
francs."
"Comme
notaire, ledit LACHARME vend aux ci devant
desnommés acquéreurs, et il leur
cedde et transporte sans aucune maintenue ny
garanties que celle de droit, la somme de quatre
mille deux cent francs à lui due par
Jean CUIRA ? de St Léger pour partie du prix
d'une vente d'un pré dépendant dudit
domaine à luy faite par le citoyen LACHARME
par acte reçu BRUIS notaire en registre, le
surplus du prix de la vente faite audit CUIRA est
réservé audit LACHARME.
Les acquéreurs reporteront ? la dite somme
de quatre mille deux cent francs dudit CUIRA comme
pouvait le faire ledit LACHARME, et retireront
à cet effet expédition de l'acte
reçu BRUIS comme ils aviseront. Quant aux
prises d'eaux réservées au vendeur
par l'acte de vente qu'il a fait à CUIRA,
elles appartiendront aux acquéreurs pour les
six huitièmes, comme elles appartenaient au
vendeur."
"Lesquelles
deux sommes composant celle de vingt mille
francs, lesdits acquéreurs promettent
solidairement payer au Citoyen LACHARME vendeur,
savoir :
- cinq mille
francs le vingt pluviôse an
Dix
- sept mille cinq
cent francs le vingt pluviôse an
Onze
- sept mille cinq
cent francs le vingt pluviôse an
Douze
avec
intérêts des vingt mille francs,
à compter du vingt un brumaire
présent mois."
"Les
paiements seront faits en or ou argent valleure
courante, sans pouvoir être faits en autres
espèces. Tous autres paiements seraient
sans valleure du consentement des parties ; demeure
excepté de la solidité ci-dessus
stipulée, pour le paiement des vingt mille
francs, les père et fils SINQUIN
co-acquéreurs qui demeurent tenus pour leur
paiement du sixième duquel ils font
acquisition personnellement pour cette partie. Les
autres acquéreurs ne sont point tenus
solidairement, pour cette partie."
"Les
coûts de cet acte et droits d'enregistrement
(sont) à la charge des acquéreurs qui
en fourniront expédition en forme à
leurs frais au vendeur. Se réservant le
vendeur ses privilèges et hypothèques
sur les propriétés comprises en cette
vente."
"Pour
sûreté à cette acquisition, les
acquéreurs obligent leurs biens, savoir
:
- François
AULAS, un domaine situé à Trambly
composé de bâtiments, prés,
terres et bois
- PHILIBERT,
PARDON et BONNETAIN, et Pierre AULAS, chacun un
domaine composé de bâtiments,
prés, terres et bois situés en la
commune dudit Saint Léger sous la
Bussière
ce qui est
accepté par le vendeur, et SINQUIN apporte
et hypothèque également une terre par
luy possédée située à
la Bussière, commune dudit Saint
Léger."
"Dont acte fait, lu
et passé à Matour, maison du citoyen
LACHARME, après midy, le quatorze brumaire
an Neuf (5 novembre 1800) en présence du
Citoyen
. Joseph, homme de loy,
résident à La Clayette, et Claude
BRUIS, notaire à Tramayes, témoins
qui signeront avec les parties ; excepté
SINQUIN qui déclare ne savoir signer, de ce
enquis et interpellé. Six mots rayés
à la seconde page et neuf autrement
rayés, avec les surplus de l'acte
approuvé pour aussy."
"Antoine LACHARME
AULAS Pierre PHILIBERT BONNETAIN PARDON AULAS
BRUIS, notaire (une signature illisible, celle de
Joseph, "homme de loy" ?) BONNET,
notaire"
|
|
Quelques considérations
sur cet acte de 1800
|
Une lecture attentive de cet acte
nous ouvre plusieurs pistes de recherches :
1/ Il sera fait huit lots du domaine
de La Garde, partage fait par un géomètre. Ce
géomètre est appelé "Sieur DEVOTANT ?" dans
l'acte de vente aux VALENTIN huit ans plus tard. Peut on retrouver ce
géomètre et, mieux encore, son travail de
"découpage" ?
Le notaire DELACHARME, vendeur, se réserve deux lots,
probablement ceux qu'il vendra en 1807 à Jean PHILIBERT et en
1808 aux VALENTIN.
François AULAS, Jean BONNETAIN, Jean et Claude SINQUIN en
indivision, Pierre AULAS, Pierre PHILIBERT, Pierre PARDON
acquièrent "les six huitièmes" du domaine en
commun.
Après tirage au sort, chaque acquéreur deviendra
propriétaire d'un lot.
2/ Le domaine de La Garde est
cultivé par le fermier Jean BONNETAIN, l'un des
acquéreurs. DELACHARME a dû lui signifier cette mise en
fermage par un bail en bonne et due forme auprès d'un
confrère notaire de Matour ou de Tramayes.
3/ Le domaine de La Garde est
confiné par "le domaine du Plâtre" appartenant au
notaire LACHARME (ou DELACHARME) Ses fermiers se nomment GOYARD et
LAROCHETTE.
Là aussi le notaire a dû leur signer un bail de location
des terres.
4/ Le texte de l'acte confirme que le
domaine de La Garde a été acquis "au citoyen
CASTELLANNE" ; il serait intéressant de retrouver cet acte
notarié. Peut-être chez Maître BRUYS, notaire
à Tramayes, témoin ici pour cet acte de vente aux six
"co-propriétaires".
Le notaire DELACHARME, nous le verrons, acquiert beaucoup de domaines
dans le Mâconnais au cours du Directoire et les revend en lots
plus facilement accessibles aux finances des paysans du
cru.
5/ Dans le prix d'achat de 20 000
francs est inclus le domaine de La Garde pour 15 800 francs plus 4
200 francs, valeur de la dette de Jean CUIRA. Celui-ci doit cet
argent à LACHARME pour la vente "d'un pré
dépendant dudit domaine", vente passée devant Me BRUYS.
(datée d'avant 1800 ?)
La dette est donc transférée aux nouveaux
acquéreurs "sans aucune maintenue ny garanties".
A eux de se faire rembourser par Jean CUIRA. Le notaire, lui, a
"vendu" sa dette !
la fontaine, au
Hameau de La Garde / photo de Michel Guironnet
Dans cette vente est incluse
l'acquisition de "prises d'eaux" à usage collectif des
acheteurs. Ce droit d'usage existait encore dans les années
1930. Ma mère raconte que "la fontaine où on puisait
l'eau ainsi que l'abreuvoir des bêtes étaient sur nos
terres mais domaine public. Mon père (Claude-Marie VALENTIN)
voulait capter l'eau pour l'amener à la maison, mais on n'a
pas pu puisque c'était le seul point d'eau du hameau."
6/ Ceux-ci régleront le prix
de leur acquisition, 20 000 francs, en trois versements, chaque
"vingt pluviôse" des An X, XI et XII, c'est à dire 5 000
francs le 9 février de l'année 1802, 7 500 francs en
février 1803, 7 500 francs en février 1804. Les
quittances de ces versements doivent exister dans les minutes d'un
confrère notaire du vendeur.
D'ailleurs DELACHARME est tout à fait averti des "affaires
d'argent" puisqu'il fait bien préciser dans l'acte de 1800 :
"Les paiements seront faits en or ou argent, valeur courante, sans
pouvoir être faits en autres espèces. Tout autre
paiement serait sans valeur".
Le papier monnaie n'a pas les faveurs du notaire DELACHARME. Il est
vrai qu'il a connu les assignats révolutionnaires et leur
perte de valeur ! Peut-être même a-t-il acquis certains
"domaines agricoles" grâce à cette "monnaie de singe" ?
Ce qui lui est favorable pour acheter n'est plus bon alors lorsqu'il
vend !
Pour conclure : nous pouvons
découvrir, sur une feuille volante conservée avec
l'acte dans les papiers du notaire BONNET, ce texte assez surprenant
:
"Je soussigné déclare aux citoyens BONNETAIN,
PHILIBERT, François et Pierre AULAS, PARDON et CINQUIN,
acquéreurs solidaires acceptant tant pour eux que pour
CINQUIN, que j'ai reçu en billets desdits citoyens la somme
de dix mille francs qui ne sont pas portés sur l'acte, et ce
en plus des vingt mille francs, de sorte que le prix des trois quarts
du domaine au lieu d'une somme de vingt mille (francs) est de trente
mille.
La présente donnée aux susnommés pour leur faire
plaisir, si elle entraîne des droits, ils seront à la
charge des susnommés.
Fait six suppléments (à l'acte) ce 14 brumaire an Neuf
de la République française.
Antoine LACHARME, BONNETAIN, Pierre PHILIBERT, AULAS, AULAS,
PARDON"
Lorsqu'ils ne sont pas
"officiellement déclarés devant notaire", les billets
de banque sont les bienvenus pour DELACHARME. Mais, dit-il, ce
règlement "au noir" a été fait "pour faire
plaisir" aux acquéreurs
et, s'il entraîne des
droits (d'enregistrement assortis de pénalités), "ils
seront à la charge des susnommés
(acquéreurs)"...
Vente à Jean PHILIBERT
(1807)
|
Antoine DELACHARME, notaire à
Matour, vend "à Jean PHILIBERT, propriétaire
résidant à Saint Léger sous la Bussière,
ici présent et acceptant, les propriétés vendues
par ledit Me DELACHARME à François LAPLACE, par acte
reçu le notaire précité (André BONNET,
notaire à Matour) le premier frimaire An neuf (22 novembre
1800)
telles qu'elles s'étendent et comportent, dans
lesquelles propriétés ledit Me DELACHARME a
été réintégré par jugement du
Tribunal civil de l'arrondissement de Mâcon, en date du trente
un décembre mil huit cent six
La présente vente
faite et convenue moyennant le prix et somme de dix huit cent francs
(payée comptant ce jour) 12 avril
1807".(5)
"François LAPLACE,
propriétaire à St Léger, icy présent",
dont le bien a certainement été confisqué et
rendu au vendeur à cause d'un défaut de paiement des
traites prévues, donne son consentement à cette vente.
Il fait toutefois la réserve que l'utilisation du bief de la
propriété "pour abreuver le paquier (pâturage) de
Jean PHILIBERT" devra se faire "de manière néanmoins
que cela ne nuise pas à l'exploitation de l'usine
(hydraulique, vraisemblablement), ledit paquier appelé
Pré Goyon
"
Le 1er mai 1807, en son étude
de Matour, Maître Jean Baptiste CHAIX inscrit une "obligation
pour Me Antoine DELACHARME contre Jean PHILIBERT" .
Celui-ci doit 1200 francs au notaire, à lui rendre sur deux
ans. L'acheteur a donc emprunté au vendeur la
quasi-totalité du prix d'acquisition de ces
propriétés. Antoine DELACHARME est tout à la
fois notaire, marchand de biens, banquier !
Pour cette dette, Jean PHILIBERT a
hypothéqué "un domaine composé des
bâtiments, prés, terres, bois cour, jardin qu'il a
situé à Saint Léger sous la Bussière"
.(6)
Dans les minutes de Me CHAIX, on retrouve plusieurs obligations de ce
type en faveur de Maître Antoine DELACHARME.
Acte d'achat de La Garde par
les VALENTIN (avril 1808)
|
"Devant
Jean-Baptiste CHAIX, notaire impérial
à Matour, et présents les
témoins cy après nommés,
s'est présenté Me Antoine
DELACHARME, notaire impérial demeurant
à Matour, qui a volontairement
déclaré qu'il vend avec maintenance
et garantie exempts de touttes évictions
?
à Claude et Benoît VALENTIN,
père et fils, demeurant à St
Léger sous la Bussière, ici
présents et acceptant, savoir ledit Claude
VALENTIN pour les deux tiers et audit Benoît
pour l'autre tiers,
la huitième portion du domaine de La
Garde, scituée dans la commune de St
Léger sous la Bussière, suivant
que la (dite) portion est fixée et
déterminée dans le partage fait par
le Sieur DEVOTANT ?, géomètre entre
tous les autres acquéreurs dudit domaine,
pour en jouir par lesdits père et fils
VALENTIN dès la St Martin dernier ? avec ses
fruits, droits, entrées, issues, aisances en
communauté ? et dépendances, en toute
propriété, exempts de touttes dettes
et hypothèques, même de touttes
servitudes, ni l'exemption de celles qui seraient
établies par
.., en possession
légitime.
La présente
vente conclue entre les parties moyennant la somme
de deux mille francs, laquelle somme ledit Me
DELACHARME reconnaît avoir reçu tant
cy devant que ? présentement desdits
père et fils VALENTIN, soit en argent ? fait
en délégation que ces derniers ont
fait en faveur dudit Me DELACHARME par Benoît
CORGIER, Jean-Marie CHABERT, Pierre COLONGE, Jean
GENILLION, tous propriétaires à
Propières, et sur Pierre VALENTIN,
propriétaire à Cours ? au moyen de
quoi lesdits père et fils VALENTIN sont
pleinement libérés du montant de la
présente vente.
Me DELACHARME le
reconnaît et fait touttes les devantures ? et
instances en faveur desdits père et fils
VALENTIN, les écrits des présents
démarches ? à la charge de ces
d
? qui en donneront expédition
à Me DELACHARME, qui fait réserve de
ses droits et actions.
Ainsi d'accord, les parties qui ont, pour
l'exécution des présentes,
respectivement obligé leurs
biens
., dont acte aux parties sous
leurs réquisitions.
Fait, lu aux
parties par le notaire, et passé à
Matour, étude du notaire, avant midi, le
vingt trois avril mil huit cent huit, en
présence de Claude BESSON, charpentier, et
de Joseph DELAYE, maréchal ? demeurant
à Matour, témoins requis qui ont
signé avec les parties et le
notaire."
Rajout : "Et le dit
notaire DELACHARME vend de plus aux dits
père et fils VALENTIN, toujours acceptant
savoir pour le père les deux tiers, et le
fils l'autre tiers, la contenance d'un hectare
nonante sept ares de bois scituée dans la
commune de St Léger sous la Bussière,
appelé Bois d'Argaud, ladite contenance
joignant de matin un chemin d'aizances, de midi et
de bize un chemin d'aizances, et le bois du
vendeur, ladite contenance des biens vendus
limitée par cinq bornes."
DELACHARME VALENTIN
(Jean-Benoît) DELAYE VALENTIN (Claude) BESSON
CHAIX Notaire impérial
Notes marginales
:
"Acquêts moyennant 2000 F pour Claude et
Benoît VALENTIN, de St Léger sous la
Bussière, contre Me Antoine DELACHARME,
notaire à Matour, du 23 avril 1808"
"Enregistré à Matour le 1e may 1808,
quatre vingt huit francs de
?
Reçu des père et fils VALENTIN,
quatre vingt huit francs pour supplément aux
présentes, à Matour le 8.8bre
(octobre) 1809."
|
|
le Hameau de La Garde
en 2003 / photo de Michel Guironnet
Comment payer l'acquisition de
La Garde
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Pour acheter en avril 1808 "la
huitième portion du domaine de La Garde", ils doivent
régler la somme de deux mille francs au vendeur Antoine
DELACHARME.
Comment ont-ils fait pour réunir la somme ?
L'acte notarié indique la
délégation faite pour le notaire DELACHARME, c'est
à dire le transfert d'une créance à un tiers :
"Benoît CORGIER, Jean-Marie CHABERT, Pierre COLONGE, Jean
GENILLION, tous propriétaires à Propières
et Pierre VALENTIN, propriétaire à Cours" ont donc
accepté d'être les débiteurs du notaire en
substitution de leurs créanciers d'origine, les époux
VALENTIN, à qui ils devaient de l'argent.
Ce Benoît CORGIER est
peut-être le cousin de Claudine CORGIER, âgé alors
d'une soixantaine d'années (né du mariage de Claude
CORGIER et Pierrette JUGNET le 12 août 1755 à
Propières). Jean-Marie CHABERT est certainement de la famille
du parrain de Jean-Benoît VALENTIN, Jean-Benoît CHABERT.
Pierre COLONGE est probablement le même que le Pierre COLLONGE
dont il est question dans la vente du bois taillis en juin 1804.
Quant à Jean GENILLION ?
Il faut supposer que la vente de la partie des communaux à
Propières par les VALENTIN fut faite à ces
propriétaires de Propières, certainement des voisins du
hameau où ils résidaient encore il y a cinq ans. Peut
être la dette de Pierre VALENTIN est elle "une affaire de
famille" car celui ci réside à Cours, patrie d'origine
des VALENTIN...
Le reste du montant nécessaire
à cette acquisition provient certainement des ventes faites
par Claude VALENTIN les années précédentes :
le vingt deux prairial l'An Douze de la République, Claude
VALENTIN vend à Pierre COLLONGE et Jean GOUILLAND,
domiciliés à Propières, village Carry, un bois
appelé Tailli Troncy.
La vente est faite moyennant quatre cent quatre vingt francs, un
acompte de cette somme de deux cent quarante francs est payé
par Pierre COLLONGE.
Jean GOUILLAND paye aussi un acompte de soixante francs.
Jean GOUILLAND promet de payer le surplus en trois termes et
payements égaux dont le premier commencera au six nivôse
prochain, le second un an après, le troisième un an
après, avec intérêt à cinq pour cent
l'an.
Le 22 juillet 1804 Claude VALENTIN
déclare avoir reçu "présentement,
réellement et comptant"de Gabriel BESSON, propriétaire
à Flacillière, à Saint Bonnet les
Bruyères, la somme de cent soixante huit francs pour solde du
partage de leurs bâtiments à La
Bussière.
Essayons de compter :
2000 francs à régler
pour l'achat de La Garde.
Recettes :
- 240 francs + 60 francs :
acomptes de la vente du bois.
- 3 termes de 60 francs en 1805,
1806 et 1807 de la vente du bois.
- 168 francs : solde du partage
de juillet 1804.
Soit un total de 648 francs.
A cela il faut ajouter :
- ? premier paiement du partage
des bâtiments à La Bussière.
- ? créance des habitants
de Propières.
Soit, peut être, un total de
1000 ou 1200 francs.
Les époux VALENTIN ont
probablement aussi mobilisé "leur pécule",
chèrement réalisé par des années
d'économies.
Les VALENTIN ont vraisemblablement
dû emprunter pour "boucler" leur acquisition :
"Le paysan avait d'abord faim de terre ; il y était
poussé parce que le statut social se mesurait à la
taille de l'avoir familial. Les considérations non
économiques - le devoir, l'orgueil, le prestige -
présidaient au désir de conserver et d'accroître
le patrimoine
Les usuriers, les notaires, ces sangsues de
village que Balzac a dépeints, faisaient partie d'un paysage
que les paysans connaissaient bien. Rares étaient les familles
qui ne traînaient pas des dettes vieilles de plusieurs
générations qu'elles n'arrivaient pas à
rembourser. Etant donné la rareté du crédit,
l'usure sévissait
"
"L'usurier obtenait autant de pouvoir qu'il gagnait d'argent. Il
possédait sur ses débiteurs une immense emprise
La plupart des prêteurs, comme nous l'avons dit, étaient
des gens du lieu - notables, hobereaux, fermiers aisés,
meuniers, aubergistes, artisans, prêtres parfois
entourés d'une foule de débiteurs ; et il y avait bien
entendu les notaires qui investissaient à la fois l'argent de
leurs clients et le leur." (7)
Michel Guironnet
juin 2003
(1) Ce préambule évoque
les "joies et les peines" de ma recherche généalogique
sur les VALENTIN entre 1982 et 2002 : vingt ans d'une passion
consacrée à la recherche de documents sur notre famille
et à la découverte de nos ancêtres
(2) Par Gildas BERNARD, inspecteur
général des Archives de France (Paris, Archives
nationales, 1981)
(3) Dans Q 3618, folio 53, articles
352 et 361 aux archives de Saône et Loire
(4) 3 E 32931 notaire BONNET, de
Matour
(5) 3 E 32936 Me BONNET Archives de
Saône et Loire
(6) 3 E 32968 Me CHAIX Archives de
Saône et Loire
(7) "La fin des terroirs" par Eugen
WEBER

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Léger sous la Bussière
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