Ne
pas savoir signer de son nom équivaut-il à ne savoir ni
lire ni écrire ?
Bien souvent, dans les registres paroissiaux et d'état civil,
le rédacteur de l'acte assimile les deux.
Peut-on dire, à l'inverse, que lorsqu'un ancêtre sait
signer il sache lire et écrire ?
La lecture des actes "aux parties"
pour leur approbation après la rédaction par le
curé, le maire ou le notaire sous entend que les personnes
concernées ne "lisent pas l'acte" mais "l'écoutent".
Cela entraîne d'ailleurs de
fréquentes erreurs d'orthographe et des variantes dans
l'écriture des noms de famille : noms écrits
phonétiquement, selon ce qu'a entendu le
rédacteur.
Cet article n'a aucune
prétention "scientifique".
Pour cela, il faudrait dépouiller des milliers d'actes, tirer
des statistiques, comparer les époques, les
régions
Ce n'est qu'une modeste contribution à ses vastes
questions.
Claude Valentin,
illétéré
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Notre ancêtre Claude VALENTIN
est né à Cours, en Haut Beaujolais, le 30 juin
1749.
Lorsque, avec Claudine CORGIER, il
établit le 3 septembre 1774, devant Maître THIVEND, leur
contrat de mariage, le notaire de Cours indique que ledit ACCARY (un
témoin) a signé mais n'ont signé ni MERCIER
(aussi témoin) "ny les parties pour ne le scavoir faire, ainsy
qu'ils l'ont déclaré".
Quand ils se marient le 18 octobre 1774 à Cours, Claude est,
comme l'un des témoins, "illitéré", c'est
à dire qu'il ne sait pas lire et écrire.
Quand il fait baptiser son premier
garçon Jean-Benoît né le 24 janvier 1778, avec
les parrain et marraine, il est précisé "qui n'ont su
signer, de ce enquis".
Pour tous les baptêmes de ses enfants, entre 1778 et 1792, il
ne signe jamais.
En 1793, le 31 octobre, pour la
déclaration en mairie de la naissance de sa fille Pierrette
Claudine, "l'officier public" précise avoir signé
l'acte "et non ledit Claude VALLENTIN, père dudit
enfant
pour ne savoir écrire ainsi qu'il l'a
séparément déclaré, de ce
interpellé".
Même formule le 11
floréal an quatre (30 mai 1796) pour l'annonce du
décès de son fils Pierre "âgé d'environ
treize ans".
Le "vingt six nivôse an six de
la République (15 janvier 1798)
Claude VALANTIN citoien
demeurant audit Propières" comparaît en mairie,
accompagné de son fils Jean-Benoît âgé de
24 ans, pour déclarer la naissance de son fils
Jean-Antoine.
"L'agent municipal" précise :
"J'ai rédigé le présent acte que j'ai
signé avec VALENTIN père, non les témoins pour
ne le savoir faire, de ce interpellés".
Claude aurait donc appris à
signer, à 47 ans, entre mi 1796 et fin 1797.
Mais, bizarrement, sur cet acte ne
figure aucune signature de VALENTIN !
Seul VERMOREL, "agent municipal" de Propières y a
apposé sa griffe.
Il est vrai qu'il s'agit de la copie des actes d'état civil
destinée au tribunal, et peut-être fut-elle
rédigée après coup, une fois les
déclarants partis.
Claude prend en fermage une terre
à Propières.
Le bail est passé devant notaire le quinze ventôse an
six (5 mars 1798), acte que toutes les parties signent "à
l'exception dudit Claude VALENTIN pour ne savoir écrire ainsy
qu'il l'a déclaré
"
En trois mois, il aurait perdu ses rudiments ?
Peut être est-il encore malhabile et préfère-t-il
dire ne pas savoir signer ?
Claude VALENTIN, domicilié
depuis peu à Saint Léger sous la Bussière, vend
à Pierre COLLONGE et Jean GOUILLAND, domiciliés
à Propières, un bois appellé Tailli
Troncy.
Acte est passé à Matour
le vingt deux prairial l'an douze de la République (11 juin
1804), "en présence de Jean Marie BREGON domicilié
à Matour, et de Laurent EMIEUX, négociant audit lieu,
témoins requis qui ont signés avec VALENTIN, les autres
parties ont déclarés ne savoir signer, de ce
enquis".
Nous avons, grâce à ce
document, sa première signature :
Il signera un autre acte
notarié cette année là, le 3 thermidor an douze
(22 juillet 1804), soit quelques jours plus tard.
Il est intéressant de comparer les deux signatures :
En avril 1808, avec son fils
Jean-Benoît, il achète la maison et les terres au hameau
de La Garde, à Saint Léger sous la Bussière :
L'année suivante il
rédige son testament.
Il a 60 ans et sa signature est ferme :
Michel Guironnet
décembre 2002

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Léger sous la Bussière
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