"Napoléon,
par la grâce de Dieu et les constitutions de l'Etat, Empereur
des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la
Confédération du Rhin, à tous présents et
avenir salut"
Ainsi commence cet acte
notarié. Nous sommes le 23 juin 1809. Le Premier Empire est
à son apogée, s'étendant sur une grande partie
de l'Europe.
"
Par devant
Jean-François BARRAUD, notaire impérial résidant
à Tramayes
soussigné et en présence des
témoins après nommés,
furent présents Claude VALLENTIN et de son autorité
procédant Claudine CORGIER sa femme d'une part, et
Jean-Benoît VALLENTIN, garçon, leur fils ; tous
propriétaires demeurant à Saint Léger sous la
Bussière d'autre part.
Lesquels ont dit qu'ils ont acquis par tiers de M. De LA CHARME
notaire à Matour, suivant l'acte reçu Me CHAIX notaire
audit Matour, sous sa date enregistrée au rapport des parties,
un petit domaine situé audit Saint Léger, lieu-dit
La Garde, savoir les deux tiers par les mariés VALLENTIN
et CORGIER, et l'autre tiers par ledit Jean Benoît VALLENTIN,
qui est resté indivis entre les parties jusqu'à ce jour
et qu'elles ont partagé entre elles de la manière
suivante tel qu'ils en sont en jouissance."
Claude va avoir soixante ans dans
quelques jours. Claudine CORGIER les a eus en février.
Jean-Benoît a trente et un ans depuis janvier dernier.
La Garde, à St
Léger sous la Bussière, photographiée en
2003
Grâce à cet acte
conservé dans les archives familiales, nous en savons un peu
plus sur les conditions de l'acquisition de La Garde un an plus
tôt. La suite du texte va nous renseigner plus exactement sur
le nom et l'endroit des terres achetées, la topographie
des lieux et des chemins, le nom des voisins.
Les termes du partage sont tenus d'être précis et
détaillés pour bien délimiter les
propriétés de chacun.
Précisons que "de matin" indique l'Est (où se
lève le soleil, autrement dit le Levant ou l'Orient) ; "de
midi" égale le Sud ; "de bize" égale le Nord ; "de
soir" indique l'Ouest (là où se couche le soleil, ou
bien le Couchant ou l'Occident).
Les bâtiments, cour et
jardin
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1/ pour les bâtiments
à Jean-Benoît, "
le tiers d'yceux sur toute la
longueur et la largeur d'iceux, à prendre du côté
des bâtiments et cour de Jean GUILLEMIN, faisant matin à
la cour et portion de bâtiments du fils VALLENTIN, de midi
le chemin allant à la fontaine, de bize les
bâtiments des héritiers BESSON, et de soir, les deux
tiers des bâtiments restant auxdits mariés VALLENTIN et
CORGIER."
Les servitudes sont aussi
réglementées : "leur cour prélevée (celle
des époux VALENTIN) l'aizance au delà sera
partagé par moitié entre les père et mère
VALLENTIN et leur fils
"
"Pour séparer le tiers des bâtiments du fils VALLENTIN
des deux tiers des mariés VALLENTIN, il sera construit un
mur à frais communs et il sera mitoyen. Entretiendront les
dites parties les murs et barrières de leur cour et aizances
aussi à commun frais, et auront les parties respectivement
leur passage pour aller de la fontaine à la croix."
"Aura ledit fils VALLENTIN le tiers du jardin audit domaine
à prendre du côté de soir, jouxte de matin les
deux tiers dudit jardin restant aux mariés VALLENTIN, de soir
et de midi les verchères et jardin dudit Jean GUILLEMIN et de
bize les jardins des héritiers BESSON."
"Passera le fils VALLENTIN pour la desserte de son jardin dans
l'allée du milieu de celui des père et mère
VALLENTIN."
Partage et bornage des
terres
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2/ "Prélèvera le fils
VALLENTIN le tiers dans le pré appelé La Garde,
à prendre du côté de bize sur toute sa longueur,
cette portion confinée par la rivière de Grosne
du côté de matin, de midi le surplus dudit pré,
de soir le chemin de St Léger aux Lévriers, et
de bize le pré de GUILLEMIN."
3/ "Prélèvera
également le tiers dans le pré de La Grande
Belouze, à prendre du côté de bize, aussi sur
toute sa longueur, confiné de matin par le pré de
NAVAIZARD, de midi le surplus dudit pré, de soir un chemin
d'aizance et de bize le pré de GUILLEMIN."
4/ Jean-Benoît
"prélèvera
sa part et portion dans le
pré appelé La Siagne, qui sera d'un tiers
à prendre en soir dudit pré, de midi la terre de Pierre
PHILIBERT, de soir le pré de François AULAS,et de bize
la rivière de Grosne ; les bornes seront plantées de
midi en bize et à droite ligne."
5/ Il aura aussi le tiers "à
prendre dans la verchère appelée Dessous du
côté de bize, qui sera séparée par deux
bornes plantées à droite ligne visante de matin en
soir."
6/ "Il aura dans la
verchère appelée Derrière son tiers
à prendre au midi, séparé par deux bornes
visantes de matin en soir."
7/ Jean-Benoît prendra un tiers
"du côté de soir dans la terre appelée Mat ou
Abaïsse ? séparé par deux bornes qui viseront
de midi en bize."
8/ Il prendra "son tiers dans la
terre appelée Golaine, à prendre du
côté de midi, et qui sera séparée du
surplus par deux bornes visantes de matin en soir."
9/ Un tiers aussi "dans le bois
appelé Artaud à prendre du côté de
midi, qui sera séparé par deux bornes gisantes de matin
en soir."
10/ Autre tiers "dans le bois
appelé La Brosse, à prendre du côté de
matin, séparé par deux bornes gisantes de midi en
bise."
11/ "Son tiers dans la terre
appelée La Montagne, à prendre du côté
de matin, séparé par deux bornes qui viseront de midi
en bise."
12/ "Aura le fils VALLENTIN la
moitié de la terre appelée Les Petites Roches
à prendre en matin d'icelle qui sera séparée par
deux bornes visantes de midi en bize."
13/ "La totalité de la
terre appelée verchère Dessus."
14/ "La totalité de la
terre appelée Les Perrières, et la portion de
la commune appartenant aux père et mère VALLENTIN
indivise d'avec les portions des autres acquéreurs du
domaine de La Garde."
La
Garde
Paragraphe important après
cette énumération des lots qui seront à l'avenir
la propriété de Jean Benoît :
"Les quatorze articles ci dessus, dont les dix derniers ne sont pas
confinés pour éviter la prolixité, sont tous
situés audit St Léger sous la Bussière, et
remplisse ledit Jean Benoît VALLENTIN de son tiers du domaine
acquis par les parties dudit Me DE LA CHARME, les deux autres tiers
appartiendront aux mariés VALLENTIN et CORGIER, même
les fonds dont il n'a été nullement parlé aux
présentes, provenant tous de la susdite acquisition
qu'autrement (expliqué), de sorte qu'ils se trouvent
parfaitement remplis de leur deux tiers."
Ainsi tout ce qui est partagé
entre Jean-Benoît et ses parents provient de la vente d'avril
1808 par Maître Antoine DELACHARME. Ils ont acquis, rappelons
le, en indivision "la huitième portion du domaine de La Garde"
et il y a même une terre (aux Perrières ?) commune et
indivise entre tous "les autres acquéreurs".
Ceux-ci sont donc les voisins des VALLENTIN, nommés par leurs
terres servant de confins aux lots partagés : les
héritiers BESSON, Pierre PHILIBERT, Jean GUILLEMIN,
François AULAS
Reste à définir les
conditions du partage :
"Auront les parties leurs passages respectifs les uns sur les autres,
et à moins de dommages, les eaux servant à l'irrigation
de leurs prés couleront comme ci devant (c'est à dire
comme auparavant)."
"Au moyen du présent partage, les parties se tiennent
respectivement quitte de toutes affaires relatives à
l'acquisition qu'elles ont faites ensemble comme sus est dit,
même de leurs autres affaires particulières."
Les récoltes sont
également l'objet d'un accord
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"Convenu (entre les parties) que
ledit Jean-Benoît VALLENTIN n'entrera en possession de son
tiers qu'à la Saint Martin prochain (c'est à dire le 11
novembre 1809) néantmoins il partagera avant cette
époque les pailles et foins et en prélèvera un
tiers, ainsi que les pailles de la même récolte,
baloux et chaloux."
Dans le "Dictionnaire du monde rural"
par Marcel LACHIVER, on trouve la définition du terme
"Balloux" : "en Mâconnais, balle, enveloppe des grains
La
balle d'avoine est dite Baloufre. Elle sert à la confection
des paillasses."
André JEANNET cite dans son "Glossaire du langage populaire de
Saône et Loire" : "Balloux et Chaloux, voir
Balasse
enveloppe de paillasse."
Les récoltes seront donc
partagées avant le battage, les grains ayant encore leur
écorce et leur paille.
Cela est important car ces criblures de céréales
permettent de remplir les couettes des lits, ce qui les rend un peu
plus confortables et chauds !
La Garde
Le texte du partage continue :
"Convenu encore que la paille de la grosse récolte qui sera
mise en terre la présente année sera partagée
par tiers et les récoltes en grains tant de cette
année, compris la même récolte, que celle de la
grosse récolte de l'année prochaine, seront
partagées par sixième."
Il faut ici expliquer que les terres
cultivées sont divisées en trois zones appelées
"soles" ; les cultures s'y succèdent de façon
alternée sur trois ans. C'est l'assolement triennal. "Sur
chaque sole, le cycle démarre avec la céréale
d'automne, froment ou seigle le plus souvent, semée en
octobre. La moisson interviendra au début du mois d'août
de l'année suivante
(Après) on sème les
"mars", c'est à dire de l'orge ou de l'avoine
"
(1)
"Ainsi parties d'accord qui ont, pour
l'exécution de tout ce que dessus, attester et
hypothéquer leurs biens situés audit St Léger ;
consistant en bâtiments, prés, terres et bois ; les
coûts à la charge, savoir les enregistrements à
celle des mariés VALLENTIN pour les deux tiers, l'autre tiers
à celle du fils, et moitié des coûts
(autres)."
La formule habituelle pour rendre
l'acte exécutoire est bien précisée :
"Mandons et ordonnons à tous huissiers sur ce requis de mettre
le présent acte à exécution, à nos
procureurs impériaux près les tribunaux de
première instance d'y tenir la main, et à tous
commandant et officiers de la force publique de prêter main
forte lorsqu'ils en seront légalement requis, en foi de quoi
nous avons fait sceller les présentes."
En cas de litige, ce qui ne manquera pas d'arriver entre les parents
VALENTIN et leur fils, c'est ce texte de juin 1809 qui servira de
référence !
"Fait, lu aux parties et aux
témoins par le notaire soussigné, et passé
à Tramayes en son étude après midi, le vingt
trois juin dix huit cent neuf, en présence de Philibert
BURTIN, cordonnier, et de Jean BURTIN, piéton, demeurant
à Tramayes, témoins requis et soussignés avec
nous notaire, et les père et fils VALLENTIN, non ladite
CORGIER pour ne le savoir faire ainsi qu'elle l'a
déclaré, de ce enquise et
sommée
"
Claude VALENTIN ainsi que son fils
Jean-Benoît signent donc l'acte de partage de 1809.
C'est la deuxième fois que Jean-Benoît signe :
"illétéré", ne sachant signer lorsqu'il vient
avec son père déclarer la naissance de son frère
Jean-Antoine à Propières le 15 janvier 1798 ; il a
déjà apposé son paraphe au bas de l'acte d'achat
de La Garde en 1808.
Michel Guironnet
mai 2003
(1) "Les paysans dans la
société française" par Annie MOULIN
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vers St
Léger sous la Bussière
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https://www.stleger.info