La famille VALENTIN au Hameau de La Garde et aux Lévriers
à St Léger sous la Bussière, entre 1804 et 1830
  
 

 

artage de propriété à La Garde (juin 1809)

 

 

"Napoléon, par la grâce de Dieu et les constitutions de l'Etat, Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, à tous présents et avenir salut"

Ainsi commence cet acte notarié. Nous sommes le 23 juin 1809. Le Premier Empire est à son apogée, s'étendant sur une grande partie de l'Europe.

" …Par devant Jean-François BARRAUD, notaire impérial résidant à Tramayes…soussigné et en présence des témoins après nommés,
furent présents Claude VALLENTIN et de son autorité procédant Claudine CORGIER sa femme d'une part, et Jean-Benoît VALLENTIN, garçon, leur fils ; tous propriétaires demeurant à Saint Léger sous la Bussière d'autre part.
Lesquels ont dit qu'ils ont acquis par tiers de M. De LA CHARME notaire à Matour, suivant l'acte reçu Me CHAIX notaire audit Matour, sous sa date enregistrée au rapport des parties, un petit domaine situé audit Saint Léger, lieu-dit La Garde, savoir les deux tiers par les mariés VALLENTIN et CORGIER, et l'autre tiers par ledit Jean Benoît VALLENTIN, qui est resté indivis entre les parties jusqu'à ce jour et qu'elles ont partagé entre elles de la manière suivante tel qu'ils en sont en jouissance."

Claude va avoir soixante ans dans quelques jours. Claudine CORGIER les a eus en février. Jean-Benoît a trente et un ans depuis janvier dernier.

 

La Garde, à St Léger sous la Bussière, photographiée en 2003

 

Grâce à cet acte conservé dans les archives familiales, nous en savons un peu plus sur les conditions de l'acquisition de La Garde un an plus tôt. La suite du texte va nous renseigner plus exactement sur le nom et l'endroit des terres achetées, la topographie des lieux et des chemins, le nom des voisins.
Les termes du partage sont tenus d'être précis et détaillés pour bien délimiter les propriétés de chacun.
Précisons que "de matin" indique l'Est (où se lève le soleil, autrement dit le Levant ou l'Orient) ; "de midi" égale le Sud ; "de bize" égale le Nord ; "de soir" indique l'Ouest (là où se couche le soleil, ou bien le Couchant ou l'Occident).

 

 

Les bâtiments, cour et jardin

 

1/ pour les bâtiments à Jean-Benoît, "…le tiers d'yceux sur toute la longueur et la largeur d'iceux, à prendre du côté des bâtiments et cour de Jean GUILLEMIN, faisant matin à la cour et portion de bâtiments du fils VALLENTIN, de midi le chemin allant à la fontaine, de bize les bâtiments des héritiers BESSON, et de soir, les deux tiers des bâtiments restant auxdits mariés VALLENTIN et CORGIER."

Les servitudes sont aussi réglementées : "leur cour prélevée (celle des époux VALENTIN) l'aizance au delà sera partagé par moitié entre les père et mère VALLENTIN et leur fils…"
"Pour séparer le tiers des bâtiments du fils VALLENTIN des deux tiers des mariés VALLENTIN, il sera construit un mur à frais communs et il sera mitoyen. Entretiendront les dites parties les murs et barrières de leur cour et aizances aussi à commun frais, et auront les parties respectivement leur passage pour aller de la fontaine à la croix."
"Aura ledit fils VALLENTIN le tiers du jardin audit domaine à prendre du côté de soir, jouxte de matin les deux tiers dudit jardin restant aux mariés VALLENTIN, de soir et de midi les verchères et jardin dudit Jean GUILLEMIN et de bize les jardins des héritiers BESSON."
"Passera le fils VALLENTIN pour la desserte de son jardin dans l'allée du milieu de celui des père et mère VALLENTIN."

 

 

Partage et bornage des terres

 

2/ "Prélèvera le fils VALLENTIN le tiers dans le pré appelé La Garde, à prendre du côté de bize sur toute sa longueur, cette portion confinée par la rivière de Grosne du côté de matin, de midi le surplus dudit pré, de soir le chemin de St Léger aux Lévriers, et de bize le pré de GUILLEMIN."

3/ "Prélèvera également le tiers dans le pré de La Grande Belouze, à prendre du côté de bize, aussi sur toute sa longueur, confiné de matin par le pré de NAVAIZARD, de midi le surplus dudit pré, de soir un chemin d'aizance et de bize le pré de GUILLEMIN."

4/ Jean-Benoît "prélèvera…sa part et portion dans le pré appelé La Siagne, qui sera d'un tiers à prendre en soir dudit pré, de midi la terre de Pierre PHILIBERT, de soir le pré de François AULAS,et de bize la rivière de Grosne ; les bornes seront plantées de midi en bize et à droite ligne."

5/ Il aura aussi le tiers "à prendre dans la verchère appelée Dessous du côté de bize, qui sera séparée par deux bornes plantées à droite ligne visante de matin en soir."

6/ "Il aura dans la verchère appelée Derrière son tiers à prendre au midi, séparé par deux bornes visantes de matin en soir."

7/ Jean-Benoît prendra un tiers "du côté de soir dans la terre appelée Mat ou Abaïsse ? séparé par deux bornes qui viseront de midi en bize."

8/ Il prendra "son tiers dans la terre appelée Golaine, à prendre du côté de midi, et qui sera séparée du surplus par deux bornes visantes de matin en soir."

9/ Un tiers aussi "dans le bois appelé Artaud à prendre du côté de midi, qui sera séparé par deux bornes gisantes de matin en soir."

10/ Autre tiers "dans le bois appelé La Brosse, à prendre du côté de matin, séparé par deux bornes gisantes de midi en bise."

11/ "Son tiers dans la terre appelée La Montagne, à prendre du côté de matin, séparé par deux bornes qui viseront de midi en bise."

12/ "Aura le fils VALLENTIN la moitié de la terre appelée Les Petites Roches à prendre en matin d'icelle qui sera séparée par deux bornes visantes de midi en bize."

13/ "La totalité de la terre appelée verchère Dessus."

14/ "La totalité de la terre appelée Les Perrières, et la portion de la commune appartenant aux père et mère VALLENTIN indivise d'avec les portions des autres acquéreurs du domaine de La Garde."

 

La Garde

 

Paragraphe important après cette énumération des lots qui seront à l'avenir la propriété de Jean Benoît :
"Les quatorze articles ci dessus, dont les dix derniers ne sont pas confinés pour éviter la prolixité, sont tous situés audit St Léger sous la Bussière, et remplisse ledit Jean Benoît VALLENTIN de son tiers du domaine acquis par les parties dudit Me DE LA CHARME, les deux autres tiers appartiendront aux mariés VALLENTIN et CORGIER, même les fonds dont il n'a été nullement parlé aux présentes, provenant tous de la susdite acquisition qu'autrement (expliqué), de sorte qu'ils se trouvent parfaitement remplis de leur deux tiers."

Ainsi tout ce qui est partagé entre Jean-Benoît et ses parents provient de la vente d'avril 1808 par Maître Antoine DELACHARME. Ils ont acquis, rappelons le, en indivision "la huitième portion du domaine de La Garde" et il y a même une terre (aux Perrières ?) commune et indivise entre tous "les autres acquéreurs".
Ceux-ci sont donc les voisins des VALLENTIN, nommés par leurs terres servant de confins aux lots partagés : les héritiers BESSON, Pierre PHILIBERT, Jean GUILLEMIN, François AULAS…

Reste à définir les conditions du partage :
"Auront les parties leurs passages respectifs les uns sur les autres, et à moins de dommages, les eaux servant à l'irrigation de leurs prés couleront comme ci devant (c'est à dire comme auparavant)."
"Au moyen du présent partage, les parties se tiennent respectivement quitte de toutes affaires relatives à l'acquisition qu'elles ont faites ensemble comme sus est dit, même de leurs autres affaires particulières."

 

 

Les récoltes sont également l'objet d'un accord

 

"Convenu (entre les parties) que ledit Jean-Benoît VALLENTIN n'entrera en possession de son tiers qu'à la Saint Martin prochain (c'est à dire le 11 novembre 1809) néantmoins il partagera avant cette époque les pailles et foins et en prélèvera un tiers, ainsi que les pailles de la même récolte, baloux et chaloux."

Dans le "Dictionnaire du monde rural" par Marcel LACHIVER, on trouve la définition du terme "Balloux" : "en Mâconnais, balle, enveloppe des grains…La balle d'avoine est dite Baloufre. Elle sert à la confection des paillasses."
André JEANNET cite dans son "Glossaire du langage populaire de Saône et Loire" : "Balloux et Chaloux, voir Balasse…enveloppe de paillasse."

Les récoltes seront donc partagées avant le battage, les grains ayant encore leur écorce et leur paille.
Cela est important car ces criblures de céréales permettent de remplir les couettes des lits, ce qui les rend un peu plus confortables et chauds !

 

La Garde

 

Le texte du partage continue :
"Convenu encore que la paille de la grosse récolte qui sera mise en terre la présente année sera partagée par tiers et les récoltes en grains tant de cette année, compris la même récolte, que celle de la grosse récolte de l'année prochaine, seront partagées par sixième."

Il faut ici expliquer que les terres cultivées sont divisées en trois zones appelées "soles" ; les cultures s'y succèdent de façon alternée sur trois ans. C'est l'assolement triennal. "Sur chaque sole, le cycle démarre avec la céréale d'automne, froment ou seigle le plus souvent, semée en octobre. La moisson interviendra au début du mois d'août de l'année suivante…(Après) on sème les "mars", c'est à dire de l'orge ou de l'avoine…" (1)

"Ainsi parties d'accord qui ont, pour l'exécution de tout ce que dessus, attester et hypothéquer leurs biens situés audit St Léger ; consistant en bâtiments, prés, terres et bois ; les coûts à la charge, savoir les enregistrements à celle des mariés VALLENTIN pour les deux tiers, l'autre tiers à celle du fils, et moitié des coûts (autres)."

La formule habituelle pour rendre l'acte exécutoire est bien précisée :
"Mandons et ordonnons à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent acte à exécution, à nos procureurs impériaux près les tribunaux de première instance d'y tenir la main, et à tous commandant et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis, en foi de quoi nous avons fait sceller les présentes."
En cas de litige, ce qui ne manquera pas d'arriver entre les parents VALENTIN et leur fils, c'est ce texte de juin 1809 qui servira de référence !

"Fait, lu aux parties et aux témoins par le notaire soussigné, et passé à Tramayes en son étude après midi, le vingt trois juin dix huit cent neuf, en présence de Philibert BURTIN, cordonnier, et de Jean BURTIN, piéton, demeurant à Tramayes, témoins requis et soussignés avec nous notaire, et les père et fils VALLENTIN, non ladite CORGIER pour ne le savoir faire ainsi qu'elle l'a déclaré, de ce enquise et sommée…"

Claude VALENTIN ainsi que son fils Jean-Benoît signent donc l'acte de partage de 1809.
C'est la deuxième fois que Jean-Benoît signe : "illétéré", ne sachant signer lorsqu'il vient avec son père déclarer la naissance de son frère Jean-Antoine à Propières le 15 janvier 1798 ; il a déjà apposé son paraphe au bas de l'acte d'achat de La Garde en 1808.

Michel Guironnet
mai 2003

 

(1) "Les paysans dans la société française" par Annie MOULIN

 

 

01

Petite histoire de St Léger sous la Bussière

02

Les Valentin s'installent à St Léger

03

Marraine et conscrit Valentin

04

Mariages des enfants Valentin à St Léger

05

"L'Ogre et les conscrits" (1807) 

06

Achat du domaine de La Garde à St Léger (1808)

07

Revenus des paysans et valeur de l'argent

08

Les "dernières volontés" des époux Valentin

09

Partage de propriété à La Garde (juin 1809)

10

Claude Valentin, "illétéré, de ce enquis"

11

Le mariage de Jean-Benoît (1811)

12

Histoire d'un contrat de mariage "double" (1812)

13

Le prix de la terre (1817)

14

La mort du père Claude Valentin (1821)

15

La descendance est assurée (1821/1826)

16

Les malheurs de Jean-Benoît Valentin

17

La mort de Claudine, la grand-mère (1828)

18

La mort de Jean-Benoît Valentin (1830)

19

Inventaire au domicile de Jean-Benoît Valentin

20

Vente des biens délaissés par Jean-Benoît Valentin

 

vers St Léger sous la Bussière

 

 

 

 

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