Ainsi
que l'écrit fort justement Gabriel AUDISIO, "la conversion des
prix ou des salaires (des siècles passés) en francs
actuels n'a pas grand sens. Il importe en revanche de mettre en
rapport les dépenses et les revenus si l'on veut
apprécier le niveau de vie des travailleurs des champs."
(1)
Cela n'a pas grand sens en effet de
chercher une correspondance des valeurs en monnaie de nos
ancêtres avec la monnaie actuelle. Nos ancêtres ne
dépensaient pas comme nous, leur strict nécessaire
n'était pas le nôtre.
Peu de meubles, peu de vêtements, une seule paire de sabots ou
de souliers, un chapeau, peu de diversité dans la nourriture,
pas de "distractions", pas de vacances, pas de cotisations sociales,
des impôts relativement lourds.
Leur seul luxe : épargner pour les mauvais jours.
On ne peut établir de
comparaison utile de revenus ou de train de vie qu'entre des
personnes de la même époque et de la même zone
géographique.
Que gagnait un artisan, que gagnait un domestique, quels revenus pour
un métayer, un paysan propriétaire de sa terre ?
En contrepartie, combien coûtait le pain blanc, le pain de
farines mélangées (qui constituait l'essentiel de
l'alimentation), un kilo de viande, un poulet, les oeufs, le setier
de blé, un habit neuf, un arpent de terre ?
A la campagne, on se logeait à
l'étroit dans un minimum de pièces, pas toujours
chauffées.
Chacun faisait pousser ses légumes dans son lopin de terre,
les artisans fabriquaient eux-mêmes leurs outils, et les
réparaient pour les faire durer le plus longtemps possible.
Un ouvrier agricole pouvait gagner
parfois moins ou parfois plus selon les années, mais il faut
aussi prendre en compte la dévaluation de la monnaie, la
spéculation sur les grains, les impôts exceptionnels
pour permettre par exemple au pouvoir en place alors de poursuivre
une guerre.
On vivait beaucoup à
crédit, on ne payait pas toujours ses dettes en temps voulu,
mais souvent aussi on ne payait pas non plus les gages des
domestiques (des retards de plusieurs années).
Il faut lire des inventaires
après décès, des contrats de mariage, dans une
même société à une époque
donnée, pour situer la richesse d'un ancêtre par rapport
aux autres.
Sous le Premier Empire, "les salaires
des moissonneurs saisonniers en Seine-et-Marne sont de 40 à 50
francs pour les hommes, de 30 à 40 francs pour les femmes,
nourris et logés. LAMARTINE indique qu'à Milly, les
gages des serviteurs consistaient en dix écus par an (30
francs), six aunes de toile écrue pour les chemises, deux
paires de sabots, quelques aunes d'étoffe pour les jupons des
femmes et cinq francs d'étrennes au Jour de l'An. Le
préfet de la Moselle, calculant le prix des choses
nécessaires à la vie d'un journalier (1/4 de livre de
lard à 0,15 franc, 2 livres de légumes à 0,15
franc, un pain de 5 livres à 0,50 franc et du bois) estime
qu'en tenant compte de la valeur du travail de sa femme,
évalué à 0,20 franc, il reste au manouvrier 0,23
franc pour son logement, ses vêtements, son entretien et celui
de sa famille." (2)
Ma mère se rappelle avoir
entendu dire qu'un parent de sa grand-mère, un oncle ou un
grand-oncle, valet de ferme, avait pour salaire annuel une chemise de
toile, une paire de sabots, et une mesure de blé (environ dix
kilos) il était logé et nourri.
Pour connaître ce niveau de vie
de nos ancêtres dans le Haut Beaujolais puis le
Mâconnais, la remarquable étude de Gilbert GARRIER nous
est bien utile (3)
:
Salaires ruraux pour des ouvriers
masculins adultes, non nourris, en période estivale de gros
travaux :
1800 - 1805
|
1806 -
1810
|
salaire
journalier
|
1,60 franc
|
1,85 franc
|
pour un journalier agricole
pour la fauchaison, les moissons
|
1,50 franc
|
1,75 franc
|
pour un bouvier qui conduit
les bufs pour les labours
|
2,20 francs
|
2,75 francs
|
pour un artisan
qualifié tel que couvreur ou maçon
|
Un "domestique de culture", nourri et
logé, touche 180 francs à 200 francs de gages annuels
entre 1800 et 1810.
Le coût de la vie : "il doit
être connu, du moins dans ses grandes lignes, pour transformer
des revenus monétaires en revenus réels
par
rapport aux divers (prix) des biens de consommation" :
Prix au kilogramme entre 1800 et
1810 :
- Pain "à tout" (seigle) :
0,25 franc
- Pain "bis" (seigle et froment) :
0,30 franc
- Beurre : 1 franc
- Une douzaine d'ufs
coûte 0,40 franc.
- Une "pièce" (216 litres)
de vin se vend à la récolte 30 francs vers 1805 et
55 francs vers 1808.
Michel Guironnet
mai 2003
(1) "Les français d'hier : des
paysans XV°- XIX° siècle"
(2) Jean TULARD "La vie quotidienne
des français sous Napoléon"
(3) "Paysans du Beaujolais et du
Lyonnais (1800-1970)" par Gilbert GARRIER, Maître de
conférences à l'université de Lyon II,
publié par le Centre d'Histoire économique et sociale
de la région lyonnaise (Presses universitaires de Grenoble
1973). On lira surtout avec profit, dans la première partie :
structures économiques et sociales anciennes - première
moitié du XIX° siècle, le chapitre V : les revenus
(pages 229 et suivantes).

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